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LE MONDE DES OBJETS DANS LES ROUGON-MACQUART.

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(1)

LE MONDE DES OBJETS DANS LES ROUGON-MACQUART. ;

La démarche de Zola est bien du XIXe si~cle en ceci qu' elle vise à étu- dier systématiquement le monde réel et

à

définir la place que l'homm~

y occupe. Ce monde des objets et des environnements est la représenta- tion physique et littéraire de la détermination humaine par le milieu •.

Zola, qui en aborde aU départ l'étude avec des pretentions scientifiques~

décc.uvre rapidement que les objets constituent un monde vivant.

Dès lors,il s'applique à dégager la v:ie des objets et à la trans- poser dans son oeuvre. Représentation systématique çiu tout par un~ par- tie priv.ilégiée,emploi d'un vocabulaire particulier,grossissement,répé- tition,généralisation,autant de procédés épiques qu'il utilise pour charger certains objets d'une valeur symbolique et lyrique,et pour les animer,au point d'en faire des personnages romanesques.

Sur le plan de l'action,les objets la mod~lent parfois directement, la déterminent souvent de façon indirecte en exerçant des pressions sur les personnages,ou,dans car_tains cas,se bornent seulement ~ la refléter.

Dans leurs relations avec les personnages,i1s illustrent, sur un plan 1i- mité,les rapports entre l'homme et la nature, conflit, sous des formes multiples, harmonie, dans certaines conditions bien partieu1i~res,ou

~ encore indifférence et incompréhension.

Dans son étude du monde des objets, Zola,

à

partir d'un point de dé- part et d'une méthode positivistes,ré~~le un tempérament romantique,abor- de des th~es expressionnistes,exprime une vision du monde animiste et

p~théiste,et débouche finalement sur une morale naturaliste visant

à

ramener l'homme

à

sa place dans un monde où les lois de la nature et de la vie,~onnues par l'étude du monde réel, seraient enfin respectées.

(2)

JACQUES BBNRY

A th.sis 81lba1ttecl to

the lI'aoulvof GN.duate Studi •• and Besearoh

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Umversi

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in ~l taltilaent ot the l"equ11wumts tOl" the cie&r- ot Haster ot Arts

Diepartm.nt ot French langage ard L1 tC'ature

Ju:q 1970

®

Jacques Henry 19'71

(3)

Introduction 1 Ch. 1.

Ch. 2.

Ch.

3.

Ch. 4.

Ch. .5.

Ch.

6.

Conclusion.

TABLE DES MATIERES.

Science et littérature au XIXe siècle. p. 1 ZOla et le na turalisne. p. 7

Les objets. inventaire et classification. p. 14 Mle des objets au niveau de l'action. p.

33

Mle des objets au niveau des personnages. p • .50 Valeur lyrique. lec grands thèmes. p. 73

Les techniques littéraires. p. 9.5 Portée de l'oeuvre. p. 108

(4)

IN'l'.RODUCTIOB. SCIENCE ET LI'!'TERA.TURE AU XIXe ~lE

Historiquement, ZOla est contcporain de la révolution in- dustrielle qü & lait du XIIe si~le l'un des j810ns les plus importants de l'4volution de la 8001éU occidentale. AS2l"'s des s1t.cles de .~cul.ations, d'étude. abstn1tes de l'hOJllll18 au sein d'un monde justifié 1=81" la sécurisant. présence de la religion, se

trouvent subi teillent Nwr1es des do~es exceptionnelles qui déter- m1neront un changement radical dans l'orientation de la peuée et de l'activité humaines, et, 1=81' contrecoup, de la littérature.

la plus 1aportante de ces dollllées est l'importance nouvelle de la science, ent.:ln libérée de 1& PlUosopne et en quête d'une sp'c1t1c1té qui sera 8& cond1t.1.on d'G1stence. 8t. lAmarck, Ci1'v1er, Geotfroy Saint-Hilaire, au début du si"'1e .ont encore par bien des eStés reliés l la pn.~.o80Pl1e et l 1& critique sc1ent1t1que, l la recherche d'une qstématiat10n globale du réel, Arago, Bit.rllard, Pasteur et Blrthelot, 1=81" contre, en traft111ant 8Ul" des aspecta ap'o1t1ques de la science, annoncent le débit d'une cploration q.- témat1que du réel,

baN.

SUl" la connaissance emplrique des faits,

plu~t que sur la spéculation.

Cette orientation nouvelle de la science ne se maniteste pas seuleent 1=81' une IQ'l'iade de réal1at1ons (découvC'te de 18 corp.

s1aples, classés et typés plr Mendélé1ett, découv..te de la qu1D1ne,

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()

/2

strychnine, d.1g1. taline et du chlorotorme, applioation médicale de l'anesthésie, de l'hyplotisme, de la stéril1 ... tion et des vaccins.

En Jlb3r81.que, découverte de l'intra-rouge et de l'ultra-violet, tra- vaux divers sur l'é1ec~que et l'électromagnétisme ains1. que sur la 11Dd.ve et la raclio-activité (Aapère, Faraday, Grame, Edison, Maxwell, Roetagen et Becquerel». Elle.e maniteste éga1eent par une a tU tude nouvelle envers le monde. Pour la pre1ère tois dan.

l'histoire .'éll.bore une étude rationnelle du monde, basée sur un démontage logique, une obllervation contralée et vérifiée. C'est un mouTeent qui aura de. répercu.sions dans toutes le. sPtves de l'ac- ti vi té humaine.

Intluence nouvelle sur la pb110sopne, oh le pos1t1sivilllle révolutionne les anciens cadre. en renonçant l ohercher l'alpha et l'OIléga de l'univers pour .'attacher l la oonD&1.s8&nce de ses loi.

l l'aide d'upérienoes et d'ob.ervations. Comte proolame le troisi- . e 4ge de la pnlosopne, Taine «Itp1ique les comporteents humains par un déterminisme absolu, basé sur un jeu de _cani8llles intell1gi- b1es et démontrables.

"Des idéologues de 1820 aux po si ti vistes de 1860 aux na- turalistes de 1880, 1& obdne reste très solidllllent ten- due, l'hostilité centre le laisser-aller de l'imagination et le mépris voul~ de la raison ne dé8&1'Dl8. jamais au cour.

du n I siècle." (1).

(1) Pierre Martino, Le Haturali.e trançai., (Armand. Colin, Paris 192), p. 8.

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InnueDOe sur l'ordre social o~ la bourgeoia1e s'est _parée graduell_ent des pz'1ncipaux rouages de la sociéU et, par son fd-

tort de production moderne et efficace, bouleverse les valeurs tra- ditionnelles JX)ur placer au premier rang un matél"iali.e utilita- riste et prapatique. Ce DOUV_U cadre libéral, axé sur l'efficaci- té, le JlI'Opoès éconolll1que et la mdtrise de la maUve, constitue un terrain tert1.1e JX)ur toutes les _p.irJ:8llOGS vi.nt l mieux COD- ndtre la réalité, expériences tant scientifiques que littéraires.

Innuence sur le travail hœu.1n o~ la structure arU.Dale de l'irxlustrie tait place l la société de production. 1& tradi tiOD- nelle relation d'harmonie entre l'hoJllllle et la Dature est aœDCionDISe au proot1t d'un eftort tit.aneaque l l'échelle des Dations JX)ur dold.- ner la maUve par la tecJm1que. JX)ur assurer la vie hua1ne par la atiluoe avec des 1IO,..na proJX)rtionnés l la paDCieur de la taohe.

l'eftort humain ou aD1mal est r_placé ou multiplié par de nouvelles sources d'énergie. machine l vapeur, moteur l gaz, tur1:d.ne h1drau- lique. la fraiseuse remplaoe le travail Id.nutieux de l'artisan. On assiste l la wsaance d' .tres mécaDiques, giganteaques et monstrueux, JX)ssédant une vie quasi-indépendante œ t'tant au l'J'tbme de oe a1~le de géants.

