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INNOVATION ET R-D DANS LES SERVICES : DES MODALITÉS ORIGINALES, QUI PEUVENT ENRICHIR LES CONCEPTIONS INDUSTRIELLES

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Submitted on 6 Feb 2015

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MODALITÉS ORIGINALES, QUI PEUVENT ENRICHIR LES CONCEPTIONS INDUSTRIELLES

Jean Gadrey, Faïz Gallouj, Stéphane Lhuillery, Olivier Weinstein

To cite this version:

Jean Gadrey, Faïz Gallouj, Stéphane Lhuillery, Olivier Weinstein. INNOVATION ET R-D DANS LES SERVICES : DES MODALITÉS ORIGINALES, QUI PEUVENT ENRICHIR LES CONCEP- TIONS INDUSTRIELLES. TROISIEME SEMINAIRE INTERNATIONAL DE RECHERCHE EN MANAGEMENT DES ACTIVITES DE SERVICE, IAE Aix-Marseille, May 1994, La Londe Les Maures, France. �halshs-01113665�

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TROISIEME SEMINAIRE INTERNATIONAL DE RECHERCHE EN MANAGEMENT DES ACTIVITES DE SERVICE

24-27 mai 1994 LA LONDE LES MAURES

INNOVATION ET R-D DANS LES SERVICES :

DES MODALITÉS ORIGINALES, QUI PEUVENT ENRICHIR LES CONCEPTIONS INDUSTRIELLES

Jean Gadrey, Faïz Gallouj (Last-Clersé-Ifrési, Université de Lille I) Stéphane Lhuillery, Olivier Weinstein (Crei, Université de Paris-Nord)

Résumé :

Bien que les services soient largement majoritaires dans les grands agrégats économiques, ils ne représentent qu'une faible proportion des dépenses ou des effectifs de R-D des entreprises tels qu'ils sont évalués par les organismes nationaux et internationaux. Par ailleurs, les théories économiques de l'innovation tendent à négliger les services ou à considérer que l'innovation y est pour l'essentiel réduite à l'adoption d'innovations produites dans l'industrie. Dans cette contribution, on conteste ces points de vue en examinant les trois questions suivantes :

- pourquoi l'innovation et la R-D dans les services sont-elles méconnues ou oubliées par ces théories, et pourquoi la R-D y est-elle vraisemblablement sous-estimée statistiquement ?

- quelles sont (sur la base d'études de cas) les principales formes d'innovation et de R-D que l'on peut y repérer ?

- comment ces constats peuvent-ils venir compléter et enrichir les théories économiques de l'innovation industrielle ?

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INNOVATION ET R-D DANS LES SERVICES :

DES MODALITÉS ORIGINALES, QUI PEUVENT ENRICHIR LES CONCEPTIONS INDUSTRIELLES

Jean Gadrey, Faïz Gallouj1, Stéphane Lhuillery, Olivier Weinstein2

Aujourd'hui encore, bien que les services soient largement majoritaires dans l'emploi et dans la valeur ajoutée même si on se limite au tertiaire marchand, ils ne représentent qu'une fraction dérisoire des dépenses ou des effectifs de R-D des entreprises françaises : 4,7 % de l'effectif total de R-D en 1990 et 3,7 % seulement du budget total de R-D3.

Ces chiffres peuvent recevoir plusieurs interprétations. Pour l'une, ils ne feraient que refléter la réalité d'un faible effort de R-D et d'innovation dans le tertiaire marchand. Pour une autre, il s'agirait d'une méconnaissance des formes spécifiques de R-D et d'innovation dans les services, formes que les concepts existants, mis au point dans le cas des entreprises industrielles, seraient peu aptes à saisir. La méconnaissance induirait alors une sous-estimation statistique. La thèse que nous défendrons dans ce papier est un peu plus complexe. On peut la résumer en trois points :

- l'effort de R-D dans les services (il ne s'agira ici que des services marchands) est nettement plus faible que dans l'industrie, mais sa croissance est relativement forte depuis une dizaine d'années. Encore faut-il repérer convenablement les «lieux de R-D» dans les services, les formes organisationnelles correspondantes ;

- la vision de la R-D et surtout de l'innovation qui s'est développée sur la base de l'observation de l'industrie est insuffisante pour embrasser les formes d'innovations qui prévalent dans les services. Il y a donc bien une relative «méconnaissance» de la R-D et de l'innovation tertiaires. Pour autant on n'a pas affaire à deux mondes différents. Les concepts industriels restent utiles, moyennant des adaptations. Et d'ailleurs, certaines des théories récentes de l'innovation industrielle sont particulièrement intéressantes pour les services ;

- à l'inverse, l'observation et la théorisation de l'innovation dans les services peut contribuer à éclairer l'analyse de l'innovation industrielle et les limites de la catégorie de R-D.

Comment sommes-nous parvenus à ces conclusions, qui seront explicitées par la suite ? Faisant suite à une demande du Ministère de la Recherche, qui souhaitait y voir plus clair sur l'organisation de la R-D dans les services, sur les dépenses correspondantes, et sur les critères susceptibles d'en délimiter l'exercice4, nous avons enquêté dans trois secteurs du tertiaire marchand : le conseil aux entreprises

1 LAST-CLERSE (IFRESI et Université de Lille I)

2 CREI, Université de Paris-Nord

3 Lhuillery (1993), La recherche-développement dans les services en France : une étude statistique, in Gadrey, Gallouj, Lhuillery, Ribault, Weinstein (1993), La recherche-développement et l'innovation dans le secteur des services, rapport pour le Ministère de la Recherche et de l'Espace.

4 L'un des objectifs opérationnels était de savoir si la procédure du «Crédit d'Impôt recherche» devait être adaptée pour tenir compte des éventuelles spécificités des services.

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(dans plusieurs domaines), les compagnies d'assurance, les services d'information professionnelle. Une trentaine d'entreprises ont ainsi fait l'objet d'études de cas. Au- delà des questions portant sur la R-D, nous avons souhaité élargir la problématique à la compréhension de l'innovation, de ses formes et de ses processus. Il était en effet clair que nombre de ces entreprises innovaient sans faire de R-D, au moins au sens traditionnel de ce terme.

Dans cette contribution, on examine successivement les raisons de la méconnaissance de l'innovation et de la R-D dans les services (§ 1), les formes d'innovation et de R-D que nous y avons repérées et analysées (§ 2 et 3), et la question de l'éventuelle spécificité des services (vis-à-vis de l'industrie) en matière de R-D et d'innovation (§ 4). Une toute autre question (non traitée ici) serait de savoir si, pour favoriser l'innovation (ce qui semble l'objectif ultime), il faut favoriser (par des incitations financières) l'organisation de structures formalisées de R-D, sous prétexte qu'il est plus facile d'en mesurer les coûts, ou si ce mode de raisonnement et d'incitation appartient, pour une part, au passé.

1. La méconnaissance de l'innovation et de la R-D dans les services

On distingue ici des motifs généraux d'oubli de l'existence d'innovations dans les services, et des considérations relatives à la catégorie de R-D et à son inscription originelle dans le monde industriel.

