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Article pp.177-190 du Vol.35 n°196 (2009)

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L’hypercompétition à laquelle les entreprises sont confrontées les renvoie à l’obligation de réduire constamment les prix de leurs produits ou services, tout en améliorant leur qualité.

Cette gestion combinée de deux critères qui ne sont pas forcément compatibles caractérise le client que M. Montebello (2003) définit par demandeur de valeur. Fondé sur la chaîne de valeur de Porter (1985), le management par les activités a pour objectif d’apporter un éclairage sur les processus créateurs de valeur dans une entreprise tout en identifiant les leviers pour en réduire les coûts. Dès lors, la performance d’une entreprise ne peut plus se définir uniquement autour de critères financiers. Le développement de tableaux de bord équilibrés fondés sur des indicateurs non financiers (re)devient nécessaire.

BRUNO NEUNREUTHER CERGAM, IAE d’Aix en Provence

La contribution

du contrôle de gestion au management

de la valeur

DOI:10.3166/RFG.196.177-190 © 2009 Lavoisier, Paris

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F

aites moins cher ou vous êtes virés, faites moins bien et vous êtes virés ! »1 ordonne un manager de chez Sony, au regard plutôt persuasif, à ses collaborateurs. Ce rappel à l’ordre renvoie bien à la nécessité de satisfaire le client que Michel Montebello (2003) définit comme demandeur de valeur. Il est en effet conjointement sensible au prix et à la qua- lité, ou tout autre critère de différenciation générateur de valeur à ses yeux. Améliorer le couple coût-valeur devient dès lors une nécessité absolue. Il pourrait être reproché à Porter d’avoir provoqué l’enlisement dans la voie médiane, les stratégies de domination par les coûts et les stratégies de différenciation étant selon lui totale- ment incompatibles. Néanmoins, on lui doit la présentation des sources de création et de maintien d’un avantage compétitif par la valeur (Porter, 1985) grâce au concept de chaîne de valeur (figure 1)

qu’il définit pour diagnostiquer un avan- tage concurrentiel et trouver les moyens de le renforcer.

I – AU DÉBUT FUT LA CHAÎNE DE VALEUR…

La construction et la défense d’un avantage compétitif résultent dès lors de la capacité d’une entreprise à accomplir les activités nécessaires, à un coût inférieur à celui de ses concurrents, ou à effectuer certaines activités d’une façon unique créatrice de valeur pour le client. Selon Porter, créer de la valeur c’est éliminer les activités non créatrices de valeur.

Et, avec d’autres, comme Hergert et Morris (1989), de fustiger les comptables de ne pas être capables d’apporter une information adaptée à l’analyse de la chaîne de valeur.

Cette dissonance tient principalement à deux raisons : d’une part, les systèmes de

1. Slogan de l’entreprise Sony (2002).

Figure 1 –La chaîne de valeur

Source : Porter (1985).

«

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comptabilité de gestion, généralement développés au début du XXesiècle, ont une orientation fonctionnelle, et d’autre part, ils ne sont pas centrés sur le couple coût- valeur2. En effet, ces deux notions ne pré- sentent pas la même base d’évaluation. La valeur est un critère de compétitivité établi par le marché, le coût est un critère de pro- fitabilité jugé d’un point de vue interne.

Difficilement mesurable, la valeur est pour- tant bien représentée dans l’analyse de la chaîne de valeur, où toutes les activités ont vocation à la créer. La valeur peut s’envisa- ger sous deux angles. Pour le consomma- teur, elle est fondée sur le concept écono- mique de demande. Les produits sont considérés comme un ensemble d’attributs.

Ils ont donc des configurations différentes pour satisfaire des segments de consomma-

teurs, caractérisés par des fonctions de demande distinctes. Pour l’entreprise, la valeur s’analyse sur chaque activité accom- plie (au sens de la chaîne de valeur) en se demandant si, dans l’absolu, cette activité est vendable aux clients. Si en dehors de toute considération de coût, la réponse est négative, on se trouve face à une activité non créatrice de valeur.