Ces nouvelles coDdi t.1.ons de travail de la révolution industriel- le ont provoqué la création d'un prolétariat ouvrier, pauvre, peu considéré, sans instruotion ni riohesse Di pdssance, mais dont l'ef-

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/4

tort devient le moteur pl'incipa1 de l'ordre nouv.u. Issus de la révolution industrielle, les divers JIOUVcents socialistes, en oftV1'&nt l l'erlension du pouvoir dâocratique et l l'amél1ora- tion des oonditions de vie, constituent le t8l'lllent d'une nouvelle révolution et soulignent la mort dén.D1t.1ve de l'ordre ancien.

l"tude de l'homIle p81'Ohologique et in'Wr1ar n'1nUresse plus personne. toute l'attention est orientée vers le moncle extérieur et les cond:1tioDS de vie qu'U 1Ilpose, et ce, l l'échelle interna- tiona1e.

Des chang.ents aussi protoDIU et aussi majlQJ's ne peuvent pas atre _na ett.t sur la 1:1tUrature, retl.et pl'ivi1igi' des pré- occupations humaines. me suit cloDO le JIOuv.ent et s'oriente .lle aussi vars une d.scouverte du JIIOMe .térieur et une 'tude aussi objective que possible des ooaporteaents humains,

"On peut dire que cel1d.-c1 (l'hcIIu) était dans toute la cNa tion le s8l1l.

ttre

qui se vit recoDD&ftre de la dignité par notre l1ttérature classique,

en.

n"tud1ait en lui que ses caractt.res POOF8s, elle ne poojetait de l.wa1ère que sur ses anUJaents et sur ses paslions, elle tentai t partois de dégager les 1:1ans qui l'UDissent l son Créateur. C'est 'b1an toujours l'hoBle 8Xpl"1Jaant spontanément ses joies et 88S 80uttrances qui reste au centre de notre Roant1 . . e. Zola est, plus que tout autre, responsable de la révolntlon qu'accomplit le Ia- tur&l.:hme. autour de l'm-. 88 dégage le jeu des

tor-

ces naturelles qui le tagonnent et qui l'.pliquent." (1).

(1) ~ Robert, Jb11e Zola. J!'1Dc1pes et caractVes généraux de son oeuvre, (!Sris, Les Belles Lettres, 1952), p. 113.

(8)

o

Zola, s'il est le point d'aboutissanent de oette démarche nouvelle, s'il en est le re}rt$sentant le plus sensible et le plus conscient, n'est pourtant pas un JlOftteur. 1& trad1tion ol"'1tique a gén&ralanent fixé quatre ,tapes importantes de oette évolut.1.oDo

la praa:1k-e est Stendhal. Ch_ lui, le réalisme est blen davantage un moyen qu'un blta cadrer ses personnages, d-'limiter le champ de son investigation psychologique, relever l'1ntérlt du lecteur. Stendhal projette ses désirs et ses frustrations dans son roJan, mais pour atteindre leur bat, ces projections, ce.

oompensations doivent se situer dans un cadre réaliste.

On grand pas est tr&nchi avec la teohm que roanesque d.

Blluo et 8& théorie des D1ilieax. Pour lD1 oOlIIIe pour les po si ti- vi stes , DOn seulanent le monde JJb1'sique est davantage l'objet du roman qUG le monde moral ou pçohologtque, mais surtout, l'objet explique l'hollllll8, déteint sur lui, le 81tue. Pour Baluo, connaf- tre le monde ~sique dans S8S moindres détails, o'est oonndtre l'hOllllll8 et ses comportaaents.

n

ne s'agit alors que d'une inter- prétation, basée sur une solide oonnaissanoe de la réalité.

~1sitae ,tape, Flaubert. Intimanent déchiré entre le moMe du rlYe et oelui de la réa 11 té, il nous intéresse io1 par sa oonception du roan. Le Fader, il applie sol1danent l'oeuvre littéraire sur la science et sur une rigoureuse et 1mpoante docu-

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16

mentation. !l'aire river et créer des mythes, mais umquement par une peinture réaliste et impersonnelle d'une situation vrai. ou vraisemblable.

P1nalemant, les Goncourt introduisent le dooumant humain dans la description du morxle. S'attachant avec minutie aux taits pricis, ils peignent des situations hu!!aines avec le souci du dé- tail caractériant une 'tampe japonaise. ns am~t donc dans le réalisme une précision psychologique rmllemeüt incompatible avec

la vérité photographique de la description.

"AYee eux, 1. roman semble renoncer cWu'bérément l 80n caracttn-. roaanesqu •• il eat maintenant une anaq_, une étude, souvent trop pleine d. renseignements, avec des personnages trop repNsentatits de leur époque et de leur milieu pour Itre simplement vrais, d'une bonne . t ordinaire vérité, cODDlle le sont les individus". (1).

Méthode obj80tive, description réau'ate, aqü.icatioD des personnages par le miu'n, souci de l'humain, enqultes et documen- tation, tout eat en place pour la grande synth~se du roan natura- liste.

(1) Pierre Martino, op. oit., p. 20.

(10)

e

CHAPITRE 1. ZOLA ET LE HATU1WJJIŒ

-Boua JIIOntrons le mécanilllle de l'utile et du nuisi- ble, nous dégageons le dét81'lll1n1.e des PlénoJÙnes hu- mains et sociaux pour qu'on pnsse un jour dom1.ner et diriger ces phénommes. En un IlOt, nous travaillons avec tout le sittele l la gJ"&nde oeuvre qui est la COD- qulte de la nature, 1& pn • • noe de l'homae décuplAe.- (1).

ZOla aborde • taohe avec pour .eul bagage 88. lectures fi- évreuse. et rapides de ~ne, de Bernard et d'ouvrage. de vulpri- sation scientifique. Sédait par ces influences, i l pose camme prémisse. le déterm1D1_e absolu de l'hoDlllle et du monde. "Un mime déterm1nilllle doit régir la pierre de. chad.ns et le cerv.u de l'hamme.- (2). Au trois1tae 4ge positiviste, le monde s'c- plique par la ~s1que, l'hOllllle, par la plv's1ologie, et la soci- été, par l'action cOll1:d.Dée de. deux pred.ves. 1& déllarche œtu- ral1ste vise donc l réunir un certain nombre de donnée., l découvrir le. mécanismes et le. lois naturelle. qui le. régissent, et l en eatpl1quer le tonctionnement par un proce.su8 logique d'induction et de déduction, l partir de taits oertains tourn1s par l'obser- 'fttion et l'cpérience.

(1) ~le ZOla, -Le 1"OIII&n upérimental-, in .Antho~e de. Jré- taces de romans francais, (Pari8, Julliard,

l

,p. 282- (2)

Idem,

p. 270.

(11)

/8

... possécler le mécamane des }i1énom~nes chez l'hom- me, montrer les rouages cles manitftstations intellec- tuelles et sensuelles telles que la Pv'81ologie nous les axpl:l.quera, sous les infiuenoe cle l'hérédité et clea oirconstances amb1antes, plis montrer l'homme vi- vant dans le m1l1eu 80c1al. qu'U a produit lu1 ... ame, qu'U moclifie tous les jours et au sein duquel i l éprouve l son tour une traDatarmation continue." (1).

"ZOla oont.1nue l combattre pour l'intégration clu réel dans l'oeuvre littéraire, condition indispensable l la clécouverte de la vérité... (2).

L'étucle de la réalité clépasse donc le siIlple programme littéraire cl'une éoole. elle clevient la condition unique de toute morale et cle tout progr~s, car si l'homme tient l conté- rer une signification à ses actes, il doit acquérir la connai ....

anoe cle ses <Vnam1anes et cle ses comport.ents, ainsi que celle clu monde oft il vit. Bt cette oonnaissanee porte essentiellement sur les cletlX auteurs cle l'homme, le pr_er "intérieur" et l'autre

"Btérieur". l'hérédité et le milieu.

