M ATHÉMATIQUES ET SCIENCES HUMAINES
G. T H . G UILBAUD
Qu’est-ce qu’une permutation ?
Mathématiques et sciences humaines, tome 42 (1973), p. 5-16
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QU’EST-CE QU’UNE PERMUTATION?
par
G. Th. GUILBAUD
RÉSUMÉ
Il
s’agit
d’exercices sur lespermutations :
les tableaux deYoung, qui
ont été utilisés dans lafort
savantethéorie de la
représentation
du groupesymétrique,
peuvent aussi êtremanipulés
à un niveau très élémentaire.SUMMARY
This paper deals with exercises on
permutations :
the "tableaux"of Young
which have been used in thesophisticated theory of
therepresentation of symmetric
groups can also be handled on a veryelementary
level.L’objet mathématique désigné
sous le nom traditionnel depermutation
peut être
présenté
de bien des manières.Choisissons ici la
présentation
suivante(qui
n’est pas laplus
commune, maisqui
estcommode) :
un ensemble muni de deux relations d’ordre
(total
etstrict).
Ainsi,
onparlera
de « lapermutation»
Il faudra entendre :
1)
un ensemble : l’ensemble des dixpremières
lettres del’alphabet.
2)
unpremier
ordre : l’ordrealphabétique
ou deréférence :
3)
un second ordre : l’ordre de succession dans laprésentation (p)
ci-dessus :1 --, 11.. ~ -
Une
première représentation graphique
estanalogue
à celle de la notationmusicale ;
ellefigure
le
premier ordre, l’alphabétique,
selon une« portée» (la
relation d’ordre étant :au-dessus, au-dessous)
et le second
ordre,
la successionmélodique,
selon l’écriture usuelle(avant, après).
Il
peut
être utile de connaître une construction différentepréconisée
par C. Schensted etqui
utilise le
dispositif
que A.Young appelait «tableau» (en français
dans letexte).
Voici d’abord l’idée directrice de cette
procédure.
On introduit les
objets
selon l’un desordres,
soit si c’est le(02)
ci-dessus : d’abordb, puis j, puis i,
et ainsi de suite.Mais on range ces lettres en suivant l’autre
ordre,
soit icil’alphabétique.
On arrive ainsi à une sorte decompromis
entre les deuxordres,
cequi
se traduit(graphiquement)
par un ordrepartiel.
Précisons maintenant les détails
techniques.
On écrira d’abord la
première
lettre(selon
l’ordred’introduction)
soit :puis
laseconde,
à la suite :Mais
quand
il faut introduire 1 on nepeut plus
l’écrire à lasuite, puisqu’on
veut, pour ranger, tenir compte de l’ordrealphabétique :
on décide alors dedéplacer j
pourplacer
i. Il n’est pasquestion
non
plus
demettre j
à lasuite, puisqu’on
veut tenir compte de l’ordred’introduction ;
on fera doncremonter j
à laligne
du dessus.On écrira donc :
Et l’on
continue ;
larègle
étant : ranger la nouvelle lettre à saplace «
naturelle » dans lapremière ligne
dubas,
au besoin endéplaçant
une lettredéjà
écrite.Quant
à la lettredéplacée,
elle doit êtreprésentée
à laligne
d’en dessus - et, bienentendu,
elle doits’y
ranger à son rang, endéplaçant
au besoinune autre lettre
qui
remontera encore, etc.Ainsi,
sur notreexemple, quand
onprésente f
au tableauprécédent :
nos conventions
exigent que f
prenne laplace
de 1puisque,
selon l’ordrealphabétique f
est situé entreb
et i,
et 1 cellede j (puisqu’il
estavant).
Soit le résultat :
Puis,
onprésente
aqui prend
laplace
deb,
d’où une nouvelle cascade dedéplacements :
On continue avec
d, qui repousse f, lequel prend
laplace
à la secondeligne :
Puis avec e :
Puis c :
Puis g, et enfin
h,
cequi
donne finalement :On remarquera que l’ordre
alphabétique
derangement
estrespecté
aussi bien enlignes qu’en
colonnes dans le tableau final.
Dans une
pareille
construction les deux ordres nejouent
pas le même rôle : l’un gouverne l’introduction deséléments,
l’autre leur rangement. Mais onpourrait échanger
les rôles(dualité,
commeon
dit),
c’est-à-dire introduire successivement les lettres dans l’ordrealphabétique
et, pour les rangeren
tableau,
suivre l’ordre donné par(01).
Voici alors la suite de tableaux
qu’on
construira selon la mêmerègle,
mais enadoptant
cenouveau
point
de vue :et enfin :
Un rangement en tableau selon C. Schensted résulte donc de la confrontation des deux ordres : l’ordre d’introduction et l’ordre de rangement. A titre
d’illustration,
voici tous les caspossibles,
pourun ensemble de trois
objets :
Il est clair que, pour construire un
pareil tableau,
il n’est pas nécessaire d’en effectuer la cons-truction pour les 36 cas
possibles.