En évoquant le concept de système de valeur, Porter (1985) montre que les attributs fondamentaux émergent de la chaîne de valeur du client et qu’ils sont reliés aux acti- vités exercées par l’entreprise. La valeur qu’une entreprise crée pour son client est alors déterminée par les liaisons qui unissent sa chaîne de valeur à celle du client. De ces multiples liens résultent les critères d’achat qui dépassent généralement les simples

2. Pour l’obsolescence des systèmes traditionnels de calcul des coûts voir Cauvin et Neumann (2007).

Figure 2 –Matrice d’identification des activités stratégiques

Source : Porter (1985).

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caractéristiques physiques du produit. Dès lors, l’entreprise doit déterminer les activités créatrices de valeur qui influent sur les cri- tères d’achat. À cet effet, Porter présente une matrice (figure 2) qui croise les critères d’achat (critères d’utilisation ou critères de signalisation) et les activités accomplies dans le cadre de la chaîne de valeur. L’objec- tif est de définir le poids relatif des activités dans la création d’une différenciation.

En observant la matrice présentée ci-avant, l’amélioration du critère « Délai de livrai- son », critère de différenciation défini par le client, passe par la gestion des activités dès lors devenues stratégiques : la production, la logistique externe, les services, les approvi- sionnements, le développement technolo- gique et la gestion des ressources humaines.

Il convient donc de souligner qu’une activité est créatrice de valeur à partir du moment où elle devient stratégique. Elle devient straté- gique dès lors qu’elle participe à la réalisa- tion d’un critère d’achat défini par le client.

En réponse à cette évolution de la réflexion stratégique, la fin des années 1980 va mar- quer une évolution des outils de comptabi- lité de gestion avec l’émergence de la comptabilité par activités (ou ABC)3 éten- due à un système de management par les activités (ou ABM)4.

II – LE RETOUR VERS L’ACTION : LE MANAGEMENT PAR LES

ACTIVITÉS5

L’ABC est une méthode de calcul de coûts construite autour des activités d’une entre-

prise afin d’imputer de manière pertinente les dépenses indirectement reliées aux pro- duits ou aux services. La méthode ABC postule en effet que toute activité consomme des ressources et que tout pro- duit ou service consomme des activités. Ce qui cause les coûts, ce ne sont plus les fonc- tions offertes comme le prétend l’analyse de la valeur mais les activités, c’est-à-dire une combinaison de personnes, de techno- logies, de matières, et de méthodes qui fournissent un produit ou un service déter- miné. Associé à l’ABC, l’ABM est une ins- trumentalisation de la chaîne de valeur en analysant les activités dans le but d’amélio- rer la valeur pour le client tout en réduisant les coûts (Cauvin, 2000).

L’entreprise n’est plus perçue comme un ensemble de ressources regroupées en unités administratives dont il suffit de maximiser l’efficience, indépendamment les unes des autres, pour avoir du succès. Elle est désor- mais représentée comme un ensemble d’ac- tivités liées, qui forment des réseaux appelés processus auxquels clients et fournisseurs peuvent être rattachés (Schonberger, 1990).

Dans ce contexte, l’entreprise constitue une chaîne de clients où chacun est à la fois four- nisseur et acheteur. Les activités sont alors intégrées, dans le sens où les relations ne passent plus quasi exclusivement par la voie hiérarchique, et deviennent directes, de type clients/fournisseurs, introduisant de proche en proche les impératifs du marché.

Le schéma proposé par Gunasekaran et al.

annonce les trois parties que nous allons évoquer pour traiter cette question : l’ana-

3. Activity-Based Costing(ABC).

4. Activity-Based Management(ABM).

5. Voir en particulier Berliner et Brimson (1988), Johnson et Kaplan (1987), Kaplan (1983), Kaplan (1984), Mévellec (1991).

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lyse des activités, l’amélioration des activi- tés, et l’évaluation des performances des activités.