1.1. Innover dans des activités "improductives" n'est pas digne d'intérêt

Les éléments qui suivent, pour sommaires qu'ils soient, visent à établir des relations entre d'une part, le manque d'intérêt et de considération pour l'innovation dans les services, et, d'autre part, certains systèmes de représentation de l'économie, de l'entreprise et de ses acteurs. Il n'est donc pas proposé ici d'expliquer la méconnaissance par «des faits» (par exemple certaines caractéristiques

«objectives» des services, sur lesquelles nous reviendrons au paragraphe 2), mais à partir de la critique d'énoncés théoriques dont les silences et les lapsus, autant que les affirmations, prennent un sens.

a) Le système de représentations ayant le plus d'influence sur l'oubli de l'innovation dans les services est vraisemblablement celui (élaboré depuis deux siècles par des économistes professionnels mais fonctionnant assez spontanément comme discours profane) qui produit l'image d'une structure économique dont l'industrie serait le centre et les services la périphérie. D'autres images fonctionnent qui ont le même sens : l'industrie motrice (ou inductrice) et les services induits, l'industrie source de compétitivité et les services «refuges» ou «éponges» pour les emplois libérés. Autant de versions modernes de la théorie du travail improductif. Il n'est pas dans notre intention de les soumettre ici à examen, et encore moins de les confronter à des

«faits». Mais il est parfaitement clair que si l'industrie est considérée comme la matrice du système productif et la source de la croissance des richesses et de la compétitivité, l'innovation et la R-D orientées vers l'industrie, ses produits et ses procédés, sont les seules qui méritent attention.

Il a donc peu de chances qu'on reconnaisse une certaine importance à l'innovation dans les services, ou que l'on prenne des mesures en sa faveur, tant que ces représentations, macro-économiques (et les acteurs qui les portent) domineront.

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b) Si l'on se place maintenant sur un plan micro-économique, la représentation précédente a une correspondante : l'image de l'entreprise, de ses fonctions et de son organisation, comme centrées sur la production matérielle (ou fabrication). A nouveau ici, il s'agit à la fois d'images savantes et d'images profanes, de théorie et de pratiques. On peut en trouver d'innombrables illustrations. C'est ainsi que la comptabilité d'entreprise et le contrôle de gestion se débattent aujourd'hui dans d'inextricables difficultés liées à la croissance de «coûts indirects» que l'on ne parvient plus à «imputer» à des «coûts directs» par produit, ce que permettait et encourageait l'image de l'entreprise centrée sur la fabrication de gammes de produits.

Il n'est pas besoin d'insister sur l'homologie des énoncés micro et macro- économiques des rubriques a) et b) ni sur ce qu'ils peuvent suggérer en matière d'intérêt exclusif pour l'innovation orientée vers la fabrication et les produits.

c) Pour vérifier ce déséquilibre théorique, il suffit d'examiner, dans la littérature économique, le champ scientifique baptisé «économie de l'innovation», dont le fondateur est Joseph Schumpeter. On s'aperçoit alors que, si Schumpeter avait de l'innovation une vision très large (cf. §3.2), les travaux contemporains qui s'en inspirent sont le plus souvent marqués par un biais «technologiste» ou

«industrialiste» important. On en trouvera une démonstration très complète dans les travaux de Faïz Gallouj5.

1.2. La catégorie "R-D" : une histoire sans services

Si l'on souhaite expliquer le caractère restrictif (vis-à-vis des services) des définitions actuelles de la R-D6, c'est-à-dire mieux comprendre les conditions sociales et le contexte scientifique et idéologique dans lesquels ces énoncés restrictifs sont retenus, une question préalable doit être éclaircie : pourquoi a-t-on besoin d'une définition des activités de R-D prises en charge par les entreprises et, au-delà, d'une définition générale des activités de R-D ? Il serait important, de ce point de vue, de réaliser une investigation historique sur l'émergence de cette catégorie et sur la formation des critères qui permettent de la circonscrire. Ce serait un autre objet de recherche. On peut toutefois formuler de premières hypothèses sur l'existence de «stades» historiques dans la construction sociale et l'institutionnalisation de cette exigence d'une définition de la R-D.

Au cours de la progression de la division sociale et technique du travail, le corps social des scientifiques et des «savants» prend un poids (numérique et politique) croissant.7 Mais la notion de recherche industrielle et la catégorie de R&D ne sont pas réductibles à ce phénomène. Elles trouvent leur origine dans un double mouvement: le développement des liens entre science et production d'une part, les transformation des formes d’organisation industrielle de l’autre.

Le processus d’intégration entre science et industrie prend naissance dans les dernières décennies du 19ème siècle. Il se manifeste en particulier par l’émergence d’une forme institutionnelle nouvelle : le laboratoire de recherche industrielle. Celle-ci

5 Voir en particulier : Economie de l'innovation dans les services : au-delà des approches industrialistes, Thèse, Université de Lille I, novembre 1992.

6 telles qu'elles figurent notamment dans les définitions des institutions internationales et nationales de recherche

7 Voir l'analyse de Daniel Bell in : The Coming of Post-industrial Society (1973).

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apparaît dès la fin du 19ème siècle, en Allemagne et aux Etats-Unis, essentiellement dans les industries chimique et électriques, et ne cesse de se développer tout au long du 20ème siècle. Cette institution ne se comprend cependant que comme une composante d’un système de recherche plus large qui met en jeu un ensemble d’institutions diverses : universités, instituts de recherche publics et privés, associations scientifiques et professionnelles... (les association d’ingénieurs ont joué notamment un rôle important aux Etats-Unis dans la structuration des liens entre milieu scientifique et milieu industriel)8. C’est dans ce mouvement que se constitue une certaine représentation de la recherche, et en particulier de la recherche industrielle, comme activité spécifique, séparée de la production (même quand elle lui est liée). Cette représentation est fortement marquée par le rôle des scientifiques et des ingénieurs, ce que l’on retrouve dans les conceptions actuelles de la R&D; elle tend à faire du laboratoire ou du centre de recherche la forme type d’organisation de la R&D et à concevoir la R&D comme étant, par nature, liée à des disciplines scientifiques reconnues.

L’organisation de la recherche industrielle est par ailleurs inséparable des mutations dans l’organisation des entreprises qui accompagnent la formation du capitalisme de grandes unités. Celle-ci se réalise, on le sait, en deux grandes étapes9. La première, celle de la constitution de l’organisation fonctionnelle centralisée (la forme U), détermine de nouveaux modes de division du travail et de rationalisation des processus de production dans le cadre desquels la recherche peut s’intégrer comme activité ou “ fonction ” autonome parfaitement distincte des activités de production courante10. La deuxième, marquée par la création de l’organisation multidivisionnelle (forme M), favorise la systématisation du processus d’innovation et l’exploitation des structures de recherche par la diversification. Cela ne touche profondément qu’une partie du système industriel (ce que l’on qualifiera d’industries “ fondées sur la science ”), mais c’est là que se formera la vision dominante de ce qu’est la R&D. Ainsi, la reconnaissance de la R&D paraît inséparable d’un niveau élevé et d’une certaine forme d’organisation et de division du travail (notamment fonctionnelle), conduisant à la constitution de structures de recherche autonomes parfaitement identifiables. La R&D est une catégorie de l’organisation du travail de la grande entreprise industrielle, et d’une certaine représentation de cette organisation.

