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L arrêt «Bouanich», rendu par la Cour

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L’exhumation du bouclier fiscal ou la résurrection

des principes de droit européen

L

’arrêt «Bouanich», rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 13 mars 2014(1), ramène à nos bons souvenirs le régime de feu le bouclier fiscal(2).

En l’occurrence, Margaretha Bouanich, rési- dente fiscale française, avait perçu des divi- dendes de la société suédoise Ratos AB au titre des années 2006, 2007 et 2008. Ces revenus avaient subi une retenue à la source de 15 % en Suède en application de l’article 10 de la convention franco-suédoise(3). Ils avaient ensuite été taxés en France à l’impôt sur le revenu et un crédit d’impôt égal à l’impôt suédois avait été accordé à la contribuable par la France confor- mément à l’article 23,1-a-ii de cette Convention.

La contribuable s’était ensuite prévalue du mécanisme français du bouclier fiscal pour réclamer la restitution de la différence entre le total des impôts dont elle s’était acquittée et un pourcentage de ses revenus, à savoir 60 % des revenus perçus en 2005 et 50 % des reve- nus perçus en 2006 et 2007. Contrairement aux dispositions de l’article 1649-0 A du CGI (dans sa rédaction applicable), cette dernière avait fait figurer le montant correspondant à la retenue à la source prélevée en Suède sur ses dividendes parmi les impôts retenus pour le calcul de son droit à restitution.

L’administration fiscale n’avait pas fait droit à sa demande, au motif que la retenue à la source suédoise ne consistait pas en une imposition payée en France, condition sine qua nonposée par l’article 1649-0 A du CGI. La contribuable avait alors saisi le Tribunal administratif de Grenoble afin d’obtenir l’ajout parmi les impôts pris en compte pour le bouclier fiscal des rete- nues à la source des 3 années en cause en arguant

de la contrariété de la réglementation française aux libertés européennes.

Le Tribunal administratif de Grenoble a décidé de surseoir à statuer et a saisi la CJUE en sub- stance des questions préjudicielles suivantes : les articles 49, 63 et 65 du Traité sur le fonction- nement de l’Union Européenne (TFUE) s’op- posent-ils à la législation française en ce qu’elle ne prend pas en compte, ou ne prend que par- tiellement en compte, l’impôt payé dans l’autre État ? Dans l’affirmative, une telle restriction peut-elle être justifiée ?

En réponse à ces questions, la juridiction euro- péenne conclut que le dispositif du bouclier fiscal est, relativement à l’aspect critiqué, contraire aux libertés de circulation des capi- taux et d’établissement.

Après s’être traditionnellement attardée sur la qualification des libertés européennes en cause, la Cour n’a pu que constater que la restriction à ces libertés ne reposait pas sur une justifica- tion valable pour écarter le motif de contra- riété au droit européen. L’attrait de la résurrec- tion du bouclier fiscal dans l’arrêt commenté résulte de sa portée.

L’identification préliminaire de la liberté européenne

transgressée

Lorsqu’est mise en cause la conformité au droit européen d’une législation relative au traite- ment fiscal des dividendes, deux libertés euro- L’absence de prise en compte, ou la prise en compte partielle, d’impositions acquittées hors de France au titre du bouclier fiscal vient d’être jugée contraire au droit européen par la Cour de justice de l’Union européenne. L’arrêt amène à s’interroger d’une manière plus générale sur le sort réservé en droit français aux impositions prélevées hors de France.

CJUE, 13 mars 2014, aff.

C-375/12, Bouanich c/

Directeur des services fiscaux de la Drôme.

POUR EN SAVOIR PLUS : CJCE, 14 nov. 2006, aff. C-513/04, Kerckhaert et Morres.

Repère : Lamy fiscal 2014, § 4400, 7922 et s.