1. L’analyse des activités

Dès lors que les activités ont été identifiées et leur coût a été calculé, l’ABM commence par l’analyse de ces activités. Cette pre- mière étape s’inscrit dans une démarche globale par rapport à l’entreprise et à ses processus. En effet, une activité non créa- trice de valeur est souvent définie comme une activité qui peut être éliminée sans nuire aux attributs d’un produit (par exemple, à sa fonctionnalité, ou à sa qua- lité). Cela revient à s’interroger sur la capa- cité d’une activité à créer de la valeur pour un client, ou sur sa contribution à la créa- tion de valeur d’un processus qui regroupe des activités autour d’une finalité com-

mune. Ce questionnement consiste alors à mettre en perspective les ressources que consomme une activité avec la valeur per- çue qu’elle engendre. Dans cet arbitrage entre les coûts et la valeur, on dépasse le simple calcul et on s’inscrit dans une pers- pective stratégique. Il n’est toutefois pas simple de classer les activités et les proces- sus en distinguant ceux qui sont créateurs ou non de valeur pour le client. Pour cer- tains, les activités sans valeur sont liées au gaspillage, ou bien encore au coût de la qualité lorsque, par exemple on retravaille des produits défectueux. À l’extrême, pour d’autres, tout ce qui n’a pas trait à la pro- duction peut être perçu comme sans valeur.

Cependant, un processus, c’est-à-dire une série d’activités liées, où chaque activité est

« cliente » d’une autre, peut globalement créer de la valeur tout en intégrant des acti-

Figure 3 –L’analyse par les activités

Source : Gunasekaran et al.(2000).

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vités qui n’en créent pas mais qui sont tout autant incontournables. Voici des exemples d’activités que l’on juge souvent comme non créatrices de valeur :

– L’initialisation des machines car pendant ce temps-là on ne produit rien. Mais com- ment s’exonérer de cette activité ?

– La logistique. En effet, acheminer des composants vers un atelier, ou transférer un produit d’un atelier à un autre n’accroît pas sa valeur.

– Le contrôle de qualité. Une entreprise peut en effet s’exempter de cette activité à condition de produire sans défauts.

– Le stockage, à moins que le client consi- dère la disponibilité d’un bien comme un critère d’achat essentiel et discriminant dans son choix rendant dès lors l’activité stratégique.

Cette analyse se heurte toutefois au grand nombre d’activités à traiter. Cela conduit souvent à se focaliser sur les activités les plus critiques c’est-à-dire les plus consom- matrices de ressources. On pourra utiliser la loi de Pareto permettant de rechercher les 20 % d’activités représentant 80 % des coûts.

Il est généralement recommandé de termi- ner l’analyse des activités par leur étalon- nage6en interne, si l’entreprise dispose de plusieurs entités réalisant des activités comparables ou en externe sur la base d’appels d’offres. Cette comparaison aux meilleures pratiques peut être réalisée sur la base de critères tels que la durée, les res- sources consommées, la satisfaction des clients, etc.

Ce travail d’analyse constitue un préalable à l’étape suivante : l’amélioration des activités.

2. L’amélioration des activités

Ce qui différencie le management par les activités des méthodes traditionnelles de calcul et de gestion des coûts est l’attention qu’il porte, non plus aux produits, mais aux activités. En effet, comme le souligne Pierre Mévellec (1991), les produits ne sont que la matérialisation de la compétitivité des activités. C’est en recherchant l’amélio- ration permanente des activités et des pro- cessus que l’entreprise peut se doter de fac- teurs de compétitivité centrés sur la maîtrise de ses coûts et de la valeur qu’elle crée (Cauvin, 2000).

Changer la manière dont les activités sont utilisées ou réalisées, puis réallouer les res- sources ainsi dégagées constitue le meilleur moyen de réduire les coûts tout en créant de la valeur. Quatre types de stratégie peuvent être envisagés pour atteindre cet objectif.