Mais cette catégorie "microéconomique" demeure d'un intérêt limité dans le capitalisme faiblement concurrentiel (stade 1), dont les marchés sont locaux ou nationaux, et où le rythme d'introduction des innovations est lent (la période de l'entre-deux guerres). Elle prend tout son sens dans le «fordisme» développé (stade 2), concurrentiel et internationalisé, propulsé par l'industrie et ses firmes multinationales (nous reprenons ici à notre compte une image «industrio-centrée»

qui paraît assez bien adaptée à cette période), parce que l'organisation et la vitalité de cette «fonction» de R-D, devenue spécialité distincte, conditionnent les jeux économiques concurrentiels et internationaux. A ce stade "macro-économique", les Etats nationaux s'en mêlent. Ils y consacrent des moyens considérables, intègrent la R-D à la planification (notamment par le biais des industries de défense), et finissent par prendre des mesures visant à inciter les entreprises nationales à se doter de

8 Voir sur ce point, D. F. Noble, America by Design, Science, Technology and the Rise of Corporate Capitalism, Alfred A. Knopf, New York, 1979.

9 Cf. A. Chandler, The Visible Hand, Havard University Press, 1977.

10 Chandler en donne de multiples exemples, voir , par exemple, p. 375.

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laboratoires ou départements de R-D. A leur tour, les organisations supranationales font de l'effort de R-D un objectif et un enjeu. Mais aussi bien les Etats que les orga- nismes internationaux ne «voient» que la R-D «facteur de compétitivité internationale» (et facteur de puissance militaire), ce qui, à l'époque, signifie plus ou moins : la R-D des grandes entreprises industrielles. Au moment de la parution du

«manuel de Frascati» de l'OCDE11, les services sont encore très peu internationalisés, la plupart bénéficient de positions de monopole (commerces, banques et assurance, transports ferroviaire et aérien, télécommunications) et le rythme des innovations y est lent : les services des années 60 et 70 relèvent plutôt du «stade 1» de l'industrie. On peut comprendre que les politiques publiques négligent ou «méconnaissent» alors l'effort de R-D qui y est réalisé. Ajoutons que les firmes de service elle-mêmes ont tendance, compte tenu de ce qu’est l’image dominante de la R&D (activité directement liée à la “ science ”, concernant des industries “ à haute technologie ”) à considérer que la R&D est quelque chose qui ne les concerne pas, même quand il s’agit de firmes de grande taille, pouvant avoir à mener des réflexions de haut niveau sur leurs activités et leurs produits, dans la banque par exemple12. On peut estimer que les formulations du manuel de Frascati ne sont pas de nature à modifier leur attitude (même si elles ne sont pas incompatibles avec la reconnaissance d’activité de R&D originales dans leurs domaines d’activité).

Les questions qu'il faut alors se poser sont les suivantes : les Etats nationaux et les institutions internationales ou supranationales peuvent-elles déterminer leur attitude vis-à-vis des services des années 90 (de plus en plus internationalisés et concurrentiels) sur la base des conceptions de la R-D qui leur convenaient au cours des années 70 ? Ne prennent-ils pas le risque d'un déficit de connaissances dans des secteurs qui, à certains égards, semblent prendre la relève d'une industrie essoufflée ?

2. Qu'est-ce que produire un service et qu'est-ce qu'innover dans cette production ? Une approche générale

De façon très générale, on peut définir une activité de service comme une opération, visant une transformation d'état d'une réalité C, possédée ou utilisée par un consommateur (ou client, ou usager) B, réalisée par un prestataire A à la demande de B, et souvent en relation avec lui, mais n'aboutissant pas à la production d'un bien susceptible de circuler économiquement indépendamment du support C (on reviendrait alors à des situations de production agricole, industrielle, ou artisanale).

Cette définition laisse apparaître la grande diversité des opérations et des situations de service, en particulier en fonction du type de support C soumis à transformation, à savoir :

- des biens ou des systèmes techniques possédés par B, ou sous son contrôle, et dont le prestataire doit assurer la réparation, le transport, la maintenance, etc. ;

11 La première conférence d'où cette méthode et ce manuel sont issus s'est tenue à Frascati (Italie) en juin 1963. La seconde édition est mise au point en 1970, la troisième en 1974 et la quatrième en 1980.

12 Cf. M. Pollack, op. cit.

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- des informations codées, standardisées (incluant la monnaie dans sa forme symbolique), que le prestataire a pour fonction de traiter, transférer ou gérer pour le compte de B ;

- l'individu B lui-même, dans certaines de ses dimensions physiques, intellectuelles, ou de localisation spatiale ;

- des organisations, dans leurs diverses dimensions (techniques, structures, compétences et savoirs collectifs), que le prestataire aura pour mission d'analyser et de transformer, le plus souvent en relation avec B (membre ou non de l'organisation C).

Produire un service c'est donc organiser la réponse à un problème (traitement, opération), sans que cette réponse passe à titre principal par la fourniture d'un bien.

C'est mettre à la disposition d'un client un ensemble de capacités et de compétences (humaines, technologiques, organisationnelles) et organiser la réponse en la formatant de façon plus ou moins précise. Si ce formatage peut être très précis, les réponses prennent la forme d'une gamme de services ou de «formules» fortement codifiés, standardisés : ce sont des quasi-produits. On peut alors chercher à les commercialiser en tant que «réponses à la recherche de problèmes». Si ce formatage reste imprécis et se limite à des méthodes générales très flexibles et à des connaissances expertes à combiner de façon chaque fois différente, on obtient des prestations «sur-mesure», qui sont les plus éloignées de l'industrie traditionnelle (production en série ou production de gammes), mais qui ont des points communs avec la production industrielle à l'unité et sur commande (produits «dédiés»). Dans l'état actuel des choses, on peut admettre que la part du «sur-mesure» est plus importante dans les services que dans l'industrie, de même qu'y sont plus fréquentes (les deux phénomènes étant liés) les situations de «coproduction» dans lesquelles les clients participent à l'obtention du service (à la résolution du problème) et donc à l'individualisation des solutions. Il n'y a donc pas, à cet égard, de spécificité théorique, d'opposition de principe entre l'industrie et les services, mais des différences pratiques donnant du relief à l'analyse de la production et de l'innovation lorsqu'on braque successivement le projecteur, par exemple, sur une activité indus- trielle de masse puis sur une activité de conseil en passant par des activités mixtes telles que l'assurance (service de masse pour certaines de ses fonctions, service sur-mesure pour d'autres) ou les services professionnels d'information électronique (aux caractéristiques proches de celles d'une industrie de haute technologie).

Il n'est pas sans intérêt de noter qu'un nombre croissant de firmes industrielles se positionnent en termes de «services rendus» ou de «vente de solutions» et qu'il ne s'agit pas seulement, en général, d'un positionnement purement publicitaire mais de stratégies ayant des incidences sur l'organisation de la production, de la distribution, des services après-vente, etc... A la limite, cela peut signifier que, dans l'industrie aussi, le produit et le process se rapprochent lorsque le «produit» vendu n'est plus principalement un objet tangible standardisé mais un ensemble de caractéristiques, de performances plus ou moins garanties et de services au sens strict, ensemble qui ressemble fort à un contrat d'assurance, à un titre de transport voire à une proposition d'intervention d'un consultant.

Quelles sont les conséquences de ces considérations sur les formes les plus fréquentes d'organisation de l'innovation et de la R-D dans les services ?

