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OBJET FRACTAL ET HYPERTEXTE, FONCTIONNEMENT DU NOM

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01423253

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01423253

Preprint submitted on 7 Jan 2017

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OBJET FRACTAL ET HYPERTEXTE,

FONCTIONNEMENT DU NOM

Yasmine Soilihy

To cite this version:

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OBJET FRACTAL ET HYPERTEXTE, FONCTIONNEMENT DU NOM

YASMINE Soilihy

Résumé :

De la connotation à l’intertextualité, en passant par l’isotopie, les théories littéraires ne parviennent pas à faire la jonction entre le lu et le vécu ; l’œuvre en tant qu’objet d’art se présentant comme un monde clos est vue seulement comme un exercice de style à partir duquel les critiques louent ou blâment l’auteur selon le goût du jour. Dans cet article, en se basant sur le fait que la logique narrative fait naître le récit à partir d’un manque ; nous allons soutenir que la mission de l’œuvre est de nous projeter dans un monde du possible comme liquidation du manque. L’œuvre est donc une articulation entre le lu et le vécu.

Ainsi, le lu est une dénonciation du vécu ; dès lors, il faut entendre par hypertexte cette projection du texte sur le vécu et l’outil méthodologique qui va permettre d’analyser cette articulation est le fractal au-delà de la structure stochastique.

Mots clés : nomination, signe, trope, sémiotique, isotopie, illocution, hypertexte, objet fractal.

Summary:

The connotation to the intertextuality, through the isotopy, literary theories fail to make the junction between the read and the experience; the work as an object of art posing as a closed world is seen only as an exercise in style from which critics praise or blame the author according to the taste of the day. In this article, based on the fact that the narrative logic create the story from a lack; we will support the mission of the work is to project ourselves into a world of possible as liquidation of lack. The work is a joint between the read and the experience. For example, the read is a denunciation of the experience;

Therefore, it means Hypertext is this projection of the text on the experiences and methodological tool that will allow to analyze this joint is the fractal beyond the stochastic structure.

Key words: appointment, sign, trope, semiotic, isotopy, illocution, hypertext, fractal object

OBJET FRACTAL ET HYPERTEXTE, FONCTIONNEMENT DU NOM

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dans notre environnement extralinguistique. Par exemple, un habillement peut connoter la richesse ou la pauvreté de celui ou de celle qui la porte.

Nous allons commencer par expliquer le projet sémiotique de SAUSSURE (1982 [1972]). Fonctionnant d’abord d’une manière binaire, il émerge avec l’association indissoluble du signifiant et du signifié. Le signifiant est la matérialité du signe, il est une forme sonore. Tandis que le signifié a une dimension plutôt conceptuelle, car il relève du sens. De cette combinaison du signifiant et du signifié découle alors le signe, et ce dernier dénote un référent extralinguistique. Dans cette perspective, SAUSSURE parle du signe comme :

« Une entité double qui unit non une chose et un nom mais un concept et une image acoustique » (CURNUEJOLS, 2001, p. 22) Cf. (SAUSSURE, 1982 [1972], p. 98)

Cette conception génère ce que nous appelons ici « signification verticale », parce que le signe ainsi construit sert à désigner un objet du monde, sert à réaliser une dénotation. Nous avons emprunté cette terminologie à RIFFATERRE :

Toutes reposent sur un même critère : on juge des mots en fonction des choses, du texte par comparaison avec la réalité. C’est-à-dire que l’interprétation est orientée selon l’axe vertical qui définit les relations entre le signe et le représenté, l’axe qui joint le signifiant au signifié et au réfèrent. Cet axe vertical1 étant celui de la signification normale, on a donc ce paradoxe d’une exégèse qui constate que le poème signifie de façon anormale, mais qui n’en cherche pas moins l’explication de l’anomalie dans la direction de la norme. (RIFFATERRE, 1979, p. 29)

Ce qui revient à dire que la théorie du signe saussurien s’engage dans la signification verticale et de la sorte traite le langage comme une tautologie du réel. Cette conception fait obstacle à l’analyse littéraire dans laquelle, comme le signale à l’instant RIFFATERRE, on confronte de manière verticale, c’est-à-dire, de manière directe à la réalité. L’inconvénient majeur de la signification verticale est cette nécessité d’existence qui éliminerait de la littérature les œuvres de fiction comme les mythes qui sont nos premières littératures. « Centaure » et « minotaure » sont des signes linguistiques dont la référence n’existe pas.

