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oz

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Page de gauche :

Vue d'une grille du chœur avant restaura/ion.

Ci-desso/fs .

Délail du tympan de la façade occidentale, Saillie Foy en prière. On aptrçoil près d'elle les chaît/es laissées par les prisonniers libérés grâce à so·n intercession.

Ph. M.-A. Sire.

La restauration

desgrilles du sanctuaire) abbatiale Sainte-Foy

Conques) Aveyron

Marie-Anne Sire, Annick Texier et Stéphane Pennec*

L'évolution des dispositions du sanctuaire de l'abbatiale Sainte­

Foy à Conques est intimement liée à celle de la conception des grilles qui l'isolent et le protègent dès la construction, à la fin du x' siècle, de la première église, Bernard d'Angers y fait allusion dans son Livre des Miraclesl et précise que presque tous les pas­

sages internes de l'église étaient alors clos de portes forgées, écrit-il, à partir des entraves laissées en ex-voto par les prison­

niers, II souligne même que ces grilles sont à cette date " la plus admirable décoration de l'église, après les richesses du trésor, où brillent, dans une gracieuse variété, tant de bijoux d'or et d'argent, tant d'ornements et de manteaux, tant de pierreries » . Dès l'ori­

gine, ces grilles ont pour vocation d'assurer à la fois une clôture matérielle et une barrière mystique autour des reliques de Sainte­

Foy, venues d'Agen à Conques en 866 à l'occasion " d'une trans­

lation furtive ". Du maintien, à Conques, de ces reliques très

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Restauration des grilles du sanctuaire de Conques

Onze grilles appartenant à l'ensemble sont parvenues jusqu'à nous, remaniées à plusieurs reprises. Gravement altérées par les scellements au plâtre effectués au début de ce siècle, elles ont fait l'objet en 1996 d'un traitement de conservation qui fait suite à une impoliante campagne de relevés du Centre de Recherches sur les Monuments historiques et à un diagnostic du Laboratoire de Recherche des Monuments historiques sur les causes des corro­

sions observées. Pour comprendre le parti de restauration adopté, et présenter les découvertes faites en cours de chantier, il convient de rappeler les modifications subies par ces grilles au fil des réaménagements successifs du sanctuaire2, et l'état de conservation qu'elles présentaient avant la récente intervention.

Les étapes de l)aménagement du sanctuaire

Les dispositions de la première église nous sont partiellement connues grâce aux textes rapportés par le Cartulaire de Conques, le Lvre des Miracles de Sainte-Foy et les Acta Sanctorum traduits par F. Lot. Il s'agissait d'un édifice à trois nefs abritant chacune un autel, celui du Saint-Sauveur au centre, ceux de Saint-Pierre au sud et de la Vierge-Marie au nord. Les fouilles réalisées par ]. Formigé ont confirmé ces indications. Sur la face postérieure

Grille de la première travée nord avaltt restauration. Ph. S. Pennec, 1996.

de l'autel du Saint-Sauveur était érigé un monument « d'un travail merveilleux sous lequel repose la dépouille de Sainte-Foy'" Cet autel adossé était, d'après la description de Bernard d'Angers, de grandes dimensions (sept pieds et deux pouces, soit environ trois mètres), richement ciselé, couvert de feuilles d'or et sur­

monté d'une couronne d'or. Les grilles mentionnées par Bernard d'Angers ferment alors les absides situées aux extrémités des trois nefs. Elles vont être totalement remaniées lors de la construction de la seconde église due aux abbés Odolric (1031­

1065) et Étienne II (1065-1087) au )(J" siècle.

Le nouvel aménagement du sanctuaire crée dans le chœur un

« espace réservé ", où prend place, adossé aux colonnes du rond­

point, l'autel d'or de l'église précédente contenant le corps de Sainte-Foy. De nouvelles grilles sont disposées tout autour, asso­

ciées à des éléments de boiseries et de maçonnerie pour fermer le chœur aux fidèles et le réserver à la communauté monastique.