L’élimination des activités non créatrices de valeur

Comme nous l’avons évoqué précédem- ment, certaines activités peuvent être élimi- nées car elles ne créent pas de valeur pour le client ou ne sont pas nécessaires au fonc- tionnement de l’entreprise.

Toutefois cette démarche ne débouche pas forcément sur la suppression brutale d’une activité mais peut déclencher une réflexion sur la réorganisation d’une entreprise. À titre d’exemple, le déplacement d’un pro- duit d’un atelier à un autre est une activité qui n’apporte pas de valeur au client final, mais qui est incontournable tant que les deux ateliers sont séparés géographique- ment. Dès lors, la disposition de l’usine devient le « facteur causal de l’activité »7.

6. Benchmarking.

7. Appelé aussi « facteur explicatif des coûts » ou en anglais « cost drivers ».

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C’est par conséquent en réorganisant l’usine, c’est-à-dire en rapprochant les deux ateliers, que l’on peut agir sur le facteur causal et éliminer l’activité de déplacement des produits. Dyer et Hatch (2004), à tra- vers l’exemple de Toyota, illustrent parfai- tement cette démarche. En effet, Toyota a initié une démarche d’apprentissage organi- sationnel au sein de son réseau de fournis- seurs dans le but d’améliorer la producti- vité. Toyota a ainsi collaboré avec Continental Metal Specialty (CMS), un fournisseur américain, à l’élimination de ses activités sans valeur. Cette entreprise qui estampe les pièces métalliques des châssis réalisait un total de trente activités.

Les consultants de Toyota ont identifié seu- lement quatre activités créatrices de valeur : le découpage, la mise en forme, la soudure et la peinture. Toyota et CMS ont alors réor- ganisé la production pour rapprocher dans un même lieu la soudure et la mise en forme, éliminant ainsi douze étapes non créatrices de valeur. Avec le temps, CMS s’est affranchie de dix-neuf activités sans valeur, réduisant le temps de lancement en fabrication de deux heures à 12 minutes ! Les stocks ont de surcroît diminué de 90 %.

La réduction du temps et de l’effort nécessaire

à l’accomplissement d’une activité Cette réduction peut être fondée sur une amélioration du processus et sur la concep- tion des produits. À titre d’exemple, le temps consacré à l’initialisation des machines peut être réduit par l’effet d’expérience, une meilleure coordination des différents acteurs impliqués, une meilleure disposition des

outils, et une re-conception des produits à fabriquer dans le but de réduire l’initiali- sation des machines selon les produits.

Cette démarche ne doit toutefois pas se faire aux dépens du positionnement straté- gique de l’entreprise. En effet, dans l’esprit de la chaîne de valeur, les activités sont le vecteur des critères d’achat définis par les clients, et par conséquent de l’offre de valeur de l’entreprise. Leur élimination ne doit donc pas entacher cette offre. À titre d’illustration8, l’entreprise Louis Vuitton a modifié le processus de fabrication de ses sacs à main. Aujourd’hui, leur fabrication nécessite 3 jours et demi au lieu de 25 jours en moyenne en 1995. La diminution pro- bable des coûts qui résulte de l’industriali- sation d’un processus autrefois artisanal est de nature à augmenter la rentabilité tout en maintenant le caractère « Made in France », considéré comme essentiel par la marque.

Elle permet également de diminuer le prix du produit. Ce dernier tend en effet à deve- nir un accessoire de mode dont la durée de vie est plus courte, ce qui exige de raccour- cir le cycle de production pour augmenter les volumes fabriqués. Toutefois, l’émer- gence d’une production « de masse » dégrade en partie le caractère de rareté qui était, entre autres attributs, engendré par une production artisanale. La contrepartie pour Vuitton est de s’éloigner du luxe et de se rapprocher du prêt-à-porter. Les sacs sont ainsi parfois vendus dans des « cor- ners » de grands magasins tels que Harrods.

La sélection d’activités à faibles coûts Les concepteurs des produits et des proces- sus de fabrication doivent choisir les activi-

8. « Le renouveau du sac génère des emplois », Le Monde, 14 décembre 2004 ; « Vuitton unpacks its clothes », Financial Times, 21 mars 2006.