Dans la langue, cette signification verticale démontre en effet que le signifié se trouve derrière le signifiant, autrement dit, le signifiant se place au-dessus du signifié. On ne peut pas atteindre le signifié sans le signifiant.C’est l’une des deux formes de significations linguistiques, mettant en exergue la langue en tant que tautologie du réel.

Il semble alors indispensable de maintenir le lien entre le langage et la réalité. C’est ce lien que le concept de signe saussurien met en perspective puisque le signe doit être le signe de quelque chose d’autre qu’il a pour mission de représenter permettant justement de parler de la chose absente. Ce qu’on reproche habituellement à SAUSSURE est que sathéorie

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fait fi de la référence. Elle se limite uniquement à la dimension dyadique du signe linguistique. Le fait d’exclure cette référence dans la démarche adoptée par le linguiste nous paraît paradoxal, dans le sens qu’il revendique également l’arbitraire du signe.

Cependant, afin de faire valoir ce caractère arbitraire, il a quand-même décidé d’introduire le référent. Mais en tant que ce troisième terme ne fait pas partie du signe biface établi au départ, il est donc écarté du signe saussurien.

La question de l’arbitraire est au cœur de la différence entre les langues sur l’hypothèse de la variation des signifiants pour le même signifié dans des langues différentes. Mais cette hypothèse ne résiste pas à la notion de relativité linguistique appelée depuis « thèse Sapir-Whorf » des noms de leurs auteurs. On peut résumer la relativité linguistique par le fait qu’une langue a plus de signes qu’une autre pour désigner le même référent. Même au sein d’une même langue, on s’aperçoit qu’une communauté d’éleveurs a plus de signes pour désigner les zébus qu’une communauté de pêcheurs et inversement pour désigner les poissons.

La thèse d’un signifié stable vole ainsi en éclat et, justement, BENVENISTE (1982 [1966], p. 52)réfute le lien arbitraire du signifiant et du signifié proposé par SAUSSURE, c’est plutôt la relation entre le signe et le référent qui est considéré pour lui comme arbitraire. Ainsi, en parlant de cette référence, la linguistique de SAUSSURE s’oriente de plus en plus vers la différence entre la signification (toujours cette union du signifiant et du signifié) et la fonction référentielle (qui relève de la dénotation). De ce point de vue, une linguistique nommée dénotative apparaît et elle se caractérise par sa tendance à imiter le monde. C’est ce que l’on appelle habituellement « signe tautologique ».

Autrement dit, le langage comme tautologie du réel n’est pas soutenable. En effet, à peu près vers la même période où le linguiste genevois a conçu la linguistique structurale dans laquelle il conçoit la sémiologie comme l’étude de la vie des signes au sein de la société (SAUSSURE, 1982 [1972], p. 33) ; l’Américain PEIRCE (1839-1914) introduit à son tour sa sémiotique. Son mécanisme diffère de celui de son aîné, car chez lui, le signe linguistique fonctionne comme une triade. Et elle se fonde sur la présence indispensablede trois éléments indécomposables : le représentamen, l’objet, et l’interprétant. Pour lui, le signe est un premier qui renvoie au second par l’intermédiaire d’un troisième. Ce qui constitue l’écart entre la théorie de SAUSSURE et de PEIRCE est justement l’apparition de ce troisième élément appelé : interprétant, qui met en évidence le pouvoir pour un signe de renvoyer à d’autres signes. PEIRCE envisage donc la fonction logique de la sémiotique en démontrant que le signe n’est signe d’une chose que pour un interprétant. Par exemple, si le premier est 1, le second peut être 2, alors le troisième établira la règle qui relie 1 et 2, donnera 3 et ainsi de suite indéfiniment, nous aurons la suite arithmétique de raison n+1. Citons ce passage pour mettre en lumière cette triade interprétative de PEIRCE :