Celui-ci s'enrichira d'un ensemble de stalles, entre 1496 et 1513, sous l'abbatiat de A. de Marsenac. Le procès verbal de la visite faite par l'évêque François d'Estaing à Conques, du 19 au 23 décembre 1516, livre quelques détails précieux sur l'aména­

gement du sanctuaire à cette date.

«Le chœur des moines, écrit-il, c'est-à-dire la partie haute de la nef centrale, était séparé de l'église par une muraille qui paraît n'avoir ressemblé en rien aux balustrades dentelées ou aux gra­

cieux jubés de certains de nos monuments gothiques.» L'autel

Grille de la première travée sud avant restauration.

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Restauration des grilles du sanctuaire de Conques

paroissial était situé en dehors de ces limites, alors que le chœur des religieux contenait deux autels; l'un, le maître-autel, assez proche des stalles; l'autre, en arrière, près de la colonnade en demi-cercle, gardait les reliques de Sainte-Foy. "À certains jours, et à certains moments du jour, note François d'Estaing, les fidèles étaient admis à pénétrer dans le chœur des moines pour aller prier devant la sainte relique; on ouvrait alors la porte rouge qui donnait accès de la nef dans le chœur et qui se fermait de l'intérieur ».

Ces dispositions sont à nouveau bouleversées à la suite de l'in­

cendie qui ravage l'édifice en 1568. Les boiseries du rond-point sont détruites et les colonnes elles-mêmes sont atteintes au point qu'il faut cercler les fûts de colonnes puis les intégrer dans un nouveau mur de maçonnerie au-dessus duquel sont replacées les grilles après modification. On crée alors un autel-retable posé sur ce mur à l'intérieur duquel on dissimule le coffret-reliquaire de Sainte-Foy; on y intègre l'ancien autel avancé en marbre blanc et on aménage au centre de ce retable une armoire à reliques afin d'y présenter les treize plus importants reliquaires de l'abbaye, dont la Majesté de Sainte-Foy>. Jugé par le Curé " en désaccord de style avec l'église, masquant la colonnade et interrompant la grille de fer de la plus haute antiquité et du plus haut mérite' », ce maître-autel est démoli en 1866 et remplacé par l'autel encore en place aujourd'hui au fond de l'abside, dû au sculpteur Abbal. En 1840, la clôture du chœur est démolie, et l'enceinte du sanctuaire est désormais ouverte du fait de la suppression de la "muraille»

évoquée par François d'Estaing.

De nouveaux travaux sont engagés en 1875, deux ans après l'ar­

rivée à Conques d'une communauté des Prémontrés, appelée pour y restaurer les splendeurs de la liturgie. Ceux-ci confient à deux architectes nommés Pougnet et Grinda le soin de réamé­

nager le chœur. Dans ce but, ils font démolir le muret chemisant les colonnes du rond-point et déposer à cette occasion les sept grilles que celui-ci supportait. Pendant ces travaux, le 21 avril 1875, un ouvrier découvre le coffre-reliquaire de cuir orné d'émaux et contenant les reliques présumées de Sainte-Foy. Cette mise au jour, bientôt suivie d'une translation solennelle des reliques, provoque la renaissance du culte de Sainte-Foy et un regain de ferveur autour du pèlerinage. Le père Edmond, abbé de Frigolet et Prieur de Conques, décide alors de faire restaurer les grilles déposées et de surélever celles qui ferment la première travée droite du chœur; ceci afin de permettre « le passage du Très Saint Sacrement et du petit dais » chaque fois que ceux-{;i sont apportés de leur autel latéral vers le maître-autel où ne peut être conservée en permanence la Sainte-Réserve du fait de l'or­

ganisation régulière d'offices pontificaux5. La surélévation sou­

Dessin de E. Viol/el-Ie­

Duc. in Dictionnaire de J'Architecture, article Grilles, 1 VI, 1863.

