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Cultures ... racines

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Enf_ants, adolescents et société

Là où il n'est pas encore trop tard.

CULTURES ... RACINES

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C'est en 1980 que tout a vraiment commencé quand, au troisième trimestre, les C.E. décidaient de mener une

enquête sur Clazay autrefois et les vieux métiers.

J'avais alors dans m a classe, Fabrice, le petit-fils de l'ancien maréchal-ferrant, habitant dans le bourg même.

Rendez-vous fut pris et nous nous retrouvions tous, un après-mid1: dans l'ancienne forge où M. Gilbert nous attendait.

Il faut vous dire que tout est resté intact dans sa forge.

Cela fait déjà quelques années qu'il est à la retraite, mais il a tout gardé, outils et machines, n'a rien voulu vendre, alors qu'Havait trouvé acquéreur.

Les enfants avaient préparé des questions, mais M. Gilbert se mit tout de suite à leur montrer ses outils, ses machù1es, expliquant le fonctionnement et racontant comment

il travaillait. Il avait même rallumé sa forge pour nous et se mit à faire un fer à cheval sous nos yeux. Etonnement

de la part des enfants mais aussi grand intérêt : ils ont voulu manier certains outils, taper sur l'enclume et n'arrivaient

pas à croire que ce manche de marteau eût été usé par le pouce de M. Gilbert.

M. Gilbert, s'adressant aux élèves de 'l'école, mettait un point d'honneur à leur parler en français, mais tout

naturellement s'intégraient dans ~a conversation, dès mots poitevins et des structures poitevines puisque sa langue

avait été et est toujours le poitevin quand il converse avec les gens de sa génération.

Sachant qu'il était autrefois violoneux dans les noces et les bals, je lui posais une question sur ce qu'il faisait, sa

semaine de travail écoulée. C~est alors qu'il sortit son violon jusque-là bien dissimulé dans un coin de la forge, et se mit

à jouer pour nous, scottish, mazurkas, polkas et valses, qu'il jouait dans les noces, et les enfants, d'abord fort surpris se mirent tout naturellement à essayer de danser.

Deux-heures, hélas, étaient bien vite écoulées; il nous fallait rentrer mais avec la promesse que M. Gilbert viendrait à

l'école pour nous apprendre ces danses que connaissent nos grands-parents. Ce qui fut fait peu de temps après. En un après-mid1: les enfants ont appris à danser la scottish, la

polka et la mazurka ; trois danses du bocage assez simples. Il aurait bien voulu aussi leur apprendre l'avant-deux, la plus

belle danse mais c'est difficile pour des enfants si jeunes.

Autant de moments forts 1 Quelque chose était passé entre M. Gilbert et nous. Il nous avait transmis quelque chose de sa vie, de son savoir, de sa culture. Il y avait eu partage, et

pour les enfants, connaissance d'un peu d'histoire de leur passé.

J'avais aussi cette année-/à, Mickaël dans ma classe, qui nous avait dit : (( moi, j'habite dans l'ancien atelier du

sabotier )).

Contact fut pris auprès de M. Painaud, habitant toujours le bourg et c'est ainsi que nous nous retrouvions également chez lui un après-midi.

M. Painaud, sabotier depuis 1931, ayant cessé ses activités en 1956, n'avait plus rien comme outils (Hs avaient été vendus ou prêtés à un musée). Bref, il fit des pieds et des mains pour essayer d'en récupérer le plus possible et pouvoir répondre

à notre demande. Il était fort ému et heureux d'expliquer son travail aux enfants. Il faut dire que M. Painaud, infirme de naissance, célibataire, est assez peu considéré dans le bourg, qu'il inspire plut6t la pitié. Il s'est aussi passé

quelque chose entre les enfants et lui; il s'est senti tout à coup considéré comme une personne, parlant de lui, de ce

1

qui fut sa vie, et a peut-être pour un temps, retrouvé une raison de vivre. C'est fort gentiment qu'il a répondu à

toutes les questions des enfants, qu'il/es a laissé essayer tous les outils. Et comme M. Gilbert, il parlait avec

beaucoup de poitevinismes.

Isabelle, petite fille de paysan à la retraite, demanda à son pépé de nous montrer quelques outils ou machines qu'il

n'avait pas vendus. C'est ainsi qu'il/eur expliqua l'écrémage du lait (vie1ïle écrémeuse), la fabrication du beurre (barate), l'aiguisage à la meule, le moulin à venter, comment on

coupait l'herbe au<< dai/)) (faux).

En 1981, le jardù1 de l'école étant infesté de taupes, j'avais fait appel à un ancien taupier pour qu'il vienne tendre des pièges. Les enfants l'ont vu tendre, et le lendemain ont eu la surprise de voir la bête prise. M. Talbot leur en a apporté

une vivante (nombreux étaient ceux qui n'en avaient

jamais vu!) et pour qu'Hs voient la vitesse à laquelle elle se déplace, ill' a lâchée dans le jardin.

M. Talbot est revenu avec un autre taupier : M. Clochard et pendant une heure ils ont répondu aux questions des

enfants et parlé du métier de taupier. M. Talbot a des dons de conteur incontestables et lui-même était le premier

étonné que les enfants aient si bien suivi.

C'est peut-être M. Talbot qui parlait le plus poitevin et cela n'a en rien gêné les enfants qui ont fort bien compris,

preuve que cette langue que parlaient leurs ancêtres, que parlent encore leurs grands-parents et que leurs parents

comprennent et parlent encore en certali1es occasions, est bien toujours présente aux oreilles des enfants.

Cette année, j'ai des enfants plus jeunes (de 5 à 7 ans). Je leur fais écouter des comptines, des chants en langue

poitevine. Quand, juste avant les vacances, je leur ai dit le conte des (( 3 petites poulettes )), deux enfants avaient tout compris et les autres, un peu.

Aujourd'hui il nous faut réintroduire cette langue, véhicule d'une culture méconnue, méprisée et qui plus est, pour des raisons socio-po/itiques, écrasée par l'école, pour que

l'enfant se réapproprie ce qui est à lui, c'est-à-dire son histoire, qu'JI en ait connaissance, qu'il ait conscience d'appartenir à ce m1ïieu et qu'il l'exprime.

J'ajouterai qu'après toutes ces rencontres, les enfants

avaient réalisé une exposition à laquelle avaient été invités parents et amis et où ils s'étaient exprimés par des dessins, des textes et avaient également exposé des objets témoins de cette civilisation rurale, qu'ils s'étaient mis à rechercher eux-mêmes, associant souvent les parents ou grands-parents à leur recherche.

Notre langue, c'est la langue

poitevine - saintongeaise, officiellement reconnue au même titre que le gallo, le picard,

le morvandiau et le normand depuis juin 82.

et son enseignement est désormais possible en maternelle et en primaire, depuis la

rentrée 82. Nous ne pouvons que nous en

,

. .

reJOUif.

Michèle FRADIN Clazay 79300 Bressuire,

-

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