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LA PLACE DE L’EPISTEMOLOGIE DANS LA FORMATION DES PROFESSEURS DE SCIENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES

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LA PLACE DE L’EPISTEMOLOGIE DANS LA FORMATION DES PROFESSEURS DE SCIENCES

ECONOMIQUES ET SOCIALES

Christine Dollo

To cite this version:

Christine Dollo. LA PLACE DE L’EPISTEMOLOGIE DANS LA FORMATION DES PRO- FESSEURS DE SCIENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES . Formation des enseignants et profes- sionnalité, Apr 2002, Bordeaux, France. �hal-01742257�

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Colloque : « Formation des enseignants et professionnalité » Bordeaux 2002 1

DOLLO Christine

CIRADE - Université de Provence ; IUFM d’Aix - Marseille dollo@univ-aix.fr

LA PLACE DE L’EPISTEMOLOGIE DANS LA FORMATION DES PROFESSEURS DE SCIENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES

Mots-clés : Epistémologie – Sciences Economiques et sociales – Transposition didactique – Obstacles aux apprentissages – Préparation au CAPES de SES - Formation des professeurs de SES.

Résumé : Il est généralement admis que l’épistémologie de la ou des disciplines enseignées est une composante incontournable de la formation des enseignants. L’enseignant est dans sa classe le garant de la validité épistémologique des savoirs enseignés. Sans culture épistémologique solide, il est impossible de se montrer actif dans le processus de transposition didactique et il est tout aussi impossible de percevoir les obstacles proprement épistémologiques que les élèves rencontrent au cours de leurs apprentissages.

INTRODUCTION : FORMER LES MAITRES A L’EPISTEMOLOGIE POUR AI DER LES ELEVES A SURMONTER CERTAINES DE LEURS DIFFICULTES D’APPRENTISSAGE

Certaines difficultés d’apprentissage des élèves sont liées à un modèle épistémologique implicite (qui relève du positivisme naïf) selon lequel il existerait une réponse unique à tout problème scientifique. Les sciences économiques et sociales ne seraient donc pas des sciences puisqu’elles présentent plusieurs réponses à certains problèmes, différentes selon le paradigme considéré. Cette conception conduit souvent à de grandes difficultés de compréhension de la part des élèves, qui se retrouvent notamment dans leurs dissertations de type bac .

Pour permettre aux élèves de dépasser ces obstacles épistémologiques, il faut que les enseignants eux-mêmes maîtrisent les débats et les enjeux épistémologiques de leur discipline scolaire.

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L’objectif de la communication est alors de comparer la place actuellement prise par la dimension épistémologique :

- d’une part dans les débats propres à la didactique des SES ;

- d’autre part dans les différents éléments de la formation des maîtres en sciences économiques et sociales : exigences du concours, pratiques des formateurs, aussi bien en première qu’en deuxième année.

I. EPISTEMOLOGIE ET DIDACTIQUE

I.1. Epistémologie, histoire des sciences et enseignement

L’épistémologie et l’histoire des sciences sont indispensables aux professeurs pour la conduite de leurs activités en classe de trois points de vue au moins :

- le professeur doit pouvoir exercer sa vigilance épistémologique à l’égard des savoirs à enseigner tels qu’ils sont présentés dans les manuels et les divers supports pédagogiques utilisables (ouvrages et revues de vulgarisation notamment).

- Le professeur doit pouvoir utiliser sa culture épistémologique et sa connaissance de l’histoire des sciences pour anticiper et interpréter les obstacles aux apprentissages que rencontrent les élèves. Si « les professeurs de sciences ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas » comme le disait Bachelard, c’est souvent parce qu’ils ignorent (ou ont oublié) les conditions de production des connaissances sur lesquelles butent les élèves.

- Le professeur, doit pouvoir contribuer à donner aux élèves une formation épistémologique. Sans une réflexion épistémologique du professeur, le risque est grand de conforter les représentations naïvement empiristes et/ou relativistes des élèves.