Par Christoph SESEKE, Avocat Associé WTS, Rechtsanwalt, Fachanwalt für Steuerrecht et Céline BOISSELIER, Avocat collaborateur, WTS

(1) CGI, art. 1649-0 A abrogé ; CJUE, 13 mars 2014, aff. C-375/12, Bouanich c/ Directeur des services fiscaux de la Drôme. Cet arrêt a été rendu sans conclusions.

(2) Supprimé à partir de 2013.

(3) Convention franco-suédoise du 27 novembre 1990.

(2)

Une restriction inhérente à la législation française du bouclier fiscal

La contribuable estimait que la retenue à la source prélevée à l’étranger n’était pas prise en compte au titre du bouclier fiscal, ou ne l’était que de façon partielle, ce qui constituait une restrictionportant sur les «dividendes entrants», c’est-à-dire les dividendes d’une société étran- gère perçus par un résident de France.

Le Gouvernement français considérait que cette situation n’était pas condamnable dans la mesure où elle relève de l’exercice parallèle de com- pétences fiscales par le Royaume de Suède, d’une part, et par la République française, d’autre part. Cet argument s’appuyait sur la jurisprudence «Kerckhaert et Morres» du 14 novembre 2006(7).

Cet arrêt était pourtant inopérant au cas d’es- pèce. La Cour l’a d’ailleurs d’emblée souli- gné(8). Les motivations du Gouvernement fran- çais méritent toutefois d’être explicitées.

L’EXERCICE PARALLÈLE DE COMPÉTENCES FISCALES N’EST PAS EN CAUSE

Les faits de l’arrêt «Kerckhaert et Morres» sont les suivants : un contribuable belge avait perçu des dividendes de source française qui avaient subi en France une retenue à la source à un taux de 15 %. Ce contribuable se plaignait du fait que ses dividendes étaient taxés en Belgique au taux de 25 % sans que la retenue à la source prélevée en France ne soit imputée sur son impôt belge. À cet égard, il y a lieu de préciser que la Convention fiscale franco-belge prévoyait à l’époque des faits(9)(1995 et 1996) que «lorsque des dividendes sont payés par une société résidente de la France à un résident de la Belgique et que ces dividendes ont effectivement supporté en France la retenue à la source, l’impôt dû en Belgique sur leur montant, net de retenue française, [est]dimi- nué, […]de la quotité forfaitaire d’impôt étran- ger déductible dans les conditions fixées par la législation belge, sans que cette quotité puisse être inférieure à 15 % dudit montant net». Or, en l’occurrence, la législation belge ne prévoyait pas la déduction de la retenue à la source.

péennes sont susceptibles d’être concernées : la liberté de circulation des capitaux et la liberté d’établissement.

En l’espèce, le Tribunal administratif de Gre- noble, plutôt que de se risquer à sélectionner l’une de ces deux libertés à l’appui de sa demande, a invoqué les deux en se prévalant à la fois de l’article 49 du TFUE qui protège la liberté d’établissement et de son article 63 rela- tif à la libre circulation des capitaux. La contri- buable vérifiée et le Gouvernement français s’appuyaient pour leur part sur la seule libre circulation des capitaux.

On comprend que le tribunal n’ait pas voulu limiter son recours préjudiciel au visa d’une seule de ces libertés dont la qualification est délicate. D’ailleurs, la Cour, saisie d’une ques- tion préjudicielle, doit se prononcer de manière à apporter une réponse utile à la juridiction requérante sur la solution du litige au princi- pal(4), de telle sorte qu’elle n’hésite pas, comme on a pu le constater dans un arrêt récent(5), à procéder à une «substitution» de liberté pour apporter une réponse adéquate à la question posée. En l’occurence, la liberté d’établisse- ment avait été exclusivement invoquée, mais la Cour a toutefois examiné la situation d’es- pèce au regard de la liberté de circulation des capitaux.

Au cas présent, la Cour applique la méthodo- logie classique dégagée par la jurisprudence européenne et désormais bien établie dans des considérants de principe didactiques(6). Le choix entre les deux libertés se fait au regard de l’objet de la législation en cause. Ainsi, lorsque la législation nationale a vocation à s’appliquer aux seules participations permet- tant d’exercer une influence certaine sur les décisions d’une société, son examen relève de la liberté d’établissement. En revanche, s’agis- sant de la détention de simples placements financiers, sans intention d’influer sur la ges- tion et le contrôle de l’entreprise, la libre cir- culation des capitaux est seule en cause.

