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L Mécanismes d'action de l'aldostérone dans le rein

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(1)

SYNTH ÈSE

médecine/sciences 1 '}86; 2 : 186-92

Nicolette Farman Directeur de Recherche Inserm Bernard Rossier

Professeur à l' Université de Lausanne

Jean-Pierre Bonvalet Directeur de Recherche Inserm

ADRESSES �----llliiiiiiiiiiiiiiiiiliii N. Farman et J.-P. Bonvalet : Inserm U z46, Dépt. Biologie-SBCe, CEN Saclay, 9 1 191 Gif­ sur-Yvette Cedex, France.

B. Rossier : Institut de pharmacologie de l'Uni­ versité de Lausanne, rue du Bugnon Z I , lOI 1

Lausanne, Confédération Helvétique.

Mécanismes d'action

de l 'aldostérone

dans le rein

La partie du canal collecteur située dans le cortex rénal est le

segment-cible principal de l'aldostérone. L'hormone induit la

formation de diverses protéines responsables de l'effet biolo­

gique qui porte non seulement sur la pompe à

sodium dans la

membrane basolatérale, mais aussi sur le canal sodium de la

membrane apicale des cellules tubulaires.

L

e rein est le principal organe-cible de l'aldosté­ rone, hormone stéroïde d'origine cortico-surréna­ lienne. Depuis une ving­ taine d'années, le mode d'action cel­ lulaire de l'aldostérone et ses effets rénaux sont connus dans leurs gran� des lignes. L'aldostérone agit dans les parties terminales du néphron pour procéder aux ajustements de l'excrétion de sodium, très vraisem­ blablement de l'hydrogène et sans doute, de potassium : elle réduit l'excrétion du sodium (natriurèse) et augmente celle du potassium (kaliurèse) et de l'hydrogène (excré­ tion acide). La pathologie humaine offre des exemples caractéristiques des effets de l'aldostérone. Le défaut de sécrétion d'hormone sur­ rénalienne (maladie d'Addison) entraîne une perte rénale de sodium considérable avec hypotension arté­ rielle, hyperkaliémie et acidose métabolique. A l'inverse, il existe des tumeurs bénignes surrénalien­ nes sécrétant de l'aldostérone (<< syndrome de Conn >>) responsa­ bles d'hypertension artérielle avec bilan sodé positif de l'organisme, perte rénale de potassium et alcalose métabolique.

Comme les autres hormones sté­ roïdes, l'aldostérone entre dans les cellules par diffusion, se lie de façon non covalente à des protéines intra­ cellulaires, les récepteurs cyto­ plasmiques; les complexes hormo­ ne-récepteurs migrent dans le noyau où ils modifient la transcrip­ tion d'un ou plusieurs gènes. Il s'en­ suit une synthèse d' ARN et de pro­ téine(s) induite(s) responsables des

effets cellulaires de l'hormone. Ce schéma d'ensemble a été proposé par Edelman [1] au vu des cinéti­ ques de liaison de l'hormone dans le cytoplasme et le noyau, de l'exis­ tence d'un délai d'action compatible avec le temps de synthèse de novo de protéine(s) effectrice(s), et de la suppression de l'effet par un inhibi­ teur de la transcription (actinomy­ cine D).

Dès la description de ce schéma, il est apparu que la liaison de l'aldos­ térone dans la cellule ne se faisait pas à un seul type de récepteur, mais au moins à deux : les récep­ teurs de type I, peu nombreux et qui présentent une forte affinité pour l'aldostérone [constante de dis­ sociation (Kd) � 10 - l o -10 - 9 M] et les récepteurs de type II, ayant une affinité moindre pour l'aldosté­ rone (Kd � 10 - 8 M) mais présents en nombre au moins 10 fois supé­ rieur aux récepteurs de type I. Un troisième type de récepteurs a égale­ ment été décrit; ce pourrait être une liaison de l'aldostérone à la CBG (corticosterone binding globulin), protéine plasmatique susceptible de pénétrer dans le cytoplasme. Des expériences de spécificité (compéti­ tion croisée) ont fait attribuer aux récepteurs de type I l'appellation de << sites minéralocorticoïdes >> (c'est­ à-dire spécifiquement impliqués dans le transport transépithélial de sodium) et aux récepteurs de type II

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ont été réalisés principalement dans deux domaines : la localisation pré­ cise des sites de liaison de l'aldosté­ rone le long du néphron, et le méca­ nisme d'action cellulaire de l'hor­ mone.