I.2. Les enjeux épistémologiques spécifiques à la formation des professeurs de SES

Le professeur de SES est donc confronté aux mêmes impératifs épistémologiques que les autres professeurs, mais il l’est de façon spécifique.

En premier lieu, les débats épistémologiques sont beaucoup plus présents au cœur de la production des connaissances dans les sciences sociales que dans les sciences de la nature. En effet, les chercheurs marquants en science économique et en sociologie ont aussi apporté des contributions majeures à l’épistémologie de ces disciplines (K. Marx, M.

Weber, F. Hayek, M. Friedman, P. Bourdieu…). Par ailleurs, la publication ou la réédition d’un nombre non négligeable de manuels d’épistémologie ou de méthodologie des sciences sociales est révélatrice de l’intérêt soutenu pour ces questions.

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Les professeurs de SES sont aussi confrontés de façon spécifique aux enjeux épistémologiques en raison de l’histoire de leur discipline scolaire. Celle-ci s’est en effet constituée sur une certaine posture épistémologique (par exemple en référence à l’Ecole des Annales, à une critique de l’économie orthodoxe, à un refus de la modélisation etc.). Par la suite, des débats épistémologiques ont marqué l’histoire de la discipline (critique de l’inductivisme, etc.). Certains protagonistes du débat en sont ainsi venus à contester l’idée même de la scientificité des sciences sociales ou, pour le moins, la conception

« dominante » de la scientificité.

I.3. Trois ouvrages et trois postures épistémologiques et didactiques

En dehors de l’ouvrage de référence sur l’histoire de la discipline (Chatel, 1993), on trouve actuellement trois ouvrages principaux destinés à présenter aux professeurs de sciences économiques et sociales leur discipline scolaire, son histoire, les principaux débats qui la traversent, une réflexion sur les programmes et une réflexion sur la didactique de cette discipline.

Enseigner les sciences économiques et sociales : un point de vue « bachelardien » L’ouvrage rédigé par A. Beitone, M.A. Decugis et A. Legardez (1995) comporte deux chapitres, intitulés respectivement « Histoire des sciences économiques et sociales » et

« Didactique et épistémologie des sciences économiques et sociales », qui concernent directement notre réflexion. Les auteurs insistent sur l’importance de la réflexion épistémologique pour la formation et la pratique didactique des enseignants, ils affirment que les sciences économiques et sociales sont une discipline scolaire qui (comme la plupart sinon toutes les autres) fait référence à plusieurs disciplines savantes de référence. Ils s’opposent à la prétention des SES à produire un discours intégré sur le social et ils considèrent que les SES constituent une formation des élèves aux contenus et aux méthodes des sciences sociales (principalement la science économique et la sociologie). Ils insistent sur le lien nécessaire entre savoirs scolaires et savoirs savants et sur l’importance du recours aux théories. Ils s’opposent à l’inductivisme tant sur le plan épistémologique que sur le plan pédagogique.

Les sciences économiques et sociales : l’attachement au « projet fondateur »

Le livre dirigé par P. Combemale (1995) est construit autour d’une thèse centrale formulée par J. Brémond et H. Lanta : « Il n’y a pas d’alternative au projet conçu en 1966, pas d’alternative à la pédagogie avec laquelle il forme un tout » (p. 69). Cela conduit notamment à refuser « la division académique du savoir » (H. Marin, p. 129). Les auteurs manifestent un scepticisme à l’égard des références théoriques et privilégient, tant du point

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de vue épistémologique que du point de vue pédagogique, le primat des faits sur les théories.

Didactique des sciences économiques et sociales : la référence à la « pensée complexe »

Les auteurs, B . Mabillon-Bonfils et L. Saadoun, insistent eux aussi sur l’importance de la réflexion épistémologique. Ils se situent clairement dans la perspective des travaux d’E.