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L’interprétant joue un rôle fondamental dans l’édifice sémiotique peircien, car il tient le nœud entre le représentamen qui n’est autre que le signe matériel et l’objet dénoté par ce signe. C’est à travers cette dynamique de l’interprétant que nous pouvons aussi aboutir à la signification horizontale qui débouche vers la sémiosis de l’évocation ; mais il faut noter aussi que cette dernière n’a rien à voir avec la connotation. L’explication horizontale se définit comme le rapport de chose à choses. Ceci dit, un signe n’est jamais isolé, il est une chose entre autres et il peut renvoyer à d’autres choses. On peut dire encore que les choses nommées par des signes deviennent à leur tour des signes, et peuvent renvoyer à d’autres choses. D’où on parle de sémiosis. Cette dernière se comprend comme un parcours d’évocations dénué de toute convention. Ce qui fait qu’un signe renvoie toujours à d’autres signes, et ainsi de suite indéfiniment, parce que l’interprétation n’est jamais finie. Tout en souscrivant à cette remarque sur l’axe horizontal, WITTGENSTEIN atteste que :

(…), nous ne pouvons imaginer aucun objet en dehors de la possibilité de sa connexion avec d’autres objets (2.0121) (WITGENSTEIN, 1961, p. 30)

Ainsi, c’est cette connexion de chose à choses qui signe la valeur interprétative. Pourtant, la connaissance de l’objet dans sa nature dénotative s’avère très importante pour pouvoir effectuer le renvoi. Ceci dit, on ne doit pas négliger la dénotation, bien qu’elle soit impuissante devant les armes que nous fournit la lecture horizontale. Au contraire, la signification dénotative nous aide à faire valoir la référence de signe à signes. C’est pourquoi qu’il est affirmé que :

Lorsque je connais l’objet, je connais également l’ensemble des possibilités de son occurrence dans des états de choses. (Ibid.pp. 30-31)

Le fait nouveau que nous devons mettre en évidence dans cet article est le principe d’isomorphisme entre les mots et les choses. C’est-à-dire que selon la sémiotique triadique ou la signification horizontale, un objet réel, ou un objet peint dans un tableau, ou encore raconté dans un récit déclenchent le même parcours d’évocations.

L’avantage saute aux yeux, il n’est plus question de nécessité d’existence, mais que la structure du système de renvois dans l’œuvre devient une structure fractale et c’est de la sorte que l’œuvre peut renvoyer – de manière indirecte – à la vie des signes au sein du social. Ainsi, pour reprendre l’exemple de signe sans référence à l’instant, on s’aperçoit que le minotaure – bien qu’il n’a pas d’existence physique – renvoie au parjure du roi Minos qui refusa de sacrifier son plus beau taureau à Zeus qui pour le punir a fait tomber Pasiphaé, la femme du roi, amoureuse de l’animal, duquel amour est né l’hybride mi-homme mi-taureau que le roi fut obligé d’enfermer dans le labyrinthe pour éviter la honte.

On voit très bien que l’analyse selon la sémiotique dyadique échoue parce que le minotaure n’existe pas alors que dans la sémiotique triadique, malgré cette inexistence, le système de renvois permet de conclure au sein même de la vie des signes dans le social que la violation d’une promesse engendre la honte, la honte entraîne l’enfermement dans un labyrinthe et ainsi de suite indéfiniment.