Or, le bouclier fiscal s’applique aussi bien s’agis- sant des titres de participation que des titres de placement. Une approche par l’objet de la législation était donc inopérante. Lorsqu’elle se trouve confrontée à cette impasse, la juris- prudence privilégie une approche factuelle.

En l’absence d’indications fournies à cet égard (il n’avait vraisemblablement pas été précisé quelle était la quotité de la participation déte- nue par la contribuable dans la société Ratos), la Cour a choisi d’examiner la situation au regard des deux libertés comme l’y invitait le tribunal.

(4) Recomm. n° 2012/C-338/01, JOUE 6 nov. 2012, n° 8.

(5) CJUE, 23 janv. 2014, aff. C-164/12, DMC Beteiligungsgesellschaft mbH : voir C. Seseke et C. Boisselier, Transfert de siège et apport par- tiel d’actif transfrontalier : la portée de l’arrêt «DMC», Les Nouvelles fiscales n° 1133, p. 4 à 8.

(6)Cf. points 26 à 30.

(7) CJCE, 14 nov. 2006, aff. C-513/04, Kerckhaert et Morres.

(8)Cf.point 37.

(9) Art. 19, A, § 1.

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imposition juridique peut être in finecondam- née au niveau européen, mais uniquement sur la base de la protection des libertés de circula- tion, et non sur une base autonome. Et si l’im- position à la source se révèle discriminatoire, elle doit être éliminée par l’État de la source (la France dans le cas d’espèce traité par le Conseil d’État), État qui doit, dans le cas où celui de résidence ne permet pas l’imputation de la retenue à la source, renoncer à la préle- ver. Dans ces jurisprudences sont donc en cause l’élimination de la double imposition et son effectivité au regard des principes de l’Union européenne. Tel n’est aucunement l’objet de l’affaire «Bouanich» qui conduit seulement à examiner la conformité aux libertés européennes de l’absence de prise en compte des retenues à la source étrangères en droit interne français.

UNE RESTRICTION CONSTITUÉE PAR L’ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DE L’IMPÔT ÉTRANGER

Il convient de rappeler que le bouclier fiscal a été instauré par la loi de finances pour 2006(15), puis renforcé par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite «TEPA»(16) du 21 août 2007, pour ôter à la fiscalité fran- çaise le caractère confiscatoire qu’elle pouvait présenter pour certains contribuables. Ce dis- positif est supprimé depuis le 1erjanvier 2013.

Ainsi, aux termes de l’alinéa 1 de l’article 1erdu CGI issu de ces deux lois, «les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supé- rieurs à 60 % de ses revenus [au titre des reve- nus 2005, 50 % ensuite] ». L’article 1649-0 A du CGI définissait, pour les contribuables domi- ciliés fiscalement en France, un droit à restitu- tion de la fraction des impositions excédant le seuil de 60 % ou 50 % précité.

Le mécanisme du bouclier fiscal procédait donc d’une comparaison entre 60% ou 50% des reve- nus perçus par le contribuable au titre d’une année et les impôts directs y afférents. En l’occurrence, la contribuable avait inclus la retenue à la source payée en Suède parmi les impôts faisant l’objet du second terme de cette comparaison.

Or, il résultait de l’article 1649-0 A du CGI que seules les impositions payées en France devaient être prises en compte, à l’exclusion donc des On se trouve, là encore, dans une affaire rela-

tive à des dividendes entrants et devant le refus du Gouvernement (belge en l’occurrence) d’im- puter une imposition prélevée à l’étranger.

Néanmoins, la législation belge n’a pas été jugée contraire au droit européen. Pour parvenir à cette solution, la Cour a relevé que le taux de 25 % appliqué aux dividendes de source fran- çaise est un taux uniformeappliqué à la fois aux dividendes de source nationale et de source étrangère(10).

