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L’acide acétylsalicylique : l’aspirinepar Jeanne QUENTINLycée Saint-Just - 69005 Lyon

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L’acide acétylsalicylique : l’aspirine

par Jeanne QUENTIN Lycée Saint-Just - 69005 Lyon

1. HISTORIQUE : DU SAULE À L’ASPIRINE

Avec une production annuelle de quatre-vingts milliards de com- primés, l’aspirine est aujourd’hui le médicament le plus vendu dans le monde [1].

Il est utilisé comme analgésique, anti-inflammatoire et antipyréti- que. Il est prescrit sous différentes formes : en poudre, en cachets, en capsules, ou combiné dans de nombreuses formulations. Il est disponi- ble en pharmacie, dans les grandes surfaces et même dans les stations-service dans de nombreux pays.

Le marché est aujourd’hui considéré comme pratiquement mature, mais il n’est pas impossible que de nouvelles vertus, pour ce produit, soient encore à découvrir. On parle, par exemple, d’effets sur la prévention des attaques cardiaques, ou le traitement de l’artériosclérose.

Des études complémentaires sont en cours pour confirmer ces résultats [2].

L’antiquité connaissait déjà les vertus du saule (salix, salicis en latin) [3] dont l’écorce, les feuilles et les chatons étaient utilisés dès le premier siècle selon Dioscoride.

Beaucoup plus tard, le 2 juin 1763, l’anglais Stone expose devant la Royal Society les vertus de la tisane d’écorces de saule dans le traitement des fièvres [1].

En 1828, Johann Büchner identifie et isole le principe actif, la salicine qui est le salicylate de glucose.

On découvrit d’autres plantes riches en composés salicylés. Karl Löwig en 1835 réussit à extraire de la reine des prés (spirea ulmaria) l’acide salicylique qu’il nomma «spirsaüre». Parallèlement, la recher-

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che chimique progressait et des voies d’accès purement synthétiques apparaissaient.

En 1860, Hermann Kolbe [3] synthétise l’acide salicylique à partir du phénate de sodium et du dioxyde de carbone.

En 1874, Friedrich von Heiden, un élève de Kolbe ouvrit à Dresde la première usine et réduisit le coût de fabrication par dix.

A cette époque, le produit s’applique souvent sous forme de salicylate de sodium au rhumatisme articulaire dont il atténue les douleurs.

Dans le même temps en 1853, un alsacien Ch. Gerhardt [4]

déclare avoir obtenu l’acide acétylsalicylique par action du chlorure d’éthanoyle sur le sel de sodium de l’acide salicylique. Un peu plus tard en 1868, l’Allemand K. Kraut [5] décrit l’acétylation directe de l’acide salicylique par le chlorure d’éthanoyle. Ni l’un ni l’autre n’avait pressenti les vertus pharmaceutiques de ce nouveau produit. Ils avaient, dit-on, sacrifié à une mode qui régnait à l’époque dans le monde de la recherche universitaire et qui consistait à pratiquer des acétylations sur la plupart des composés hydroxylés.

C’est une trentaine d’années plus tard que l’aspirine vit réellement le jour en tant que futur grand produit industriel.

En 1898, Felix Hoffman, chimiste à la Farbenfabriken d’Elber- feld (ancienne dénomination de la société allemande Bayer) eut l’idée de remplacer, dans le traitement que son père suivait, le salicylate de sodium par l’acide acétylsalicylique. Ce nouveau produit s’avéra nettement plus efficace et mieux toléré.

Hoffman mit alors au point un procédé d’acétylation plus facile- ment industrialisable, par action de l’anhydre acétique sur l’acide salicylique. La société Bayer introduisit ce nouveau médicament sur le marché en février 1899 sous le nom d’aspirine.

On trouve deux origines possibles à ce nom :

– de «a» privatif et «spiraea» nom latin de la reine des prés (pour signifier l’origine synthétique du produit),

– de «a» pour acétyl et «spirsaüre» nom allemand de l’acide salicylique qui vient lui-même de spiraea.