Localisation

des sites d'action

Les expériences de physiologie sur rein entier ont permis depuis long­ temps d'assigner à l'aldostérone une action majeure sur l'excrétion du sodium (et peut-être du potassium) dans les parties terminales du tubule rénal [2, 3]. Actuellement, on peut mesurer, sur telle ou telle partie du tubule, la liaison de l'hormone, la synthèse d' ARN et de certaines enzymes induites, et enfin les effets sur les transports transépithéliaux. La figure 1 illustre la succession des épithéliums qui constituent le néphron.

Récepteurs de l'aldostérone : La liaison spécifique de l'aldostérone à ses récepteurs a pu être mesurée directement sur chacun de ces segments, surtout par technique autoradiographique (figure 2) . La quantification de ces données a

____,. x � 0 (,) G MAL TDL TAL

Figure 1 . Les différentes parties du néphron :

CCT

MCT

G = glomérule; PCT = tubule contourné proximal; PR =pars recta du tubule proxi­ ma( TDL = segment grêle dflscendant de l'anse de Henle; TAL : segment grêle ascendant; MAL = Segment large ascendant médullaire; CAL = segment large ascendant cortical de l'anse de Henle; DCT = tubule distal dans sa partie initiale (DCTb) ou granuleuse (DCTg); CC Tg = tubule collecteur cortical granuleux; MCT = tubule collecteur médullaire.

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Figure 2. Exemple de marquage autoradiographique (3H-aldostérone : 1,5 x 70-9 M) dans un segment cible, le tubule collecteur cortical. Sur la photographie de gauche, on voit les contours du tubule; les noyaux sont les ombres grisées; le cytoplasme n 'est pas coloré. Les points noirs sont les grains d'argent témoins de la présence de complexes aldostérone-récepteurs. Le marquage est essentiellement nucléaire et hétérogène d'un noyau à l'autre. Cela est évident sur l'agrandissement (photo de droite) .

(3)

188

RÉFÉRENCES

---1. Ede! man !S. Mcchanism of action of stcroid hormones. J Steroid Biochem 19 75 ; 6 : 14 7-59.

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-PCT PR TDL TAL MAL CAL DCTb DCTg CCTg MCT

Figure 3. Liaison nucléaire spécifique de l 'aldostérone le long du néphron de lapin, déterminée par autoradiographie sur tubule isolé. Pour la signification des abréviations, voir la légende de la figure 1.

permis d'établir un profil de liaison de l'aldostérone le long du néphron [4].

La figure 3 montre ce profil, pour une concentration <� ph

siologique 1>

d'hormone (1,5 x 1 0 - M). Sché­

matiquement, on peut distinguer, dans le rein, trois catégories d'épithéliums vis-à-vis de la liaison de l'aldostérone. Les premiers sont totalement dépourvus de récepteurs nucléaires spécifiques, comme le tubule proximal. Il faut y ajouter les cellules glomérulaires, non mon­ trées sur la figure. Les deuxièmes présentent une très forte liaison nucléaire spécifique. C'est le cas des structures terminales, dans la partie corticale du rein (tubule distal et collecteur cortical). Enfin, certains segments, essentiellement médul­ laires (anse de Henle, tubule collec­ teur médullaire) sont <� intermédi­

aires 1> : liaison plus faible, spécifi­

cité clairement croisée avec les glucocorticoïdes.

Synthèse d' ARN : récemment, une

induction de synthèse de novo d' ARN, estimée par l'incorporation d'uridine après traitement minéra­ locorticoïde, a été montrée dans le tubule collecteur. un segment-cible

pour l'aldostérone, en l'absence de variation significative dans les autres segments tubulaires non­ cibles [5]. De plus, au sein de ce

segment-cible, une modulation différentielle de la synthèse d' ARN d'un type cellulaire (cellules

<� claires 1>

)

à un autre (cellules <� sombres 1>

)

a été mise en évidence.

L'hétérogénéité cellulaire au sein d'un segment tubulaire bien défini, est actuellement très étudiée tant au plan morphologique qu'au plan fonctionnel, concernant notamment les réponses hormonales.