"ZOla a cherché l s'assurer que son oenvre serait saine en lui 1Dlposant pour caclre, pour armature, les princi- pes naturalistes, en l'assurant sur les bases solicles l

(1) Id . . , p. 27).

(2) Gu1' Robert, op. cit., p. )8.

(12)

o w

se8 yeux de l'hérédité et du milift... (1).

L'hérédité relève simplement de la ~siolog1e. L'étude du milieu est infin:1ment plus complexe et plus riche. Le milieu ambiant est d'abord un cadre ~sique et sensible. la première démarche du romancier visera 1 dét1nir ce cadre, 1 cODl1&:ftre et l analyser les éléments matériels du moude où évolueront les pel"-

sonnages. la seconde étape en saia1ra les rapports avec les hommes et l'action réciproque de création et de destruction des personnages et du monde ~s1quea

(1)

(2) (3)

"En somme, toute l'opération consiste l Fendre les tai ts dans la nature, puis l étudie le mécanillllle des taits. ( ••• ). Au bout, i l y a la connaissance d.

l'homme, la connaissance scientifique, dans son action individuelle et sociale." (2).

"ZOla 1'1 t un grand eftort pour réduire le processus de la création artistique l une sorte de travail scientifi- que. ( ••• ). Son époque lui présentait seul_ent le modlùe d'un biologiste, d'un 'naturaliste' qui travaille pati.eIIIIIlent". (3).

Michel ihvrard,

1el!.,

(Paris, ltiitions Universitaires, 1967), p. 113. la rmance critique et nécesuire suit d'ailleurs iDmIédiatanenta "le reste ne dépend plus tant d. sa volonté que de son tempérament, et Zola est trop averti des conditions de la création pour vouloir, le pourrait-il, brider ce t_pé- rament qui est, l l'évidence, qnque et romantique, gouverné par les sentiments et les émotions, s'exprimant naturellanent par l'antithèse."

lhile ZOla, Le roman expérimental, op. ci t., pp. 263-264.

Jamna KUlc~ycka-Saloni a "La personnalité du romancier dans l'oeuvre de Zola", in IDrope, (Paris, Avril-mai 1968), p. 85.

(13)

/10

ce

souci de rigueur objective qui caractérise le bit du romancier se retrouve dans _ méthode de recherche, illustrée tort justeent par les travaux préparatoires l chacun des romans de Zola.

D'abord, choix du cadre }ilysique. On détermine d'abord la situation géograpb:ique et les précisions topograpuques essentiel- les, recualll1es par IDtpérience (o'est le cas de l'Assommoir) ou par une visite sur place (pour Germinal ou La terre, par ex_ple).

ant le choix des personnages et la mse en fiches de leurs carac- téristiques objectives. 4ge, aspect pby-sique, situation sociale, importance dans l'oeuvre. relations aux autres personnages, carac- tere domnant. tendances Wrédi taires.

Puis, Zola entreprend ensuite une vaste enqulte sur les mul- tiples aspects du 1I111ea. étudié 1 techniques et vocabulaires des dittérents métiers. circonstance. historiques, coutumes et usages des habitants. Cette enqulte, Zola la m'ne avec tous les moyens l sa disposition. lectures de traités scientifiques, visites d'expo- sitions, expériences persoJ'Ulelles, interviews d'experts ou d'amis, étude historique de certains évén.ents siJI1laires, photograpues, . plans, diagr&llllles, autant de sources qui fourniront la matière brute de l'oeuvre. Ces sources sont partois superfioielles, dé- passées, peu sOres et insuffisamment contralées, mais elles sont toujours assez variées et abondantes pour donner l Zola une COD- naissance sutfisante du sajet, ce qui lui permettait de défendre

(14)

ensuite les prétentions ecientit1ques de son oeuvre.

Tous oes éléments réun1s constituent un dossier prépa- ratoire, logiquement ordonné, et volumineux (deux volumes oom- plets pour Germ1œl et autant pour La terre. 671 feuillets pour

1& bite huIIa1ne).

n

n'est que de considérer la variété de la documentation de Germinal.

- Etude des malad1es des mineurs (Dr. H. Bolns-Boisseau), - La question ouvrière au XIIe siècle (Leroy-Beaulieu).

- Notes et reportages SUl" les grèves. Anzin, la Ricamar1e, .Aubin, Creusot, Montceau,

- llygibe des m1neurs (Dr. P. l'abre), - 1& vie souterraine (1..-1.. S1monin).

- La:1que de la mne et détails d'organisation de l'exploitation

m:1m.m-e.

- Les crises industrielles et la question écoDOJllique.

- Cahier de doléances des mineurs françai.,

- Lettres et oonversations avec l'ingél'l1eur Dormoy, - Rapport de voyage l Anzin.

- Notes SUl" les socialistes (Guescie, principalanent), - Botes SUl" l'Internationale,

- Notes sur le travail des femmes •

..

-Comme le souligne Miohel libvrard, "le. théories na- turalistes et la taçon axtramement dél.1bérie et docu- Jlentaire de préparer et de composer des romans qui an découle fournissent l Zola le cadre et l'armature, mais aussi beaucoup de la mat.tère atme de chaque roman". (1).

Dans le roman, 0' est donc le cadre qui prend le plus d'imper- tance. L'intrigue n'est que le suppert des descriptions et des

(1) Michel liUvrard, op. ci t., p. 109.

(15)

~."

U

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portra1 t.. EUe est exigée par les néoesai tés de la construc- tion romanesque. l'intérêt du lecteur et le prétendu recours 1 l'lŒpér1Jllentation. mais son ~le n'est que de soutenir et de relier entre elles les observations "scientifiques" et objecti- ves du JD1l1eu. Indépendamment de leur valeur dramatique. les objets et les décors jouent dans l' oeune un r8le au moins égal à celui des personnages. ils sont l'spress1on la plus sensible de la réalité axtérieure dont la découverte est la justification .ame du travail du romancier. B,ymbol.1sant la dét8l'lD1nation te>- tale du milieu sur les personnages, ils cr1stall1sent l'essen- tiel des éléllents tragiques de l'o8Une. la pression irrésisti- ble du cadre sur les atres hausse les objets au niveau des sym-

boles de la fatalité. des pNmon1tions et des exécuteurs du dea- tin. ou. cOIIIIIle disait Zola, de la logique scientifique.

Cette prédominance de l'étude du réel sur celle des per- sonnages. de la description sur l'intrigue, s'axplique par un autre objectif d. Zola. celui d'instruire son Plblic. de le ren-

saigner sur des secteurs de 1& 8D014W qU'il conndt peu et mal.

Cet objectifaxplique l'attachement d. Zola aux détails pi.ttores- ques ou techniques. aux petits faits relevés avec soin et glanés sur les lieux, garantie de l'authenticité du roman.

C'est d'ailleurs II que se situe Pune des différences poo- fondes entre le réalisme et le naturalisme. pour ce dernier,

(16)

lA ~ dans une situation donnée, l'authentique a toujours priorité sur le vrais_blable. Si l'uti1iation du vrais_blable est admissible comme hypoth~se quant au comportement des personna- ges, il n'en est par contre pas question dans l'étude du monde des choses, car toute expérience doit reposer SIlI" des bases authentiques, sdres, conf'ormes à la réalité naturelle.

Ces principes dictent une attitude face au morde de la part du romancier. Cette attitude, Zola ne l'a pas toujours manifestée dans ses oeuvres. Ces principes lui ont servi A jus- tifier et à détendre son étude du monde. Mais l'oeuvre, elle, lui a quelque peu échappé et on peut dire, come Armard Ianoux, que "son génie se manifeste contre ses systànes." (1). Ce qu'il laisse aujourd'hui, c'est moins une connaissance objective et scientifique du monde qu'une prise de contact ex:1steDt1elle avec les objets et leur vie propre. Au

ne

81'c1e, "l'intér't des Rougon-Macquart réside beaucoup moins dans l'humanité qu'ils présentent que dans l'évo~+·"~n des torces qui le façonnent et l'Oppriment."