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Curieusement la consultation des tables de brevets français et allemands n’a pas permis d’identifier des correspondants dans ces pays.

La demande aurait été refusée par l’office allemand et le brevet n’aurait jamais été délivré dans le pays d’origine de l’aspirine.

La première publication de brevet serait donc le texte américain U.S. 644077 déposé le 1er août 1898 au nom d’Hoffman représentant la Farbenfabriken of Elberfeld (Bayer).

Quelques années plus tard en 1908, la société des Usines du Rhône (la future Rhône-Poulenc) profitant vraisemblablement de cette lacune en matière de propriété industrielle entreprit la fabrication et la commercialisation de ce même produit sous le nom de «Rhodine» [8].

Ce n’est qu’en 1919 que cette société française eut le droit au titre de dommages de guerre d’utiliser l’appellation «aspirine». Cette marque qui, à l’époque, fut déposée dans beaucoup de pays est aujourd’hui acceptée comme nom générique synonyme d’acide acétyl- salicylique.

2. SYNTHÈSE DE L’ASPIRINE

La méthode utilisée est celle décrite par Hoffman.

2.1 Principe de la réaction

Figure 1

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2.2. Le matériel

– Un bain thermostaté.

– Un thermomètre.

– Un réfrigérant à reflux.

– Un ballon de 250 ml.

– Un bêcher de 100 ml.

– Une éprouvette graduée de 50 ml.

– Une éprouvette graduée de 100 ml.

– Une pipette droite de 10 ml.

– Une propipette.

– Un compte-gouttes.

– Un agitateur en verre.

– Une balance.

– Du papier filtre.

– Un système de filtration sous vide.

2.3. Les produits

a - La liste – Acide salicylique.

– Anhydre acétique.

– Acide sulfurique concentré.

– Éthanol.

– Eau distillée.

– Chlorure de fer III en solution aqueuse.

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b - Les propriétés des principaux produits

Tableau 1

L’acide salicylique

La molécule possède une fonction phénol. En présence d’ions Fe3+ il y a apparition d’une coloration violette due à la formation d’un ion complexe de type [Fe(OR)4] [9, 11].

R dans ce cas correspond à :

Figure 2

La coloration a pour origine un transfert de charges à l’intérieur de l’ion complexe [Fe(OR)4], favorisé par la nature aromatique de R.

Le solvant utilisé est l’eau ; certains solvants comme le chloro- forme, le tétrachlorure de carbone ne permettent pas de mettre en évidence la coloration violette. En revanche, d’autres solvants donne- ront des couleurs différentes (rouge dans l’acétate d’éthyle). Les couleurs dépendent donc du solvant utilisé (tableau 2).

Noms Formules M

(g/mol) θf (°C)

θeb

(°C) d Solubilité

Acide salicylique

(cristaux) 138 157

Eau : 2 g/l Alcool : très soluble.

Anhydre acétique

(liquide) 102 – 73 137 1.08 Eau : très soluble

Alcool : soluble

Acide

acétylsalicylique (paillettes ou aiguilles)

180 pas net décomp.

Eau : peu soluble Alcool : soluble

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Remarque : Si le radical R est aliphatique, la coloration violette n’apparaît pas.

Solvant Couleur du complexe Couleur des Fe3+

en solution

Eau Rouge-violet Jaune

Éthanol Violet Jaune

Cyclohexanol Rouge Jaune

Acétate d’éthyle Rouge Jaune

Acétone Rouge-violet Jaune

Éther Rouge-orangé Jaune

Aniline Rouge Rouge-brun

Ammoniaque Rouge Rouge-brun

Tableau 2 : Effets des solvants sur la couleur des ions complexes [Fe(OR)4].

La caractérisation de la fonction phénol par cette méthode est connue depuis plus d’un siècle. Elle est simple et rapide ; elle sera utilisée pour caractériser le produit formé au cours de la synthèse proposée dans le paragraphe (2.4).

