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Le document numérique entre préservation et usage

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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entre préservation et usage

Application au document technique,

support aux activités du cycle de vie produit

Yves Keraron

IRCCyN, École Centrale de Nantes 1, rue de la Noë

B.P. 92101

F-44321 Nantes cedex 3

yves.keraron@irccyn.ec-nantes.fr

RÉSUMÉ. La documentation technique de systèmes complexes est aujourd’hui issue d’un ensemble de bases de données et de documents édités numériquement et cet ensemble est mis à jour et enrichi pendant le cycle de vie du produit. Après une description du contexte de la documentation technique et un rappel des résultats d’enquêtes sur l’utilisation de la documentation numérique, nous présentons un cadre théorique pour mieux appréhender le système documentaire en relation avec ses utilisateurs et avec le système technique. Nous proposons un modèle UML de référentiel numérique pour satisfaire les exigences de préservation à long terme et mieux supporter les besoins d’utilisation de ce référentiel.

ABSTRACT.Technical documentation of complex systems is today extracted from a set of data and documents bases, digitally edited and this set is updated and extended all along the product life cycle. After a description of the context of technical documentation, we give a theoretical framework for an improved understanding of the document system related to its users and to the technical system. We propose an UML model of a digital repository aiming at the satisfaction of long term preservation requirements and at an improved support of the use needs of this repository.

MOTS-CLÉS : document structuré, référentiel numérique, S1000D, OAIS, modèle UML, RFID.

KEYWORDS: structured document, digital repository, S1000D, OAIS, UML Modeling, RFID.

DOI:10.3166/DN.10.2.105-128 © 2007 Lavoisier, Paris

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1. Introduction

Le document numérique soulève de nombreuses questions tant sur sa préservation à long terme que sur les nouvelles conditions d’utilisation qu’il rend possibles. La documentation technique offre un panorama particulièrement riche, tant par la variété des contenus qu’elle met en œuvre que par ses contraintes de cohérence et de mise à jour. C’est donc un domaine d’application intéressant à étudier pour identifier les difficultés et développer les modèles qui permettront de les résoudre.

Nous développerons dans la première partie la problématique de la documentation technique numérique de produits industriels dits complexes en utilisant notamment les résultats d’enquêtes-terrain que nous avons menées. Nous nous pencherons plus particulièrement sur les processus de mise à jour particulièrement importants dans la documentation de systèmes techniques.

Nous présenterons dans la deuxième partie les principaux fondements d’un cadre théorique qui s’appuie sur des travaux d’autres chercheurs et que nous avons complétés à partir d’une approche du document lui-même comme un objet technique.

Nous proposons dans la troisième partie un modèle UML d’un référentiel numérique de données et de documents techniques qui intègre en les distinguant les réponses à apporter pour, d’une part, la préservation à long terme des contenus et, d’autre part, leur capture, leur traitement et leur valorisation dans les conditions opérationnelles.

Nous discutons enfin quelques perspectives ouvertes par ce cadre théorique et ce modèle pour mieux tirer parti des technologies numériques.

2. Le document technique numérique 2.1. Contexte de la documentation technique

Un système technique est ici vu comme un assemblage d’objets techniques et la documentation technique est définie comme l’ensemble des données et documents qui spécifient le produit et décrivent les processus associés depuis la conception jusqu’au démantèlement en passant par les étapes de fabrication et d’exploitation/maintenance, c’est-à-dire tout au long du cycle de vie du produit.

Nous considérerons, comme l’illustre la figure 1, le système industriel comme composé du système technique, du système documentaire et du système humain, c’est-à-dire de l’ensemble des communautés impliquées dans le système industriel.

Notre interrogation porte sur l’impact du numérique sur les relations entre le système documentaire et respectivement le système technique et le système humain.

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Figure 1. Le système industriel

La documentation technique est caractérisée par une grande variété de contenus (textuels, graphiques) et de formats (<A4 jusqu’à >A0, monofolio ou jusqu’à plusieurs centaines de folios dans le cas de schémas électriques par exemple). Cette variété est encore plus étendue avec les nouvelles possibilités numériques de CAO 3D et les applications multimédia. La documentation technique est aussi caractérisée par son volume important ; il est, dans le cas d’une centrale nucléaire, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de références, représentant l’équivalent de plusieurs centaines de milliers de pages au format A4.

Aujourd’hui la documentation technique résulte donc de l’assemblage aussi automatisé que possible de données et de documents édités à l’aide de différents outils logiciels. La formalisation et la normalisation des contenus accélèrent les processus d’assemblage et d’édition au point qu’il est concevable de réaliser un assemblage de tout ou partie de la documentation à chaque création ou modification d’une unité élémentaire qui entre dans sa composition. La publication des documents et des dossiers suit néanmoins des étapes qui scandent un projet et marquent des échéances contractuelles : dossier de fabrication, dossier d’exploitation/maintenance, dossier de modification, …

L’utilisation généralisée des outils informatiques dans l’industrie pour éditer des documents ne conduit pas toujours à l’échange de documents entre organisations qui soient aussi riches de potentialités d’utilisation que l’on pourrait naïvement penser.

Les livraisons de documentation d’une ingénierie à un exploitant d’usines, même quand elles mettent en œuvre des technologies de pointe, par exemple dans le secteur nucléaire (Mun et al., 2006) , se font encore très souvent sous forme papier, parfois à la demande même de l’exploitant.