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a. Si produire un service c'est organiser la mise à disposition d'un ensemble de capacités pour exécuter une «réparation» ou un «traitement», cela signifie qu'innover prend deux formes principales :

- organiser la réponse à de nouveaux problèmes, ou encore concevoir de nouvelles formules ou de nouveaux «produits-services» (nouveaux sur le marché, ou nouveaux pour l'entreprise), avec des degrés dans cette nouveauté (de l'amélioration à la nouveauté radicale). Il se peut que ces nouveaux problèmes soient formulés et précisés par des clients. Il se peut aussi qu'ils soient «produits»

par des prestataires innovants qui vont «au devant» de la demande. Il se peut enfin que leur identification résulte de l'interaction des uns et des autres.

- organiser de façon plus efficace (sur le plan de la productivité, ou sur celui de la pertinence ou qualité) la réponse à un même type de problème. A nouveau : concevoir une organisation plus efficace de la production et de la prestation.

Il est parfois difficile de distinguer innovation de process et innovation de pro- duit. On peut néanmoins convenir que, si les «produits-services» désignent les types de problèmes traités, les premières innovations sont de véritables innovations de

«produit» (impliquant presque toujours des innovations ou des modifications concernant les process), alors que les secondes ne sont que des innovations de process (méthodes, organisation, systèmes techniques, etc...).

b. La dimension d'innovation organisationnelle (incluant les supports techniques) est particulièrement forte dans les services, alors qu'on y trouvera relativement peu de recherche et d'innovation concernant les composants et matériaux13, faisant appel aux sciences de la nature et de la vie. Les disciplines concernées seront en priorité les sciences humaines et sociales, l'informatique et parfois les mathématiques (banques et assurances par exemple) et des disciplines nouvelles qui se situent à la frontière entre sciences sociales et sciences “dures”, telles que la linguistique, les sciences cognitives, les méthodes de recherche opérationnelle. Il en résulte souvent une séparation moins nette entre la composante fondamentale et les composantes de recherche appliquées et de développement : cette distinction passe souvent, dans l'industrie, par le fait que la recherche fondamentale porte sur les composants et matériaux et la recherche appliquée et le développement sur l'architecture et l'assemblage (allant jusqu'aux prototypes et aux premiers tests). Ici, presque tout relève de l'innovation «architecturale», avec une dimension très importante de conception et de développement de formules organisationnelles. Selon certains de nos interlocuteurs des secteurs de la banque et assurance, il se pourrait que les avancées scientifiques en matière de «développement orienté objet» conduisent à une distinction plus nette entre une recherche fondamentale portant sur les «objets»

pertinents (les composants et matériaux d'une «industrie informationnelle») et une activité de conception et développement de «produits-services» combinant ces composantes de façon innovante. Il ne nous est pas possible de nous prononcer sur cette hypothèse.

Cette séparation beaucoup moins nette entre une activité de recherche fondamentale et des activités de conception et développement est sans doute une des explications du fait que l'essentiel de la R-D dans les services est organisée au sein de groupes de projets d'innovation, ce qui complique évidemment le travail

13 Sauf pour les services, tels que les transports et télécommunications, qui ont une très forte intensité capitalistique.

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d'évaluation de ce qu'il convient de retenir comme «dimension R-D» dans l'activité de ces groupes pluri-fonctionnels.

c. Le développement des technologies de l’information joue un rôle central, bien que non exclusif, dans les transformations d’un grand nombre d’activités des services. Il explique en grande partie la croissance que l’on peut constater, au niveau statistique, de la R&D dans les services. Les implications de l’informatisation (dans un sens large) sur les activités des entreprises de services, et plus particulièrement sur leur engagement dans des activités de type R&D, sont complexes et doivent être appréhendées à plusieurs niveaux.

Au niveau le plus immédiat, la technologie, au sens habituel du terme, pénètre les processus de traitement et de circulation de l'information dans un nombre croissant d’entreprises de services. Cela peut conduire certaines d’entre elles à s’engager dans le développement de technologies nouvelles (systèmes experts, techniques de traitement d’image, SGDB par exemple). Bien que les besoins en la matière soient souvent couverts par sous-traitance, certaines grandes firmes, dans la banque notamment, ont pu être amenées à s’engager elles-mêmes dans ce type d’activités14. Celles-ci ont clairement une dimension de R&D, que cela soit reconnu explicitement ou non.

A un deuxième niveau, l’informatisation ouvre des potentialités considérables de création de nouveaux types de services et de nouvelles prestations. C’est sans doute l’aspect le plus important de l’impact des technologies de l’information: elles poussent à une dynamique nouvelle des innovations de service elles-mêmes. Cela est de nature à avoir un effet profond sur les formes d’organisation de l’innovation.

En effet, pour la plupart des firmes de service, ce nouveau régime d’innovation appelle un travail de conception de type nouveau relativement à leurs activités habituelles. Cela en particulier parce que la conception de nouveaux services, ou la transformation de services existants, implique un nouveau spectre de compétences, combinant les savoirs traditionnels du métier et les savoirs relatifs aux technologies de l’information. Les problèmes qui en résultent doivent pousser à créer des structures ad hoc, c’est-à-dire à donner plus grande autonomie à la conception, ce qui peut déboucher dans certains cas sur la constitution de structures de R&D proprement dites. L’organisation en groupe de projet s’explique aussi, en partie, par les contraintes nouvelles créées par cette nécessité d’une nouvelle combinatoire de compétences.

A un niveau plus fondamental, enfin, le développement des technologies et des sciences de l’information est susceptible de transformer la manière de concevoir et d'organiser les prestations, ainsi que la représentation et la “ formalisation ” des compétences et des corps de connaissances traditionnels dans les différents métiers. En simplifiant, on peut dire que l’utilisation des technologies de l’information pousse à une plus grande codification des connaissances visant à la constitution d’un corps de connaissances organisé et permettant une systématisation des méthodes de conception des prestations et des modes d’“automatisation” de l’élaboration ou de la définition de certains produits. Cette évolution est susceptible de rapprocher la démarche de conception de services de la vision standard de ce qu’est la recherche technologique. Ce fait, joint au recours croissant à des savoirs relevant de disciplines reconnues comme “ scientifiques ”, est de nature à faire

14 tout au moins aux Etats-Unis, cf. M. Pollack, “ Research and Development in the Service Sector ”, The Service Economy, Vol. 5, N° 3, juillet 1991.

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considérer la R&D comme une activité qui a bien sa place dans les services, même si ses formes d'organisation sont plus diffuses.

3 L'innovation et la R-D dans trois secteurs des services

Les trois secteurs des services considérés sont l'assurance, le conseil et les services d'information électronique. Dans chaque cas notre analyse porte sur les principales catégories d'innovations rencontrées et sur les modes d'organisation des processus d'innovation et des activités de R-D correspondantes.

3.1. La recherche-développement et l'innovation dans le secteur des compagnies d'assurance

On peut distinguer d'une façon assez pragmatique les innovations en fonction de leurs objectifs. Les types d'innovations (qu'il ne faut pas confondre avec les types de processus d'innovation) que l'on peut repérer sous cet angle dans les compagnies d'assurance (et, bien souvent, dans les banques) sont les suivants :

1).Les innovations de «produit-service», au sens où il s'agit de mettre au point et de développer un nouveau service, une nouvelle «formule», ce que beaucoup tendent à désigner comme un nouveau «produit». Un nouveau «produit-service» est une nouvelle formule de gestion des problèmes financiers des clients ou d'un groupe de clients, souvent associée à un nouveau contrat (qui peut correspondre à l'ouverture d'un compte, d'un dossier, ou à la signature d'un véritable contrat). C'est un service (une formule) de mise à disposition contractuelle de moyens et de compétences de gestion de l'argent et des titres des clients concernés, dans des conditions nouvelles par rapport à ce qui se pratiquait auparavant, le «nouveau» étant ici à apprécier du point de vue de l'usage, du point de vue des clients15.