L’anhydride acétique

C’est un liquide incolore très réfringent à forte odeur acétique.

Industriellement, il est beaucoup plus utilisé comme agent d’acétylation que le chlorure d’acétyle.

L’acide acétylsalicylique

L’aspirine est un médicament hormonopoïetique provoquant l’hy- persécrétion des hydroxy-17 corticostéroïdes par stimulation de l’axe hypothalamus-hypophyse-cortex surrénal. Analgésique, anti-infectieux, anti-rhumatismal. On peut en prendre jusqu’à 6 g par jour (dose de tolérance pour un adulte). Il s’hydrolyse lentement pour donner de l’acide salicylique et de l’acide acétique. Il ne présente pas de point de fusion bien défini. Les valeurs trouvées dans la littérature varient de 133 à 141°C [12, 13, 14, 15], fusion et décomposition étant difficile- ment dissociables.

En analyse thermique différentielle (vitesse de montée en tempéra- ture de 10°C par minute, sous atmosphère d’azote), on observe avec le produit préparé un pic endothermique à 139°C. Avec le produit de

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référence provenant du laboratoire Aldrich, le pic se situe à 137°C. (le catalogue donne 138-140°C, l’étiquette du flacon 140-142°C).

Au refroidissement, en n’ayant pas dépassé 137°C au chauffage il n’apparaît pas de pic exothermique net caractéristique d’une cristalli- sation, ce qui tendrait à supposer que le produit s’est partiellement décomposé.

En conséquence, nous admettrons qu’un point de fusion observé sur le banc de Kofler n’est pas très significatif.

2.4. Préparation du produit brut

a - Le montage

Figure 3

b - Obtention du produit brut

Dans un ballon de 250 cm3 muni d’un réfrigérant à reflux : – introduire :

Acide salicylique 5 g 3.6 10– 2 mol

Anhydride acétique 7 cm3 7.4 10– 2 mol

Acide sulfurique concentré 2 ou 3 gouttes

Tableau 3

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– bien agiter,

– chauffer au bain thermostaté entre 50 et 60°C pendant vingt minutes, – laisser refroidir en agitant de temps en temps,

– ajouter 75 cm3 d’eau froide,

– bien agiter, au bout de quelques minutes l’aspirine précipite, – filtrer sous vide, essorer, sécher.

c - Purification par recristallisation

– Dissoudre la totalité du produit brut dans 15 cm3 d’éthanol au bain-marie (60-70°C).

– Ajouter 38 cm3 d’eau chaude à 80°C.

– Laisser refroidir jusqu’à obtention de paillettes ou d’aiguilles.

– Filtrer sur büchner en tirant à la trompe à eau.

– Rincer avec de l’eau glacée.

– Sécher entre deux feuilles de papier filtre ou à l’étuve à 60°C.

– Peser la totalité du produit sec obtenu.

Cette masse nous permettra de calculer le rendement de la réaction.

3. CARACTÉRISATION DU PRODUIT OBTENU

Un test caractéristique de la fonction phénol met en évidence la présence ou l’absence de cette fonction dans le produit étudié.

Par acétylation de l’acide salicylique la fonction phénol disparaît.

L’aspirine doit donc donner une réponse négative à ce test.

Saponifions l’acide acétylsalicylique par de la soude, la fonction phénol se reforme. Le test aux ions Fe3+ doit être positif. On aura ainsi caractérisé le produit obtenu ou tout au moins ces observations seront cohérentes avec la structure attendue.

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Formules

Figure 4

Figure 5

La fonction phénol réapparaît.

Réalisons les expériences suivantes Expérience I

Eau + éthanol + solution aqueuse de Fe3+ 3Cl. La solution reste orangée.

Le complexe [Fe(OR)4] possède un radical R aliphatique : la coloration violette n’apparaît pas.

(R–= C2H5).

Expérience II

Eau + phénol + solution aqueuse de Fe3+ 3Cl. La solution devient violette.