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Une étude du NIST1 (Gallagher et al., 2004) estime pour l’année 2002, de façon conservative, à 15,8 milliards de dollars, les surcoûts liés à des défauts d’interopérabilité dont les deux tiers sont supportés par les propriétaires-exploitants des installations industrielles aux États-unis. L’interopérabilité est un concept qui peut recouvrir des éléments de niveaux très différents. Nous la définirons comme la propriété qui fait que deux systèmes peuvent communiquer et opérer ensemble. Dans le domaine des données et des documents, c’est le fait que, bien qu’édités dans des systèmes différents, ils constituent un ensemble cohérent et qu’ils peuvent être réutilisés en minimisant les interventions manuelles.

L’étude du NIST déjà citée (Gallagher et al., 2004) propose une définition de l’interopérabilité :

« Interoperability is defined as the ability to manage and communicate electronic product and project data between collaborating firms’ and within individual companies’ design, construction, maintenance, and business process systems. »

Il s’agit d’un enjeu de première importance sur le plan industriel.

Le format PDF2 est considéré par des auteurs pourtant avertis, tels que (Schilli et al., 2006), comme un standard de livraison de documents électroniques. Cette façon de voir maintient une frontière entre les données dites structurées et les documents réputés non structurés. Elle est aussi justifiée si l’on considère que la forme PDF marque la différence entre des fragments de données qui peuvent avoir un statut de maturité variable et l’assemblage publié après vérification et validation par l’organisme responsable de son contenu. Mais cette différence pourrait être marquée de façon différente et cette pratique reste attachée aux conditions d’utilisation du support papier avec ses avantages, comme le respect de la présentation, et ses inconvénients comme les difficultés de mise à jour et l’interopérabilité limitée.

2.2. Standards documentaires dans l’industrie

Certains secteurs industriels, comme ceux de la défense et de l’aéronautique, ont développé la standardisation et les outils de documentation dite structurée pour des enjeux de pérennité, de réutilisabilité et de facilité de mise à jour. Par exemple, la spécification internationale S1000D (2005) définit le processus de livraison de publications techniques. Elle fait appel au concept de modules qui sont structurés selon des types exprimés dans des DTD3. Les DTD décrivent la structure logique de

1. NIST : National Institute of Standards and Technology.

2. PDF : Portable Document Format de la société ADOBE qui le dénomme « papier électronique » a l’avantage de préserver la mise en page des documents mais il présente des possibilités limitées de réutilisation ou de mise à jour.

3 DTD : Document Type Definition.

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chaque type de document métier et identifient notamment des données que les schémas XML4 permettent maintenant de typer.

Des couplages sont donc possibles entre graphiques, textes structurés et bases de données techniques. La référence (Estève et al., 2000) expose ainsi un exemple de manuel technique interactif sous la forme de plusieurs fenêtres intégrées dans un navigateur et permettant une navigation graphique synchronisée dans les documents et données d’un système mécanique. De nombreux autres exemples s’appuyant sur les mêmes principes et mettant en œuvre des technologies 3D ont été réalisés depuis.

Le secteur de l’informatique fait la promotion de la norme DITA (OASIS, 2005) inspirée par l’expérience d’IBM en qualité de documentation technique (Hargis et al., 2004), essentiellement pour les systèmes informatiques.

Le secteur de la conception d’usines dans les domaines du pétrole, du gaz, de la chimie ou du nucléaire développe la norme ISO 15926 (Leal, 2005) pour faciliter l’échange et l’utilisation des informations pendant tout le cycle de vie de l’usine.

Chacune de ces normes sectorielles (S1000D, DITA, ISO 15926 ou SAE J 2008 pour l’automobile) s’appuie de plus en plus sur les standards technologiques recommandés par le W3C, c’est-à-dire les standards de la famille XML (XML, RDF5, Schémas XML, OWL6). Elles sont conçues de façon à permettre de faire face à de nouveaux besoins par spécialisation de schémas plus généraux et extension de ces schémas. Par exemple l’industrie nucléaire au Japon, puis en Corée, s’est appuyée sur la norme ISO 15926 développée initialement pour les besoins de l’industrie pétrolière et étendue ensuite selon des principes figurant dans la norme pour prendre en compte des objets spécifiques des réacteurs nucléaires japonais à eau bouillante, puis des réacteurs nucléaires coréens à eau pressurisée (Mun et al., 2006).

Ces standards permettent de constituer des bases de données qui peuvent être livrées à l’exploitant et qui peuvent être modifiées au cours de la vie du produit. Les modules à jour sont extraits de la base de données pour la réalisation automatique de publications électroniques à échéances périodiques. Entre deux publications, le mécanisme le plus employé est de diffuser un document spécifique tel que le mécanisme des bulletins services employé dans le secteur aéronautique.

2.3. Nouveaux besoins de préservation et d’usage du document technique numérique

En synthèse de nos propres expériences et recherches en milieu technique et industriel nous retiendrons les principales caractéristiques suivantes :

4. XML : eXtensible Mark-up Language. Evolution de SGML pour prendre en compte les besoins de d’applications Web et de manipulations de données.

5. RDF : Ressource Description Framework.

6. OWL : Ontology Web Language.

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– l’exigence de préservation à long terme des informations techniques quel que soit leur support,

– des besoins d’utilisation nouveaux dans le contexte de la documentation numérique.