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assigne au langage son autonomie et qui fait que tout est possible dans l’univers linguistique. On ne parle plus ici de la référence extralinguistique, mais plutôt de système de renvois à d’autres signes. Un principe reconnu par la pragmatique, en ce sens que la dénotation s’avère insuffisante puisqu’elle se contente de la lecture tautologique. Au contraire, c’est une référence de signe à signes que l’énonciation s’évertue à accomplir ; et non pas une référence au réel extralinguistique. Toujours en parlant de l’énonciation, force est de constater qu’elle est un support infaillible à l’interprétation, car pour interpréter un énoncé, il faut avant tout décrire son énonciation qui s’engage dans la voie de la signification horizontale. Cette thèse est validée par le pragmatiste DUCROT quand il affirme :

Interpréter un énoncé, c’est y lire une description de son énonciation. Autrement dit, le sens d’un énoncé est une certaine image de son énonciation, image qui n’est pas l’objet d’un acte d’assertion, d’affirmation, mais qui est, selon l’expression des philosophes anglais du langage, « montrée » : l’énoncé est vu comme attestant que son énonciation a tel ou tel caractère (au sens ou un geste expressif, une mimique, sont compris comme montrant, attestant que leur auteur éprouve telle ou telle émotion. (DUCROT, 1980, p. 30)

Maintenant qu’on vient de tracer le parcours méthodologique du signe, il nous convient de passer à quelques illustrations. Quand on dit que nommer, c’est faire exister (SARTRE, 1998, p. 66) ; il ne s’agit pas de faire apparaître l’objet comme le ferait un magicien, mais de faire apparaître un parcours d’évocations dans lequel le premier mot engendre toutes les conséquences comme le souligne le passage suivant :

Il faut se calmer ; si j’ai des manières rudes, la duchesse est capable, par simple pique de vanité, de le suivre à Belgirate ; et là, ou pendant le voyage, le hasard peut amener un mot qui donnera un nom à ce qu’ils sentent l’un pour l’autre ; et après un instant, toutes les conséquences. (STENDHAL, 1839, pp. 298-299)

Le mot tant redouté ici est le mot « amour » qui déclenchera, selon la signification horizontale, un parcours d’évocations auquel ne pourront pas résister les acteurs de la communication. C’est pour cette raison qu’il existe des tabous linguistiques, la valeur illocutoire des énonciations a pour dessein de nous engager dans le parcours d’évocations.

Afin de convertir les événements du monde en énoncés, il faut qu’il y ait le renvoi de signe à signes. Aussi dans cet article, on va étudier comment la nomination engendre un parcours génératif (connexion entre les signes) en plus de dénoter la chose. Comment la théorie du signe chez PEIRCE se met-elle au service de la nomination ? Et comment les figures de dénomination participent, elles aussi, à la création infinie de signes.

Pour la première illustration, notre choix se porte sur le diamant. Un exemple nous permettant de rendre compte de la manière dont fonctionne la sémiosis de l’évocation, si on la transpose dans l’étude d’une simple nomination. En effet, en se basant à la référence horizontale permise par la triade interprétative de PEIRCE, nous allons nous pencher sur les signes auxquels peuvent renvoyer le nom. C’est ce que nous appelons dans ce travail fonctionnement du nom.

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précieuse, très dure et très brillante. Disons que c’est cela qui se réalise dans la signification verticale.

Mais au niveau de la signification horizontale ou la sémiotique triadique, on s’aperçoit que cette pierre est rare et à cause de cette rareté, elle est un luxe, et le luxe est ce qui échappe à la nécessité, car c’est un refus de la fonctionnalité au profit du jeu de la séduction comme intransitivité. Cette intransitivité qui sert à TODOROV de définir la danse comme quelque chose qui n’est pas orienté vers un but mais pour elle-même, à la différence de la marche, cf. ([1977] 1991, p. 191) ; confère à l’objet du désir une forme de totalité.