(2).

Cl) Al"mand Lanoux, Bonjour, Monsieur Zola, (Paris, Amiot- Dumont, 1954), p. 199.

(2) 0u1' Robert, op. cit., p.

4,.

(17)

114

CHA.PITRE 2. lES OBJEtS. INVENTAIRE ET CLASSIFICATION

Prétendre explorer la totalité du mol'de PlYs1que t01"ll8.nt le cadre d'un milieu social, m8me si. Zola l'a parfois osé, re- lève d'une impossib1lité technique. Les personnages se m811vent dans des mondes si divers, dans des milieux aux éléments si. nom- breax que se p:>se immédiatement au romancier le problce du choix et de la simplification. Pl-obUme majeur qui ne se l1m1te pas s:lmplement à une considération technique, mais qui oompromet au départ la prétention photographique du romanoier. Si tout dire est impossible, à cause des néoessités romanesques, il taut donc sé1eotionner. Ces éléments privilégiés, ohoisis parmi d'au- tres pour les représenter, aoquiftrent, du tait

.am.

de leur sélec- tion, une valeur partioul1ftra, étrangee à leur w.l:!,l? intrins"

que, et le cadre formé par oes éléments ne oorresp:>nd déjà plus à la réa li té intégrale 1

"te problllme de Zola est olair. S'il veat que les ob- jets de la civilisation oompliquée qu'il décrit aient oette torce ( ••• ), il lui taut simplifier, mais en mime t8l1p8 retenir 1& oomp1ex1té. Cette simplification est essentie1l8l1ent une œgation de la tAche qu'un écri- vain naturaliste s'impose". (1).

(1) Alhed C. Pl-oulx, Aspects ép1gues des Rougon-Maoguart de

~, (1& Baye, Mouton et Co., 1966), p. 39.

(18)

Représentation du tout par la partie, grossissement, con- centration, répétition, autant de procédés par lesquels Zola cristallise sur un nombre restreint d'objets la signification qu'il attribue l tout le monde phy'sique. Ce qui axplique la présence, dans les Rougon-Macguart, d'objets plus grands ou plus grands ou plus forts que nature, chargés de leur valeur extr1n- s\que. On verra, dans l'Assommoir, l'alamtd.c dépasser sa valeur de s1mple machine pour IJ1IIlbol1ser l'alcool et tous les maux qui en découlent. De mime, la locomotive Lison, dans la bite humaine, dment l'incarnation d'une société techrdque mal cont.J08lée par l'homme et menaçant de le détruire.

ZOla, partagé entre son désir de description fidUe de la réalité p,ysique, et les nécess1tés d'une simplification mod1- fiant nécessairement la valeur de cette réal! té, et encouragé par surcro!t par son tanPérament romantique et sa vision an1m1s- te des choses, transposera cette dichotomie dans son oeuvre.

Dans les Rougon-Macguart, de mime qu'on trouvera deux types de réal! té physique, de mfme on trouvera deux types de descriptions.

Certains éléments de la réalité ne possèdent pas de s:l.gn1- fication spéciale. ns sont simpl.ent nécessaires aU déroule- ment de l'action. C' est la réal! té ordinaire. Zola la décrit rapidement, dans une facture conventionnelle et réaliste. Ces delCript.1ons sont axigées par la nécesai té de si tuer les di vers

(19)

e

116

moments de l'intrigue, ou de présenter au lecteur tel élément Décesmre l l'aotion, ou encore de lui tournir une oonnaissance objective du milieu ou du e&dre dont Zola veut instruire le pl-

blio. Entrent dans oette catégorie la pluport des desoriptions géographiques, les explications techniques sur les métiers, etc.

Elles rendent compte des réa li tés quotidiennes auxquelles on prlte peu d'attention car leur importance est secoDdaire, et leur valeur, identique pour tous, plisque ces réalités sont ap- privoisées por l'homme.

la seoonde catégorie de réalités groupe précisément ces objets que Zola a tait porteurs d'une signification thématique ou dramatique qui déposse la valeur attrib1ée l ces objets por le ccœmn des mortels. Parce que Zola a su discerner dans ce.

objets une vie secra.te, un mode d'existence qui va au-dell des apparences, parce que c'est dans oette appréhension du réel selon une vision existentielle et animiste que se maniteste l'et- tort de création de l'éorivain, il taut ohercher dans la descrip- tion de ces objets privilégiés l'essence de la vision du monde du romanoier,

"Le plu. souvent, il (l'objet) tait portie des torces du milieu et refiatte une port importante de ses intln- ences. Pourtant son oaraotèe de pnssance contenue le soustrait au domaine de la réalité iméd:1.ate pour le placer l un niveau de réalité supérieure. L'ent:l.té impersonnelle animée se com:porte de la m3m.e taçon que les dieux chez Hom"e." (1).

(1) Altred C. Proulx, op. cit., pp. 148-149.

(20)

A '-JI

Ces &léments ~8iques priviligiés par l'auteur sont d'une importance variable, tant sur le plan de leur signification QDl- bol1qu~ que de leur r8le dans :L'action. A. travers les v1ngt~ ro- mans de la s&rie, on trouve géntSralement un objet nettement dtS- taché des autres, aux caractérist1ques ind1 vid.ueUes très mar- quées et jouant un r81e cyclique qui s'&tend sur tout le rQlll&n.

Puis, plusieurs autres objets, dont l'importance est moindre et le r81e, épisodique ou partiel, acquièrent une signification particulière à certains moments seulement.

Les premier&! objets sont naturelleent les plus impoes- Gonnants, ceux que l'art du romancier a particulièrement gran- dis, qui s'imposent avec une torce exceptionnelle l l'imagina- tion du lecteur et dont l'eftet ~que ou dramatique est spé- cialement spectaculaire.

n

s'agit partois d'objets, mais beau- coup plus souvent de cadres, de déoors, d'édifices, en un mot d'environn.ents qui prennent pour le romancier la valeur .,...

bolique de toutes les torces du milieu ambiant. (1).

"Les torces extérieures auxquelles les personnages doivent se soumettre sont s1mpl1t"lées en étant pr&-

(1) Cette taçon de oonstruire un roman D'est d'ailleurs pas nouvelle chez Zola. On retrouve déjà le procédé dans 'l'hél"èse Ragu1n, o~ la morgue, décri te avec insistance dans plusieurs pages d'une torce d'évocation considérable, cons- titue le décor priviligié, à la tois refiet et moteur des comportements de Thérèse et d. Laurent.

(21)

/U3

sentées comme des objets animés qui sont QlIlboliques de la torce en question. Le s;ymbole atteint un ni- veau quasi-allégorique au fur et l mesure que les personnifications se trouvent intensifiées au point ob elles deviennent entités." (1).

"Les lieux et m~e certains personnagss sont iDVest1s par Zola d'une a::lgrdt1ca tion s;ymbolique. ils dominent ou résument le destin des personnages, ils le a::lgni- fient, ils le sont." (2).

A cause de leur r&le exceptionnel et de leur présence (mime silencieuse ou immob11e) tout au long du roman, 18\11" nom- br. est trlts restreint. environ seize dans toute l'o.uvre. ~

voici la liste et une brwe définition de leur r81e ob ils appa- raissent.

I.e. fortune des Rougon s'ouvre et se c1.6t sur une référence fort a::lgrdticatiV. l. l'aire st-Mitre, terrain vague, vieux cime- tiÙ"e abandonné, animé par la vi. mystérieuse, mais rassurante, du peuple des morts dOl'lD&nt dans la terre, des vieilles pLerres et des poutres de bois veillant sur les amours de Miette et de Sllvwe.

Dans lA curée, c'est la serre, grouillante d'une vie végé- tale, luxuriante et as~ante, qui est le principal décor du roman, le thé4tre des débauches de Renée et de Maxime, lA ob ils

(1) A.l.tred C. Proulx, op. ci t., p. 23.

(2) Michel ihvrard, op. ci t., p. l1l.