2.3.1. Préservation à long terme

Le cycle de vie d’une usine nucléaire a par exemple une durée d’environ cinquante années depuis sa conception jusqu’à sa mise à l’arrêt, durée à laquelle il faut ajouter la durée du démantèlement. Des informations créées pendant la conception ou la construction et inutilisées pendant toute l’exploitation de l’ouvrage peuvent redevenir précieuses au moment du démantèlement quand il s’agit par exemple d’organiser les opérations en toute sécurité ou de justifier de la destination finale des déchets générés (Keraron et al., 1998). Les supports traditionnels papier ou microformes sont des solutions éprouvées qui peuvent rester économiquement intéressantes mais ils ne permettent pas de conserver les données numériques sous une forme aisément exploitable et l’on peut penser qu’ils seront jugés insuffisants au regard des nouveaux enjeux de gestion à long terme des activités industrielles.

La mutation numérique offre au premier abord l’opportunité d’une plus grande autonomie par rapport aux exigences de conservation du fait des nouvelles possibilités de duplication et de transport à très faible coût. Elle pose cependant de nouveaux problèmes relatifs à la préservation des outils pour exploiter les données numériques.

Le développement, relativement récent, de standards sur l’archivage numérique témoigne d’une prise de conscience sur ce thème. Certains de ces travaux naturellement orientés vers la pérennisation des données s’appuient aussi sur les standards technologiques développés dans l’industrie, tels que SGML, puis XML.

Le modèle OAIS7 (CCSDS, 2002) propose un modèle conceptuel du système d’archivage en faisant appel à des notions de paquets d’information regroupant les données et les informations d’interprétation de ces données. On trouvera une bonne introduction à ce modèle dans (Lupovici, 2006), notamment à la stratégie de pérennisation qui repose sur un modèle en couches de services. Le modèle OAIS, devenu la norme ISO14721 attire aussi l’attention sur la question de la communauté d’utilisateurs cible et de la base de connaissance de ces utilisateurs cible pour l’interprétation des archives, question essentielle et difficile pour la conception de tout système d’archivage. La Direction des Archives de France (Direction des Archives de France, 2006) a établi un standard d’échanges de données pour l’archivage qui s’appuie et complète le modèle OAIS en utilisant de façon plus détaillée le formalisme UML8. Le standard utilise de plus XML, notamment dans les exemples qu’il donne de transfert de données.

7. OAIS : Open Archival Information System 8. UML : Unified Modeling Language

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Au niveau international, le modèle OAIS semble faire l’objet d’un large consensus tant dans les administrations que dans l’industrie. Le rapport (Lubell et al., 2006) fait notamment le compte-rendu des initiatives des archives nationales américaines (ERA : Electronic Records Archives9, et de la Library of Congress (NDIIPP: National Digital Information and Preservation Program10). Le NIST est aussi à l’initiative d’ateliers aux États-unis et en Europe sur le thème de la rétention de connaissance à long terme (LTKR : Long Term Knowledge Retention). Dans ce fil, il convient de citer également le projet LOTAR, Long Term Archiving and Retrieval of Digital Technical Product Data in the aerospace industry pour l’archivage des données et des représentations 2D et 3D. LOTAR s’appuie d’une part sur OAIS et d’autre part sur le standard ouvert STEP11.

2.3.2. Utilisation de la documentation technique numérique

Nous avons mené des enquêtes de terrain sur l’utilisation, lors d’activités de maintenance, de la documentation électronique de l’avion de chasse polyvalent Rafale (Keraron et al., 2005) et (Keraron et al., 2006).

Nous retiendrons ici quatre types de leçons :

– la consultation à l’écran n’est pas toujours très aisée et, pour des tâches complexes, les utilisateurs préfèrent se servir du support papier comme outil de consultation, d’appropriation et d’interaction. Par exemple, la détection de pannes sur des schémas électriques qui sont traditionnellement des documents foliotés, est difficile à l’écran même si certains dispositifs d’aide à la navigation d’un folio à l’autre sont présents. La difficulté tient en fait à la petite surface de l’écran et à la discontinuité d’affichage des folios qui ne supportent pas aussi bien que le support papier déployé dans l’espace d’un bureau, les processus d’analyse et de synthèse à l’œuvre lors d’une tâche complexe. Ces processus nécessitent de plus des possibilités d’interaction, par exemple les annotations, qui ne sont pas encore supportées efficacement par les outils logiciels disponibles dans le domaine de la maintenance industrielle. Le fait de « consommer », en bout de ligne, l’information sur un support papier n’enlève cependant rien à l’intérêt d’un référentiel numérique centralisé à partir duquel a lieu l’impression d’un document supposé le plus à jour possible.

– si la tâche est formalisable et réductible à un calcul, la technologie numérique permet de remplacer intégralement des processus papier très lourds. Ainsi les pilotes du Rafale qui avaient l’habitude de calculer leurs paramètres de vol à partir de données et leur traitement manuel sur des courbes papier, apprécient le confort des modules de calcul de performances intégrés à la documentation électronique et qui éliminent les calculs manuels traditionnels fastidieux.

– le choix d’éditer les contenus selon des standards présente de nombreux avantages, mais, sur le terrain, les utilisateurs ont en pratique à utiliser, en plus du

9. http://www.archives.gov/era/

10. http://www.digitalpreservation.gov/

11. STEP : STandard for the Exchange of Product model data.

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système de documentation électronique, des documents de différentes sources qui ne sont pas compatibles et dont la pérennité n’est pas assurée même à moyen terme quand les documents sont par exemple édités sur des outils bureautiques de grande diffusion.

