R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
J. M OUY
La sécurité dans les travaux publics. Essai d’une interprétation économique
Revue de statistique appliquée, tome 15, n
o2 (1967), p. 73-82
<
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73
LA SÉCURITÉ DANS LES TRAVAUX PUBLICS ESSAI D’UNE INTERPRÉTATION ÉCONOMIQUE
J. MOUY
Ingénieur
enchef des
Ponts etChaussées
1 - LA NOTION DE SECURITE : Caractère insuffisant du nombre
qui
lareprésente :
La tâche essentielle du maître d’oeuvre est
d’apprécier
la sécu-rité d’un ouvrage et de définir les conditions dans
lesquelles
elle luiparaît
assurée.En
fait,
comme l’a fait remarquerdepuis longtemps
M. M. Prot"la
notion de sécurité est une de ces notionsabstraites,
difficiles à saisir dans leur mécanisme intime parcequ’elles
résument un chemi-nement de
pensée compliqué, malgré l’apparente simplicité qui
résultede leur caractère
familier" [1].
La notion
prend
corps d’une manièreplus
concrète dans la défi- nition d’un coefficient desécurité, rapport
entre la résistance réelle du matériau aupoint
considéré et le maximum de la contrainte réelle en cepoint,
sous l’action dusystème
decharge qui peut
lui êtreappliqué .
Cette définition
paraît enregistrer
une évidence.Mais,
comme ledit M. CL.
Gemaehling [2],
on ne connaît de manièreprécise
aucun desdeux termes de ce
quotient.
D’autrepart,
nous verronsqu’elle
nes’applique
pas au calcul de tous les coefficients de sécurité utilisés dans lapratique.
Très
généralement,
onprend
enconsidération,
pour les ouvragesen béton
armé,
lerapport
de la résistance moyenne du béton à la contrainte maximalequ’il
subit dansl’ouvrage.
Lerapport
doit êtresupérieur
à une valeur minimale fixée par le cahier descharges.
Les récentsrèglements
ont raffiné un peu cette définition en introduisant ladispersion
desrésistances,
et deplus,
la valeur minimale autrefois fixée à1/0,28
=3, 57
tient maintenantcompte
de la classe desciments ,
du contrôle defabrication,
de l’élancement de lapièce
et dutype
de contrainte.C’est ainsi que, pour un
barrage
voûterécent,
le constructeur mettait en avant un coefficient de sécurité de5, rapport
de la résis- tance moyenne du béton(300 bars)
à la constante moyenne dansl’ouvrage
calculé par la formule du tube
(60 bars).
A la
réflexion,
ce chiffre confortable ne laisse pas d’être un peusurprenant
car,quoi
deplus
connuqu’une charge d’eau,
pourlaquelle l’hydrostatique
donne la solutionexacte,
et deplus
facile à calculerqu’une
contrainte dans un tube mince ?La marge que s’est volontairement fixée le maître d’oeuvre
paraît
vraiment excessive.
Revue de Statistique Appliquée, 1967 - vol. XV - N· 2
74
A cela vient
s’ajouter
lacomparaison
avec le cas desbarrages
en terre. Pour
ceux-ci,
onpeut
définir aussi un coefficient desécurité ,
mais celui-ci n’est pas lié aurapport
descontraintes,
sans intérêt dansun matériau meuble. C’est le
rapport
entre le moment résistant et le moment moteurqui
définissentl’équilibre
d’un secteur dubarrage
lelong
d’uncylindre
deglissement.
Si cerapport
est inférieur à 1 pourun secteur
particulier,
il y apossibilité
deglissement
en bloc de toute unepartie
del’ouvrage,
donc ruine certaine etcatastrophe
très pro- bable.Or, l’expérience
montre que ce coefficient est rarementsupérieur
à 2. Dans les
circonstances,
il est vrai assezexceptionnelles,
de vi-dange brusque,
ilpeut
descendrebeaucoup plus
bas et l’on se contentegénéralement
d’une limite de1,3
à1, 4.