C’est ainsi que le diamant devient un bijou, et le bijou sert de parure à la femme par référence au luxe, il s’ensuit que femme et luxe sont une seule et même chose ; si bien que pour marquer cette identité, il n’est que de donner à la femme un diamant.

Dès lors le diamant devient une preuve d’amour en assignant à la femme la qualité de rare et de luxe, puis l’amour aura des fruits : les enfants. Les enfants vont aussi réaliser cette preuve d’amour et ainsi de suite indéfiniment, l’homme fait passer la discontinuité de la vie à l’immortalité comme celle du diamant.

Cet exemple, presque pris au hasard, du fonctionnement du nom permet de mieux comprendre un aspect insoupçonné des textes de la Genèse dont les exégètes n’ont retenu que la transgression et non l’interdit. On peut résumer de la manière suivante notre position à la lumière du fonctionnement, et c’est cela qui justifie également la perspective de l’hypertexte engendré par le fractal.

Si diamant et femme sont une seule et même chose en tant que luxe, on comprend mieux l’asymétrie de la sanction suite à la transgression. En sortant de la condition animale, c’est-à-dire, en prenant conscience d’un interdit ; l’homme se trouve devant le choix de résister ou de succomber. Tout s’éclaire d’un coup, l’homme est condamné au travail, au monde du travail, pour pouvoir jouir du luxe, parce que le luxe n’est pas nécessaire mais est doté d’une puissance de séduction que l’on appelle passion.

En ce qui concerne la femme, puisqu’elle est un luxe, elle déclenche la passion pour elle-même comme tous les bijoux ; et la conséquence de cette passion pour elle est l’enfantement qui prolonge l’existence du passionné au-delà de sa propre mort et ainsi de suite indéfiniment.

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Puisqu’il était dans le premier exemple question d’analogie entre le diamant et la femme, commençons par la métaphore qui est un trope par analogie.

Concernant la définition qu’on peut attribuer à l’appellation de « trope », l’on est embarrassée par deux propositions, car si certains entendent par trope un changement de nomination, d’autres parlent de changement de sens. Mais si tant il est vrai que la langue est une forme et non une substance, on peut dire que dans le trope, il s’agit d’un changement de nomination. En tant que le sens se greffe toujours à la forme, on ne peut pas le saisir indépendamment d’elle. C’est la forme qui véhicule donc le sens. On peut emprunter HJELMSLEV pour fixer cette étroite collaboration entre la forme et le sens :

Le sens devient chaque fois substance d’une forme nouvelle et n’a d’autre existence possible que d’être la substance d’une forme quelconque. (HJELMSLEV, 1968-1971, p. 70)

Si le trope continue toujours à enrichir notre langue, ce n’est pas à cause de son caractère esthétique, résultant de sa dimension rhétorique. Car dans ce cas-là, on ne parle que pour seulement divertir son interlocuteur, c’est-à-dire pour le plaisir d’écouter ou de lire. Ainsi, l’énoncé sera dénué de valeur et manquer à sa mission pragmatique. Or, ce qu’on attend de la langue est tout autre : fonctionner en tant qu’outil de communication. En conséquence, il faut mettre l’accent sur l’énonciation, et non plus sur l’énoncé, car celle-ci est un outil, elle rend hommage à la langue.

Effectivement, l’énonciation définit la valeur illocutoire de l’énoncé. C’est pour cela que le langage réalise des actes qui ne peuvent pas se réaliser d’une autre façon qu’au moyen du langage lui-même. Dans cette visée, la pragmatique intervient pour rendre à la langue sa vertu agissante. Voilà pourquoi, les œuvres des auteurs engagés ne seront pas vaines, car leur discours se penche sur la manière de modifier le monde et d’agir sur celui-ci en disant quelque chose. Quelquefois, c’est à cause de la force illocutoire des textes engagés que l’Etat est souvent perturbé, et déclare la censure de ces textes, afin d’empêcher justement cette force d’agir sur le peuple.