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tés les moins coûteuses. La conception d’un produit et la sélection de ses composants peuvent en effet induire le choix de proces- sus spécifiques à leur assemblage : un assem- blage automatisé ou artisanal. Ce choix doit être pris en compte dans les premières étapes de conception du produit en comparant le coût associé aux deux modes d’assemblage.

Le partage d’activités ou de composants Dès lors que des produits différents répon- dent partiellement à des besoins communs, il est recommandé de mutualiser les res- sources allouées. Il est de plus en plus cou- rant que les concepteurs de produits, en par- ticulier dans l’industrie automobile, utilisent des composants communs dans la fabrication de produits différents. Les seuls composants qui doivent rester uniques sont ceux qui sont attachés à des attributs diffé- renciateurs aux yeux du client. Cette mutualisation des composants se répercute également sur les activités associées (par exemple, les activités de stockage ou d’ap- provisionnement).

Ces différentes mesures en direction des activités et des processus que les entreprises mobilisent pour satisfaire un client de plus en plus exigeant ne peuvent être mises en œuvre et comprises par les différents acteurs qu’à condition qu’elles s’adossent à un système d’évaluation et de pilotage des performances adapté.

2. L’évaluation des performances

Dans le management par les activités, la gestion du couple coût-valeur suppose l’identification des activités stratégiques, celles dont dépendent la création et la défense d’un avantage compétitif, ainsi que l’évaluation et le pilotage de leur perfor-

mance. Cette dernière action implique la construction de systèmes de mesures phy- siques de la performance : les objectifs financiers ne stimulant guère l’amélioration opérationnelle. L’amélioration des proces- sus doit par conséquent précéder celle des résultats. Par ailleurs, ces informations n’éliminent pas le besoin d’informations financières car l’élimination de certaines activités, ou la réduction de leur coût implique une réallocation pertinente des ressources ainsi dégagées.

L’évaluation des performances :

de la stratégie à la gestion opérationnelle Dans la conception de l’entreprise du XXIesiècle, le processus devient le concept fédérateur de la gestion stratégique et opé- rationnelle. Les systèmes d’évaluation des performances doivent évoluer conjointe- ment aux critères d’achat définis par le client, en considérant qu’ils ne sont jamais ni statiques, ni complètement satisfaits (Schonberger, 1990). La performance n’est plus fonction de la quantité produite par rapport à la quantité de ressources consom- mées pour chaque activité accomplie, mais bien du coût et de la contribution de l’en- semble des activités à la richesse créée aux yeux du client.

Par conséquent, les actions à court terme doivent s’inscrire dans le cadre d’orienta- tions à long terme. Les systèmes d’évalua- tion des performances doivent contribuer au suivi de la mise en œuvre des stratégies, et être parties prenantes d’un système de pilo- tage cohérent guidant l’action en assurant le suivi des performances à court et long terme. La stratégie, les actions menées et l’évaluation des performances doivent être constamment rapprochées.

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L’évaluation des performances : un équilibre d’indicateurs financiers et non financiers

La recherche de cohérence entre la straté- gie, les actions qu’elle induit, et l’évalua- tion de ces dernières implique l’utilisation d’indicateurs à la fois financiers et non financiers.

La figure 4 souligne l’existence d’une rela- tion dynamique entre la stratégie, les actions et l’évaluation des performances.

Le contrôle de gestion est dès lors considéré comme un outil de mise en œuvre, mais aussi de définition de la stratégie.

Les trois axes doivent maintenir leur cohé- rence réciproque au-delà de leur progres- sion. En outre, chacune des trois dimen- sions peut engendrer un changement (Nanni et al., 1992), car l’application de décisions stratégiques peut, en retour, faire émerger de nouvelles politiques (Simons, 1990, 1991). L’amélioration de la compé-

titivité peut ainsi avoir pour origine, certes une stratégie ambitieuse mais également un programme d’action novateur, ou un sys- tème d’évaluation des performances effi- cace. Les trois directions sont complémen- taires et se renforcent mutuellement.