Cet arrêt conduit à rappeler que «le droit com- munautaire, dans son état actuel […], ne pres- crit pas de critères généraux pour la répartition des compétences entre les États membres s’agissant de l’élimination de la double imposition à l’in- térieur de la Communauté »(11). En effet, aucun texte européen ne prohibe, de manière géné- rale, les doubles impositions(12).

Le Gouvernement français pensait ainsi être exempt de toutes critiques sur la base de cette jurisprudence qui semble légaliser une double imposition juridique du chef de l’État de rési- dence.

Cependant, au cas particulier, le mécanisme exa- miné est celui du bouclier fiscal, c’est-à-dire un plafonnement des impôts en fonction d’un cer- tain pourcentage de revenus et non l’application d’une convention fiscale de double imposition relative, pour sa part, à l’exercice concurrent par deux États de leur droit d’imposer. Si la Cour relève que l’octroi d’un crédit d’impôt à raison de retenues à la source opérées en Suède résulte de la convention fiscale franco-suédoise et s’ins- crit dans le cadre de l’imposition parallèle de la Suède et de la France, l’application du bouclier fiscal est, en revanche, sans relation avec l’exer- cice parallèle de compétences fiscales en ce qu’il concerne la seule compétence fiscale de la France.

Il s’agit donc de deux avantages fiscaux distincts(13). Au demeurant, il convient de noter qu’un très récent arrêt du Conseil d’État constituant le pendant de l’arrêt «Kerckhaert et Morres» du côté de l’État de la source vient d’être rendu.

Dans cet arrêt du 7 mai 2014(14), le Conseil d’État rappelle d’abord qu’aucun principe de l’Union Européenne n’impose l’élimination de la double imposition juridique. Il juge ensuite que «la circonstance que la législation de l’État de résidence combinée avec les stipulations conven- tionnelles ne permette pas la correction de la dis- crimination résultant de la législation de l’État dans lequel est établie la société distributrice est sans incidence sur l’imputation de cette discrimi- nation à ce second État».

Par la combinaison de cette dernière décision avec l’arrêt «Kerckhaert et Morres», une double

(10) Arrêt précité, point 24.

(11) Arrêt précité, point 22.

(12)Cf. I. Riu, Sociétés et Établissements stables en droit fiscal inter- national et de l’UE, n° 419. Seule la directive du 23 juillet 1990 rela- tive au régime mère-fille l’exige.

(13)Cf.point 40.

(14) CE, 7 mai 2014, n° 356760.

(15) L. fin. 2006, n° 2005-1719, 30 déc. 2005, JO 31 déc., art. 74.

(16) L. n° 2007-1223, 21 août 2007, JO 22 août.

(4)

vernement français a invoqué la préservation de la cohérence de son régime fiscal pour jus- tifier sa position.

On sait, en effet, qu’une restriction peut être admise si elle est justifiée par une raison impé- rieuse d’intérêt général. La préservation de la cohérence fiscale(21)constitue l’une de ces jus- tifications.

Pour que cette justification soit retenue, il convient que soit établie «l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la com- pensation de cet avantage par un prélèvement fis- cal déterminé»(22). En l’occurrence, l’existence d’un tel lien direct devait être apprécié au regard de l’objectif de la législation en cause, à savoir le bouclier fiscal.

Le Gouvernement français a entendu justifier ce lien par celui qui existerait entre la restitu- tion d’une fraction des impôts acquittés en France et la compensation de cet avantage par les impôts payés en France par le contribuable.

A contrario, il a affirmé, dans un argument super- fétatoire et qui se révéla jouer en sa défaveur, qu’il n’existait aucun lien entre l’impôt payé à l’étranger et la restitution en France de cet impôt.