– un dernier point mérite d’être souligné : les systèmes électroniques modifient profondément le contenu des « métiers » des utilisateurs. Par exemple, les défaillances de certains composants sont enregistrées pendant le vol de l’avion et le traitement automatique des ces données se traduit par des « codes pannes » qui indiquent à l’opérateur l’unité à remplacer sans que l’opérateur n’ait à faire un raisonnement sur la cause de la panne. Il nous paraît important de retenir que le système technique lui-même crée et traite des données numériques qui peuvent être introduites dans le système d’exploitation de la documentation numérique et orienter automatiquement l’opérateur vers la tâche à réaliser. Par le numérique il y a possibilité d’intégration du système technique physique et du système documentaire, d’être en quelque sorte plus à l’écoute du système technique et de propager les données issues du système technique pour leur partage et leur valorisation.

2.4. Mise à jour de la documentation technique 2.4.1. Problématique de la mise à jour

La mise à jour des données pendant la construction et l’exploitation d’une installation industrielle ont toujours été un problème. Un observateur extérieur serait surpris par les délais de mise à jour d’une documentation d’un équipement industriel et par les incohérences importantes qui existent dans les représentations de cet équipement. Ces délais se comptent au minimum en semaines, voire en mois et peuvent atteindre plusieurs années. À partir de la construction, il y a non seulement une cohérence entre les représentations à assurer mais aussi entre les représentations et les objets physiques qu’elles représentent. C’est ce que les industriels appellent la gestion de configuration. Les représentations telles que construit (as built) sont difficiles à obtenir et supposent en toute rigueur des moyens de contrôle et de vérification sur le terrain qui sont rarement mis en œuvre de façon complète. Que signifierait par ailleurs un contrôle exhaustif ? Est-ce un objectif raisonnable ? La complexité des systèmes rend de toutes les façons une telle vérification très longue et elle est faite au fur et à mesure de l’utilisation de la documentation décrivant l’équipement et les procédures de maintenance à appliquer. En supposant que ces représentations soient satisfaisantes à l’instant t0, elles doivent être mises à jour à chaque modification suite à un acte d’exploitation, de maintenance ou suite à une rénovation. Les modifications suite à des actes de maintenance courante sont probablement les plus difficiles à tracer. Elles présentent pourtant des enjeux économiques et de sécurité très importants. Aussi les industriels exploitants prennent-ils des mesures pour compenser les défauts de leur système de représentation, mesures qui peuvent être très coûteuses. Les opérateurs de terrain exploitent les données au travers d’interfaces qui restent souvent des documents

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papier qu’ils soient d’origine ou imprimés à partir de contenus issus d’un référentiel numérique. Ils reportent les modifications ou leurs remarques sur ces mêmes documents papier. Ces informations doivent réintégrer d’une manière ou d’une autre le référentiel numérique si l’on veut le mettre à jour et éviter la dégradation progressive de sa qualité.

Nous avons enquêté sur les processus de mise à jour lors de l’utilisation de systèmes de documentation technique numérique :

– d’une part, lors des enquêtes déjà citées auprès des équipes de maintenance de l’avion de chasse polyvalent Rafale dont la documentation a été publiée selon les règles de la norme internationale S1000D,

– d’autre part, auprès des équipes de maintenance d’une usine de procédé, en l’occurrence un terminal méthanier dont toute la documentation descriptive constitue un référentiel numérique accessible depuis des postes banalisés.

On trouvera certains résultats de ces enquêtes dans (Keraron et al, 2005) et (Keraron et al, 2006).

Dans les deux cas, la problématique de mise à jour a fait appel aux annotations électroniques et à des dispositions sur le plan organisation.

Les interfaces actuelles permettent de consulter des publications composées avec des données extraites de différentes bases, mais elles ne sont pas suffisamment instrumentées pour s’affranchir d’une utilisation du papier pour des tâches complexes ou pour saisir des informations de mise à jour.

Il n’y a pas symétrie entre le processus d’édition des données et des documents publiés et celui d’édition de l’information capturée sur le terrain. Pour cela il faudrait que les interfaces ne soient pas seulement des interfaces de consultation mais également des interfaces de saisie avec un niveau de structuration permettant de mettre en rapport la nouvelle information avec sa base d’édition, ce qui ne doit pas non plus conduire à un outillage aussi élaboré que celui qui est disponible lors de la conception du produit industriel.

D’autre part il faudrait que parmi les attributs de la donnée, il y ait une information sur son statut en fonction de l’avancement de son processus de traitement, de façon analogue à la prise en compte de la maturation de la donnée dans les processus de conception collaborative (Grebici, 2007).

Cependant il est possible de concevoir des interfaces de saisie structurée qui facilitent la prise directe d’informations du terrain et son traitement automatique, par exemple le numéro physique d’un équipement au moment de son changement dans le déroulement d’un processus de maintenance.

Certaines informations complexes demanderont néanmoins un traitement plus élaboré et, de plus, collaboratif. Dans ce domaine, les annotations et les commentaires électroniques peuvent être d’un apport pratique significatif.

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2.4.2. Les annotations dans le processus de mise à jour

De nombreux travaux ont été publiés ces dix dernières années sur l’enjeu des annotations. Marshall (1998) a étudié les pratiques annotatrices lors de la lecture de documents électroniques hypertextuels. Denoué (2000) s’est penché sur l’intégration d’outils d’annotations à des navigateurs Web et sur les possibilités de partager des annotations dans le but d’indexer des documents. Robert (2001) a travaillé à la fois sur les enjeux d’annotations interactives et la visualisation de documents hypermédia.