Dès que l’on a calculé parexemple
que : leRangement
=6c
- .. -le Rangement = abc / produisent le tableau
l’Introduction - cao
on
peut
effectuer toute substitutionqu’on
voudra sur leslettres,
parexemple : Remplacer : a
par bbparc
cpara
et l’on obtient :
1 le Rangement = bca produisent
le tableau{
1 Introduction = abcSoient
alors,
pour un ensemble Equelconque,
deux ordres01
et0, ;
supposonsqu’on
ait calculéon pourra effectuer une substitution
quelconque
S pour avoir :En
particulier,
il existe une substitution telle que :On aura alors :
Ce
qui
permet de voir l’effet duchangement
de rôle pour01,
le même ordre01
étantpris
d’abordcomme ordre de
Rangement puis
comme ordred’Introduction,
dans la construction des deux tableaux Tet ST.
Pour étudier comment varie le tableau
(produit)
en fonction des deux ordres(facteurs),
ilsuffira donc de faire varier l’un d’eux.
Fixons,
parexemple,
l’ordre deRangement :
on constate que lacorrespondance
entre ordred’introduction et tableau
produit
n’est pasinjective :
on peut obtenir le même tableau pour deux ordresdifférents.
Mais elle a une forme bienparticulière qui
serapeut-être plus
aisée à décrire sur lecas des ensembles de 4
objets.
Ordre de rangement = a b c d
Ordre d’introduction Tableau
produit
Ainsi
apparaît
une classification devingt-quatre
ordrespossibles,
la distribution se faisant selon la formule :(laquelle
est liée à la théorie de lareprésentation
des groupes et aux relations entre les « caractères » deFrobenius ;
on pourra consulter D. E. Rutherford ou G. de B. Robinson ouYoung lui-même).
Dans le
registre précédent (le
lecteur pourra, à titre d’exerciceutile,
établir leregistre analogue
pour
cinq objets),
onvoit,
parexemple,
que - pour un même ordre de rangement, icil’alphabétique
--les trois ordres d’introduction : a b d c,
a d b c et d a b c,
fournissent le même tableaufinal ;
mais tousles trois
n’y
arrivent pas, par le même chemin :1
1)
a b d c donne successivement :Pour
désigner
chacun de ces troischemins,
il suffit de donner la suite des formesvides,
c’est-à.dire les schémas :
ou
bien,
si l’onpréfère,
comme le faitSchensted,
donner l’ordre deremplissage
des cases du tableau.soit pour le
premier :
pour le second :
pour le troisième :
Pour
indiquer
l’ordred’occupation
des cases d’untableau,
on peut les numéroter comme on vient de le faire - mais l’utilisation de l’ensemble ordinaltypique :
« 1,2, 3, 4,
etc. » n’est pasindispensable,
c’est même
quelque
chosed’étranger
à notre étude car nousdisposons ici,
d’un « ordre deréférence»,
l’ordre de rangement
alphabétique
des lettres - dans notreexemple :
« a,b,
c,f».
On pourra donc noter les trois cas
précédemment distingués
de lafaçon
suivante :qui signifie
la même chose queORDRES D’INTRODUCTION
pour un Tableau de forme
Ordre
d’occupation
des casesOn
exprimerait
defaçon analogue
cequi
concerne les autres formespossibles (il
y en a troiscomme on a
vu).
Nous voici arrivés au terme de la construction : C’est une
bijection
entrecouple
d’ordres(complets)
1)
deux ordres(quelconques)
sur le même ensemble : c’est unepermutation
parexemple :
2)
deux ordres sur les cases d’un « tableau» - mais ordres totauxcompatibles
avec l’ordrepartiel
du
tableau,
ainsiChacun de ces
tableaux, soit,
parexemple :
représente
unmorphisme
de l’ordrepartiel :
dans l’ordre
total : ...,... _, ,
La
bijection
étant ici notée par lareproduction
d’une même lettre :Si l’on veut dénombrer ces
bijections
c’est-à-dire déterminer le nombre des ordres
partiels
du type(P) compatibles
avec l’ordre total(T),
on peut
appliquer
larègle
deThrall,
que voici :On attribue à
chaque
élément de P(cases
ouplaces)
unpoids qui
est le nombre des cases d’une«
équerre» (en anglais : hook). Exemples :
Pour la forme
(P) 1
les
équerres
relatives àchaque
case sontde
poids respectifs :
1 4 4 1
Pour une autre forme telle que
On a :
Désignons
parh,, h2,
...,hn
lespoids
ainsi calculés.Le nombre cherché est
n f Hhi
où
1-Ihi désigne
leproduit
des npoids hi.
Exemples
le nombre des
morphismes
comme il est facile de vérifier.
poids
nombre des
morphismes
= 168BIBLIOGRAPHIE
ROBINSON,
G. deB., Representation theory of
thesymmetric
group,Toronto, University
of TorontoPress, 1961,
204 p.RUTHERFORD,
D.E.,
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12(1963),
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M.P.,
"Promotion desmorphismes
d’ensemblesordonnés",
DiscreteMathematics,
Vol.