Or, l’objectif du bouclier fiscal était de réduire le niveau d’imposition global des revenus afin d’éviter que l’impôt ne se révèle confiscatoire pour le contribuable. La Cour en déduit que l’avantage fiscal procuré (la restitution d’im- pôt) n’était pas compensé par un prélèvement déterminé(23). L’absence de lien direct conduit donc au rejet de la justification liée à la préser- vation de la cohérence fiscale.

La dernière justification invoquée était celle de la nécessité de sauvegarder une répartition équi- librée du pouvoir d’imposition. La Cour balaie cet argument en relevant que les conditions relatives au bouclier fiscal étaient déconnec- tées de la question de la répartition du pou- voir d’imposition(24).

La contrariété aux règles européennes du régime du bouclier en l’absence de prise en compte des retenues à la source étrangères relevée par la Cour n’est donc pas surprenante. La portée qui peut être attachée à cette décision rela- retenues à la source pratiquées à l’étranger. C’est

ainsi qu’au titre du bouclier 2007, relatif aux revenus 2005, l’administration fiscale avait exclu du calcul du droit à restitution la totalité de la retenue à la source suédoise, alors même que les revenus bruts correspondant à ces dividendes avaient été intégrés dans la base d’imposition.

Il en résultait une discordance gênante que le législateur a cherché à corriger. On lit dans l’ex- posé des motifs de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008(17)que «la règle du plafonnement est donc asymétrique puisque si tous les revenus sont pris en compte, quel que soit leur lieu de réalisation et d’imposition, les impôts acquit- tés hors de France ne sont pas intégrés au numé- rateur»(18). L’article 1649-0 A du CGI avait en conséquence été partiellement modifié par la loi du 4 août 2008applicable aux boucliers 2008 et 2009 sur les revenus 2006 et 2007. Le nou- veau texte prévoyait que la retenue à la source pouvait être déduite des revenus pris en compte pour le calcul du droit à restitution. Concrète- ment, la retenue à la source était exclue des impôts, mais les dividendes étaient retenus pour leur montant net de retenue à la source, ce qui revenait à prendre en compte partiellement la retenue à la source puisque les revenus étaient affectés d’un coefficient de 50 % ou 60 % dans le cadre de ce mécanisme.

L’«asymétrie » n’étant que partiellement corri- gée, la CJUE constate logiquement, au titre du bouclier 2007 comme au titre des boucliers 2008 et 2009, que les contribuables résidents fiscaux français subissaient un traitement fis- cal désavantageux au titre des dividendes de source étrangère perçus.

Cette différence de traitement conduit, tou- jours selon la Cour, à une restriction à la libre circulation des capitaux constituée par le fait que, d’une part, les contribuables étaient dis- suadés d’investir dans les sociétés établies hors de France et, d’autre part, ces sociétés étaient confrontées à un obstacle en vue de la collecte de capitaux en France(19).

Qui plus est, elle reconnaît également une res- triction à la liberté d’établissement caractéri- sée par le fait que cette différence de traitement rendait moins attrayant pour un résident fis- cal français l’établissement dans un autre État membre(20).

DES JUSTIFICATIONS INVOQUÉES INOPÉRANTES

Après avoir échoué à démontrer l’absence de restriction aux libertés de circulation, le Gou-

(17) L. n° 2008-776, 4 août 2008, JO 5 août.

(18) Extrait du rapport général du Sénat, n° 413, travaux prépara- toires à la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008.

(19)Cf. point 55.

(20)Cf.point 59.

(21) Ce critère a été posé par les arrêts CJCE, 28 janv. 1992, aff.

C-204/90, Bachmann et CJCE, 28 janv. 1992, aff. C-300/90, Comm.

c/ Belgique. Il a par exemple été employé dans l’arrêt «Papillon»

concernant le régime de l’intégration fiscale (CJCE, 27 nov. 2008, aff.

C-418/07, Papillon) ou «Manninen» (CJCE, 7 sept. 2004, aff. C-319/02, Manninen) relatif à l’imposition des dividendes dans le régime fin- landais.

(22)Cf.arrêt «Manninen» précité, point 42 repris à l’arrêt commenté, point 69.