2) Les innovations architecturales, par association ou dissociation de «produits- services» anciens, à savoir:

- l'association ou intégration de services, qui consiste à proposer des formules ou des contrats où le prestataire s'engage à traiter, pour le compte du client, un ensemble de problèmes ou d'opérations qui faisaient antérieurement l'objet de formules ou de contrats séparés.

- la dissociation, qui consiste à l'inverse à isoler un type de prestation ou un sous- ensemble d'opérations qui faisait antérieurement partie d'une prestation globale et à le proposer comme nouveau service vendu séparément ou en option.

15 Il est important, du point de vue de l'analyse de l'innovation, de procéder à deux types de distinctions en ce qui concerne les nouveaux services. La première de ces distinctions oppose les produits-services :

- qui sont nouveaux pour l'entreprise, mais qui existent déjà sur le marché (proposés par d'autres entreprises, bien qu'en règle générale ils existent sous des formes un peu différentes).

- qui sont nouveaux en général (sur le marché), et qui, évidemment, apparaissent plus rarement que les précédents. Dans le cas de l'assurance cela correspond notamment aux contrats couvrant de nouveaux risques (au sens de risques jusqu'alors non traités par l'assurance).

La seconde distinction oppose les innovations portant sur le «service de base» et celles qui concernent les services annexes ou «périphériques».

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Bien qu'il y ait dans ce cas émergence de nouvelles «formules», comme dans le cas A, il est utile d'isoler cette modalité C, que l'on peut considérer comme un sous- ensemble de la catégorie A.

3) Les innovations de modification du «produit-service». On considère dans ce cas que l'essentiel du service, envisagé du point de vue du client, est inchangé, ce qui le plus souvent se traduit par le fait que sa dénomination est invariable. Mais des modifications sont introduites explicitement dans la formule et dans les contrats.

4) Les innovations de process et d'organisation pour un service (à peu près) identique. Dans tous les cas précédents, le fait de proposer et de vendre un nouveau service, un service modifié, des services associés ou dissociés de façon originale, s'accompagne de transformations plus ou moins lourdes des processus et de l'organisation donc d'innovations en la matière. L'expérience montre toutefois que les process peuvent faire l'objet de substantielles innovations (technologiques, organisationnelles) alors que le service final est inchangé (ou qu'il n'est modifié que marginalement). En ce sens, on peut dire que la distinction process/service rendu conserve un intérêt. Par ailleurs, on peut inclure dans la catégorie des innovations d'organisation des dispositifs visant, pour un service inchangé dans ses spécifications formelles («produit-service»), à en améliorer la réalisation concrète, les relations avec les clients, le «réglage fin», les délais, etc. On vise alors la qualité du service ou de sa commercialisation (innovations de marketing) pour un contrat formellement inchangé. Enfin, on peut considérer comme relevant des innovations de process et d'organisation 1- certaines innovations de gestion financière que l'on commence à trouver dans les grandes compagnies d'assurance (notamment en matière d'«adossement actif/passif»), et qui existent depuis longtemps dans les banques ; 2- des innovations de méthode d'analyse des risques, en particulier en matière de risques techniques dans le domaine industriel ; 3- des innovations juridiques appliquées à l'assurance.

L'intervention d'une fonction de R-D dans les processus d'innovation précédents est loin d'être systématique, si l'on retient les trois critères suivants pour la définir :

- une activité intellectuelle s'appuyant sur des théories scientifiques reconnues, que ne peuvent par conséquent maîtriser que des individus ayant une formation à la recherche scientifique du niveau d'un troisième cycle (au moins bac+5 avec initiation à la recherche, ou équivalent : par exemple ingénieurs ayant acquis une spécialisation dans un domaine scientifique) ;

- un caractère de nouveauté suffisante des résultats obtenus (ou visés) à l'issue de ce travail

- la possibilité d'identifier la fraction du travail de type R-D au sein de l'ensemble des activités déployées au cours des processus d'innovation, soit en raison de l'existence d'un «laboratoire», soit par d'autres méthodes de comptabilisation de ce temps de travail.

Selon ces trois critères, on peut dire que l'on trouve dans les compagnies d'assurances deux cas de figure où une authentique activité de R-C-D est engagée : - un cas que l'on ne trouve encore que rarement, où l'entreprise a mis en place un ou

des «départements», «centres», «laboratoires», «cellules» de R-D ou de déve- loppement.

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- un cas qui reste largement dominant, y compris dans les compagnies disposant d'une structure de type R-D, où la fraction du travail d'innovation relevant de compétences de type R-D n'est pas prise en charge par des «chercheurs» ou par un laboratoire, mais effectuée au sein de groupes de projet (plus ou moins importants et plus ou moins durables) par des spécialistes dont la R-D n'est pas l'unique fonction (par exemple des actuaires ou des ingénieurs).

3.2 La recherche-développement et l'innovation dans le secteur des services de conseil aux entreprises.

Schumpeter distingue, rappelons-le, cinq catégories d'innovations : l'introduction d'un nouveau bien, d'une nouvelle méthode de production, la constitution d'une nouvelle organisation, la conquête d'un nouveau marché, d'une nouvelle source de matières premières ou de produits semi-finis16. Moyennant certains aménagements, cette typologie nous semble suffisamment large et ouverte pour rendre compte des principales catégories d'innovations rencontrées dans les firmes de conseil.

1) L'innovation de produit. L'analogie est possible à condition de conférer à la notion de "produit" une signification englobant les différents cas de figures suivants : l'investissement d'un domaine du droit nouveau par un conseil juridique ; l'élaboration d'un nouveau "produit" de formation (sur un thème, un domaine d'expertise nouveau) ; l'élaboration d'une nouvelle prestation ; la mise au point d'un test quand celui-ci est vendu comme une marchandise, et non pas utilisé par le consultant en recrutement au cours du processus de prestation ; la mise au point de méthodologies vendues en tant que telles ; la détection de nouvelles fonctions et leur spécification (au sens de Barcet, Bonamy, Mayère17).

2) L'innovation de processus. Il faut là encore considérer cette terminologie comme un "abus de langage". L'innovation de processus ne se réduit pas au seul usage de systèmes techniques dans le processus de production du service. Elle comprend l'introduction de l'informatique et de moyens de télécommunication ; la mise au point de systèmes experts, de méthodologies utilisées comme support du processus, de tests d'évaluation ; l'amélioration de l'esthétique de l'annonce ; la mise au point de nouveaux supports de l'annonce (ces trois derniers cas concernant le conseil en recrutement).

3) L'innovation d'organisation. La fusion des professions d'avocat et de conseil juridique, dans le conseil juridique ; l'apparition de sociétés spécialisées en recherche de candidats dans le domaine du conseil en recrutement, nous semblent relever de cette catégorie d'innovation.