On peut encore élucider la valeur illocutoire de l’énonciation à travers les discours publicitaires. Si les consommateurs sont facilement attirés par un quelconque produit évoqué dans une publicité, c’est grâce aux influences et conséquence qu’exerce sur eux la force illocutoire mise en œuvre par l’énonciation de tel discours. On reconnait bien là la narrativité, qui se comprend comme un acte réalisé par le langage. En revenant au trope, on sait que celui-ci constitue aussi un acte de langage. Notre deuxième illustration vient corroborer la certitude que le trope s’inscrit dans le mouvement de connexion entre signes.

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Une feuille est a priori végétale, mais par analogie de forme, le langage a créé la métaphore « feuille de papier », de là, le verbe métaphorique « feuilleter » un livre a pris naissance ; puis l’action de se dénuder progressivement, pour une femme, est dénommée effeuillage, par analogie à la nudité d’un arbre qui a perdu toutes ses feuilles. Ces exemples n’épuisent pas le parcours d’évocations tropique du fonctionnement du nom, mais ils suffisent ici pour montrer que le fractal est aussi propre à la réduction des isotopies entre des univers différents au point de concevoir une identité entre un feuilleton télévisé et la feuille végétale.

Si dans la métaphore, l’analogie réduit la différence entre deux isotopies différentes, en revanche dans la synecdoque, elle réduit la différence entre éléments du même champ isotopique.

En examinant de près les feuilles réelles, c’est-à-dire les feuilles de différents arbres dans notre environnement, on voit qu’aucune de ces feuilles n’est semblable à l’autre. Il existe des différences individuelles, car chaque feuille possède sa particularité qui fait d’elle différente de l’autre. Mais comme chaque feuille est analogique de l’autre, la nomination « feuille » a pour mission de réduire ces différences pour rendre le monde intelligible et exprimable. Ce mouvement de l’un pour le multiple est appelé synecdoque croissante qui est au cœur de la possibilité du langage. Voici comment TODOROV rend compte de cette synecdoque :

Tout concept naît de l’identification du non identique. Aussi certainement qu’une feuille n’est jamais tout à fait identique à une autre, aussi certainement le concept de feuille a été formé grâce à l’oubli délibéré des différences individuelles, grâce à un oubli des caractéristiques. (TODOROV, "Synecdoques", dans Recherches rhétoriques, Communications,16, 1970, p. 29)

Une fois de plus, l’on remarque que le parcours d’évocations assigne au langage d’être une « construction des objets du monde » pour reprendre ici le titre d’un article de CASSIRER (1969) ; sans la synecdoque, le langage connaîtra une expansion infinie et ne sera susceptible d’aucun apprentissage. Notons aussi que la synecdoque peut fonctionner dans une direction inverse : le tout pour la partie.

Dire que « les étudiants sont paresseux » est certainement faux. C’est une partie des étudiants seulement qui mérite cet adjectif, ainsi la poursuite de la vérité passe par la synecdoque comme parcours d’évocations. De la même manière quand un fermier ordonne de faire rentrer les bêtes, il ne s’agit pas du cas de l’arche de Noé, mais il voulait dire simplement les animaux domestiques dont il a le soin.

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Par ailleurs le verbe « prendre » n’est pas étranger à cette préservation de la face parce qu’il évoque le fait de prendre un repas qui est tout à fait légitime et qui de la sorte semble aussi légitimer le fait de prendre un verre.

Quand on dit que l’Elysée refuse de livrer le Mistral au Kremlin, il s’agit d’une métonymie par évocation des locataires de ces lieux afin d’éviter de personnaliser le pouvoir républicain aux seules caprices de Hollande et de Poutine. Ces illustrations nous apprennent que la sémiosis de l’évocation est très féconde de deux façons. La première, c’est le pouvoir de générer autant de signes possibles, dans un dispositif de création infinie à partir de lexique fini. La deuxième se caractérise par la possibilité d’apparenter des objets du monde sans soumettre à aucune convention. Cette deuxième caractéristique rend intelligible les tropes sans qu’il y ait convention. Par exemple quand le serveur d’un restaurant crie à la ronde : « calmar aux fines herbes », le client qui a passé la commande répond : c’est moi, bien que ce ne soit pas le nom inscrit sur son bulletin de naissance.