(23)Cf.points 72 et 73.

(24)Cf.point 86.

(5)

tive à un régime fiscal pourtant abrogé, l’est plus.

Un arrêt à portée limitée

Il y a lieu de se réjouir de cette décision qui fait la part belle à l’orthodoxie des principes européens. Toutefois, sa portée doit être pré- cisée. La question de sa transposition au regard du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) doit être examinée avant d’abor- der l’éventuelle survivance d’une action au titre du bouclier fiscal.

UNE TRANSPOSITION DE LA DÉCISION AU PLAFONNEMENT DE L’ISF ?

Malgré la suppression du bouclier, un régime de plafonnement perdure. Il concerne l’ISF.

Après une disparition temporaire, il a été réin- troduit par la loi de finances pour 2013(25). Ce système, très similaire à celui du bouclier, a pour but d’éviter que le total formé par l’ISF et l’impôt sur le revenu excède 75 % des reve- nus du contribuable de l’année précédente.

Dans le cadre de ce dispositif, l’article 885 V bis du CGI dispose que les impôts français et étrangers sont à retenir, «calculés avant impu- tation des seuls crédits d’impôt représentatifs d’une imposition acquittée à l’étranger». La doctrine administrative ajoute à la loi en prévoyant qu’«il est fait abstraction des cotisations d’impôt sur le revenu exigibles à l’étranger qui constituent un crédit d’impôt imputable sur la cotisation due en France ainsi que des retenues non libératoires»(26). La critique mise à jour par l’affaire «Bouanich» consistait en l’absence de prise en compte, totale ou partielle, de la retenue à la source acquittée à l’étranger parmi les impôts. Aux termes de l’article 885 V bis du CGI, l’impôt étranger devrait, pour les besoins du plafonnement de l’ISF, être pris en compte. Toutefois, ce même texte prévoit de retenir un impôt français brut de crédit d’impôt. Ceci s’explique dans la mesure où le crédit d’impôt constitue une modalité de paiement de l’impôt et n’impacte pas sur son montant en tant que tel. La doc- trine précitée permet de rétablir un équilibre, puisque si l’impôt français est retenu brut de crédit d’impôt, il est donc majoré à hauteur de l’impôt étranger. Inclure la retenue à la source étrangère dans le calcul du plafonnement en sus de l’impôt français brut reviendrait donc à la comptabiliser deux fois.

Par conséquent, la même critique que celle qui

était adressée au bouclier ne peut l’être à l’en- contre du plafonnement, puisque la combinai- son de l’article 885 V bis du CGI et la doctrine administrative permet la prise en compte totale de l’impôt étranger dans la détermination du droit à restitution.

UNE ÉVENTUELLE CORRECTION DE LA CRÉANCE DE BOUCLIER

Le dispositif du bouclier fiscal a été supprimé à compter du 1erjanvier 2013, en application de la loi de finances rectificative pour 2011(27). Il s’est donc appliqué pour la dernière fois en 2012 relativement aux revenus 2010 et n’a pu être utilisé que du 1erjanvier au 31 décembre 2012(28).

Du fait de cette réforme, il a été décidé que les redevables de l’ISF au titre de l’année 2012 devraient obligatoirement utiliser la procédure d’autoliquidation par imputation exclusive de leur droit à restitution sur leur cotisation d’ISF 2012. La part du droit à restitution non impu- tée sur l’ISF dû au titre de 2012 constitue une créance sur l’État imputable exclusivement sur les cotisations d’ISF dues au titre des années suivantes(29).

Stricto sensu, il n’est donc désormais plus pos- sible de faire valoir un droit à restitution qui n’aurait pas été exercé durant cette période, quand bien même l’arrêt «Bouanich» aurait permis à certains contribuables qui n’entraient pas dans le champ du bouclier fiscal d’en béné- ficier en retenant les retenues à la source étran- gères.