Morin et soulignent la nécessité de dépasser les clivages disciplinaires pour saisir la

« complexité » du réel. Sur le plan épistémologique, ils adoptent une position anti-empiriste (citant Popper et Bachelard), ce qui ne les empêche pas de prôner sur le plan pédagogique un recours à « l’inductif » comme moyen d’une pédagogie active. Ils précisent : « le travail de l’enseignant, idéalement, doit être réduit à celui d’animateur de groupe » (p. 51)

Au total, les trois ouvrages expriment des positions différentes voire opposées sur l’épistémologie scolaire des SES. Mais en revanche, ils convergent sur un point : l’importance de la réflexion épistémologique en sciences économiques et sociales.

Qu’en est-il de la place de cette réflexion épistémologique dans la formation initiale des professeurs de SES ?

II. L’EPISTEMOLOGIE AU CAPES DE SES ET SA PRISE EN COMPTE DANS LA FORMATION

II.1. Les sujets du concours

C’est essentiellement dans l’épreuve de la leçon à l’oral du concours que l’on trouve des sujets comportant une dimension épistémologique. Les sujets de l’écrit sont en effet plus

« généralistes » et portent sur des thèmes assez larges des sciences économiques ou des sciences sociales. Pour l’épreuve de la leçon à l’oral, en ce qui concerne la dimension épistémologique, on rencontre des sujets qui traitent directement du statut scientifique de la sociologie ou de la science économique (par exemple : Existe-t-il des lois en économie ? L’économie est-elle une science dure ? La sociologie est-elle la science des déterminismes sociaux ?). On se pose aussi la question de la modélisation ou de la méthodologie utilisée pour chacune de ces sciences (par exemple, La notion de modèle en sciences économiques, Les méthodes en sociologie). D’autres mettent l’accent sur le caractère pluriparadigmatique des sciences sociales de référence (L’opposition entre holisme et individualisme méthodologique ; Les sociologues face à la réalité sociale : pluralité des approches ; Micro-économie et macro-économie )

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Cependant, au regard du nombre total des sujets qui figurent dans les rapports pour les années prises en compte, la proportion des sujets à dimension épistémologique est faible.

II.2. La formation à l’épistémologie dispensée dans les préparations au CAPES et dans les IUFM

Des pratiques diversifiées selon les IUFM

Pour connaître les pratiques des différents IUFM en matière de formation à l’épistémologie pour la filière sciences économiques et sociales, nous avons fait passer un questionnaire aux principaux responsables de cette filière dans les différents IUFM. Ce questionnaire proposait quatre questions principales :

1. Comment l’épistémologie est-elle prise en compte dans le cadre de la formation des candidats au capes (préparation des épreuves disciplinaires et préparation de l’épreuve sur dossier ) ?

2. La deuxième question proposait une liste d’ouvrages ayant un rapport plus ou moins lointain (voire aucun rapport pour quelques-uns d’entre eux) avec l’épistémologie et il était demandé aux formateurs d’en citer trois ou quatre (voire plus) qu’ils conseillaient à leurs étudiants du CAPES en les classant selon un ordre d’importance décroissant.

3. La troisième question demandait aux formateurs d’indiquer de quelle façon l’épistémologie est prise en compte dans le cadre de la formation des professeurs stagiaires : enseignements didactiques et disciplinaires propres aux SES, enseignements transversaux regroupant éventuellement des professeurs stagiaires de plusieurs disciplines, mémoire professionnel…

4. Enfin, la dernière question demandaient aux formateurs quels étaient les supports (ouvrages, manuels, documents, articles, …) qu’ils utilisent dans leurs pratiques de formation ou qu’ils conseillent aux professeurs stagiaires.

Ces questionnaires ont été envoyés par mail et les réponses ont été recueillies lors de la rencontre annuelle inter-IUFM des formateurs Ses qui s’est tenue à Paris les 13 et 14 mars année ?. Nous avons à cette occasion recueilli sept réponses (hors IUFM d’Aix – Marseille)1 alors qu’on trouve une préparation au concours ou une deuxième année (ou les deux) dans près de vingt d’IUFM (en comptant Aix – Marseille). Le taux de réponse est donc de l’ordre de 37% soit un peu plus d’un tiers, ce qui n’est pas très important mais cependant pas négligeable.