L’usage de la métaphore dans le langage est très fréquent. L’exemple suivant en témoigne : actuellement quand on veut parler du meilleur pâtissier au monde, Pierre HERMÉ, on dit : « le Picasso de la pâtisserie ». Nous avons une métaphore in praesentia. On n’apprend rien en informant que PICASSO est une icône de la peinture, d’ailleurs aujourd’hui encore, on le surnomme « le maître de l’art du XXe siècle ». Le domaine de la peinture est très éloigné de celui de la pâtisserie, or ce qui retient notre attention, c’est le pourquoi de ce rapprochement. La réponse est toute simple, car elle résulte de la force illocutoire observée au niveau de ce changement de nomination. D’abord « le Picasso de la pâtisserie » s’entend comme une affirmation ; se déclenche ensuite une seconde force illocutoire qui révèle le génie et l’art du grand pâtissier, comparables à ceux de PICASSO. Sans l’ombre d’un doute, cette énonciation installe dans la conscience de n’importe quel destinataire la reconnaissance du talent du pâtissier, à cause justement du parcours d’évocations que déclenche la nomination.

Tracer la sémiotique de SAUSSURE et de PEIRCE nous a permis de comprendre le fonctionnement du nom dans le langage. On a retenu des applications qu’on vient de faire que la nomination fonctionne sous la houlette du mécanisme de parcours d’évocation. Un mécanisme qui répond à l’obédience de la tradition peircienne sur la triade interprétative, et non sur la linguistique structurale saussurienne qui recommande la lecture tautologique du réel. Notre principale préoccupation est d’introduire dans le domaine de la littérature un nouvel outil, l’objet fractal, pour cela notre travail doit inclure le pragmatisme de PEIRCE. La notion de fractal comme outil permet de faire la jonction entre le lu et le vécu.

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Figure 1: Structure stochastique

Source : personnelle

Diverses raisons nous ont poussée à adopter l’objet fractal dans nos recherches. Premièrement, l’isotopie empruntée à la physique et reprise dans lechamp de la sémiotique par GREIMAS nous sera insuffisante en tant que théorie, car elle fait ses preuves uniquement au niveau de l’espace textuel. Alors que fidèle à notre objectif stipulé ci-dessus, c’est-à-dire, faire de l’œuvre un moyen d’éclairer et d’appréhender notre existence, il nous faut tester un nouvel outil pour cela. Un petit rappel s’impose concernant l’isotopie, on la conçoit comme un mécanisme qui peut concerner tous les niveaux du langage, car d’après RASTIER :

On appelle isotopie toute itération d’une unité linguistique. (RASTIER, 1972, p. 80)

Ce mécanisme d’isotopie est fructueux dans le déchiffrage des textes littéraires du fait que la redondance d’éléments dans un texte semble nécessaire, car elle donne une cohérence au texte. GREIMAS appelle cette cohérence au texte une lecture uniforme du récit, qui ouvre la voie à la compréhension textuelle.

En effet, il existe des sèmes communs dans le discours, et ces sèmes appelés aussi isotopants peuvent se trouver sur plusieurs phrases ou passages qui n’ont aucun lien manifeste. Ceci étant, même face à des poèmes les plus hermétiques, le lecteur en s’appuyant sur l’isotopie découvrira très vite la cohérence du texte. Il faut également admettre, comme cela est suggéré dans ce travail que la lecture tropique n’est possible que par une réduction de l’allotopie en isotopie ; s’exclamer comme DONA Sol « tu es mon lion, superbe et généreux » (HUGO, 1836). L’acte de lecture se réalise par l’interprétation et la réception. Il faut donc accorder de l’importance au lecteur et à la relation de ce dernier avec le texte. Cette question sur le rôle et l’importance du lecteur a préoccupé des hommes de lettres, des intellectuels et des écrivains comme Paul VALERY, Maurice BLANCHOT, Roland BARTHES, Jacques DERRIDA, etc.