4) L'innovation de marché. On peut considérer qu'appartiennent à cette catégorie : l'ouverture du marché de la plaidoirie pour les anciens conseils juridiques devenus

16 Les typologies utilisées dans le cas des secteurs de l'assurance et des services d'information électronique s'insèrent sans difficulté dans cette classification particulièrement large.

17 Barcet A., Bonamy J. Mayère A. (1987), Modernisation et innovation dans les services aux entreprises, Commissariat Général du Plan.

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avocats lors de la fusion des deux professions ; le recrutement dans des fonctions d'entreprise non investies auparavant, pour le conseil en recrutement.

5) La cinquième catégorie de la typologie schumpeterienne (conquête d'une nouvelle source de matières premières) se prête mal à l'analogie. A moins que l'on ne considère que l'ouverture du grand marché européen constitue une nouvelle source de matière première juridique pour le conseil juridique, une nouvelle source de candidats à recruter et à gérer pour le conseil en recrutement et en gestion des ressources humaines.

6) A ces catégories d'innovation d'inspiration schumpeterienne, il faut ajouter une catégorie que nous qualifierons d'innovation ad hoc (qui a été baptisée ailleurs innovation-valorisation18). Cette innovation ad hoc est spécifique des activités de conseil. Il s'agit d'une innovation produite durant le processus même de prestation du service, avec par conséquent la collaboration du client. Elle consiste, sur la base de l'expertise accumulée, à apporter une solution inédite au problème du client.

L'innovation ad hoc correspond à de l'innovation (organisationnelle, stratégique, fiscale, etc.) induite dans l'organisation cliente. Elle est en général peu reproductible dans sa totalité, mais certaines de ses "composantes" (connaissances, expérience codifiable ou non, méthodes utilisées pour sa production ou son transfert) jouissent d'un certain degré de reproductibilité.

L'activité de R-D au sens traditionnel est relativement rare dans le conseil. Une composante particulière de la R-D : la conception, y occupe une place centrale au point qu'il semble plus approprié de parler de C-D (Conception-développement) plutôt que de R-D. De manière plus précise, on peut dire que

1) l'activité de recherche autonome (c'est-à-dire indépendante d'une activité d'innovation particulière) est rare. Nous l'avons cependant rencontrée, sous une forme relativement bien structurée, dans des cas aussi différents l'un de l'autre que le conseil juridique et le service informatique.

2) certaines activités de type recherche peuvent accompagner un processus d'innovation : il s'agit le plus souvent d'études et de recherches réalisées à l'initiative du cabinet, en amont ou en aval d'une innovation donnée. Il peut s'agir dans certains cas d'études ou de recherches réalisées pour le compte d'organismes publics, mais dont les résultats (connaissances nouvelles, concepts) pourront être utilisés dans la Conception-Développement d'un nouveau "produit".

Trois instances d'innovations peuvent coexister dans les cabinets de conseils: - des structures formalisées et permanentes. On peut distinguer parmi elles celles où la mission de recherche et d'innovation est en permanence à l'oeuvre (ce sont les structures qui s'apparentent le plus aux départements traditionnels de R-D industriels) ; celles où la fonction d'innovation est inscrite dans l'organisation, sans pour autant être activée en continu (il s'agit le plus souvent d'organisations "par lignes de produit").

- des instances ad hoc formalisées (non permanentes) : détachement provisoire d'un consultant, "équipes d'appui" (non facturées) sur des contrats particulièrement

18 Gallouj F. (1991), Les formes de l'innovation dans les services de conseil, Revue d'économie industrielle, n°57.

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difficiles, "centres de compétences" (provisoires) ayant pour mission le transfert de savoirs au sein de l'organisation.

- une activité individuelle informelle qui constitue le minimum vital d'innovation, et qui est aussi la plus difficile à évaluer.

3.3 La recherche-développement et l'innovation dans le secteur des services d'information électronique

Dans le domaine des services d'information électronique, la forme d'organisation dominante de la recherche et de l'innovation est le groupe de projet.

Celui-ci peut s'insérer ou non dans une structure de R-D formalisée. Le recours à la sous-traitance et aux coopérations apparaît également comme une des dimensions importantes de l'organisation de l'innovation. En ce qui concerne les formes dominantes d'innovation dans ce secteur, la principale distinction qui apparaît est celle qui sépare les innovations ex-nihilo, des innovations progressives. On peut plus généralement distinguer les trois catégories génériques suivantes :

1) La création d'un produit ou service nouveau. Dans ce premier cas, deux distinctions sont possibles.

• La première porte sur la nature du produit ou service nouveau. Elle recouvre quatre modalités principales :

- La création d'une nouvelle base de données, ou plus généralement l'informatisation d'un produit ou service informationnel. On est sans doute arrivé aujourd'hui à un point où, en matière de base de données, le "design dominant" au sens de Abernathy et Utterback19, est constitué. Les grandes caractéristiques du produit et caractéristiques techniques des bases de données sont ainsi définies, et une grande partie des composantes techniques nécessaires à la conception d'une nouvelle base existent.

- La fourniture d'une base de données, ou d'un autre type de produit, sur un nouveau support, par exemple sur CD-Rom. On peut ramener ce cas à un cas particulier du précédent, l'innovation portant sur une caractéristique technique particulière.

- La conception d'un nouveau type de service fondé sur un nouveau mode de traitement et d'exploitation d'informations, à partir d'une ou (plusieurs) bases de données existante(s) (cas qui peut parfois être difficile à distinguer de l'amélioration d'une base par fourniture de fonctionnalités nouvelles). Cela peut inclure des systèmes de recherche d'informations originaux. Il est également possible de trouver des innovations d'un type mis en avant notamment par Bressand et Nicolaïdis20 : la création d'un service nouveau par association ou intégration de différents produits et/ou services, par exemple en associant logiciel de recherche et logiciel d'analyse.

- La mise au point d'une nouvelle technique, ou d'un nouveau produit, susceptible d'être utilisé dans différentes bases de données ou produits informationnels, par exemple un système d'interrogation en langage naturel, un système de gestion de texte intégral, ou encore un système d'interrogation applicable à des types particuliers de données.

19 Abernathy W. Utterback J. (1978) , Patterns of Industrial Innovation, Technology Review, 80.

20 Bressand A., Nicolaïdis K. (1988), Les services au coeur de l'économie relationnelle, Revue d'économie industrielle, n°43.

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• La deuxième distinction concerne le "degré de nouveauté" du produit-service et des techniques qu'il mobilise.

La question centrale est de savoir dans quelle mesure l'innovation implique des techniques (au sens large) nouvelles, ou fortement modifiées, ou plutôt une combinaison nouvelle de techniques standards. On peut observer de ce point de vue des différences considérables selon les cas. Dans un cas extrême, la nouveauté et l'innovation se situent simplement dans l'idée de combiner des techniques existantes de manière originale, à l'autre extrême, un service nouveau pourra reposer sur des recherches préalables conduisant à une technologie radicalement nouvelle. Une démarche fréquente dans le domaine de l'information électronique semble être de tenter d'abord de créer un nouveau produit ou service (ou d'améliorer un produit existant) à partir des technologies existantes. Cela se justifie par le fait que, les technologies de base permettant de créer de nouveaux produits d'information électronique existent et que leurs potentialités d'utilisation restent considérables.