Dans l’ensemble, les IUFM essaient de prendre en compte la dimension épistémologique de l’enseignement des SES dans le cadre de la formation, mais cela n’apparaît pas comme

1 Grenoble, Montpellier, Paris , Pays de la Loire, Réunion, Rouen, Toulouse.

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une question centrale dans la préparation. Quatre IUFM consacrent une séance préliminaire ou un cours d’introduction aux questions épistémologiques (un IUFM a ainsi un chapitre préliminaire intitulé « objet et méthode des sciences sociales »). Pour certains, la préparation aux épreuves disciplinaires se fait dans le cadre universitaire et les situations sont alors variables. Dans un cas, les formateurs concernés tentent de pallier le manque éventuel en veillant à resituer chaque thème dans le cadre épistémologique. Dans un autre IUFM, les questions épistémologiques sont traitées en amont de la préparation au concours puisqu’il existe une licence et une maîtrise de sciences économiques et sociales où les étudiants ont un cours d’épistémologie en maîtrise et des TD de méthodologie des sciences sociales.

Dans le cadre de la préparation à l’épreuve orale sur dossier, un IUFM évoque l’histoire de la discipline ainsi que les débats passés et présents sur les contenus et les méthodes de l’enseignement des SES. Un autre IUFM traite un chapitre intitulé Didactique et épistémologie où sont abordées : la question du statut scientifique des sciences sociales, la pluralité des paradigmes, l’opposition entre démarche inductive et hypothético-déductive, la question de la pluridisciplinarité dans les Sciences économiques et sociales.

En ce qui concerne les ouvrages conseillés aux étudiants préparant le CAPES, on rencontre là encore des pratiques assez diverses. Cependant presque tous les formateurs conseillent quelques ouvrages épistémologiques à leurs étudiants. Parmi les ouvrages cités comme « incontournables », citons E. Durkheim, « Les règles de la méthode sociologique », (cité 3 fois), P. Bourdieu, J.C. Passeron et J.C. Chamboredon « le métier de sociologue » (cité 4 fois) ou encore J.M. Berthelot, « la construction de la sociologie » (cité 3 fois).

D’autres formateurs préconisent plutôt à leurs étudiants la lecture d’ouvrage de didactique incluant une dimension épistémologique, comme par exemple l’ouvrage coordonné par P.

Combemale ou celui de Beitone, Decugis et Legardez (présentés plus haut).

La formation délivrée dans le cadre de l’IUFM d’Aix-Marseille

En première année : la dimension épistémologique de la préparation au concours

En début d’année un cours d’économie et un cours de sociologie présentent des éléments de l’épistémologie de ces deux disciplines de référence des SES. Mais ces questions sont également traitées lors de certains cours thématiques (par exemple à propos de Durkheim et Weber en sociologie).

Par ailleurs, les étudiants composent durant l’année sur huit sujets de dissertation, et en général, l’un au moins de ces sujets est consacré à une question épistémologique (par exemple : « Y a-t-il des lois en économie ? »). Des sujets de leçon sont consacrés à des questions épistémologiques (à partir des annales des concours).

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Enfin, dans le cadre de la préparation à l’épreuve sur dossier de l’oral une conférence de trois heures est consacrée au thème « Epistémologie et didactique ». Lors de cette séance, l’accent est notamment mis sur les liens entre la réflexion épistémologique et la didactique : distinction entre épistémologie savante, épistémologie de l’enseignant et épistémologie de l’élève. Il est notamment montré que nombre des difficultés de compréhension des élèves résultent en réalité d’obstacles épistémologiques, dans la pure tradition de G. Bachelard. Par exemple, les élèves ont beaucoup de mal à faire la distinction entre un concept et sa mesure (investissement et FBCF) ou bien à comprendre qu’un même mot peut désigner des concepts différents selon le contexte théorique. Pour eux, il n’existe qu’une définition possible d’un mot.