à l'article « Grilles» de son Dictionnaire de l'Architecturé montre un détail de l'une de ces sept grilles avant la restauration de 1875.

La démolition du mur du chœur comme cette intervention abu­

sive sur les grilles suscitent en 1875 la colère de Jules Formigé, Architecte des Monuments historiques responsable de l'édifice, qui n'a pas été consulté et regrette ces travaux qui ont compro­

mis, écrit-il, " la valeur artistique» de ces grilles. Les explications données par le Père Edmond dans sa lettre du 26 septembre 1875 au Ministre des Cultes en réponse aux critiques formulées ne font que justifier l'inquiétude exprimée par Formigé.

« Un morceau de grille, écrit-il, fait sur le même modèle, a été placé au-dessus d'une partie des anciennes. De l'avis d'architectes très habiles, anciens élèves des Beaux-Arts, ces grilles nouvellement faites sont dignes de figurer à-côté des anciennes. » La même année Jules Formigé entreprend d'importants travaux de réaménagement des sols de la nef, du dallage et des emmarchements du sanctuaire, À la fin du XIX' siècle, le retable-armoire à reliques est démonté. La disposition des grilles du rond-point ne semble pas avoir été modi­

fiée depuis 1875, comme le confirme l'examen des altérations obser­

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ReslauralÏon des grilles du sancluairc de Conques

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Brindille< 0,3 à 0,4/0,8

Relevés de F Esposito réalisés I!1l 1995. Cellire de recherches pOlir les M01/Ume1l1s historiques, De haut ell bas et de gauche à droite : Détails d'un p01111eau sur [a grille de la premiè1-e tra vée, côté tlord, motifs 1-2-3; grille de la premiè1-e Ira vée du chœur,

détai! de pallueau côté sud,

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Restauration des grilles du sanctuaire cie Conques

LJétat de conservation desgrilles en 1995

Les onze grilles conservées obturent les quatre entrecolonne­

ments des deux travées droites du chœur et les sept entrecolon­

nements de J'abside. Dans l'abside, elles reposent depuis 1875 sur le stylobate, lui-même surélevé de 0,70 m par rapport au sol du déambulatoire, tandis que dans le chœur, elles sont fixées à même le pavage intérieur, élevé au-dessus du sol des collatéraux, de deux marches à la travée orientale et de trois marches à la tra­

vée occidentale.

La campagne de relevés réalisés par le Centre de Recherches sur les Monuments historiques (F. Esposito) il l'initiative de Jannie Mayer, a permis de déterminer avec précision les panneaux intacts, les éléments remaniés et les éléments ajoutés en 1875.

Ceux-ci respectent les trois types de tracés des brindilles qui ani­

ment les réseaux des grilles, divisés par des montants: le premier présente quatre volutes reliées par un losange central; le second quatre volutes soudées par des embrases ; le troisième un arbre stylisé à quatre branches de chaque côté, de longueur décrois­

sante, les branches basses se prolongeant pour entourer l'en­

semble et pour s'épanouir en deux volutes dans le bout. Les élé­

ments ajoutés se caractérisent par la section des fers qui est plus importante, et la matière des fers qui sont des fers tirés et non comme les fers du lue-Xli" siècle des fers doux, martelés de sec­

tion rectangulaire, parfois carrée.

Du fait de la complexité de lecture de ces onze grilles, la réalisa­

tion de ces relevés a constitué une étape essentielle à l'établisse­

ment d'un diagnostic sur les causes des corrosions observées et le parti de restauration à proposer. Cette étude-diagnostic a été entreprise par les responsables de la section «Métal» du labo­

ratoire de Recherches des Monuments historiques. Leurs inves­

tigations ont permis d'observer deux types d'altérations:

• celles, tout d'abord, qui sont dues à un phénomène de corro­

sion généralisée mais peu importante provoquée par l'empous­

sièrement des grilles qui, par sa nature hygroscopique, entretient un microclimat humide à la surface du métal. On observe aussi

Détail de scellement ait plâtre. réalisé lors d'un e intervention antérieu:re el des éléments voisins corrodés.