La
comparaison
entre le chiffre de 5 retenu pour unbarrage
voûteet celui de
1,3
pour unbarrage
en terrepeut surprendre
unesprit
non averti. Faut-il en conclurequ’un barrage
voûte est5/1,3 =3,8
foisplus
sûr
qu’un barrage
en terre ?En
fait, l’exemple
estparticulièrement frappant
parce que la même notion de coefficient de sécurité estappliquée,
par uneanalogie fallacieuse,
à des résultats essentiellementdifférents,
affectant desphénomènes
dont le mécanisme est structuralement dissemblable. Le chiffre 5 mesure unrapport
entre deux contraintes selon la définition donnéeplus
haut. Ilreprésente
la sécurité vis à vis d’unerupture
in- terne. Le chiffre1,3
donne la valeur de la stabilité del’ouvrage
consi-déré dans son ensemble.
Ainsi,
il y a deux manières de détruirel’organisation
d’unobjet quelconque :
soit l’écraser sous unpoids excessif,
soit le faire bascu- ler pour détruire sonéquilibre.
Lerapport
entre les deux forces né- cessaires n’a évidemment aucun intérêt.Pour une telle
comparaison,
l’étudestatistique
des accidentsqu’avait
tentée
quelques auteurs,
ne nous est d’aucun secours. Eneffet,
celle- ci n’a de valeur que si les échantillons sonthomogènes
etcomparables . Or,
d’unbarrage
à un autre, les circonstancesgéologiques
ettopogra- phiques,
laqualité
desmatériaux,
la science duprojecteur,
la technicitédes
entreprises,
larigueur
ducontrôle,
l’incidence des ressources fi-nancières,
le sens deresponsabilité
du maître de l’oeuvre sont autant de variablesqui
interdisent l’assimilation d’un résultat à unautre,
etil en est de même pour tous les ouvrages un peu
importants.
Dans
quelques
casparticulièrement simples,
le coefficient de sé- curité a un sensprécis.
Parexemple,
lespoteaux
deslignes électriques
sont
calculés,
sous l’effet du ventrèglementaire
au coefficient 3 ou 5 selon leurposition
sur laligne.
Celapeut
vouloir dire que si le vent pousse avec une forcesupérieure
à 3 ou 5 fois l’effort du ventrègle- mentaire,
le maître de l’oeuvre nepeut plus
être tenu pourjuridique-
ment
responsable
desdégâts qui pourraient survenir,
et que lerisque
a paru
trop petit
pour être assumé.Mais
quand
lacharge
estparfaitement
connue comme dans un bar- rage ouqu’elle
n’est pas matériellementsusceptible
dedépasser
unecertaine valeur comme pour un
pont,
on voit malquelle peut
être lasignification physique
du coefficient de sécurité. Il estrigoureusement impossible
que lepoids spécifique
de l’eauaugmente,
comme on le pro- duit artificiellement enessayant
desmaquettes
debarrage
à larupture ,
ou
qu’un pont supporte
descharges
dont la construction est elle-même irréalisable.Revue de Statistique Appliquée, 1967 - vol. XV - N· 2
75
II - ANALYSE DU COEFFICIENT DE SECURITE
Certes,
le coefficient de sécurité est la mesure de notreigno- rance
mais cetteignorance,
endécomposant
soneffet, porte
sur troisobjets.
Elle
porte
d’abord sur l’effortglobal
que subitl’ouvrage.
Cet ef-fort
peut
être très variable comme pour leslignes électriques,
limitéà une valeur finie comme pour un
pont,
ou très bien connu comme pour unbarrage (si
l’on tient pournégligeable
certains effetsparasites
comme lapoussée
desglaces
oul’augmentation
de la densité de l’eau par desparticules
ensuspension).
Elle
porte
ensuite sur l’influence de la diffusion de ces efforts à l’intérieur de la matière. Elle mesure donc notreimpuissance
à ré-soudre
complètement
leproblème
de résistance desmatériaux,
celle-ci étantprise
dans un sens trèsgénéral englobant
à la fois la résistancedes matériaux
classiques,
mais aussi lesphénomènes
dus aux vibra-tions et affectant la structure intime du corps comme la déformation et l’écoulement.