Jusqu’à très récemment, l’article L. 190 du LPF aurait ouvert une voie toute tracée aux contri- buables se trouvant dans cette situation. Il ouvrait en effet un nouveau délai de réclama- tion aux contribuables lorsque l’incompatibi- lité d’un texte avec une norme supérieure avait été révélée par une décision juridictionnelle, tel qu’un arrêt de la CJUE. Cependant, l’ar- ticle R* 196-1 du LPF a été modifié par un décret du 18 juillet 2013(30), qui a expressé- ment exclu les décisions juridictionnelles des événements entraînant l’ouverture d’un nou- veau délai de réclamation. Cette voie n’est donc désormais plus qu’une impasse pour les contri-

(25) L. fin. 2013, n° 2012-1509, 29 déc. 2012, JO 30 déc., art. 13.

(26) BOI-PAT-ISF-40-60, n° 60.

(27) L. fin. rect. 2011, n° 2011-900, 29 juill. 2011, JO 30 juill., art. 30.

(28) BOI-CTX-BF-30-10, n° 1.

(29)Cf. formulaire 2041-DRBF.

(30) D. n° 2013-643, 18 juill. 2013, JO 20 juill., art. 1erpris en appli- cation de la loi de finances rectificative pour 2012 (L. fin. rect. 2012, n° 2012-1510, 29 déc. 2012, JO 30 déc.).

(6)

mination du plafonnement sont issus d’une période prescrite(33).

La doctrine administrative précise encore que le délai de reprise s’exerce jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle le droit a été acquis. Pour sa part, le délai de réclamation expire le 31 décembre de la deuxième année suivant le même point de départ, c’est-à-dire au 31 décembre 2014. Par conséquent, les contribuables qui disposent ou disposaient d’une créance de bouclier afférente à 2012 peuvent la majorer des retenues à la source étrangères qui en étaient exclues jusqu’à présent(34).

En conclusion, le dispositif moribond du bouclier fiscal déterré par l’affaire «Bouanich» pourrait s’avérer plus vivace qu’escompté.

buables, sauf à pouvoir considérer que les articles L. 190 et R* 196-1 du LPF dans leur nouvelle rédaction seraient contraires aux principes du droit européen(31)

Cela étant, le sort des contribuables qui ont exercé leur droit à restitution en 2012 pour- rait être plus prospère.

À la création du bouclier fiscal, le droit à res- titution devait être exercé sous la forme d’une demande de restitution qui constituait une réclamation contentieuse. La loi de finances pour 2009(32) a mis en place une nouvelle modalité d’exercicede ce droit à restitution avec la possibilité d’autoliquider la créance qui en est issue, dite procédure «d’autoliquidation du plafonnement». Cette procédure seule doit être utilisée pour imputer la créance issue du droit à restitution né pour la dernière fois en 2012. Pour cela, il convient de déposer un for- mulaire 2041-DRBF auprès du service com- pétent.

Or, en application de l’article 1649-0 A, 9, alinéa 6 du CGI, les documents déposés à l’appui des imputations pratiquées constituent des déclarations soumises aux mêmes règles de contrôle et de prescription que celles pré- vues en matière d’impôt sur le revenu, même lorsque les revenus pris en compte pour la déter-

(31) Ce sujet avait été examiné par la CJUE sous l’empire de l’an- cienne rédaction de l’article L. 190 du LPF qui avait été validée, cf.CJCE, 28 nov. 2000, aff. C-88/99, Roquette Frères. Pour autant, il n’est pas certain que cette analyse demeurerait identique au vu des modifications opérées par la loi de finances rectificative pour 2012 (L. fin. rect. 2012, n° 2012-1510, 29 déc. 2012, JO 30 déc.) et la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délin- quance économique et financière (L. n° 2013-1117, 6 déc. 2013, JO 7 déc.).

(32) L. fin. 2009, n° 2008-1425, 27 déc. 2008, JO 28 déc., art. 38.

(33) BOI-CTX-BF-30-10-20, n° 80.

(34)Cf.également en ce sens D. Gutmann, Les Échos, 21 mars 2014.

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