D’autres équipes ont travaillé sur les pratiques d’annotations dans le milieu médical (Bringay et al., 2005) pour la conception collaborative (Zacklad et al., 2003). Franck (2003) propose l’outil ANITA (ANotation for Industrial TeAms) pour une meilleure gestion et un meilleur partage de l’information au sein d’équipes de recherche.

D’une manière générale, plusieurs chercheurs, après avoir cherché à modéliser les structures multiples des documents (Abascal et al., 2003 ; Lux-Pogodolla et al., 2004), se sont orientés vers la modélisation de l’utilisation (Champin et al., 2002) et l’enregistrement des traces de lecture de l’utilisateur de documents électroniques (Mille et al., 2006). Ces travaux sont dans le fil de l’évolution du Web, notamment du Web dit Web 2.0 et des initiatives d’indexation par les utilisateurs en fonction de leurs utilisations de fonds documentaires. Les recherches orientées sur les usages pourraient à terme être utiles pour lever certains verrous industriels.

Les travaux sur l’annotation de documents techniques et en particulier de documents graphiques sont plus rares.

Nous pensons qu’il faut distinguer l’annotation du commentaire :

– le commentaire peut être détaché du contenu commenté ; il peut être aussi d’une autre modalité (commentaire auditif sur un contenu textuel ou graphique) ; il nécessite des actes (ouvrir le commentaire) et une synthèse (entre deux fenêtres de l’écran) du lecteur/auditeur ; les outils de commentaires sont souvent des outils d’édition de textes alors que le langage d’expression le plus adapté du technicien est un langage graphique.

– l’annotation est attachée au support du contenu annoté et elle s’exprime dans les mêmes modalités ; néanmoins elle doit être perçue comme une annotation et se distinguer du contenu original ; la figure suivante donne un exemple d’annotation sur support papier au sens où nous l’entendons.

On conçoit aisément que la transmission du contenu représenté sur la figure 2 à l’aide d’un commentaire textuel n’est pas envisageable.

Nous avons donc ajouté dans le cas du référentiel numérique descriptif d’un terminal méthanier des fonctionnalités d’annotations graphiques électroniques.

Toute modification de l’installation donne lieu à l’édition d’une fiche électronique ; le technicien recherche les documents susceptibles d’être impactés par la modification qu’il a réalisée au moyen d’une recherche par code équipement ou

«tag», constitue une première liste de documents à mettre à jour et joint les informations nouvelles en pièces jointes électroniques à cette fiche.

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Figure 2. Annotation sur graphique

Un administrateur du référentiel étudie de façon plus complète l’impact et la propagation de la modification sur le référentiel numérique et intègre les éléments sous forme d’annotations normalisées et/ou de commentaires de façon à les faire partager rapidement par tout utilisateur consultant le référentiel. Le report des informations dans les outils natifs avec révision du document peut être différé dans la mesure où l’information est disponible pour tous les utilisateurs.

Dans le cas du système de consultation électronique du Rafale, dans l’attente de leur validation par les industriels concernés, les remarques des utilisateurs sont accrochées sous forme de commentaires au module impacté. L’information est partagée même si elle n’a pas encore été validée. Après validation, la base de données de modules est mise à jour et les nouvelles publications intégreront la modification. La pose des commentaires publics est faite par un atelier spécialisé qui fait un travail de mise en forme de la remarque pour faciliter sa compréhension par tous les utilisateurs.

Les exemples cités et les solutions mises en œuvre témoignent des difficultés posées par la mise à jour depuis des postes dits « client léger » et des besoins de mieux instrumenter ces postes.

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3. Cadre théorique

3.1. Le document : un concept mal défini ?

Buckland (1997, 1998) s’est demandé ce qu’est un document et ce qu’est un document numérique dans deux articles souvent cités dans la littérature. Il s’appuie sur les travaux des documentalistes Paul Otlet et Suzanne Briet pour donner une définition fonctionnelle du document (le document aurait pour fonction de donner accès à une preuve) qui selon lui permettrait de mieux appréhender le document numérique puisque cette définition s’affranchirait du support du document. L’aspect matériel du document n’est pas contesté. Cette définition fait la part belle à l’aspect institutionnel du document (Un document est un document parce qu’une institution le décide) et finalement elle traduit plus un souci de conservateur, certes essentiel dans le concept de document, que celui de l’utilisateur opérationnel du document tel que nous le ressentons au travers de nos expériences du document technique.

En outre les définitions de cette école reflètent de grandes difficultés à limiter le concept de document. Une pièce de musée, la fameuse antilope, exemple pris par Suzanne Briet, à condition qu’elle soit dans un zoo, seraient, selon cette école, des documents. Tout objet de l’univers serait donc potentiellement un document et le deviendrait une fois passé sous la coupe d’une institution conservatrice. Ridi (2001) relate ces difficultés. Une définition plus précise du document nous paraît nécessaire.

3.2. Les structures du document

De nombreux chercheurs, notamment au travers du RTP-33, Réseau Thématique Pluridisciplinaire du département STIC du CNRS, ont tenté de fonder une véritable théorie du document. Bachimont et Crozat (2004) identifient trois niveaux de structure inhérents à tout document : la structure d’organisation, la structure de contrôle et la structure d’interaction. Ces trois niveaux sont à rapprocher des trois entrées de Pédauque (2006) : le document comme forme, le document comme signe et enfin le document comme médium.