En deuxième année : quelle formation à l’épistémologie pour les professeurs stagiaires ?

• Une séance dans le cadre des enseignements didactiques et disciplinaires est consacrée à l’épistémologie. Cette séance s’appuie notamment sur les difficultés rencontrées par les professeurs stagiaires avec leurs élèves en classe de seconde : définition du chômage, de l’entreprise, de la famille ; Mise en évidence du sous-bassement épistémologique des choix que doit faire l’enseignant et des difficultés de compréhension que rencontrent les élèves.

• Dans le cadre des groupes de formation professionnelle (préparation des cours, réflexion sur les pratiques de classe) les formateurs soulignent, à chaque occasion, la dimension épistémologique des thèmes abordés avec les élèves (en particulier en ce qui concerne les obstacles aux apprentissages) : la construction de nomenclatures, la définition de la famille, de l’entreprise, etc.

• Certains mémoires professionnels de professeurs stagiaires intègrent une dimension épistémologique. On trouve par exemple les sujets de mémoire suivants : Epistémologie, socio-constructivisme et pratique scientifique en classe : le thème des déterminants de la consommation en classe de seconde (1998) ; Epistémologie en classe de seconde (1998) ; La pluridisciplinarité en SES : l’exemple du chômage en classe de seconde (1997) ; Epistémologie et représentations : le thème de la consommation en classe de seconde (1997) ; l’épistémologie comme pédagogie : quelle place pour l’épistémologie des SES dans le cours de seconde (1997).

CONCLUSION

Ainsi, la présence de sujets à dimension épistémologique dans les épreuves dites disciplinaires du CAPES confirme la non pertinence de la distinction entre « épreuves disciplinaires » et « formation professionnelle ». Comme nous espérons l’avoir montré, la réflexion épistémologique est simultanément une composante des savoirs de référence et

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une dimension essentielle de la pratique professionnelle. On peut même affirmer qu’un renforcement de l’évaluation de la culture épistémologique des candidats est nécessaire et constituerait un élément important de ce que l’on nomme parfois la « professionnalisation » des épreuves du CAPES. Il semble cependant, dans la limite des informations que nous avons pu rassembler jusqu’ici, que la formation épistémologique dans le cadre de la formation initiale des professeurs de SES reste insuffisante. Il est à la fois nécessaire qu’une réflexion collective plus importante soit organisée entre les formateurs des divers IUFM sur l’épistémologie des sciences sociales et qu’une place plus substantielle soit accordée à ces questions dans le cadre de la formation.

La réflexion doit aussi être approfondie en ce qui concerne l’articulation entre la formation donnée en première année et la prise en compte des questions épistémologiques en deuxième année.

La réflexion sur la place de l’épistémologie dans la formation initiale des professeurs de SES a donc selon nous un triple enjeu :

- Le premier, non négligeable dans la perspective des recrutements massifs qui seront nécessaires dans les années qui viennent, concerne la réussite au CAPES des candidats.

Notre analyse nous conduit à considérer qu’il existe une contradiction entre un certain nombre de discours relatifs à la « pensée complexe » ou au refus du lien entre la discipline scolaire SES et les savoirs savants de référence (discours très présent nous l’avons vu dans des ouvrages destinés aux professeurs en formation) et la réussite au concours. De tels discours constituent en effet de véritables obstacles à la réussite aux épreuves du CAPES dans la mesure où les exigences du concours sont beaucoup plus conformes aux traditions académiques.

- Le second enjeu, lié au premier, concerne la formation des futurs professeurs de SES.