Selon Nanni et al. (1992), « plus la qualité et la réactivité au marché deviennent des dimensions stratégiques fondamentales, moins les indicateurs financiers, fondés uni- quement sur les économies de coûts, sont pertinentes pour gérer l’entreprise à long terme ». Dès lors, dans un environnement caractérisé par des évolutions technolo- giques de plus en plus rapides et par le rac- courcissement du cycle de vie des produits, marqué également par le rôle fondamental accordé maintenant au savoir et à d’autres actifs incorporels, les performances finan- cières futures sont souvent mieux évaluées par des indicateurs non financiers que par des indicateurs financiers.

Figure 4 –La cohérence entre la stratégie, les actions, et les indicateurs de performance

Source : d’après Nanni et al.(1992).

Stratégie

Indicateurs de performance Actions

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Cette nécessaire harmonie de la stratégie, des actions, et des systèmes d’évaluation des performances, implique un contrôle de gestion totalement en phase avec la gestion stratégique et opérationnelle. Le manage- ment par les activités constitue la clé de voûte de ces deux domaines. Elle repose sur une amélioration continue des variables stratégiques par une coordination des acti- vités au-delà des limites fonctionnelles.

La coordination des activités en fonction de la stratégie définie s’appuie sur la mise en place d’indicateurs non financiers ou fac- teurs explicatifs des coûts. Il s’agit d’indica- teurs opérationnels dont l’objectif est de suivre l’amélioration des processus. Leur nature peut être physique (par exemple, le nombre d’ordres d’achat) ou monétaire (par exemple, le coût d’un ordre d’achat). Néan- moins, ces indicateurs doivent être définis en cohérence avec la stratégie de l’entreprise, et doivent par conséquent évaluer la perfor- mance des activités ou processus critiques.

Cette dernière phase du management par les activités consacrée à l’évaluation des performances constitue l’un des quatre axes fondamentaux du système d’évaluation des performances proposé par Kaplan et Norton (1996) : le Balanced Scorecard.

Le Balanced Scorecard

À travers le Balanced Scorecard, Kaplan et Norton proposent un nouveau cadre pour décrire une stratégie en reliant des actifs incorporels et corporels aux activités créa- trices de valeur. Ce tableau de bord n’a pas pour objectif d’évaluer le capital intellec- tuel. Il permet plutôt d’identifier et d’appré- cier les liens de cause à effet entre les actifs, matériels et immatériels, que l’entreprise a mobilisés et combinés afin de créer de la valeur pour ses clients. En effet, comme les

auteurs le soulignent « dans une économie caractérisée par les actifs matériels, les indicateurs financiers étaient adaptés…

Mais l’économie actuelle, où les actifs incorporels sont devenus des sources majeures d’avantages concurrentiels, exige des outils qui décrivent les actifs fondés sur le savoir et les stratégies de création de valeur que ces actifs génèrent. » (Kaplan et Norton, 2001).

Comme le montre la figure 5, le Balanced Scorecard se compose d’indicateurs regroupés au sein de quatre axes straté- giques qui ont les uns envers les autres des liens de causalité. Cette chaîne causale suit le parcours suivant :

– en premier lieu, elle part des indicateurs contenus dans l’axe apprentissage organi- sationnel,

– ensuite, elle se dirige vers les indicateurs contenus dans l’axe processus interne et innovation,

– puis vers ceux contenus dans l’axe straté- gique clients,

– pour enfin aboutir aux indicateurs conte- nus dans l’axe financier.

Ainsi, l’infrastructure de l’entreprise, les compétences, les capacités et les connais- sances du personnel, mais aussi la techno- logie qu’il utilise et l’ambiance dans laquelle il travaille, conditionnent la capa- cité d’une entreprise à exécuter des proces- sus internes de façon nouvelle et différen- ciée. Ces processus internes, tels que la conception de nouveaux produits, le déve- loppement de marques et de marchés, les ventes, le service, l’exploitation et la logis- tique, définissent les activités qui sont nécessaires pour créer l’offre de valeur et la différenciation souhaitées pour le client.