Induction d'activités enzymatiques : Certaines acttvttes enzymatiques modifiées par l'état stéroïdien de l'animal, comme la citrate­ synthase [6] et surtout l'A TPase [7 ], ont pu être mesurées. Ces modu­ lations par l'aldostérone sont loca­ lisées dans le tubule collecteur corti­ cal, donc en parfaite concordance avec les données de liaison spécifi­ que de l'aldostérone dans le rein. Pour les autres 'segments du néphron terminal, comme le tubule distal ou collecteur médullaire, les résultats divergent et il est difficile de se prononcer. A l'origine de ces divergences interviennent des

(4)

ments méthodologiques : concen­ trations d'aldostérone, travaux in vivo ou in vitro, délai d'action, présence .ou non de glucocorti­ coïdes; enfin, le caractère primaire (induction enzymatique directe} ou secondaire (adaptation à des modi­ fications intracellulaires causées pri­ mitivement par l'hormone) des mo­ dulations observées, est toujours discuté.

Transports transépithéliaux : tous

les auteurs s'accordent sur deux points : l'aldostérone réduit l'excré­ tion rénale de sodium; une réabsorption accrue de sodium, cou­ plée ou non à une sécrétion de potassium, est présente, sous l'effet de l'hormone, dans le tubule collec­ teur cortical. Pour le tubule distal, des résultats divergents ont été obtenus; cependant, des données récentes, issues de microperfusions tubulaires in vivo à faibles doses, sont en faveur d'une action de l'al­ dostérone sur le transport de sodium et de potassium dans ce segment. Une action directe de l'al­ dostérone sur le transport de ces ions est exclue dans le tubule proxi­ mal, et peu probable dans l'anse de Henle et le tubule collecteur médul­ laire. Contrairement à l'unanimité réalisée sur l'existence d'un trans­ port de sodium dépendant de l'al­ dostérone, les opinions concernant

s

S+R

1

modèle « en deux étapes » : cytoplasmique. puis nucléaire

un effet direct de l'aldostérone sur la sécrétion de potassium ont varié dès les premiers travaux et varient encore aujourd'hui [2]. Un troisi­ ème effet souvent évoqué serait une sécrétion d'hydrogène, après admi­ nistration d'aldostérone, particuli­ èrement dans le tubule collecteur. L'existence même et l'importance quantitative de cet effet sont encore discutées. Aucun effet de l'aldosté­ rone sur d'autres transports électro­ lytiques ou hydriques ne peut formellement être établi à ce jour.

I

Du récepteur à J'induction protéique Existe-t-il deux types de récepteurs pour l'aldostérone .2 : Contrairement

aux récepteurs d'autres hormones stéroïdes, le récepteur de l'aldosté­ rone n'a pas encore été isolé. Une des raisons probables de ce retard est sa très faible concentration intracellulaire : moins de 1j1o ooo des protéines, dix à cent fois moins abondants que les récepteurs gluco­ corticoïdcs rénaux. Cette absence de purification contraint à un abord indirect des problèmes. Ainsi, les appellations de <1 sites minéralo->>

ou <1 gluco-corticoïdes >>, souvent

données aux récepteurs de type 1 ou

II respectivement, reposent essen­ tiellement sur des études

biochimi-s

modèle d'« équilibre » :

les complexes SR se forment aussi bien dans le cytoplasme que dans le noyau Figure 4. Trois modèles décrivant la distribution intracellulaire des récepteurs (R) des hormones stéroïdes (S). Un rôle spécifique des récepteurs cytoplasmiques (en particulier pour les glucocorticoides) est possible.

mfs n• 4 vol. 2 avril 86

ques classiques sur homogénat de rein entier. Il est plus ardu d'en donner une définition <1 fonction­

nelle >>, c'est-à-dire de relier direc­

tement l'occupation par l'aldostéro­ ne de tel ou tel type de récepteur rénal à une fonction physiologique précise.

L'utilisation d'épithéliums modèles prend ici toute sa valeur : dans la vessie de crapaud, un premier tra­ vail avait montré que seule l'occupa­ tion des récepteurs de type 1 était corrélée à l'augmentation du trans­ port de sodium dépendant de l'al­ dostérone [8]. Des études ré­ centes [9] suggèrent que l'occupa­ tion des deux types de récepteurs par l'aldostérone serait nécessaire à la réponse minéralocorticoïde. Cette réponse comporterait une phase précoce, avec chute de la résistance électrique transépithéliale, et une phase plus tardive qui implique une biosynthèse d' ATPase, les sites de type II n'intervenant que dans cette dernière phase.