(22)

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jouissent le plus~ ~~ sentent l l'unisson du déoor,

"lA

où Renée était le plus l'homme". (1).

Vient ensui te le ro.an des Balles, superbes et bien por- tantes, démolies depuis peu, mais surnommées par tout un si~cle Le ventre de Paris, "ventre boutiquier, le ventre de l'honnlteté moyenne, se ballonnant, heureux, luisant au soleil" (2), abritant dans leurs innombrables replis les escapades de Cadine et d.

Marjol1n.

Le r8le capital du laradou, dans 1& taute de l'abbé Mouret, sara étudié en détail plus loin. C'est en effet lui, avec sa vie mystérieuse et pnssante, ses D1U1"mUres végétaux et ses par:tams troublants, qui pousse insensiblement Serge et Albine l leur dé- couverte mutuelle.

L'Assommoir, premier grand 8UCC~s. ApJ8r1tion de l'alam- bic, prardve manifestation de la vie mécanique dans l'oeuvre de ZOla, vie mette, sourde et iDquiét.ante, sécrétant l'alcool et le malheur, étalant sa puissance liquide sur le monde ouvrier.

n

taut également souligner l'importance du grand immeuble de la rue

(1) lkile Zola, "La Curée", in Les Rougon-Macguart, Tome l, (Paris, Galllmard, B1bl1oth'iue de la Pléiade, 1960, p. 406.

(2) &dle Zola, Le Ventre de Paris, ide, p. 733.

(23)

e

/20

à. la Goutte à'Or, premier monde en miD1ature, mcraco_e, pré- figuration àu }:ilalanstve.

Q-tlant aux cinq parties àe Une page à'amour, elles se ter- minent par la description cyclique du géant Paris, à divers mo- ments, sous des écla1rages variés.

Dans le roman suivant, Nana, c'est bien

-

s4r la chair, la personne ~sique de l'héro!ne qui règne en maftresse sur les comportaents de tous les autres personnages.

n

existe d'ail- leurs une certaine s1m1lituàe entre Nana et le théltre, qui est le cadre d'une bonne partie du romani étranges, insaissisables, tout en taux-semblants et en trompe-l'oeil, cadres superbes àe oo_dies variées, cachant de. masses à. laideur et àe vice à l'intérieur.

La grande maison à'appart.ents àe Pot-BouiUe se hausse au ni v.u du symbole, celui de la bourgeoisie à la façade solide et respectable, mais dissimulant un scandale à chaque étage, des caves aux combles, avec la cuisine cODlllle centre. la maison est ici le coeur vivant àe l'ouvrage, Jalpitant au rythme de l'acti- vi té sordide qu'elle a br1 te.

Au bonheur des dames, le g11~nteaque magasin à rayons, est lui aussi grandi par le r8le qu '11 joue clans le roman.

n

dment

(24)

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o

un microcolllle, réalisation romanesque et visionnaire du pba- lans'tVe de Fourier, symbole de la plissance monstrueuse du cOIlDllerce moderne.

C'est la mer qui sert de toile de fond à la joie de vi-

!!:!.. L'un des personnages non-humains (1) les plus pnssants de Zola, dans son impersonnalité furieuse, "la. gueuse" ronge patiamaent la c8te, avalant une à une les JDasures des plcheurs d. Bonneville, faisant éclater les cadres que laure tente de lui imposer.

Germinal, le chef-d'oeuvre. C'est l'épopée de tout un pays doJDiné par le Voreux, le pli ts d'extraction du minerai, QIIbole d'une société iDdustrielle vouant un culte aveugle l la. production et asservissant l'ouvrier dans un esclavage ir- rémédiable.

&lit l'Oeuvre. A cett9 toile sans cesse ratée, perpé- tuell.ent inachevée que Claude ne parvient plS à taire Vivre, ZOla conf'Ve une vie monstrueuse, et cette famae à deux dimen- sions, impersonnelle, non encore née, brisera pourtant par sa seule présence Cla.ude, Christine et leur fils Jacques.

L'inspiration de Zola s'élarglt jusqu'à consacrer un ro- man à la terre. Terre-mm-e, nourrice et amante, créatrice de

(1) Ou, pour reprendre l'expression d'Alfred Proulx, "unila-

téraux·.

(25)

/22

toute vie, génératrice de tous les ~smes des personnages, étalant sur tout le roman sa présence plissante et latente,

"calme et bonne A ceux qui l'aiment" mais déshonorée par "les villages collés sur eUe comme des nids de vermine, les insec- tes humains vivant de sa chair". (1).

Dans Le rive, c'est 1& cathédrale gothique qui prend vie, incarnation du mysticisme d'Angélique, construction altière toute vibrante de la vie des humains dans ses flancs, cristal- lisant les prières des générations passées et présentes dans l'élancElllent de ses lignes vers le ciel.

&lt1n, le sommet.!) 1& bête humaine, épopée de 1& locomoti- ve au nom de femme, puissance technique créée par l'homme, mais lui échappant des mains, capable d'attachanent, de dévouElllent et de courage, mais aussi de brutalité et de folie, tuant ses ma!- tres pour vine sa vie, affolant le monde dans le décha!nement de sa puissance aveugle et destructrice.

Les cinq autres romans de la série sont des cas particu- liers ou des romans mineurs. Dans 1& prElll1\re catégorie, il faut placer Le docteur Pascal, ob se trouve consignée l'explica- tion PlYsiologiste des personnages (l'autre face de 1& connais-

(1) &dle Zola, la terre, in Les Rougon-Macguart, Tome IV,

(Paris, Gallimard, B1.bl1othiïque de 1& Pléiade, 1966), p. 736.

(26)

sanoe du réel) et qui oonstitue l.. résumé de toute l'oeuvre, et 1& déblole, peinture d. la désintégration du cadre des Rougon-Maoquart ott, l cause de l'ampleur m3me de la oatastro- phe, il. est impossible de tixer la réalité sur quelque objet que oe soit, bien que Paris en tlammes, lors de la CimlmUDe, ai t tout de mime une sigrdtication importante, oomme symbole de la p1l"itication par le leu du milieu pourri du Second limp1re.

Quant l 1& oomu.te de Plas_ns et l Son &toellanoe Dlëne Rougon, il s'agit 11 de romans mineurs ou d'inf'rastruo- ture, servant prinoipal_eut de liaison entre d'autres romans plus importants. L'Arpnt posftde une oertaine portée sociale, mais sa valeur oomme 'tude du JIlOMe des objets est l1m1tée.

C8S objets priv1l1giés sont d'une importance capitale dans l'étude de la véritable oonception romanesque de Zola, car ils oonsti tuent l'expression la plus olaire du ttmpérament de Zola et de sa vision du monde. Al.tred C. Proulx l'a bien sou- ligné.

"En faisant d'une énorme collection d'éléments mélan- gés un seul. agent aotit, en donnant l oet agent une torme détird.e et arratée, en l.u1 donnant une vol.onté et une direction éternelle, l'auteur quitte le domaine na tural1ste du détail vrai pour un monde d. vision

(27)

/2Â-

synthétique qui est la marque de la conception poé- tique et épique." (1).

L'importance incontestable que Zola accorde l ces objets et décors privilig1és trouve une confirmation certaine dans la progression, tr~s sensible l travers l'ordre de composition des romans. progression dans la dimension physique de ces diver.

éléments, dans leur 1"81e et leur place dans ahaque oeuvre. Un regroupeent des objets en catégories met davantage en lumim-e cette gradation.

Pa1'llli les seize objets ou décors mentionnés plus haut, cinq entrent dans la catégorie des décors (éléments naturels), sept autres sont des édifices (env1ronncents artificiels et sociaux) et trois autres sont des machines.

Dans la catégorie des éléments naturels, citons l'aire st-Mitre (dans La fortune des Rougon), le Paradou (dans

.!!.

taute de l'abbé Mouret), Paris (dans Unèp!.ge d'amour) (2), la mer (dans La .1oie de vivre) et la terre, dans le roman du mime

(1) AJ..trecl C. Proulx. op. ait., p. 149.