Dé/ail

de la corrosiOIl avant restaurat io n.

une corrosion ponctuelle très importante au niveau des parti s scellées au plâtre lors d'une intervention antérieure. Cette deuxième corrosion, particulièrement dommageable il l'œuvre, a abouti en plusieurs endroits à la disparition quasi complète du métal. Le plâtre est en effet un matériau très hygroscopique qui maintient le fer emprisonné dans un milieu humide favorisant la corrosion.

Seules les quatre grandes grilles étaient scellées de cette façon, les sept autres, scellées au mortier, n'ont subi que peu de dommages.

• Le second type d'altérations observées correspond non pas à un phénomène de corrosion, mais à des dégradations structu­

relles. À J'époque romane, les méthodes d'assemblages du fer forgé sont peu développées. Soudure et brasure n'existent pas, et c'est le baguage qui est la technique la plus utilisée. Les liaisons horizontales par bagues sur la base d'une structure uniquement verticale, comme on le voit sur les deux grandes grilles de Conques, présentent de nombreuses faiblesses mécaniques: la planéité de l'ensemble n'est guère assurée, ce qui explique la pré­

sence, en partie haute, des poutres de bois dans lesquelles vien­

nent s'encastrer les montants verticaux des grilles.

Un effet de compression ou d'empilage se produit progressive­

ment, lorsque les bagues prennent du jeu sur les montants verti­

caux, au niveau des éléments intermédiaires qui constituent la partie décorative des grilles. Avec ce système d'accrochage, d'autres effets peuvent être constatés, et nombreuses sont le~

dégradations mécaniques observées: écrasements et déforma­

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Restauration des grilles du sanctuaire de Conques

qui avait été réalisé en complément sur les sept grilles du rond­

Le parti de restauration

point où l'apport du XIX· siècle était trop important pour pouvoir Du fait des degrés très inégaux d'altérations observées et des

résultats obtenus en faisant une critique d'authenticité panneau par panneau, il fut décidé d'adopter un traitement différent pour les deux groupes de grilles:

• Les sept grilles du chœur ne présentaient pas de corrosions graves dues à un mauvais scellement. De plus, les modifications structurelles subies et leur petite taille leur donnaient une solidité plus grande. Nous avons donc envisagé un traitement in situ de type nettoyage-protection.

Détail d'une grille avant restaura/ion

• Les quatre grandes grilles étaient, quant à elles, très endom­

magées, tant du point de vue mécanique que chimique (corro­

sion). La reprise de tous les scellements et le renforcement méca­

nique des grilles nous contraignaient à effectuer une dépose.

L'importance des travaux de nettoyage, de traitement des parties corrodées et de consolidation structurelle, nous ont amenés à envisager leur déplacement en atelier.

Le descriptif des interventions nécessaires établi en étroite concer­

tation avec Dominique Larpin, Architecte en chef des Monuments historiques et Louis Causse, Architecte des Bâtiments de France, en préalable à la consultation des entreprises, insistait tout parti­

culièrement sur la qualité exceptionnelle que conservaient ces grilles malgré les remaniements subis, et sur la « prudence archéo­

logique " qui devait guider toute cette intervention. Face à la com­

plexité de lecture de ces grilles, il existait en effet deux tentations auxquelles il nous a semblé juste de résister: celle d'abord de sup­

primer les panneaux ajoutés en 1875 et parfaitement identifiables.

À quoi bon les supprimer sur les grilles de la première travée droite du chœur. alors qu'ils correspondaient en tout point à ce

imaginer de le faire disparaître? De plus, ces ajouts sont parfaite­

ment datés et documentés et illustrent une étape de la vie litur­

gique de Conques, qui se réorganise différemment à partir de la démolition du mur en 1875. Cette trace devait être conservée. La seconde tentation était de souhaiter redistribuer les panneaux, pour s'efforcer de retrouver un état plus proche de leur cohérence initiale. Quoique séduisante au vu des bizarreries de montage observées sur les relevés, cette logique de redistribution nous a paru en fait extrêmement dangereuse: elle induisait, par endroits, des pertes de matière prévisibles, et rendait obligatoires à d'autres emplacements des restitutions.