Répartition intracellulaire des comple­ xes aldostérone-récepteurs : selon le

schéma classique [1], à l'état libre les récepteurs seraient essentielle­ ment cytoplasmiques. Ce n'est qu'une fois le complexe hormone­ récepteur cytoplasmique constitué, qu'il pourrait, après une étape

<( d'activation >> encore mal définie

s

s

modèle « nucléaire »:les complexes SR se forment directement dans le noyau

(5)

1 90

RÉFÉRENCES �-lll!i!!!!!l!!l!ll!l!!l!!l!!!!!!!!!il!!!!!!ll!!lll!lll!!!!!!!!!!!!!!

7 · El Mernissi G, Doucet A. Short-tenn effect of aldosterone and dexamethasone on Na-K­ ATPase along the rabbit nephron. Pj/ugers Arch 198 3; 399 : 147 -51 .

8 . Fannan N, Kusch M, Edelman IS. Aldoste­ rone receptor occupancy and sodium transport in the urinary bladder of Bufo marinus. Am J Phy­ sio/ 1978 ; 2 35 : C 9o-6.

9· Geering K, Claire M, Gaeggeler HP, Rossier BC. Receptor occupancy vs induction of Na + K + ATPase and Na+ transport by aldosterone. Am J Physio/ 198 5; 248 : C 102-8 . 10. Fannan N, Manillier C, Bonvalet JP. Autora­ diographie study of nuclear localization of aldos­ terone binding sites in intact renal cells: lack of temperature dcpendency.J Suroid Biochem 1984 ; 2o : s8 s-g3.

1 1. Martin PM, Sheridan PJ. Towards a new model for the mechanism of action of steroids. J Steroid Biochem t982 ; 1 6 : 21 5-2 9.

dans sa nature, migrer dans le noyau pour interagir avec la chromatine. Cette << translocation nucléaire ))

serait thermodépendante et ne se produirait pas à froid (4 °C}, les complexes hormone-récepteur s'ac­ cumulant alors dans le cytoplasme. Des interrogations sur l'exactitude de ce schéma ont été soulevées par des résultats plus récents d'autora­ diographie d'aldostérone tritiée sur des cellules-cibles intactes mon­ trant, même à froid, une liaison nucléaire spécifique quasi-exclusive à des temps - d'application de l'hormone, pour lesquels les expé­ riences biochimiques indiquent _une prédominance cytoplasmique de la liaison [10]. Des résultats analogues ont été obtenus avec d'autres hormones stéroïdes dans d'autres tissus [1 1]. Dans ce cas, les auteurs attribuent la dissociation entre résultats biochimiques et autoradio­ graphiques à une redistribution des complexes hormone-récepteur du compartiment nucléaire vers le com­ partiment cytoplasmique, survenant au cours des étapes de fractionne­ ment cellulaire préalables aux mesu­ res biochimiques. Enfin, l'utilisation d'anticorps monoclonaux dirigés contre les récepteurs d'autres hormones stéroïdes a permis de montrer, soit une localisation exclu­ sivement nucléaire des récepteurs (œstrogènes) [12], soit une localisa­ tion nucléaire et cytoplasmique (glucocorticoïdes) [13]. La question de la répartition intracellulaire des récepteurs des hormones stéroïdes reste donc posée [14] (figure 4. p. précédente) .

Les protéines effectrices de l'aldo­

stérone : l'aldostérone, à l'image

d'autres stéroïdes, contrôle l'expres­ sion de plusieurs gènes, soit en les activant, soit en les réprimant à un niveau transcriptionnel ou post­ transcriptionnel. Le nombre de gènes spécifiquement contrôlés par l'aldostérone n'est pas connu avec précision. Une estimation raisonna­ ble donne environ 1 % des gènes activables ou réprimables sous le contrôle minéralocorticoïde. Cela pourrait représenter 100 à 6oo pro­ téines différentes [ 1 s]. Ces protéines forment ce que l'on appelle un do­ maine hormonal. La technique utili­ sée pour déterminer le domaine hor­ monal des hormones stéroïdes est

