• Aucun résultat trouvé

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre) 3 octobre 2006 *

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "ARRÊT DE LA COUR (grande chambre) 3 octobre 2006 *"

Copied!
19
0
0

Texte intégral

(1)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 - AFFAIRE C-17/05

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

3 octobre 2006 *

Dans l'affaire C-17/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume- Uni), par décision du 11 janvier 2005, parvenue à la Cour le 19 janvier 2005, dans la procédure

B. F. Cadman

contre

Health & Safety Executive,

en présence de:

Equal Opportunities Commission,

* Langue de procédure: l'anglais.

(2)

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans et A. Rosas, présidents de chambre, M. R. Schintgen, Mm e N. Colneric (rapporteur), MM. S. von Bahr, J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, U. Lõhmus, E. Levits, A. Ó Caoimh et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro, greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 8 mars 2006,

considérant les observations présentées:

— pour Mm c Cadman, par Mm e T. Gill, barrister, et Mm e E. Hawksworth, solicitor,

— pour Equal Opportunities Commission, par M. R. Allen, QC, Mm e R. Crasnow, barrister, ainsi que par Mm c s J. Hardwick et M. Robison, solicitors,

— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. M. Bethell et Mm e E. O'Neill, en qualité d'agents, assistés de MM. N. Underhill, QC, et N. Paines, QC, ainsi que de Mm e J. Eady, barrister,

(3)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 — AFFAIRE C-17/05

— pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues, en qualité d'agent,

— pour l'Irlande, par M. D. O'Hagan, en qualité d'agent, assisté de M. N. Travers, BL,

— pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes M.-J. Jonczy et N. Yerrell, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 mai 2006,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 141 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Mme Cadman au Health and Safety Executive (Agence pour la santé et la sécurité, ci-après le «HSE») au sujet de l'alignement de la rémunération de Mme Cadman sur celle de ses collègues masculins.

(4)

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L'article 141, paragraphes 1 et 2, CE stipule:

«1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.

2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimal, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique:

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure;

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.»

(5)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 — AFFAIRE C-17/05

4 L'article 1er de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (JO L 45, p. 19), prévoit:

«Le principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, qui figure à l'article [141 CE] et qui est ci-après dénommé 'principe de l'égalité des rémunérations', implique, pour un même travail ou pour un travail auquel est attribuée une valeur égale, l'élimination, dans l'ensemble des éléments et conditions de rémunération, de toute discrimination fondée sur le sexe.

En particulier, lorsqu'un système de classification professionnelle est utilisé pour la détermination des rémunérations, ce système doit être basé sur des critères communs aux travailleurs masculins et féminins et établi de manière à exclure les discriminations fondées sur le sexe.»

5 La directive 97/80/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (JO 1998, L 14, p. 6), s'applique, conformément à son article 3, paragraphe 1, aux situations couvertes, notamment, par l'article 141 CE et par la directive 75/117.

6 L'article 2, paragraphe 2, de la directive 97/80 énonce:

«Aux fins du principe de l'égalité de traitement visé au paragraphe 1, une discrimination indirecte existe lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre affecte une proportion nettement plus élevée de personnes

(6)

d'un sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit approprié(e) et nécessaire et ne puisse être justifié(e) par des facteurs objectifs indépendants du sexe des intéressés.»

7 En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive, les États membres «prennent les mesures nécessaires afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non- respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement».

8 Conformément à l'article 2 de la directive 98/52/CE du Conseil, du 13 juillet 1998, étendant au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord la directive 97/80 (JO L 205, p. 66), la directive 97/80 devait être transposée au Royaume-Uni au plus tard le 22 juillet 2001.

9 L'article 2, paragraphe 2, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), telle que modifiée par la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO L 269, p. 15, ci-après la «directive 76/207»), dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

(7)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 — AFFAIRE C-17/05

— 'discrimination indirecte': la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d'un sexe par rapport à des personnes de l'autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires,

[...]»

10 Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 76/207:

«L'application du principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[...]

c) les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit la directive 75/117/CEE;

[...]»