Après une réflexion très riche et après l'accord de D. Moufle et Ch. Prévost-Marcilhacy, Inspecteurs généraux des Monuments historiques, il fut donc décidé de repousser toute idée d'un quel­

conque essai de redistribution, trop incertain et périlleux pour la matière même des grilles, et d'adopter comme principe, que l'in­

tervention souhaitée serait de stricte conservation, évitant toute reprise des panneaux et toute réalisation de complément dans les parties manquantes. Le descriptif à partir duquel fut lancée la consultation nécessaire rappelait l'option prise: « ces grilles constituent des documents essentiels déjà malmenés par endroits; il serait regrettable de mettre en danger l'authenticité des éléments intacts par des solutions qui se révéleraient vite trop radicales et sans doute irréversibles".

Le suivi de IJintervention

a) Essais de nettoyage et premières découvertes

Les quatre grandes grilles sont déposées en février 1996 dans l'atelier LP3 Conservation, retenu au terme de la consultation engagée. Avant le descellement, des barres de maintien en bois couvertes de mousse, disposées perpendiculairement aux mon­

tants verticaux des grilles, sont posées en sandwich (rapproche­

ment des barres par tige filée écrou), afin de maintenir les grilles durant cette dépose et le transfert en atelier. Une fois en atelier, un certain nombre d'essais de nettoyage mécanique sont réalisés (microsablage, microtour, scalpel) en différents endroits des grilles. Lors de ces essais ont été découvertes des traces très fugaces de polychromies: du jaune au niveau de quelques fleurs de lys, du bleu au niveau d'une palmette et du rouge en de très nombreux endroits. Des prélèvements furent effectués et exami­

nés au Laboratoire de Recherche des Monuments historiques. Ils donnèrent lieu à trois types d'observations résultant:

• d'une analyse par spectromètre de fluorescence X;

• d'un examen au microscope optique de la coupe stratigra­

phique;

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Restauration des grilles du sanctuaire de Conques

• d'une analyse au microscope électronique à balayage couplé à une sonde EDS.

Ces différentes investigations permirent de montrer que les traces repérées de couleur bleue étaient composées d'un mélange de bleu outremer et de blanc de baryum. Celui-ci n'apparaissant qu'au XIX" siècle, il s'agit donc de vestiges d'une couche de poly­

chromie mise en place au siècle dernier à partir d'un pigment outremer probablement artificiel. Quant aux traces de peinture rouge, les analyses réalisées prouvent qu'elles sont constituées d'un pigment composé d'oxyde de fer (ocre rouge). Il est impos­

sible de préciser aujourd'hui s'il s'agit d'ocre naturel ou artificiel.

Les analyses prévues sur les traces de peintures rouges visibles sur la grille contemporaine de l'église voisine de Montarnal pro­

venant sans doute du même ensemble devraient permettre pro­

chainement d'éclairer ce point.

b) Le traitement

1) Nettoyage et comPlexation chimique

La découverte de cette peinture rouge, très intéressante histori­

quement, a amené à modifier la méthode de traitement. Traiter cette peinture très fragile avec des méthodes de nettoyage méca­

nique classique présentait trop de danger. Nous avons donc, après quelques essais, mis au point une méthode de nettoyage des oxydes de fer par complexation chimique au citrate d'ammo­

nium. Cette méthode permet de former des composés de type citrate de fer à partir des oxydes de fer. L'avantage par rapport à d'autres complexants vient du fait qu'il ag'it à un pH neutre de 7, ce qui permet de ne pas altérer la peinture sensible aux bases et

aux acides. Cette technique, mise au point par [an Macleod (Wes­

tern Australian Museum, Perth) sur Jes cuirs et les bois, a égale­

ment été utilisée dans J'atelier LP3 Conservation, pour le net­

toyage de papiers et de textiles imprégnés d'oxyde de ferB.