Enfin,
elleporte
sur lesqualités
de résistance de lamatière,
à l’intérieur du corps,lesquelles
n’ont aucune raison d’êtrerigoureuse-
ment constantes d’un
point
à un autre.La
première
et la troisième incertitudes sontsusceptibles
d’unereprésentation probabiliste mais,
fait trèsimportant,
la structure decette
représentation
est différente. Dans lepremier
cas, ladispersion
est dans le
temps,
tandis que dans ledernier,
elle est dansl’espace.
Il est donc
impossible,
pour un ouvragedéterminé,
d’assimiler le sché-ma
probabiliste
à untirage
dans deux urnes différentes et à la compa- raison des résultats comme celapeut
êtrepossible
pour une suite depièces
à vérifier. Leproblème
doit être étudié deplus près.
La deuxième incertitude est d’un genre très différent
puisqu’elle
met en cause notre
aptitude, plus
ou moinspoussée,
àreprésenter
lephénomène physique
dans son essence par un modèlemathématique,
età résoudre le
problème qui
en résulte. Nous examinerons successive- ment ces différentes incertitudes.A - Effet
global :
Dans la
plupart
des cas, sur un ouvragedéterminé,
l’effortglobal peut
être caractérisé par une suite limitée denombres,
variables dans letemps.
Ilpeut
êtrereprésenté,
au i ème intervalle detemps
indivi-sible,
par la réalisation d’une variable aléatoire Fi.On
peut
connaître(par l’ajustement
des lois connues aux chiffres donnés parl’expérience
ou parraisonnement)
la loi derépartition
de la variable aléatoire Fi :Pi(f)
est fonction de f etaussi,
dans le cas leplus général
dei,
du fait d’une certaine dérive dans letemps (augmentation
du trafic pour unpont,
vieillissement de lamatière, etc. ).
Elle est définie dans l’inter- valle 0.~. Si on connaît une suite de n intervalles detemps consécutifs ,
on a :
Revue de Statistique Appliquée, 1967 - vol. XV - N’ 2
Prob
(maximum
deFi f) =
76 S’il
n’y
a pas de dériveet Prob
(maximum
desi les efforts successifs sont
indépendants
enprobabilité,
cequ’il
pa- ra1t raisonnable de supposer.C’est
plutôt
laprobabilité
dedépassement qui
nous intéresse etqui
est donnée par :Pn (f) =
Prob(maximum
deou, en fonction du
temps
de retour moyen TB - Diffusion de l’effort :
Le calcul des contraintes est un
problème classique
de résistance desmatériaux,
mais il se heurterapidement,
pour les structures un peucomplexes hyperstatiques
comme lesbarrages,
à de grosses difficultés . D’une manière trèsgénérale,
onpeut
dire que, une structure étantcontinue,
la déformation en unpoint quelconque
est une fonction de cha-cun des efforts
appliqués qui,
enpremière approximation,
est linéaire.Le
problème
de détermination desdéformations,
donc descontraintes ,
s’assimile ainsi à la résolutiond’équations linéaires,
donc à l’inversion de matrices. C’est d’ailleurs bien ainsi que seprésentent
les méthodes modernesd’analyse
des structures(méthodes d’Argyris
et deLivesley)
ou le calcul des ouvrages très
hyperstatiques [4].
Jusqu’à
ces dernièresannées, l’analyse
fine de ces structures setrouvait très
rapidement
limitée par les moyens de calculs utilisables . Maisl’apparition
des ordinateurs a radicalementchangé
les conditions de travail desingénieurs préoccupés
deconnaître,
de lafaçon
laplus poussée possible,
les incidences des efforts sur unepièce
de formecomplexe.