celle du marquage des protéines cel­ lulaires totales par un précurseur ra­ dioactif (en général la méthio­ nine 35S) et de l'analyse des pro­ duits marqtH�S stJr un gel à deux dimensions permettant de résoudre 1 ooo à 3 ooo protéines différentes en une seule fois. Sur la portion de gel montrée sur la figure s. on peut reconnaître trois protéines induites (cerclées) et deux protéines répri­ mées (fléchées) par l'aldostérone. Malgré les difficultés dues au grand nombre de protéines impliquées, dont les fonctions cellulaires préci­ ses sont inconnues, il est raisonnable de travailler sur un modèle plausible illustré dans la figure 6. On pourrait classer ainsi les protéines en deux catégories : les premières seraient impliquées dans la voie constitutive du transport de sodium et pour­ raient jouer un rôle au niveau de trois sites-clés de la cellule, la membrane apicale, où se trouve le canal au sodium, sensible à l'amilo­ ride; la membrane basale, siège de la pompe à sodium sensible à l'ou­ abaïne, et l'appareil jonctionnel qui contrôle la fuite de sodium vers l'es­ pace urinaire. Les secondes protéi­ nes interviendraient au niveau d'une voie régulatrice impliquant des réactions biochimiques telles que phosphorylation, déphosphoryla­ tion, acylation, transméthylation, qui peuvent moduler la voie consti­ tutive en modifiant l'insertion ou l'expression du canal au sodium dans la membrane apicale, l'inser­ tion ou l'expression de la pompe à sodium dans la membrane basolaté­ rale, ou encore la production d'ATP qui peut constituer, à son tour, un facteur limitant pour le fonctionne­ ment de la pompe ou du canal au sodium.

La membrane apicale : des ap­

proches méthodologiques fort différentes ont permis de montrer clairement que l'aldostérone modifie la perméabilité au sodium de la membrane apicale. C'est certaine­ ment un effet majeur durant la réponse précoce à l'aldostérone. De nombreux arguments indiquent que, plutôt que la synthèse de nou­ veaux canaux, ce serait l'expression de ces canaux à la surface de la cel­ lule qui serait impliquée.

(6)

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Figure 5. Analyse des protéines synthétisées dans une cellule cible de l 'aldostérone (cellule épithéliale de la vessie urinaire du crapaud Bufo marinus).

Les protéines des cellules stimulées pendant 18h par l'aldostérone (8) sont comparées à celles d'une cellule non stimulée (A). Les protéines ont été séparées selon leur point isoélectrique (IEF, 1'" dimension), puis selon leur poids moléculaire (SOS-PA GE, 2• dimension) . Les protéines marquées à la méthionine radioactive (35S) sont révélées par autoradiographie. Une augmentation de l'intensité d'une tache correspond à une induction, une diminution à une répression. Trois protéines (cerclées) sont induites par l'aldostérone (PIA), alors que deux autres (flèche triangulaire) sont réprimées (PRA). La majorité des protéines n 'est pas modifiée par le traitement à l'aldostérone.

rapidement et spécifiquement à son niveau normal l'activité enzymati­ que de la Na-K-ATPase dans le tubule collecteur cortical des mam­ miferes surrénalectomisés. Chez l'amphibien, on a pu mettre en évi­ dence une augmentation de syn­ thèse de l'enzyme (2 à 3 fois) à des concentrations physiologiques d'aldostérone [16], mais on ne sait pas encore quelle est l'importance réelle de cette induction sur l'effet physiologique de l'aldostérone, c'est-à-dire sur la réabsorption de sodium. Il en va de même pour l'augmentation de l'activité enzyma­ tique observée chez le mammifère. Il est cependant vraisemblable que l'aldostérone augmente finalement la quantité d'enzyme active au niveau de la membrane basolatérale de la cellule épithéliale par un dou­ ble mécanisme : augmentation de la vitesse de la synthèse et de l'accu­ mulation de l'enzyme d'une part, activation de pompes inactives d'au­ tre part, l'ensemble concourant à augmenter la capacité de cette