La figure 3 reprend ces trois structures et donne, pour chacune, des exemples concrets. Nous proposons notre propre interprétation de ces trois niveaux de structure en fonction de notre perception de la réalité de notre domaine d’application. La structure de contrôle est au cœur du système documentaire. C’est celle qui permet de retrouver un document, une information et de contrôler son interprétation. La structure de contrôle permet des assemblages, des regroupements d’éléments. Elle procède par calcul sur les formes de la structure d’organisation.

La structure d’interaction est l’instrument qui permet à l’utilisateur de renforcer son appartenance à une communauté en s’appropriant un contenu et en soumettant des informations à la critique des autres utilisateurs.

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Structure d’interaction Format d’appropriation

• Signets, commentaires, annotations

Structure de contrôle

Format d’interprétation

• Présentation, table des matières, glossaire

• Ontologies, programmes

Structure d’organisation

Format de manipulation

• Volume, page

• Digits, caractères, mots, phrases, paragraphes

Figure 3. Structures, formats et exemples

3.3. Le document comme objet technique

Si nous considérons le document comme un objet technique avec son mode d’existence (Simondon, 1989) singulier, nous pouvons nous intéresser à sa genèse et à l’origine de sa lignée.

Or, il est historiquement attesté (Herrenschmidt, 2005, 2007) que les premiers documents ont été des documents comptables. Plus précisément, les fouilles réalisées sur le site de la ville de Suse (Page 97 de (Bottéro, 1998)) ont montré que les premiers documents étaient des bulles d’argile sur lesquelles se trouvait l’empreinte de sceaux et qui contenaient des éléments d’argile (disques, cônes, bâtonnets), encore appelés calculi, symboles de nombres. Ces bulles accompagnaient des lots de marchandises et permettaient de vérifier la conformité de l’échange. Plus tard, les bulles furent marquées avec des poinçons et plus tard encore, les documents, toujours à vocation comptable, devinrent des tablettes où figuraient notamment les résultats d’opérations d’addition.

Plusieurs sources confirment la finalité comptable des premiers documents connus. Clarisse Herrenschmidt, dans l’interview transcrit pp. 68 et 69 de (Pour la science, 2006) confirme que l’écriture est liée à l’origine à des pratiques comptables et contractuelles. Elle ajoute que l’écriture des langues est elle-même une analyse de plus en plus fine des segments d’un discours.

Dès l’origine relative de l’écriture comme technologie de communication, le document serait donc calcul et système technique comme externalisation de cette capacité de calcul et de manipulation automatique de symboles. Par rapport aux autres objets techniques, vus comme externalisation, prothétisation de facultés du corps

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humain (Leroi-Gourhan, 1964), le document tient une place singulière puisqu’il s’agit de l’externalisation de facultés intellectuelles, les plus complexes pour un certain stade de développement de l’espèce humaine, et que cette externalisation a joué un rôle essentiel dans le développement général des techniques, des sciences et de leur diffusion. Le document depuis son origine est une technique de calcul, une technique numérique et au-delà des représentations sur lesquelles portent cette discrétisation et ce calcul, au-delà des changements sociaux introduits par l’extension de ses usages, le numérique est une propriété intrinsèque du document.

Il faudrait approfondir cette singularité et étudier de plus près la lignée des objets techniques que constituent les documents et ainsi mieux saisir la force d’intégration qui les rend plus concrets et plus pratiques.

L’histoire du document est depuis son origine une histoire de la discrétisation, une histoire de la numérisation et du calculable. C’est aussi l’histoire d’une lutte, d’un conflit entre calculable et non-calculable, universel et singulier, comparable et incomparable. Jean Lassègue montre avec beaucoup de justesse l’extraordinaire lucidité de cette réflexion chez Alan Turing (Pour la science, 2006).

Le document est donc en quelque sorte de façon fondamentale un objet qui permet de retenir une pensée et qui vaut par son caractère opératoire grâce à des propriétés de maniabilité, de facilité de transport dans l’espace et de préservation dans le temps.

Le document numérique que nous voyons se développer aujourd’hui est le résultat d’un long processus de grammatisation (Auroux, 1994), c’est-à-dire, dans notre perspective, de formalisation de contenus singuliers, de leur transformation en nombres calculables.

Un document est un objet qui apparaît lors d’un processus d’inscription intentionnel sur un support matériel, de représentations codées, signes, symboles, adaptés à la manipulation, au transport et à la préservation dans le temps, et destinés à êtres interprétés par des utilisateurs.

Nous soutenons que le document a une finalité numérique et qu’il progresse à la mesure de la calculabilité des activités humaines anciennes ou nouvelles. Cette calculabilité passe par des processus de grammatisation, c’est-à-dire de normalisation et de formalisation d’activités idiomatiques, singulières. Cette normalisation permet aussi de comparer ces différentes activités singulières et ainsi de favoriser les échanges. La spécialisation, et donc les nouvelles possibilités d’individuation, sont une des conséquences de cette technologisation de l’environnement humain.

Certes, remède à la remémoration, comme dans le Phèdre de Platon (Platon, 1989), le document écrit ouvre, de par son caractère discret, la voie au découpage en unités d’un continu, le champ à la manipulation des signes selon des règles extensibles pour un partage dans le temps et dans l’espace. Il offre à la mémoire une

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plus grande capacité d’oubli, la libère de procédures fastidieuses, du risque extrême d’une mémoire humaine trop précise comme celle du Funès de la fiction de Borgès (Borgès, 1991) : « Il avait appris sans effort l’Anglais, le Français, le Portugais, le Latin. Je soupçonne cependant qu’il n’était pas très capable de penser. Penser c’est oublier les différences, c’est généraliser, abstraire. Dans le monde surchargé de Funès il n’y avait que des détails, presque immédiats. »

En nous intéressant au document, nous nous intéressons aux technologies, aux outils qui supportent les activités intellectuelles individuelles et collectives. Les inscriptions symboliques font partie d’un système technique qui tend lui-même à s’étendre et à intégrer de proche en proche les systèmes connexes.