Le complexe [Fe(OR)4] possède un radical R aromatique : la coloration violette apparaît.

(R– = C6H5).

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Expérience III

Eau + acide salicylique + solution aqueuse de Fe3+ 3Cl.

La solution devient violette.

R – = C6H4(CO2H) –

 .

L’acide salicylique possède une fonction phénol.

Expérience IV

Eau + acide acétylsalicylique + solution aqueuse de Fe3+ 3Cl.

La solution reste orangée.

La fonction phénol a disparu.

Expérience V

Une pointe de spatule d’aspirine + 5 cm3 de soude à 1 mol/l.

On chauffe pendant quelques minutes.

On verse ensuite le contenu du tube à essais dans un bêcher. On ramène le pH de la solution aux environs de 5-6 en ajoutant de l’acide chlorhydrique à 5 mol.L 1 ; on ajoute la solution de chlorure ferrique.

La solution devient violette.

La saponification de l’ester nous a permis de retrouver la fonction phénol, donc le complexe [Fe(OR)4] coloré.

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En conséquence, nous pouvons dire que le test au chlorure ferrique permet de caractériser facilement et rapidement la fonction phénol, même si le noyau aromatique est substitué.

Nous pouvons affirmer, comme d’ailleurs l’avait fait Hoffman en 1898, que le produit préparé est réellement l’acide acétylsalicylique.

4. CONCLUSION

L’étude que nous venons de faire peut être riche en enseignements si elle est proposée à des élèves de terminale.

Nous avons préparé, purifié, caractérisé un produit très utilisé dans la vie de tous les jours.

Au cours des différentes étapes, nous nous sommes familiarisés avec des notions simples de chimie organique : l’estérification et la saponification. Nous avons caractérisé les groupes fonctionnels et étudié leurs propriétés, vu ce qu’était un noyau aromatique, discuté de la notion de complexe métallique coloré.

Nous avons eu l’occasion de chercher la signification de certains termes plus connus des biologistes et des médecins que des chimistes (analgésique, antipyrétique...).

Des questions de propriété industrielle ont également été évoquées.

L’aspirine peut aussi être le point de départ d’autres manipulations : – c’est un acide faible, on pourra donc le doser par de la soude diluée et froide,

– il possède une fonction ester, on pourra déterminer son indice de saponification [16] c’est-à-dire le nombre de mg de potasse nécessaire pour saponifier 1 g de cet ester [16].

Ce produit est intéressant comme remède mais aussi sur le plan pédagogique. Il est donc le bienvenu dans notre enseignement de terminale.

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BIBLIOGRAPHIE

[1] Science et Avenir, numéro spécial 70

[2] Encyclopedia of Chemical Technology, Kirk-Othmer, p. 519-524.

[3] Liebig Annalen der Chimie, H. KÖLBE, 115, 157, 1860.

[4] Liebig Annalen der Chimie, Ch. GERHARDT, 87, 162, 1853.

[5] Liebig Annalen der Chimie, K. KRAUT, 150, 10, 1868.

[6] Grand Larousse Encyclopédique, Ed. 1964, vol. 1 et 9.

[7] Réponse DPSE/R-4259 de l’INPI, R. ILCINKAS, M. LAVÉ. [8] Affiche publicitaire de l’époque (voir annexe).

[9] Inorganic Chemistry, COTTON-WILKINSON, p. 718.

[10] J.Am.Chem.Soc., W.-R. BRODE, 56,1037-1042, 1934.

[11] J.Am.Chem.Soc., S.-A. KOCH, 104, 5255, 1982.

[12] Practical Organic Chemistry, A.-I. VOGEL, Longmans, Green and Co., chap. IX.

[13] Beilstein, p. 67, vol. X.

[14] Merck Index, onzième édition, p. 30, Centennial Ed.

[15] Dictionnary of Organic Compounds, vol. I.

[16] Travaux pratiques de Chimie, M. GARRIC, Dunod, Paris 1964.

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Annexe

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