Notre connaissance n’est pas
parfaite,
loin delà,
mais au fur età mesure que les théories se
perfectionnent
et que les moyens de calcul deviendrontplus puissants (si
l’on veut bien utiliser les uns et lesautres) ,
nous
parviendrons
à une connaissance deplus
enplus parfaite
du mé-canisme
d’épanouissement
des efforts à l’intérieur del’ouvrage.
Cetteimperfection
est essentiellement différente de cellequi
limite notre connaissance dephénomènes intrinsèquement aléatoires,
comme la forcedu vent et la
qualité spécifique
à l’échelle fine d’un matériau.Toutes choses étant
égales
parailleurs,
elles’apparente
à l’uti-lisation de nombres irrationnels comme 7t dans un calcul : la valeur exacte nous sera
toujours inconnue,
mais nous pourrons obtenir une valeurapprochée
avec uneprécision
aussigrande
que nous ledésirons ,
à conditiond’y
mettre les moyens intellectuels et matériels nécessaire .C -
Qualité
du matériau :Aucun matériau de fabrication humaine n’est
parfaitement
homo-gène, quelles
que soient lesprécautions prises
dans son élaboration.Revue de Statistique Appliquée, 1967 - vol. XV - N· 2
77
Quant
à la fondationqui
fait aussipartie
del’ouvrage
en tantqu’organe
de transmission et
d’épanouissement
desefforts,
saqualité
est certai-nement très variable d’un
point
à un autre.Notons d’ailleurs que le fait même
physique
de larupture exige
une
hétérogénéité.
Si le matériau était idéalementhomogène,
l’amorcede
rupture
n’aurait aucune raison de seproduire
en unpoint plutôt qu’en
un
autre,
et le corps résisteraitindéfiniment, hypothèse
évidemment im-possible
à admettre.La
répartition
des résistances paranalyse
des essaisd’éprou-
vettes a fait
l’objet
d’étudesstatistiques qui
ontporté
surtout sur larecherche d’une loi de
probabilité représentative
del’hétérogénéité
dumatériau
[2] [5] ;
la loi la mieuxadaptée
semble être la loi de Gumbel(ou
deWeibull) qui
est la suivante :Probabilité que, en un
point,
la résistance à larupture
soit su-périeure
ouégale
à r :r = Fonction eulérienne de
première espèce.
Pour les terrains
naturels,
leproblème
estbeaucoup plus
difficiledu fait
qu’à
une différence dequalité,
selon lepoint considéré, s’ajoute
une différence selon l’orientation de la surface sur
laquelle agit
la contrainte. Les études en sont encore à définir un critère dequalité convenable, qui
tiennecompte
à la fois de la résistance uintrinsèque
du
matériau,
del’importance
et de l’orientation des accidents de struc-ture,
éventuellement aussi de son altération dans letemps,
du fait deson vieillissement ou de l’influence de l’eau
[6].
III - DEFINITION DU
RISQUE
A -
Ruptur e
interne :La sécurité de
l’ouvrage
est assuréesi,
en chacun des cespoints ,
et en tous
temps,
ona l’inégalité :
o
représente
lacontrainte (normale
ou decisaillement)
résultant des effortsappliqués
et6
la résistance aupoint
considéré(1 );
---
(1) Conformément aux notations normalisées des calculs du génie civil, o désigne ici la contrainte (force par unité de surface) et non un écart-type.
Revue de Statistique Appliquée, 1967 - vol. XV - N· 2
78
Cette
inégalité
n’est malheureusement pas utilisable dans la pra-tique
du fait que o est variable dansl’espace
et dans letemps
et que03C3
est variable dans
l’espace.
Onpeut
dire aussi éventuellementque 0
va-rie dans le
temps
si l’on tientcompte
d’une certaine évolution du ma-tériau ;
mais la loiqui
définit celle-ci est déterministe alors que cellesqui représentent
les variations de o dans letemps
et de 6 dansl’espace
sont forcément de nature
probabilistique
du fait de notreignorance
fon-cière sur la valeur des efforts et
l’homogénéité
du matériau.Décomposons l’ouvrage
en un certain nombre V departies
que l’onpeut
considérer commehomogènes,
à la fois pour la contraintequi
yapparaît
et pour laqualité
du matériau(de
fabrication humaine dans lasuperstructure
ou donné par la nature dansl’infrastructure).