(2) ~est la qualité de la description, et non son sujet, qui me tait classer Paris dans los éléments naturels. Contrai- r_ent au Paris du Ventre de Paris ou de l'Assommoir. par _ _ ple, la ville est ic1 décrite de l'eŒ'Wrieur, envisagée s.ulElllent dans son aspect physique, et non social, et d'ail- leurs assimilée descript1vllllent l une mer ou l un champ im- mense.

(28)

nom. Dans cette catégorie, la progression est contimte. Au niveau de la dimension physique des objets d'abord, depds l'aire St-Mitre, restreinte et rassurante, A la. mesure de l'hom- me, jusqu'A deux des éléments de la création. la mer et la ter- re. Progression mime de la mer A la terre, car la mer ne joue un r8le qu'l la c8te, et ses manifestations sont épisodiques, alors que la terre forme tout l'univers des humains qui y vivent, tant sur le plan pnysique que sur celui des préoccupations et des motivations. C'est prinoipalanent dans ces romans, dominés par la présence d'objets et de décors naturels que Zola dévelop- pe le thàne des rapports de l'homme avec la nature. C'est lA.

qu'appardtront des personnages qui, en vivant tr~s pr's de la nature, réussiront l réaliser une certaine harmonie avec elle, c'est le cas d'Alb1ne, de Serge dans une certaine mesure, de Miette et de Sllvèoe.

1& seconde catégorie, celle des environnements artificiels, oomprend la serre (dans la curée), les HaUes (dans Le ventre de Paris), l'immeuble de la rue de la Goutte d'Or (dans l'AsSODllloir), le thé4tre (dans

l!!!!!.),

la maison bourgeoise (dans Pot-Bouille), le magasin à rayons (dans Au Bonheur des dames) et enfin la cathé- drale gothique (dans Le rave). La progression est moins nette dans cette catégorie, quoique Zola parte d'une simple piltce d'é- difice (la serre), pour aboutir GU mOJD.Ullent colossal qu'est la ca-

thédrale. Ici, la progression se si tue davantage dans le r8le des

(29)

/26

édifices plutSt que dans leur taille. il est certain que la 04- thédrale, ou le magasin 1 rayons, jouent dans leur roman res- pectif un rSle plus important, plus évident en tous cas que, par axanple, la serre dans lA curée. Leur r~le d' env1.ronnEllllent est le m8me, mais dans les derniers romans, Zola insiste davan- tage sur la vie collective et unanime des objets. Leur anima- tion est plus perceptible et les effets créés par leur présence, plus spectaculaires. Dans ces romans, Zola développe surtout le th_e du microcosme, ou du Iilalanstk-e, qui l'a tort impression- né. Chacun de ces édifices est un monde clos, réunissant la

plupart des personnages, et assurant l'essentiel de leur vie ma- térielle. Ces romans ont donc une tendance marquée Vers l'étude sociale, vers la peiDture de moeurs, la description d'une cer- taine couche sociale, enfermée dans un édifice qui en constitue le cadre.

Enfin, la trois1èe catégorie, celle des machines, comprend.

l'alambic (dans l'A,ssODDlloir), le plits Voreux (dans Germinal), et la locomotive (dans la bite humaine). Ce sont les réussites les plus impressionnantes d. Zola quant 1 la valorisation drama- tique et ~que du réel, et c'est dans ce type d'objets que la progression est la plus évidente.

Dans les caractéristiques p1l"ement ~siques d'abord.

l'alaJllbic est immobile et silencieux.

n

n'y a pas à proprement

(30)

parler de mécani8llle et de pt.~es mobiles dans cet appareil.

Ce sont les liquides et les vapeurs qui constituent l la tois son &me, son mouvement et sa plissance, le tout de façon indi- recte seulement. Le Voreux, par contre, vit davantage. Ses dimensions sont de beaucoup plus considérables, et dépassent J:i\vsiquement les hommes qu'il engloutit littéralement, écrase,

as~e ou noie. Trois éléments noUVMUX tont égalanent leur apparition et contriblent l accentuer davantage l'impression de vie qui s'en dégage. le feu, tout d'abord, élément de vie et de création (dont la thématique sera d'ailleurs étudiée en détail plus lo~ Le mouv8llent, ensui te, qui tait asdm11er les

pt.~es mobiles des machines l des membres ou des organes, d'au- tant plus que ce mouvement est régulier, rythmique, correspon- dant l celui d'une vie inconnue. Et enfin, comme corol1a1re du lIlouvanent, le brui t, témoignage supplhlentaire et diftérlIIDIlent

sensible de l'aDimation du. p.dts. Pinalement, la. locomotive de la bite humaine constitue le sommet de ce grossiss8llent des ob- jets. Outre les caractéristiques des machines précédentes, elle

po&iiltci~ un mouvanent propre lui permettant de se déplacer, une tome physique plus proche de celle de l'animal, et une indivi- dualité be&ucoup plus précise. Le tait d'abord de porter un nom, Lison, lui cont\re un caractère personnel qui la distingue des autres objets. En outre, devant une locomotive, on a davan- tage l':1lIlpression de se trouver devant un corps, ofl les diffé- rents organes sont agencés suivant un plan préCis et oflils pa-

(31)

)

/28

raissent Plus nécessaires l l'existence.

Progression aussi dans leur place au sein de l'oeuvre et leur signification thématiquel l'alamb1c n'appa.ra!t que de façon épisodique (quatre fois c:1ans tout le roman), son r8le est discret, et s'il agit sur les cOJllportements des personnages, c'est par l'int81"JDédiaire de l'alcool et de la blUse humaine qui accepte cet esclAvage, dont les manU'estations sont d'ail- leurs de type individuel. Le Voreux, dans Ger.m1nal, est au centre de l'oeuvre, il est présent de lA prad"e l lA derni~e

page.

n

est lA condition d'catence des mineurs, et dét81"lll1ne, par l'intermédiaire du tl'Avail, les moindres détails de la vie humaine. Sa plissance s'oppose de façon très nette 1 1.& faibles- se des hODlll8s, mais son omniprésence, au niveau de l'intrigue, se si tue généralanent l l'arri,\r ... p1an. Tandis que la locomotive, elle, joue un rele véritabltlllent actif dans l'oeuvre, elle inter- vient directement dans l'action, qu'elle modifie et termine d' ail- leurs, seule survivante de Grandmorin, Flore, Roubaud, Cablche, Phasie, Séverine, Pecqueux et Jacques, étant elle-mlme directanent responsable de la mort de trois d'entre eux.

n

est d'ailleurs signifieatif de constater que si 1.& locOJllotive est d'une présence si hallucinante, c'est qu'elle est égalanent le refiet de pLssions portées l leur pLroxy8ll18 et se libérant par le meurtre. Jacques est sans doute le personnage des Rougon-Macguart qui soit le plus

marqué par son hérédité. Zola a transposé cette exasPération des

(32)

e

tensions sur le plan des objets en créant la machine la plus véritablement "vivante" de son oeuvre,

"Ia bAte humaine, considérée comme l'expression du temP3rament de l'auteur, est supérieure l tous ses autres roms,ns jusqu'alors parus, tout en leur étant nettement intérieure, dans la mesure oà on y cher- cherait une application de ses théories". (1).

Cette importance des machines axpl.1que que les trois romans ott elles apparaissent soient ceux que l'on s'accorde généralement l considérer comme les chefs-d'oeuvre d. Zola.

C'est 11 en effet qu'il saisit le mieux la vie indépendante des objets, et leurs profondes implications sociales qui l'amkl ...

ront l étudier les rapports de l'homme avec la mati\re, la tech- nique, la scienc., le travail et le progrlJs.