Ces étudiants dont certains deviennent professeurs stagiaires sont, eux aussi, des apprenants et se heurtent dans leurs apprentissages à des obstacles de nature épistémologique. L’introduction dans leur formation d’une dimension épistémologique plus importante est de nature à les aider à franchir ces obstacles. Il s’agit notamment de les conduire à une posture réflexive à l’égard de leur « épistémologie spontanée » et de les aider à prendre conscience de la pluralité des épistémologies (pour un économiste de formation, il ne va pas de soi d’entrer dans les débats qui traversent l’épistémologie de la sociologie).

- Le troisième enjeu concerne l’exercice même de la fonction de professeur. Comme nous l’avons montré par ailleurs (Dollo, 2001), et comme d’autres travaux l’avaient montré auparavant (Beitone et Legardez, 1995), la « pédagogie inductive » et le scepticisme affiché à l’égard de la production scientifique en sciences sociales sont une source d’obstacles aux

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apprentissages pour les élèves. En donnant l’illusion que le savoir se construit par

« observation sans a priori » du réel, en dépréciant les discours théoriques produits par les sciences sociales, en identifiant une discipline scolaire avec certains paradigmes seulement (la socio-économie) on prive les élèves d’outils conceptuels dans le cadre de leur formation au lycée et dans leurs poursuites d’études.

- Le quatrième enjeu enfin concerne la légitimité de la discipline scolaire SES. Un certain nombre de débats récents2 on fait apparaître de profonds malentendus entre les tenants d’un certain discours relatif aux SES (les défenseurs du « projet fondateur ») et les analyses de nombreux universitaires (par ailleurs fort divers quant à leurs postures scientifiques). De notre point de vue, ce quatrième enjeu est le plus important. Il nous semble que les nouvelles générations de professeurs de SES ne doivent pas adhérer sans réflexion à une certaine doxa épistémologique qui caractérise les SES depuis presque quarante ans. La légitimité de la discipline scolaire comme les exigences de la formation des élèves nécessitent une refondation épistémologique. Les nouveaux professeurs ne pourront être acteurs de cette refondation que sur la base d’une solide formation épistémologique.

Références bibliographiques

• BEITONE A., DECUGIS-MARTINI M.A. ET LEGARDEZ A. (1995) – Enseigner les sciences économiques et sociales, Armand Colin.

• BEITONE A. ET LEGARDEZ A. (1995) – Enseigner les sciences économiques : pour une approche didactique, Revue française de pédagogie, n° 112, juillet – août -septembre, 33 – 45.

• Bourdieu P., Chamboredon J.-C. et Passeron J.-C. (1980) – Le métier de sociologue, Paris, Mouton, 3ème éd., 1ère éd. 1968.

• CHATEL E. ET ALII. (1993) – Enseigner les Sciences Economiques et Sociales : le projet et son histoire. Introduction à une réflexion didactique, Paris, INRP, 2ème édition, 1ère édition 1990.

• COMBEMALE P. (COORD.) (1995) – Les sciences économiques et sociales, Paris, Hachette, Education.

• DOLLO C. (2001) -- Quels déterminants pour l’évolution des savoirs scolaires en Sciences Economiques et Sociales ? (l’exemple du chômage), 482 p., Thèse de Sciences de l’Education, Université de Provence, CIRADE, Aix en Provence.

2 Consultation Meirieu sur les savoirs à enseigner dans les lycées, débats sur l’élaboration des nouveaux programmes en SES, débat sur l’enseignement de l’économie à l’université etc.

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• Lecourt D. (2000) – L’enseignement de la philosophie des sciences, Rapport au ministre de l’Education nationale, de la recherche et de la Technologie, http://www.education.gouv.fr/rapport/lecourt/

• MABILON-BONFILS B. ET SAADOUN L. (1997) – Didactique des sciences économiques et sociales, Nathan.

• MABILON-BONFILS B. ET SAADOUN L. (1999) -- Le CAPES de sciences économiques et sociales, Vuibert.

• Mouchot C. (1996) -- Méthodologie économique, Hachette, Coll. HU.

Références

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