Etendue à tout
l’ouvrage, l’inégalité
devient :[N] :
vecteur aléatoire dans letemps
dont les V coordonnées sont les valeurs des contraintes dans chacune desparties homogènes
del’ouvrage.
[R] :
vecteur aléatoire dansl’espace
de Vcomposantes,
caractérisant lesqualités
du matériau dans chacune de cesparties.
La résis-tance des matériaux nous a fourni la matrice A telle que :
[F] :
vecteur aléatoire dans letemps,
dont les coordonnées sont les valeurs des forcesappliquées
en différentspoints
parl’ouvrage.
[A] :
matrice detransition,
d’où :Si l’on considère une suite de n intervalles de
temps consécutifs,
constituant la vie del’ouvrage,
laprobabilité
dedépassement
dechaque
force F est donnéepar l’équation
4 ou 5. Celle-ci définit une densité deprobabilité p(f)
telle que :Si la
qualité
du matériau était absolumentidentique
en tous sespoints
de résistance et si les différentes
parties
del’ouvrage
étaientindépen- dantes,
lerisque
de destruction serait la somme desrisques
en chacun despoints
et il serait donné par :la sommation étant étendue aux V
parties
de l’ensemble. Enfait,
ce calcul
pêche
sur deuxpoints.
D’une part, comme nous l’avons vu, le matériau n’est pashomogène
et la contrainte limite o varie aléa- toirement d’unpoint
à un autre. D’autrepart,
lesprobabilités
de défail-lance dans les différentes
parties
del’ouvrage
ne sont évidemment pasindépendantes.
Laprobabilité
totale est très inférieure à la somme desprobabilités
par suite duphénomène d’adaptation
bien connu des construc- teurs. Lesparties
intactes viennent secourir lesparties
enpéril
etl’ensemble reste sauf.
79
L’analyse précédente
ne serait valable que pour un ensemble cons-titué de blocs
homogènes (comme
cespyramides
de boites de conserves auxétalages
desépiciers)
danslaquelle
la ruine d’un élément entra1ne la destruction del’ouvrage,
totale oupartielle,
mais en tous cas samise hors service du fait de la
disparition
de sonintégrité.
Entre ceschéma et celui d’un massif
plastique
pourlequel
unerupture interne ,
mêmeétendue,
est sansimportance
pour la sécurité del’ensemble,
ilpeut
y avoir tous les intermédiaires.Ainsi,
le calcul durisque
d’une constructionimplique
lesopérations
suivantes :a)
Etablissement des lois deprobabilités
dedépassement
des ef- forts extérieursappliqués Pn (f)
pour la durée de vie estimée del’ouvrage
et de la densité de
probabilité correspondante.
b)
Calcul de la matrice de transition(A).
c)
Calcul des contraintes dans chacune des différentesparties ,
au nombre
V,
del’ouvrage
et déduction de leurprobabilité d’appari- tion,
en fonction de celles des efforts extérieurs.d)
Etablissement de la loi deprobabilité
de la résistance des dif- férentesparties
del’ouvrage (infrastructure, superstructure),
c’est-à-dire,
si l’on suit la loi deWeibull,
des coefficients m, ro et a pour ces différents ensembles.e)
Evaluation des"coefficients
deresponsabilité
dedestruction"
03BB au nombre de
V, qui
mesurent l’influence d’unerupture
localisée sur latenue,
ouplutôt
la faculté d’utilisation de l’ensemble del’ouvrage .
Ces
coefficients 03BB peuvent
varier de0, lorsqu’il s’agit
d’un élémentaccessoire,
à 1 pour lespièces
essentielles.Dans un
pont métallique triangulé
parexemple,
les coefficients deresponsabilités
de destruction de chacune des barres sontégaux
à1 ,
tandis que, dans un massif en terre, deux des éléments internes sont nuls.f)
Lerisque
de destruction del’ouvrage
est donné par la formule :Le
risque
X se calcule par la méthode de simulationsynthétique,
enaffectant à 6 une valeur aléatoire dont la fonction de
répartition
estconnue.