Le traitement des grilles s'est effectué en bain de citrate d'am­

monium dilué dans l'eau, la réaction se déroulant sur une dou­

zaine d'heures environ. Ce bain est suivi d'un rinçage au jet et de deux rinçages en bain durant quelques dizaines d'heures.

Mise au jour des vestiges de peinture de couleur bleue sur les parties hautes.

Détail d'une grille aprè, nettoyage, dans lm bai" de citrate d'ammonium.

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Restauration des grilles du sanctuaire de Conques

2) Nettoyage mécanique

Une fois rincées, les pièces sont peaufinées mécaniquement. La corrosion du fer a provoqué, outre la formation d'oxydes de fer sur la surface, le soulèvement de toutes petites parties du métal.

Ceci est propre à la dégradation du fer qui, contrairement à la fonte de fer, se corrode en «feuillets ". Ces petits soulèvements emprisonnent oxydes et poussières, risquant ainsi de créer un microclimat humide et des zones sensibles à de futures corro­

sions ponctuelles. On élimine ces soulèvements (de l'ordre de 2

f1eu r de lys cassée brasée à l'argent.

Délail d'une grille après application de cire tJzicrocrista/line.

à 9 mm2) au scalpel. Il fut également procédé à un sablage très léger à la poudre de noyau d'abricot, afin d'éliminer les produits de corrosion peu adhérents et non complexés tout en respectant les traces de peintures. Une fois le nettoyage mécanique terminé, une première protection fut posée afin que la pièce ne s'oxyde pas durant la fin du traitement. Celle-ci s'effectue par application d'une couche de cire microcristalline après chauffage de la pièce pour éliminer l'eau présente dans le couches superficielles.

c) Les restaurations d'ordre structurel

Le choix des interventions structurelles fut lui aussi au cœur d'un débat sensible. Fallait-il recréer les éléments manquants et quelle méthode de fixation choisir pour les éléments cassés: soudure, brasure, collage? Le souci du respect de l'original nous a amenés à une démarche de type archéologique, rendue possible par la grande lisibilité de l'œuvre une fois nettoyée, Les éléments man­

quants ne sont pas remplacés. Les soudures et brasures sont limi­

tées aux cas où les contraintes mécaniques l'imposaient. Ainsi, deux montants verticaux, un cassé, l'autre fêlé, ont été soudés à l'arc: la tige d'une fleur de lys cassée a été brasée à l'argent ainsi que quelques spirales. Nous avons également utilisé une méthode de restauration la plus proche possible de la technique originale:

l'assemblage par colliers des éléments. Cette technique consiste à la pose d'un collier de fer plat qui s'enroule autour des deux élé­

ments à joindre. Elle a l'avantage d'être totalement réversible et de s'apparenter à la technique utilisée au Xli" siècle, à la différence qu'à cette époque, le collier était rabattu à chaud. De plus, afin de renforcer la cohésion de l'ensemble de la grille, nous avons à froid resserré de très nombreux colliers de fixation et redressé quelques spirales.

d) La protection de surface

Il a été retenu, en étroite concertation avec le Laboratoire de Recherche des Monuments historiques, une méthode de protec­

tion de plus en plus utilisée en conservation-restauration, la cire microcristalline. Le principal objectif d'une protection, est d'iso­

ler le métal de son environnement et plus particulièrement de l'humidité. Plusieurs méthodes de protection peuvent alors être envisagées, offrant avantages et inconvénients. La cire micro­

cristalline présente, quant à elle, l'intérêt d'une grande facilité d'application et d'entretien, et une bonne inertie chimique dans le temps. La cire tient malheureusement moins longtemps, nous contraignant à effectuer un entretien plus réguüer. Cette dernière intervention est en revanche nettement plus simple que dans le cas de vernis qui impose une élimination totale des éventuelles couches antérieures. L'application s'est effectuée en plusieurs temps, Tout d'abord, juste après le nettoyage mécanique, afin d'éviter toute altération durant les restaurations structurelles, puis, par deux couches en fin de traitement. L'application a été réalisée au pinceau, le dernier passage suivi d'un lustrage destiné à durcir le film en suriace.