Cela résulte aussi du fait que ce secteur est en grande partie "supplier dominated". Il reste pourtant que dans un grand nombre de cas la conception d'un produit nouveau impliquera un travail de conception important, souvent plus important que ne le pensaient les initiateurs du projet.

2) Les innovations d'amélioration de produits ou de services. Les conditions du changement dans les caractéristiques d'un produit ou service informationnel sont liées à des changements des caractéristiques techniques (au sens large). Les innovations d'amélioration se distinguent donc par le type de modification des caractéristiques de produit qu'elles apportent et par le type de modifications des caractéristiques techniques sur lesquelles elles s'appuient. Ce que l'on vient de dire sur le degré d'innovation s'applique aussi bien ici. L'amélioration peut ne consister qu'à exploiter des techniques nouvelles disponibles, de façon à améliorer certaines caractéristiques de produit-service, ou impliquer le développement de méthodes nouvelles, voire de recherches préalables.

Les modalités principales d'amélioration des produits sont les suivantes :

• L'adjonction de fonctionnalités nouvelles.

• L'amélioration des conditions d'accès, qui correspond à la demande dominante des utilisateurs (simplification et perfectionnement des langages d'interrogation et amélioration des interfaces en particulier). Ce type de modification concerne essentiellement la technologie logiciel.

• L'amélioration du contenu de la base : types de données offertes, qualité de ces données, temps de mise à jour. Ce type d'amélioration peut toucher des méthodes d'analyse propres au type de données concerné, ainsi que des techniques de process (méthodes de collecte de données, de traitement, de numérisation).

3) Les innovations de process. Elles peuvent être essentielles compte tenu des problèmes considérables que peuvent soulever la collecte et la numérisation des données. Comme formes typiques, on trouve de nouvelles méthodes d'automatisation de la saisie et de certains traitements sur les données. Mais également la mise au point de techniques spécifiques pour produire des types de données particulières (exemple : à l'IGN, recherche sur un nouveau type de caméra aérienne). On arrive ici au point où l'interpénétration entre industrie et service est la plus forte, la production de nouveaux types de services impliquant le développement

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de technologies à caractère industriel. A l'opposé, on peut trouver des innovations dans les méthodes de production d'informations qui ont un caractère beaucoup plus

"serviciel", comme le développement de méthodes de collecte d'informations "non officielles" par S&W en vue de perfectionner des instruments d'analyse des firmes.

4. Innovation industrielle et innovation dans les services : apports croisés

Il n'y a pas selon nous de spécificité des services sur le plan des concepts, mais on y trouve en plus grande proportion des pratiques et des formes d'organisation de la R-D et de l'innovation qui n'ont été mises en évidence et conceptualisées que récemment dans l'industrie : modèle interactif d'innovation, abaissement des frontières organisationnelles entre structures de R-D et structures d'innovation (groupes de projet), difficulté à isoler une réalité institutionnelle «R-D».

D'un certain point de vue, les services sont en retard sur l'industrie en matière de poids relatif des fonctions de R-D, mais d'un autre point de vue, ils organisent (pour les plus innovants d'entre eux) l'insertion de la R-D dans les processus d'innovation d'une façon «moderne», plus proche de modèles d'industries de haute technologie fortement innovatrices que de modèles industriels traditionnels («staff and line»).

L'observation de l'innovation dans les services peut donc «rendre service» à l'analyse de l'innovation et de la R-D industrielles.

4.1 Quelques apports de l'innovation industrielle à l'innovation dans les services

Certaines approches de l'innovation en économie industrielle sont plus adaptées que d'autres à nos observations sur les services. Ainsi en est-il par exemple 1) du modèle interactif d'innovation (par opposition au modèle linéaire), ou 2) à un autre niveau d'analyse de la montée en puissance du nouveau modèle d'innovation de recombinaison.

a) Dans l'analyse économique traditionnelle la recherche-développement et la production sont deux activités indépendantes qui se succèdent et qui mettent en jeu des acteurs différents. Par ailleurs, le client, dont la finalité est d'adopter et de consommer l'innovation, n'a aucun rôle à jouer dans l'élaboration de celle-ci. Ces hypothèses de non-interaction sont à l'origine de ce qu'on appelle généralement le

"modèle linéaire d'innovation", qui articule de manière ordonnée, sans la moindre boucle de rétroaction, les phases de recherche, de développement, de production et enfin de vente. Ce modèle continue de jouir d'une grande "audience" à la fois dans les représentations théoriques et dans les pratiques de gestion des entreprises. Les caractéristiques des services ne sont pas compatibles avec les hypothèses d'une stricte séparation de la production et de l'usage, d'une part, de la production et de la recherche, d'autre part. Ainsi, par définition, un tel modèle semble ne pas convenir à la représentation de l'innovation de service. Il convient d'ailleurs de moins en moins à l'analyse de l'innovation industrielle elle-même.

b) Bien souvent, aujourd'hui, par exemple, l'innovation industrielle trouve sa source dans les problèmes rencontrés par les professionnels de l'entreprise les plus proches

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du client à savoir, ceux du marketing et de la vente. Ainsi, Kline et Rosenberg21 proposent de substituer au modèle linéaire, un modèle "de liaison en chaîne". Ce nouveau modèle comporte cinq niveaux (ou sentiers d'activités) et non un seul comme le précédent. Le niveau 1 correspond à la "chaîne centrale d'innovation" qui va de l'invention et/ou de la conception analytique au marketing en passant par le développement et la production. Le second niveau est constitué de boucles de rétroaction reliant chaque phase de la chaîne centrale à la phase qui la précède immédiatement, ou la dernière phase de cette chaîne centrale (le client, le marché) aux autres. Le niveau 3 exprime les liens entre la "chaîne centrale d'innovation" et une "chaîne de la science". La science (stock de connaissances accumulées) alimente l'innovation, et réciproquement, tout au long de la chaîne centrale d'innovation, et non pas seulement à son début. Si le stock de connaissances ne fournit pas une réponse au problème particulier, un lien de recherche est alors activé. Le niveau 4 est le lien relativement rare (noté D) entre la science et l'invention qui conduit à la réalisation d'innovations radicales (par exemple, les semi- conducteurs, les lasers, la bombe atomique, l'ingénierie génétique). Le niveau 5 est la boucle de rétroaction (I) reliant l'output de l'innovation à la science. Elle exprime l'importance, pour le progrès scientifique, des innovations relatives aux instruments et équipements scientifiques (par exemple, microscope, télescope, etc.).