C’est l’axe client qui, une fois les objectifs financiers fixés, aura identifié les clients

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cible ainsi que l’offre de valeur décrivant comment l’entreprise se différencie pour attirer les clients visés, les fidéliser et approfondir les relations avec eux. Il conviendra tout de même de noter que la démarche décrite par Kaplan et Norton a pour point de départ les objectifs financiers qui permettent de définir le contenu de l’axe client, lui-même satisfait par les processus internes à l’intérieur desquels l’infrastruc- ture de l’entreprise se déploie.

Cette chaîne causale, des connaissances aux résultats financiers, évaluée par des indica- teurs financiers et non financiers constitue une démarche intéressante pour les entre- prises qui s’interrogent sur la « valeur » de leur capital intellectuel. Il ne s’agit pas là de valoriser des actifs mais plutôt de mieux

appréhender et comprendre l’impact de l’im- matériel sur les résultats financiers. Ainsi par- tant de sa vision et de sa stratégie l’entreprise jugera de façon plus réaliste les savoirs qu’elle devra déployer dans ces processus internes afin de satisfaire la proposition de valeur qu’elle aura définie. Elle pourra dès lors « mesurer » l’impact de ses investisse- ments immatériels sur ses résultats financiers.

À travers les innovations qui ont parcouru les années 1980 et 1990, le contrôle de gestion s’est efforcé de répondre aux exigences stra- tégiques combinées de réduction des coûts et de différenciation. Le management par les activités constitue un dispositif de gestion dont l’objectif est d’apporter une informa- tion adaptée à la chaîne de valeur. Il produit des indications sur le coût des activités et Figure 5 –Le Balanced Scorecard

Source : Kaplan et Norton (1996).

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permet d’identifier les activités stratégiques en fonction des critères d’achat des clients et donc de l’offre de valeur définie par l’entre- prise. Au-delà de cette vision statique, le management par les activités s’inscrit dans une démarche plus dynamique d’évaluation des performances des activités et des proces- sus. En s’appuyant sur des indicateurs essen- tiellement opérationnels il contribue à l’équilibre du financier et du non financier dont se réclame le Balanced Scorecard9 défini en tant qu’outil de pilotage straté- gique. Il en constitue ainsi l’un des piliers.

Les stratégies de création de valeur exigent pour se déployer un contrôle de gestion

capable d’exercer un pilotage par les activi- tés (et les processus) dont le Balanced Sco- recardest une des formes les plus abouties.

Néanmoins, si chercher à créer de la valeur est légitime et souhaitable, faire ce qu’il faut pour éviter d’en détruire semble l’être tout autant. À cet égard, et pour conclure, nous voulons souligner le rôle primordial d’une autre dimension du contrôle, le contrôle interne.

De manière générale, le contrôle interne est un processus mis en œuvre par les dirigeants et le personnel, à quel que niveau que ce soit, destiné à leur donner en permanence une assurance raisonnable que les opérations

9. Traduit littéralement « Tableau de bord équilibré ».

Figure 6 –Stratégie et systèmes de contrôle

Source : adapté de Simons (1995).

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sont réalisées, sécurisées, optimisées et per- mettent ainsi à l’organisation d’atteindre ses objectifs de base, de performance, de renta- bilité et de protection du patrimoine et que les informations sont fiables10. Le contrôle interne est ainsi le socle sur lequel la straté- gie (de création de valeur) peut se déployer et le contrôle de gestion en assurer le pilo-

tage, comme l’a très bien montré Simons (1995) à travers sa typologie des systèmes de contrôle (figure 6).

Enfin, force est de reconnaître que les diffi- cultés de la période actuelle incitent à pro- mouvoir les différentes formes de contrôle aussi bien dans la création que dans la pro- tection de la valeur créée par la stratégie.

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Références

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