Outre cet objet ou ce décor unique qui se situe au centre de chacun de .es roman!,f Zola décrit et utilise certains objets qui, l certains moments de l'action, prennent une sign1f1ca tion précise. Leur r8le est, la plupart du temps, éplsodique ou pu- tiel. Loin de représenter, cOllDl1e c'était le cas plus haut, l'ensemble de l'univers des choses, ils décrivent ou symbolisent un aspect particulier de la réalité, rén~tent une situation dramatique ou psychologique l tel moment de l'intrigue, chez tel

(1) J .-W. Scott, \1 Réalisme et réa 11 té dans la bite huma1ne'~ in Revue d'Histoire Littéraire de la France, (Jaris, L1brairie

Armaiid

Colin, oct.=ëUc.

196:3),

p.

642.

(33)

/JO

personnage. Sans Itre animés comme les objets ou décors ma- jeurs, ils posSttd.ent néanmoins de ce fait une valeur extrin-

s~ue. Leur nombre est considérable dans l'oeuvre.

n

se- rai t tutile et fastidieux de les énumérer tous. Voici seal.e- ment les plus importants parmi les quatre romans sur lesquels cette étude porte plus particuli~ranent.

Dans La faute de l'abbé Mouret, signalons les Amours sculptés dans le mur, symbolisant la sexualité, encore incon- nue, et pourtant troublante. la basse-cour de Désirée, ren.t de l'instinct vital et de la torce animale d. la vie, la brtt- ohe dans la JIIIll"&ille du Paradou, symbole instrumental de la ta- tali té, l'église de campagne, sanctuaire d'un monde religueux et hostile l l'amour.

Dans l'A8aommoir. l'horloge de Gervaise, fruit de son économie qu'elle oonservera tant que durera sa prospérité, l'oie r8tie du testin, p1~e d. résistance qui domine toute la tabler les eaux de la teinturerie, dont les couleurs changean- tes correspondent aux hwneurs successives de Gervaise, la bou- tique de blanchisserie, symbole du bien-Itre, de la prospérité et de la réussi te sociale • .,

Dans Germ1nal. le crachat DOir du ~e Bonnemort, qui traduit tout le drame de l'homme mangé par le charbon, le sax.

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mutilé de Hégrat, instrument de l'esclavage des femmes devant la nécessité de la nourriture, la forêt de Marchiennes, char- gée d'une tradition historique de révolte. la carrière aban- donnée de Réquillart, lieu de rencontre des amoureux et seul élément de liberté dans l'esclavage du travail.

Dans 1& bite humaine. la nudité féminine, qui cristal- lise l'instinct du meurtre chez Jacques. l'argent du crime, qui constitue le seul lieu entre Sévérine et Roubaud, celui du silence. le reflet sanglant du poêle au plafond, dont l'etfet dramatique et la valeur symbolique seront étudiés plus loin.

, Citons égalanent,

plm

les détails les plus frappants dans l'enseble de l'oeuvre. la tache de sang sur le tapis de Nana, trace indélébile du geste désespéré du jeune Georges Hugon, illustrant ainsi l'indifférente toute-pû.ssance de Nana. Ou encore la chambre d'entant de Re..'lée dans 1& Curée, tout en haut de la maison paternelle, ultime ret't1ge et UD1que endroit pu- au milieu d'un monde pourri. Ou encore, dans

!!.

fortune des Rougon, le pli ts mitoyen par o~ communiquent M1ette et Silvère, o~ l'eau, tra!che et pure comme l'enfance, représente égaleent la sensualité latente.

Ce survol de l'oeuvre a dégagé les principaux éléments auxquels Zola a conféré une valeur particulière cOlllllle représenta-

(35)

/32

tlon de la réalité et détermination de 1'act1on. On peut maintenant plsser l l'étude des modalités de l'action et de la présence du monde des choses au sein de l'oeuvre.

(36)

Dans l'optique naturaliste, le bit pram.er du roman .'iden- tifie l celui de 1& démarche scientifique. Ce qui, en laboratoi- re, s'appelle observation, se traduira, sur le plan romane3que }:Br des descriptions. Oe qui, en labora.toire, s'appelle expérilllenta- tiOD correspondra. dIlDS le roman. à l'intrigue. c'est-à-dire à l'évolution et à l'interaction d'éléments choisis au départ. Au total. une nouvelle observation. celle des résultats et de la si- tuation finale.

Dans la démarche scientifique cOlllllle dans le roman expérimen- tal, l'étape la plus importante est l'observation, l'expérience D'étant au fond, comme dit Claude Bernard. qu'une observation pro- voquée daDS un b1t de contr8le. C.'est d'ailleurs priDOipalement sur le plan de l'observation que le parallèle entre la science et le roman peut conserver quelque valeur. S1r le plan de l'expér:l- Ilentation. en eftet. le rapprocheent est absu1'cle et pa.éril. Le savant, en ax:périmentant. déclenche des cbdnes causales qui lui sODt imposées par les taits et qu'il ne peut que constater. L'é- crivain, par contre, doit créer de toutes pièces les éléments de son expérimentation, et en inventer les résultats. Les faits ne seront jamais là pour contirmer ou infirmer son hypothèse et sa projection. Mime le naturalisme ne peut enlever à l'acte romanes- que tout ce qu'il comporte de création.

(37)

I~

La prise de conscience de la valeur de l'observation, et dans la science et dans la littérature, marque nettement le tour- nant que prend. l' espri t humain à partir du XIXe siècle. Balzac et Hugo amorcent le mouvanent en intégrant la description d.ynam1que à l'intrigue et en la substituant à l'investi. tion psychologique COlllle moteur romanesque. Cette tendance s'est accentuée depns lors et aboutit aux techniques du Nouveau Roman, o~ intrigue et psycho- logie sont sacrifiées totalement A la description quasi-micro8copi- que de la réalité.

Zola n'échappe pas à la règle.

n

a mame systématisé le pro- cédé. Ses descriptions constituent donc la matière véritable du roman, et c'est là que s'upriment le mieux eon 1mag1.nation et son art d ' écrivain,

"Ce qui importe, pour le romancier naturaliste, oe ne sont pas les actions et les souftrances par elles-mames, mais leurs causes et leurs correspondances avec le milieu.

C'est pourquoi la narration occupe souvent le second. plan dans le roman naturaliste, et c'est la description qui joue le premier r81e, parce que déorire le milieu veut dire u-

~quer le personnage et l'action." (1).

Leur plaoe dans chaque oeuvre est d'ailleurs considérable. les pièces de résistance, les morCMWC de la charpente de chaque roman

(1) B. Re1Z0:T, "L'esthétique de Zola", in Ebl"Ope, (Paris, avril-mai 1968), p. )82.

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sont oonstitués par des descriptions, autant de moro.ux déta- chables de l'intrigue où Zola immobilise sa caméra pour saisir tout un secteur de la réalité.

n

n'y a qu'l .xam1ner le plan de l'Assommoir pour s'en re!Jdre compte. les descriptions du quar- tier, des différents édifices (maison, lavoir, boutiques, bistrots), oelle de 1& noce, du baptame et du festin, celle de la forge de Goujet, de l'activité dans 1& boutique de Gervaise, les scènes de l'enterrement, du cabaret et du trottoir, remplissent A elles seu- les plusieurs chapitres, et correspondent aux temps torts de l'in- tri gue.

Les rapports entre le monde des objets (les descriptions) et celui des personnages (l'action) seront donc nombreux et oomplexes.