Les activités de services s'inscrivent de manière quasi naturelle dans ce type de modèle qui n'a pourtant pas été conçu pour elles. Certains amendements et remarques sont cependant nécessaires. 1) Tout d'abord, en ce qui concerne de nombreuses grandes firmes de service (notamment aux particuliers), il faut distinguer deux types de marché : un marché externe (le client final) ; un marché interne (les commerciaux, le personnel d'interface) qui tous deux peuvent être des acteurs de l'innovation. Ainsi, par exemple, dans l'assurance, avant de satisfaire le client final, une innovation doit satisfaire les clients internes que sont les commerciaux : réseaux salariés, agents généraux, courtiers, etc. 2) La phase de production se confond avec celle de marché. L'interaction est ainsi beaucoup plus forte que ne peut l'exprimer une simple boucle de rétroaction. Elle peut aller jusqu'à une certaine confusion. C'est ainsi par exemple que dans certaines grandes firmes de services de restauration, les employés qui exercent leur activité au contact permanent de l'entreprise-cliente, dans les propres locaux de celle-ci, en viennent à s'identifier davantage au client qu'à leur employeur. 3) La chaîne D reliant la science et l'invention révolutionnaire peut être supprimée dans le cas des services. 4) La chaîne de la recherche doit être maintenue, mais elle semble atrophiée par rapport à l'industrie. 5) Dans cette chaîne et dans celle de la connaissance une part importante revient aux sciences humaines et sociales. 6) Dans la "chaîne de l'innovation", l'étape de la conception occupe une place centrale. La distinction établie entre l'invention (définie par son caractère de nouveauté pour un spécialiste du problème considéré) et la conception (définie comme la combinaison de composants existants) est particulièrement importante en ce qui concerne les activités de services. En effet, dans les services plus que dans les biens cette chaîne centrale débute par une phase de conception plutôt que d'invention (cette question est plus longuement développée dans le point suivant).

21 Kline S., Rosenberg N. (1986), An Overview of Innovation, in Landau R., Rosenberg N. (eds), The Positive Sum Strategy : Harnessing Technology for Economic Growth, National Academic Press, Washington DC.

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c) Les développements récents de l'analyse économique de l'innovation industrielle ont mis en évidence un nouveau modèle d'innovation intitulé "modèle de recombinaison" (Foray22), ou modèle d'innovation architecturale (Henderson et Clark23). Ce modèle s'oppose au modèle de l'innovation radicale (régi par le principe de nouveauté absolue) ainsi qu'au modèle de l'innovation incrémentale (régi par le principe de "premier perfectionnement" qui maintient les principales caractéristiques du produit, mais remplace certaines caractéristiques secondaires par de nouvelles caractéristiques). D'inspiration lancastérienne, le modèle de recombinaison24 peut être défini quant à lui de la manière suivante (Foray, 1993) :

1) il maintient toutes les caractéristiques connues d'un produit ; 2) il recombine ces différentes caractéristiques ;

3) il favorise une réutilisation systématique des "composants" ; 4) et il ajoute éventuellement une petite différence.

Cette innovation de recomposition, qui est à l'oeuvre notamment dans les industries électroniques et biotechnologiques, est au coeur des mécanismes de recherche- développement et d'innovation dans les activités de services (cf paragraphe 3 précédent).

Le modèle d'innovation de recombinaison permet d'apporter des éléments d'éclairage nouveaux à certaines caractéristiques généralement attribuées à l'innovation et à la recherche dans les services.

1- Le caractère non spectaculaire des innovations de produit. Le modèle de recombinaison, défini comme "l'usage routinier d'une base technologique", n'opère pas en effet par rupture, mais par production cumulative et continue de connaissances.

2- La difficulté d'évaluation de la recherche-développement. Les indicateurs traditionnels élaborés par les institutions nationales et internationales sont en effet fondés sur le critère de nouveauté qui perd de sa pertinence dans le cadre d'un modèle de recombinaison.

3- Le faible coût de l'innovation. S'il est rare que la recherche ou l'innovation nécessite de lourds investisements c'est peut-être aussi parce que le processus de recombinaison et la "réutilisation systématique" des composants permettent d'économiser fortement les ressources.

4- La faiblesse relative de la recherche au sens classique : production de connaissances nouvelles. Le modèle de recombinaison produit et exige davantage de connaissances architecturales (de type ingénierie) que de connaissances sur les composants eux-mêmes.

22 D. Foray (1991), Modernisation des entreprises, coopération industrielle inter et intra-firmes et ressources humaines, rapport pour le Ministère de la Recherche et de la Technologie, juin.

23 R. M. Henderson, K. B. Clark, (1990), Architectural Innovation : The Reconfiguration of Existing Product Technologies and the Failure of Established Firms, Administrative Science Quarterly, Vol. 35, n°1, mars.

24 Dans le domaine de la sociologie de l'innovation, et dans une perspective voisine, M. Callon (La privatisation de la science est-elle inéluctable ?, Conférence donnée à l'Université de Laval, octobre 1993) définit la production scientifique comme la

"reconfiguration de réseaux hétérogènes" (réunissant à la fois des techniques, des énoncés, des acteurs, etc.).

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5- L'absence de mise au point de prototype. L'innovation consiste en l'assemblage de composants déjà existants et validés par la pratique.

6- La difficulté de protection de l'innovation et une certaine facilité d'imitation. Si l'on accorde au modèle de recombinaison une certaine validité, la question n'est plus tant de protéger l'innovation et d'empêcher l'imitation, que de faciliter les recombinaisons.

4.2 Les apports de l'innovation dans les services à l'innovation industrielle

Réciproquement, l'étude de l'innovation dans les services peut être source de réflexion et d'enseignements pour l'innovation industrielle. Plusieurs arguments (dont certains sont étroitement liés, mais que nous présentons ici de manière séparée) viennent appuyer cette idée.

1) Le service est la composante principale de la valeur de nombreux biens. Ainsi, comme le note Giarini (1990)25, "pour chaque produit que nous achetons (...), le coût de production ou de fabrication pur dépasse très rarement 20-30% du prix final, alors que le coût du fonctionnement du système complexe de service et de distribution représente largement 70-80% du prix final". Une simple décomposition analytique des différentes activités concourant à la production et à l'usage des biens matériels donne la mesure de ce phénomène de manière suffisamment probante. La production (au sens strict de transformation de la matière) étant prise comme point de référence, on distingue schématiquement les trois groupes suivants d'activités ou de fonctions de service : En amont : le marketing, les plans d'investissement, la recherche-développement, etc. En accompagnement : la gestion des ressources humaines (recrutement, formation, rémunération), la logistique, le contrôle de la qualité et de la sécurité, la maintenance, la gestion des déchets et de la pollution, etc. En aval : le stockage, le transport, la distribution, le service après-vente, l'assistance aux utilisateurs, etc26.

2) Certains biens (essentiellement de haute technologie) présentent des dimensions traditionnellement qualifiées de servicielles comme l'intangibilité, l'interactivité. Si l'examen de ces biens particuliers, du point de vue de ces dimensions, permet de tirer des conclusions pour les services27, on peut faire le raisonnement inverse et supposer que ces caractéristiques induisent une organisation de l'innovation à laquelle les firmes de services sont depuis longtemps habituées dont peuvent s'inspirer les firmes industrielles.

25 Giarini O., 1990, L'économie des services et la gestion du risque, Futurible, novembre.

26 La revue Science et Vie Economie a par exemple publié dans plusieurs de ses numéros de l'année 1989 une estimation détaillée de la décomposition des prix de différents produits. Il apparaît ainsi qu'en moyenne le prix d'une calculatrice de poche se décompose en 44,5% de coût de production et 55,5% de coût de fonctionnement du système de service et de distribution; le prix du flacon d'eau de toilette : 8,5%

contre 91,5%; celui du tube de crème solaire : 14% de coût de production contre 86% de coût de service (dont 4,5% de recherche, 10,5% de publicité, 13,5% de transport, etc.).

27 C'est la démarche poursuivie par Patricia Meyers (1984)27, dans un article au titre très suggestif : "Innovation Shift : Lessons for Service Firms from a Technology Leader" :

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