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Restauration des grilles du sanctuaire de Conques

Grille du. rond-point après restauration.

e) Remise en place des grilles

Une fois restaurées, les grilles sont remontées à blanc en atelier afin d'améliorer les points de jonction. Après emballage et trans­

port, les grilles sont remontées sur place dans leur position d'ori­

gine. Afin d'éviter le retour des altérations observées antérieure­

ment, chaque partie scellée de la grille est gainée d'une feuille de plomb, soit enroulée autour, soit en U sur une plus grande hau­

teur. Au niveau des barres verticales (grilles dominantes), le plomb est coulé directement autour de chaque barre dans le trou de scellement. Les scellements sont effectués ensuite à l'aide d'un

* Marie-Anne Sire, Conservateur en chefdu patrimoine, adjointe à l'inspection générale des Monuments historiques.

Annick Texier, Ingénieur responsable de la section métal au LRMH. Stéphane Pennee, Conservateur restaurateur LP3 conservation.

Toutes les photographies sont de S. Pennee, 1996.

Notes

1. Liber miracu/orum sancte fidis publié par l'abbé Bouillet (1897).

2. Celte enquête doit beaucoup aux recherches entreprises par Claire Delmas,

plâtre dentaire de haute qualité, appelé plâtre polyester. Il a, pour avantage, d'ètre très peu hygroscopique et beaucoup plus stable dans le temps. Sa dureté esl également bien meilleure.

f) La restauration des sept grilles de l'hémicycle

En raison de leur meilleur état, ces sept grilles restaurées et réar­

rangées au XIX" siècle n'ont pas été démontées. Leur nettoyage a été réalisé mécaniquement au scalpel et à la brosse en respectant les parties peintes présentes sur les éléments antérieurs. Une pro­

tection par cire microcristalline en trois couches est également appliquée. Durant ce travail, la présence en trois endroits d'une inscription "JPA Pamiers» a pu ètre notée, révélant l'origine géo­

graphique et les initiales de l'atelier de ferronnerie chargé de la réadaptation des grilles en 1875.

Le récent traitement des grilles de l'abbatiale Sainte-Foy, constitue une première étape pour la remise en valeur de l'ensemble du sanctuaire de Conques souhaitée à la fois, par les Prémontrés affectataires, par la Commune, propriétaire, et par la Conservation régionale des Monuments historiques. Dans ce but, une étude préalable établie par Dominique LJ.rpin, Architecte en chef des Monuments historiques, rendue en avril 1997 détaille les réamé­

nagements nécessaires pour rendre au chœur de l'abbatiale ­ aujourd'hui très appauvri par les pertes ou transferts de nombreux éléments mobiliers qui se sont succédé depuis les années 1950­

les dispositions qu'exigent sa vocation liturgique et son histoire architecturale. La lumière inspirée de l'albâtre créée par les vitraux de Pierre Soulages, récemment mis en place dans l'édifice, contri­

bue à souligner cette urgente nécessité. Parmi les propositions faites figurent notamment le rétablissement comme maître-autel de la table d'autel du XI" siècle el la remise en place des stalles démontées depuis 1981. Cet ordonnancement plus serré du sanc­

tuaire, paraît d'autant plus intéressant, qu'il renoue avec l'idée d'écrin que suggérait, dès l'origine dans cet édifice, la présence de cet ensemble de grilles autour des reliques de Sainte-Foy et qui est aujourd'hui difficilement perceptible.

M.AS., A.T. et S.P.

4. Lettre du 1'" novembre 1850 du Curé Carsalade au Directeur des Beaux-Arts (Archives des Monuments historiques).

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