Nous avons retenu l’hypothèse d’une origine numérique des inscriptions symboliques et de la manipulation possible de ces symboles. Dans ce sens, nous comprenons mieux pourquoi Alan Turing considérait écriture et mécanique comme quasi-synonymes (Hodges, 1988 ; Lassègue, 1998).

Nous avons mis en évidence dans ce chapitre le document comme objet technique. De par sa structure d’organisation, sa structure formelle, le système documentaire est susceptible d’une forte adhésion avec le système physique et c’est au travers de la structure d’interaction que se fait le couplage avec les utilisateurs. La structure de contrôle, avec le numérique, est enfouie dans le système et les utilisateurs doivent pouvoir lui faire confiance, tout en conservant une capacité critique vis-à-vis des programmes de calcul intégrés dans le système documentaire.

La figure 4 illustre ces relations entre structures du système documentaire et les systèmes technique et humain.

Figure 4. Structures et couplages

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Bachimont (2004) identifie les structures conceptuelles de la raison computationnelle, à savoir la couche, le programme et le réseau, qu’il met en correspondance avec les structures de la raison graphique proposées par Goody (1979), à savoir respectivement la formule, la liste et le réseau. Dans la figure 5, nous poursuivons le parallèle avec les entrées de Pédauque (2006) et les structures dont nous précisons notre propre interprétation. Elle représente la synthèse du cadre théorique qui est en arrière-plan du modèle de référentiel numérique que nous proposons dans la prochaine section.

Figure 5. L’objet technique document

Le concept le plus cité dans les recherches sur le web dit sémantique est celui d’ontologie et il est considéré comme le sésame à l’interopérabilité des systèmes informatiques. Nous avons présenté, sur la figure 3, l’ontologie comme un exemple de structure de contrôle, structure que nous avons qualifiée de cœur du système documentaire.

Le mécanisme « ontologique » traduit une étape nouvelle du processus de grammatisation, au sens donné par (Auroux, 1994).

La définition la plus courante d’une ontologie est celle de Thomas Gruber :

« Une ontologie est une spécification explicite d’une conceptualisation partagée d’un domaine ». (Gruber, 1993).

Créer une ontologie, c’est faire progresser le processus de grammatisation pour faciliter la manipulation des inscriptions symboliques, c’est-à-dire créer les conditions de leur interopérabilité.

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L’ontologie, en généralisant le type de relations codifiées entre les objets d’un domaine, va plus loin que le thésaurus (relations de synonymie, termes associés, termes généraux, termes spécifiques, …) ou plus encore que la classification qui se limite à des relations de type général spécifique. L’ontologie est une généralisation des outils qui l’ont précédée pour mieux exploiter les possibilités de manipulation nouvelles offertes par les technologies numériques. Elle rend possible l’extension des types de relations normalisées entre objets. Elle permet d’exprimer des connaissances dans un domaine selon une référence partagée, mais ne vise pas, de notre point de vue, une production automatique de connaissances.

4. Quel modèle pour un référentiel de documents numériques ? 4.1. Orientations méthodologiques

Nous avons vu que le document technique numérique était le résultat de l’assemblage de données et autres contenus plus ou moins structurés, dont la cohérence interne doit être assurée et qui doivent être mis à jour pour correspondre à l’existant physique qu’il représente.

Le document souvent recherché, constitué et consulté sous forme électronique est encore consommé sous une forme papier qui reste la mieux adaptée à la variété des tâches à réaliser et des situations de travail (Keraron et al., 2005). En revanche les informations nouvelles, à partager avec l’ensemble des utilisateurs, doivent être saisies sous une forme électronique.

C’est à partir d’une analyse de l’usage des données lors du déroulement des processus métier sur l’ensemble du cycle de vie que l’on peut déterminer la structure et le format des données, leurs règles de préservation et les exigences de traçabilité des documents comme compositions de données.

Notre définition du document a mis l’accent sur son utilisabilité, c’est-à-dire sa capacité à satisfaire efficacement l’usage qui en sera fait, y compris dans les processus de mise à jour quelle que soit leur origine. Nous répétons que la préservation d’un document qui ne serait pas utilisable pour des raisons techniques ou de défaut de capacité à interpréter le document n’a guère de sens.

Il s’agit donc de décrire les cas d’utilisation des documents que ce soit pour des raisons opérationnelles ou réglementaires, en décrivant le public concerné et le niveau de manipulabilité de la donnée qui doit être prévu pour ce public. La préservation à long terme, c’est-à-dire l’archivage, est un cas d’utilisation particulier pour lequel il y a une difficulté majeure à identifier le public utilisateur, mais qui ne connaît pas le même niveau de contraintes que les cas d’utilisation opérationnelle.

La figure 6 représente un diagramme de classes UML (Rumbaugh et al., 2004) de notre proposition de modèle qui demande à être approfondie notamment par l’établissement des diagrammes de cas d’utilisation et de séquences décrivant

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minutieusement les interactions de l’utilisateur avec le système documentaire lors de l’exécution des tâches de ses processus métier.