Si le nombre V des
parties
del’ouvrage
est suffisammentgrand ,
la somme X converge vers une valeur bien déterminée.
B -
Déséquilibre :
A ce
risque
derupture
structurellepeut s’ajouter
lerisque
dedéséquilibre global qui
n’existe pastoujours,
maisqui
estprépondérant
pour certains ouvrages
(basculement
d’unbarrage poids, glissement
dansun
barrage
en terre, renversement pour unappareil
delevage, etc.).
Il se calcule
plus simplement :
Fr étant l’effort limite
qui
provoque lacatastrophe.
Le
risque
total est la somme R = X + Y.Revue de Statistique Appliquée, 1967 - vol. XV - N’ 2
80
IV - INTERET DE LA NOTION DE
RISQUE
Il
pourrait
sembler àpriori
que le calculprécédent,
dont la com-plexité
estindéniable,
n’a pas servi àgrand’chose puisqu’il
a substitué à une notion peuclaire,
mais àlaquelle
chacun esthabitué,
le coeffi- cient desécurité,
une notion toutenouvelle,
lerisque,
peuchargée
d’évaluation intuitive et caractérisée par un nombre très
petit, parlant
peu à
l’esprit.
Au lieu d’un coefficient de
sécurité,
J.Talobre,
promoteur de cette notion dans la construction desbarrages,
propose pour un certain ouvrage unrisque
chiffré à0,000
005[7],
mais ce chiffre nereprésente
rien detangible.
Il faut aussi avouer que, tandis
qu’un
coefficient de sécurité pro-cure une certaine
impression
deconfort,
le mot derisque
sonne malet provoque même
l’inquiétude.
Deplus, pourquoi
s’arrêter à telle va-leur
numérique plutôt qu’à
une autre ?En
fait,
nous débouchons au contraire sur unconcept
extrêmementconnu et fécond
puisque
lerisque
est la base de la théorie des assurances et conduit à une fouled’applications
dans les domaines du calcul écono-mique
et de laprévision
desdépenses.
Un ouvrage est destiné à rendre un certain service. Ce service doit être assuré au moindre coût
global,
ce dernier étant la somme dela
dépense
de réalisation(y compris
les frais d’entretienactualisés)
etl’estimation du coût des
dommages
occasionnés parl’ouvrage
s’il vient à se rompre.Alors que les investissements sont certains et
immédiats,
les frais d’entretien évalués etétagés
dans letemps,
lesdommages
ont un ca-ractère aléatoire.
Pour que
l’optimum économique
soitatteint,
il faut minimiserl’espérance mathématique
actualisée du coûtglobal.
Soit un ouvrageprojeté
dont lescaractéristiques techniques
etéconomiques
sont lessuivantes :
- ses dimensions sont définies par un certain nombre de pa- ramètres
généraux,
dimensionsgénérales, poids
par unité de surface pour unpont, épaisseur
pour unbarrage,
contrainte moyenne, etc.qui
constituent les coordonnées d’un vecteur E :- en cas de
rupture,
il occasionne desdommages qui
sont fonction de ses dimensions(et
éventuellement dutemps)
et dont l’éva- luation de ladépense
est D(E, t).
- le
risque
derupture
R = X + Y est fonction de E(et
éven- tuellement dutemps)
et fournit en densité deprobabilité
du coût desdommages dR(E, t).
- le coût de
l’ouvrage
estC(E).
- les frais d’entretien par unité de
temps
sontF(E, t).
Dans ces
conditions,
le coûtglobal
actualisé de l’établissement del’ouvrage projeté pendant
sa durée de vie n, s’écrit :Revue de Statistique Appliquée, 1967 - vol. XV - N· 2
81
i est le taux d’intérêt continu de
l’argent.