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/membrane basolatérale

active inactive

-1.3,5 voies constitutives

-2,4,6 voies régulatrices

Figure 6. Mécanisme d 'action de l'aldostérone : un modèle. Une cellule épithéliale est r�pré_pentée schématiquement avec ses deux domaines membranaires : la memfJrdhe apicale séparée de la membrane basolatérale par l'appareil jonctionnel. L 'aldostérone (A) passe à travers la membrane basolatérale et se lie à un récepteur (R) pour former un complexe (AR) qui se lie à des sites spécifiques du génome. Cette interaction conduit à l'accumulation d'ARN messagers qui sont transportés dans le cytoplasme et traduits en protéines (PIA : protéines induites par l'aldostérone) ou à la répression d'autres protéines (PRA : protéines réprimées par l'aldostérone) (voir texte pour explication).

(7)

1 92

RÉHRENCEs·

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Dumont JE, Hamprecht B, Nunez J, cds. Horm_o­ nes and Cel/ Regulation. Amsterdam : Elsevier Science Publications 1 985 ; 9 : 20 9-25 .

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17. Rossier BC, Gecring K, Krachcnbühl JP. Mechanism of action of aldosterone: role of Na­ K-ATPase. In: Robinson RR, ed. Nephrology

(/). New York: Springer-Verlag, 1984 : 3 88 -96.

membrane à pomper le sodium hors de la cellule.

L'appareil jonctionnel : cette ques­

tion a encore été très peu étudiée, mais il est possible que l'aldostérone augmente la résistance électrique des jonctions serrées (<1 tight june­

tians 1>) et, par conséquent, pré­ vienne la fuite du sodium vers l'es­ pace unna1rc.

La synthèse de ,P;otéines, mito­ chondriales : il a ete suggeré que

l'aldostérone induisait la citrate syn­ thase, une enzyme-clé du métabo­ lisme mitochondrial, conduisant ainsi à une augmentation modérée de la production d'ATP, cc qui pourrait constituer un facteur limi­ tant pour l'activité de J'ATPase ou encore un modulateur de la perméabilité apicale au sodium. Toutefois, des études récentes mon­ trent qu'il ne s'agit peut-être que d'un effet permissif puisque, dans certaines situations expérimentales, on peut observer une réponse miné­ ralocorticoïde parfaitement normale sans induction de citrate synthase. Au total, il apparaît que l'aldosté­ rone induit une réponse très complexe [17]. Il est probable que les protéines cibles de l'action de l'hormone soient le canal au sodium sensible à l'amiloride dans la mem­ brane apicale, la pompe à sodium sensible à l'ouabaïne dans la mem­ brane basolatérale, et peut-être les protéines de l'appareil jonctionnel.

1

Conclusion

Si les mécanismes physiologiques de l'action de l'aldostérone ne sont pas encore entièrement élucidés, il n'est pas surprenant de constater notre grande ignorance en ce qui concerne Je mécanisme moléculaire. La caractérisation récente de la pompe à sodium en terme molécu­ laire, qui devrait être suivie pro­ chainement de celle du canal au so­ dium sensible à l'amiloride, va cer­ tainement permettre de faire progresser nos connaissances dans le domaine des mécanismes d'action. A l'aide de ces outils, la localisation précise de l'action de l'aldostérone le long du néphron pourra être affi­ née. C'est à ce prix qu'on pourra se faire finalement une idée précise du fonctionnement intégré du rein, ei:, partant, de sa régulation �

Summary

Aldosterone acts mainly in the terminal parts of the nephron. Its specifie binding to intracellu­ lar receptors has been locali�ed in the distal and collectmg tubule and, to a lesser extent, in the loop of Henle. 1 ts action consists essentially in promoting sodium reabsorption. Potassium and hydrogcn ion excretion may be also under aldosterone control. The collecting tubule is considercd as the principal tar­ get segment for the hormone. The cellular mechanism of action of aldosterone consists in binding to at lcast two classes of receptors, which interact. with chromatin, to modulate RNA and protein synthesis (induction or repression). Among a wide range of modulated proteins, the sodium pump ATPase has been shawn to be spccifically induced by aldosterone. The hormone also acts on the sodium channel at the apical membrane, and may influence protcins of the tight junctions and mitochon­ drial enzymes.

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N. Farman : Ins�rm U 246 , Dépt. Biologie­

SBCe, CEN Saclay, 9n91 Gif-sur-Yvette

Cedex.

Références

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