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cloisonnements, pour permettre à l’œuvre de dialoguer avec notre vécu, et ainsi rompre avec l’idéologie comme quoi le rendez-vous du poète avec la société est un rendez-vous manqué.

Introduire la notion mathématique de fractal fait parallèle à l’introduction de la notion physique de l’isotopie en littérature. Une introduction qui consiste au prolongement dans une nouvelle perspective de la notion d’intertextualité, afin qu’elle permette de repérer la structure de l’œuvre dans plusieurs sémiotiques qu’on considère des systèmes signifiants. De cette manière, système économique, système social, système psychologique, système politique, système religieux, système linguistique sont touchés par la même structure à des échelles différentes.

Il semble que le dessein sémiologique de SAUSSURE ne sera pas écarté, dans lequel il fait de la sémiologie une « science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale » (op. cit.). Cette définition nous sera d’une grande utilité, puisqu’à travers elle, l’on pense faire de la notion de fractal un outil sémiotique capable d’honorer le principe d’ouverture de l’œuvre, notamment dans son insertion au social, ouvrant ainsi la voie à la lecture pluridisciplinaire. Il faut d’abord souligner la différence entre le principe de fermeture et le principe d’ouverture de l’œuvre (DELAS & FILLIOLET, 1973). Le premier principe restreint l’œuvre dans sa dimension esthétique comme se suffisant à elle-même, d’où elle se suffit à sa réalité linguistique, et elle se limite à son univers de papier. Tandis que le deuxième relève de la dimension pragmatique de l’œuvre, de sa valeur illocutoire. N’est-ce pas que le langage est un moyen pour édifier le monde d’objets ? Une optique partagée par Ernst CASSIRER :

Le langage n’entre pas dans un monde de perceptions objectives achevées, pour adjoindre seulement à des objets individuels donnés et clairement délimités les uns par rapport aux autres des « noms » qui seraient des signes purement extérieurs et arbitraires ; mais il est lui-même un médiateur par excellence, l’instrument le plus important et le plus précieux pour la conquête et pour la construction d’un vrai monde d’objets. (CASSIRER, 1969, pp. 44-45)

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En définitive, cette perméabilité du lu et du vécu dans la littérature engagée va nous permettre d’illustrer – au niveau de la critique universitaire – la célèbre affirmation de Rimbaud selon laquelle « je est un autre » (1984) ; et de la sorte d’inaugurer une nouvelle méthodologie de critique par le biais du fractal.

YASMINE Soilihy, Université de Toliara, le 21 décembre 2016

Références

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BENVENISTE, E. (1982 [1966]). Nature du signe linguistique. Dans E. BENVENISTE, Problèmes de Linguistique Générale, 1 (pp. 49-55). Paris: Gallimard.

CASSIRER, E. (1969). "Le langage et la construction du monde des objets". Dans J.-C. PARIENTE, Essais sur le langage (pp. 37-68). Paris: Les Editions du Minuit.

CURNUEJOLS, M. (2001). Sens du mot, sens de l'image. Paris: L'Harmattan. DELAS, D., & FILLIOLET, J. (1973). Linguistique et poétique. Paris: Larousse.

DUCROT, O. (1980). Analyses pragmatiques. Dans O. DUCROT, J.-C. ANSCOMBRE, B. CORNULIER, NEF, Fréderic, F. RECANATI, . . . J. VERSCHUEREN, Les Actes du discours (pp. 11-60). Paris:

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Références

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