Ils’agit
maintenantd’opti-
maliser les dimensions de
l’ouvrage,
en déterminant lescomposantes
du vecteurE, qui
rendent la fonctionH(E)
minimale.Cette méthode est la
généralisation
de cellequi
a étéproposée
et utilisée pour le calcul du dimensionnement des ouvrages de
protection
contre les crues.
Signàlons,
à la suite de M. J.Bernier,
la difficultéconceptuelle qui
s’attache au critèreéconomique
retenu.Le
problème
revient à minimiserl’espérance mathématique
d’unedépense, plus
ou moinscatastrophique,
c’est-à-dire la somme des pro- duits de cesdépenses
par leursprobabilités respectives
d’intervention.La notion
objective
de laprobabilité
est liée à l’idée d’unepossi-
bilité de
répétitions
desphénomènes
en cause.Mais,
dans le cas par-ticulier,
la durée moyenne entre deuxapparitions
duphénomène (inverse
de la
probabilité)
excède laplupart
dutemps
la durée de vie del’ouvrage .
D’autre
part,
ilparaît
avantureux et mêmequelque
peu immoral de faire intervenir dans un calculqui s’apparente
en celui d’ungain
dans unjeu ,
des
dépenses qui correspondraient
à la ruine de personnes et même à leur mort.C’est
qu’il s’agit
là d’unproblème
deprobabilités subjectives
dontcertains statisticiens ont montré
qu’elles
se combinaient d’unefaçon
dontles théorèmes fondamentaux du calcul des
probabilités
rendentcompte [9].
Le critère de décision est basé sur un
pari
au sens leplus
noble duterme, lequel
se trouve,plus
ou moinsconscient,
dans toutes les ac-tions humaines d’une certaine envergure.
C’est, effectivement,
celuiauquel
se réfère un maître de l’0153uvrelorsqu’il envisage
l’éventualité d’une action destructrice et la nécessité d’un renforcement del’ouvrage.
Le
supplément
deprix correspondant
est-il enrapport
avec la pos- sibilité d’un accident ? Chacunjuge
selon sontempérament,
timoré ou avantureux, lesdisponibilités
financièresqui
lui sontaccordées,
sonintuition,
sonexpérience
ou sonflair, qui
ne sont souvent que le masque del’ignorance,
mais font autorité.Il
paraît
souhaitable d’introduirequelque logique
dans ce débat defaçon
à ce que la décisionprise
soit moins le reflet d’une tendance sub-jective,
maisplus
nettement laconséquence
d’une étude raisonnée.Certes,
la méthode que nouspréconisons
se heurte à une foulede difficultés. Elle suppose une
analyse statistique rigoureuse,
uneconnaissance
approfondie
ducomportement
interne del’ouvrage,
unesomme de calculs
impressionnante
et nous avons vu que pour certainséléments,
comme lafondation,
la définition de laqualité
du matériau était encore très vague.Mais il
paraît possible,
dans certains casparticuliers,
pour les ouvrages de formesimple,
de définir uneligne
de conduite.L’exemple
du déversoir du
barrage
deSERRE-PONÇON,
où un calcul de cetype
a retrouvé l’évaluationplus
ou moins intuitive deshydrologues, permet
de bien augurer de la méthode.La
plus
grosse difficultéproviendrait
sans doute de la nécessité absolue deprévoir
tous les effets destructeursqui pourraient s’attaquer
à
l’ouvrage.
Une telle étude exhaustive est fort difficile pour les ou-Revue de Statistique Appliquée, 1967 - vol. XV - N· 2
82
vrages d’une
conception
nouvelle etl’expérience
montre que les acci- dentsimportants
sontbeaucoup
moins dus à une faiblesse devant les effets"classiques" qu’à
uneinadaptation complète
à unphénomène
inat- tendu. La nature a souventplus d’imagination
que leprojeteur.
Il semble
cependant
que l’étude en vaille lapeine
car ellepermet-
trait d’introduire un peu de clarté dans les discussions sans fin aux-quelles
aboutissent leplus
souvent lesquerelles d’experts.
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