Figure 6. Diagramme de classes d’un référentiel de documents numériques

Ce modèle s’appuie :

– d’une part sur le modèle OAIS (CCSDS, 2002), déjà cité, modèle conceptuel proposé pour l’archivage des données numériques, afin d’assurer la préservation dans le temps de l’accessibilité et de l’interprétabilité des données archivées,

– d’autre part sur les concepts de couche, de programme et de réseau interprêtés en fonction des besoins d’usage de la documentation technique. Ce modèle générique peut être spécialisé par intégration de normes sectorielles comme S1000d, DITA ou encore ISO 15926.

Le formalisme objet et le langage UML apparaissent aujourd’hui comme les moyens les mieux adaptés pour modéliser les cas d’utilisation métier et compléter l’instrumentation des systèmes existants. UML est en effet envisagé comme outil de modélisation par de nombreux chercheurs du Product Life Cycle Management (Han et Do, 2006; Dorador et Young, 2000). De plus, l’interaction système technique et système d’information, peut être facilement décrite en UML.

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4.2. Présentation et discussion

Nous insisterons plus ici sur la partie du modèle orientée vers l’utilisation opérationnelle du référentiel numérique.

Le concept de couche est fondamental dans l’objet document quel que soit son support. Ne dit-on pas « coucher sur le papier » pour exprimer l’idée de clarifier sa réflexion pour mieux la partager avec une communauté. Volle (2006) nous propose une définition du modèle en couches :

« Un modèle en couches consiste en l’articulation de plusieurs sous-modèles caractérisés chacun par un protocole spécifique et reliés par des interfaces. Il permet de représenter des situations où plusieurs logiques jouent simultanément. Le nombre des logiques ainsi articulées restant fini, le modèle n’atteint pas la complexité du monde de la nature mais tout en restant pensable, il possède un des traits de la complexité : la pluralité des logiques. »

Le système documentaire est composé de couches qui peuvent être de plusieurs natures ; par exemple pour les besoins de mise à jour, nous nous intéresserons aux couches de type publication et aux couches de type annotations qui ne sont pas indépendantes. L’annotation a un certain nombre d’attributs et notamment un statut qui évolue en fonction d’un travail critique de la communauté concernée selon un processus qui peut le cas échéant être automatisé (Workflow).

Zacklad (2007) s’intéresse aux processus de production sémiotique selon des stratégies de coordination parmi lesquelles la documentarisation12 et introduit le concept de DopA, Document pour l’Action. Cette approche vise à rendre compte du processus collectif de sémiotisation à partir d’inscriptions dans le système d’information qui sont partagées. Nous rapprochons ces travaux du processus de mise à jour déclenché par un utilisateur qui inscrit une annotation dans son langage métier (ici le plus souvent graphique), annotation qui fait ensuite l’objet d’une critique collective tant sur le contenu que sur la forme avant intégration à part entière dans une publication officielle. Il convient de distinguer d’une part les états intermédiaires intégrant les fragments que sont les annotations et d’autre part le document publié qui résulte de l’aboutissement du processus de sémiotisation jusqu’à la formalisation du contenu validé et intégré dans la publication. Il serait intéressant de pousser plus avant le concept de DopA en le conjuguant avec celui de couche.

Les publications sont elles-mêmes un ensemble de composants qui, selon leur type, respectent une structure formelle, ce qui rend l’automatisation de leur traitement possible. Les normes sectorielles comme S1000D ou DITA identifient des types de composants intégrables dans notre modèle.

12. Au passage nous notons que Zacklad met en évidence, page 11, item 7 de l’article cité, que la technique et ici la technique « informationnelle » renforce chacune des stratégies de coordination du processus sémiotique telles qu’il les a identifiées.

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Enfin nous avons fait figurer un certain nombre d’attributs génériques de plusieurs types d’information caractéristiques du domaine de la documentation technique. Nous attirons l’attention sur le fait que les objets techniques peuvent aussi intégrer des données dans un format qui peut être échangé avec le système documentaire (identifiant, position géographique, autres données, …) et que cette connexion des systèmes est facilitée par le développement des technologies comme les technologies de type RFID13 (Finkenzeller, 2003 ; Glover et Bhatt, 2006). Ce dernier aspect nous paraît être une source d’évolution majeure du système de la documentation technique.

5. Conclusion

Nous avons présenté la problématique de la documentation technique numérique en particulier eu égard à sa préservation à long terme, à son usage et plus particulièrement à sa mise à jour. Le cadre théorique et le modèle que nous proposons partent du point de vue du document comme objet technique. Sa structure d’interaction est une interface qui doit faciliter, pour les utilisateurs, l’appréhension du contenu et son évolution grâce à une organisation en couches. Sa structure de contrôle prend en charge les opérations qui sont réductibles à un calcul. Les ontologies sont un exemple de structure de contrôle pour la réalisation de modèle de données interopérables. Enfin la structure d’organisation détermine les formes que peut traiter le système documentaire qui, comme objet technique, est intégrable à un réseau d’objets techniques avec lesquels des échanges de formes sont possibles.

Remerciements

Nous remercions d’une part Monsieur Michel Doméon de la société Dassault Aviation d’avoir bien voulu nous donner accès aux informations sur le système de consultation électronique du Rafale ainsi que sur les évolutions du standard S1000D et d’autre part Monsieur Yves Mahé de la société DEXIP (Data Engineering for Industrial Performance) de nous avoir permis de faire évoluer les fonctionnalités et les processus d’utilisation de la solution de référentiel numérique déployée pour les installations de Gaz de France.

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