Leur r61e peut cependant se définir selon trois modalités distinc- tes que nous allons étudier séparément. intervention directe dans l'aotion, intervention indirecte, et renet de l'aotion.

n

est assez rare que les objets interviennent de façon di- recte dans l'action. ns servent davantage à la contenir, à l'in- nuencer d. l'tattérieur plut6t qu'l la faire. D'ailleurs, mime animés SIll' le plan littéraire, ils ne peuvent dans la réalité ob-

jective être les auteurs d'une action, au sens ~qu. du terme, c'est-à-dire d'un mouv_ent qui se répercuterait clan •. l'intrigue elle-mlme. Le cas est donc peu fréquent dans les Rougon-Macquart.

il ne se produit que lorsque l.s objets possèdent suffisamment

(39)

1

e

/36

d'ind1v1duall.té ou un mouv8llent intrinsèque qui les tait véritable- ment agir. C'est le cas par _ _ ple dans La joie de 'Vivre, où la mer, en enfonçant les barrages et en détruisant les maisons des pêcheurs, plonge davantage lAure dans sa dépression, brouille ses relations avec les habl tants, et, en réduisant les pêcheurs à la m.sm-e, donne à Pauline l'occasion d'exercer son dévouement. L'ex-

emple est aussi valable, quoique moins clairanent, dans Germinal, où le pd ts est la cause directe des maladies des mineurs et en- trdne, dans sa destruction finale, la mort de catherine et de Zacharie, modifiant ainsi l'orientation d'Etienne. Dans ces deux romans, c'est le mouvement des objets, et plus précisement leur toree physique de destruction, qui permet leur intervention dans l'action. A l'opposé, la toile de L'oeu.vre ne possède aucun mou- vement, mais son individualité est si torte qu'elle torce vérita- bleent l'action par sa seule présence, suscitant la haine de Christine, poussant Claude à la toll.e, puis au suicide. Il s'agit ici d'un duel entre la matière et l'hoJllJl1e, et c'est la résistance de la matière, avec ses conséquences, qui torme la trame romanes- que.

Cependant, l ' &X8Ilple le plus concluant demeure le r6le direct de la locomotive dans La bat. humaine. Mouvement, pussance et individualité tont de la Lison un personnage. Qu'il s'agisse de l'enneigement du train, permettant la rencontre Flore-Séverine d'où découlera la tolie meurtrim-e de Flore, ou du déraillement provoqué

(40)

par lI'lore, causant la blessure de Jacques et son isolanent avec Séverine à la Croix-de-Maufras, ce qui se tel"lllinera par un meur- tre, ou de Flore, cherchant la mort en marchant dans le tunnel .. la rencontre de l'oeil lumineux de la locomotive, ou encore de la scène finale oà la locomotive, ayant "tué" Jacques et Pecqueux, se libère et domine tous les personnages dans son décludnlll1ent destructeur, la trame est étroitement déterminée par les impll- sions meurtriR es de Jacques et par l'intervention de la locomo- tive, qui provoque des ISituations oà se cristallisent les tensions internes, cristallisations qui correspondent aux temps torts de l'intrigue.

Le type de rapport le plus fréquent entre les objets et l'intrigue est l'intervention indirecte, généralement par la créa- tion d'un climat particulier qu:l agit sur le comportanent des per- sonnages et le détermine. C'est dans cette veine que Zola dévelop- pe avec le plus de justesse et de vraislIIlblance la thèse positiVis- te de la détel"lld.nation par le milieu. Le monde agit sur l'hOlllllle par une série de détails dont l'influence individuelle échappe ..

l'observation, mais dont la combinaison produit un climat qui, par

une série de micro-trawaati8llles, modèle le comportenent du person- nage.

"La psychologie des héros de Zola obéit à une loi parti- culière. Les héros ne sont le plus souvent pas ma:ttres d'eux-mlmes et de leur manière d'agir. ns sont soumis

(41)

1'J8

l la 'réplblique des bes' qui pousse la consoience vers la décision ou décide pour eUe sans qu'eUe s'en a per- çoive." (1).

Les exemples de pareille influence sont nombreux et constituent le moteur principal de bien des romans de Zola. Dt.ns 1& fortune des Rougon, l'aire St-Mitre et les paysages de Provence créent un cl1mat favorable l la tendresse qui rapproche Miette et Silvère.

Dans ta bate humaine, les poussées meurtrières de Jacques sont dues l sa tare origineUe et au fardeau de son asoendance, mais elles exigent pour se manifester la présence de certains éléments (sad- obscurité, we d'un corps de femme, excitation sallelle), c'est- à-d1re d'un olimat q1li, par un effet de cristallisation, produit la folie h~ide. L'homme reste toujours l'exécuteur final des actions posées, mais ce sont les objets qui le déterminent. Ce jeu met en lumière une situation qui a toujours obsédé Zola. l'sx- istence, à un pr..o.er palier, d'un monde o~ l'homme est roi et s_ble l:1bre de ses actes, du moins Ci 'est ce qu'une vision du moDde humaniste et trop souvent superficielle a gravé dans l' espl'1 t humain.

Et l'existence, à un palier plus élevé, d'un monde o~ tout est 'Vi- vant et o~ s'établissent des rapports complexes et variés entre les différents éléments de la création, vision du monde que Zola juge plus profonde, mais qui n'est perceptible que par une obse1"V&tion approfondie du réel doublée d'une perception existentielle.

(1) B. Re1zov, op. cit., p.

378.

(42)

Il)

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C'est dans la faut~ de l'abbé Mouret que cette vision du monde trouve ses applications les plus claires. Deux· raisons

justifient ce fait. Zola fixe son objectif sur un seul person- nage, omniprésent dans le roman, et d'Ont le comporteent est analysé avec d'autant plus de soin. Parallèlanent, c'est le ro- II!!!.n où la nature tient la plus grande place. nature an:iule et végé1lale, source et symbole de vie, et donc susceptible d'une in- tervention plus marquée dans la vie des hommes.

Serge, le personnage principal de l'oeuvre, vit dans un dé- cor où la vie s'étale dans le naturel le plus intégral. Tout le roman baigne dans les odeurs de la nature, la chaleur de l'été et les diverses émanations végétales et animales. L'intrigue est donc cadrée dans un milieu très fort, pdequ'il s'agit de la nature elle-même dans toute sa luxuriance, créatrice et déterminatrice de toute vie. En insérant dans ce milieu un· jeune homme dévirilisé par une condition religieuse mal assumée et réfugié dans une intel- lectualisation sublime qui le protège dans une certaine mesure de la réalité, Zola crée une opposition, une tension qui fournit toute la dynamique du roman. Cette oeuvre, c'est essentiellanent le com- bat de l'homme contre un milieu enveloppant qui l'appelle à la vie.

Les descriptions de ce milieu sont nombreuses, au déoo.t dl.!

volumes nature brillée par le soleil, travail des paysans, analogies entre la vie des bites et celle des hommes. Mais la pranière inter-

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venU on du milieu dans l'action se situe au moment où Serge visite la 'basse-cour de Désirée. Confronté directement avec la vie grouil- lante de la basse-cour, Serge sent un malaise grandir en lui,

"Peu à peu sa tate avait tourné, il sentait daM un mime souf'tle pestilentiel la tiédeur fétide des lapins et des volailles, l'odeur lubrique de 1& chèvre, la fadeur grasse du cochon. C'était comme un air chargé de fécondation, qui pesait trop lourdement à ses épaules vierges." (1).

Ce ma1&ise est le déclenchsaent d'un lent mécanisme de prise de conscience de la vie, dont le point culminant sera la crise qui terrassera Serge le soir même, lors de sa méditation. Cette crise est déterminante, plisque, à partir d'elle, les événements s'enoha!- nent jusqu'à la cure dans le Pe.:r&dou. Elle illustre la façon dont Zola conçoit le comportement humain, telle manifestation précise du milieu entratne telle réaction précise chez l'homme, selon ses poten-

tialités héréditaires et son 'bagage antérieur. Le reste n'est que suite logique. Ici, c'est la basse-cour qui a joué le rale de cata- ]yseur et a cristallisé les temances latentes de Serge.

Le prêtre, terrassé par la maladie, redevient psychologiquement peti t enfant et rena!t à la vie dans le Paradou, saus la protection d'Albine. Dans le volet central du roman, Zola, en s1mpli:fiant les éléments à l'extrême, présente l'Hœmne et la Femme dans le Monde. Le

(1) Emile Zola, "La faute de l'abbé Mouret", in Les Rougon-Macguart, tome l, (Paris, GAlli.mard, Bibliothèque de la Pléiade, 1960), pp. 1270-1271 •

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