1 1 Conformément à l'article 2, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2002/73, les États membres étaient tenus de mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au

(8)

plus tard le 5 octobre 2005 ou de veiller, au plus tard à cette date, à ce que les partenaires sociaux introduisent les dispositions requises par voie d'accord.

La réglementation nationale

12 L'article 1er de la loi de 1970 relative à l'égalité des rémunérations (Equal Pay Act 1970, ci-après l'«Equal Pay Act») dispose:

«(1) Si un contrat en vertu duquel une femme est employée auprès d'un établissement situé en Grande-Bretagne ne comprend pas (directement ou par référence à une convention collective ou autre) une clause d'égalité, une telle clause sera réputée y être incluse.

(2) La clause d'égalité est une stipulation relative aux conditions contractuelles (concernant la rémunération ou non) en vertu desquelles un travailleur féminin est employé (ci-après le 'contrat du travailleur féminin') et ayant pour effet:

[...]

(b) dans le cas où un travailleur féminin est employé pour un travail jugé équivalent à celui d'un travailleur masculin occupant le même emploi:

i) si (à l'exception de la clause d'égalité) une stipulation du contrat de travail féminin, déterminée par l'évaluation du travail, est ou devient

(9)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 - AFFAIRE C-17/05

moins favorable au travailleur féminin qu'une stipulation similaire du contrat de ce travailleur masculin, la stipulation du contrat du travailleur féminin est réputée modifiée de sorte qu'elle cesse d'être moins favorable, et

ii) si (à l'exception de la clause d'égalité) il advient à un moment ou à un autre que le contrat du travailleur féminin ne renferme pas une stipulation correspondant à un avantage figurant dans le contrat de ce travailleur masculin et déterminée par l'évaluation du travail, le contrat du travailleur féminin sera réputé renfermer une telle stipulation;

(3) La clause d'égalité n'a pas d'effet sur la différence entre le contrat du travailleur féminin et du travailleur masculin si l'employeur démontre que cette différence est réellement due à un critère matériel qui n'est pas la différence de sexe et que ce critère:

(a) dans le cas d'une clause d'égalité entrant dans le champ d'application du paragraphe 2, sous a) ou b), ci-dessus, résulte d'une réelle différence entre les situations du travailleur féminin et du travailleur masculin;

[...]».

(10)

Le litige au principal et les questions préjudicielles

1 3 Mm e Cadman est employée par le HSE. Depuis qu'elle exerce son activité au sein de cette institution, le système de rémunération a été modifié à plusieurs reprises.

Antérieurement à 1992, ce système reposait sur des augmentations indiciaires, c'est- à-dire que chaque employé bénéficiait d'une augmentation annuelle jusqu'à ce qu'il atteigne l'échelon le plus élevé de son grade. En 1992, le HSE a introduit un élément de la rémunération lié au rendement, permettant d'ajuster le montant de l'augmentation annuelle pour refléter les performances individuelles de l'employé.

Dans ce système, les employés les plus performants pouvaient atteindre plus rapidement l'échelon le plus élevé. À la suite de l'entrée en vigueur, en 1995, d'un accord à long terme sur les rémunérations, les augmentations annuelles ont été établies en fonction de l'attribution de quotes-parts dites «equity shares» liées à la performance de l'employé. Ce changement a eu pour effet de ralentir le rythme de réduction des écarts de rémunération entre les employés du même grade ayant une grande ancienneté et ceux dont l'ancienneté était moins importante. Enfin, en 2000, le système a de nouveau été modifié afin de permettre aux employés se situant aux niveaux les plus bas des échelons de bénéficier d'augmentations annuelles plus importantes et, par conséquent, d'une progression plus rapide au sein de l'échelon.

14 Au mois de juin 2001, Mm e Cadman a saisi l'Employment Tribunal d'un recours fondé sur l'Equal Pay Act. À la date de sa requête, elle occupait depuis près de cinq ans, en qualité d'inspecteur de grade 2, un poste de direction. Elle a pris comme personnes de référence quatre collègues masculins, également inspecteurs de grade 2.

15 Bien qu'elles aient le même grade que Mm c Cadman, ces quatre personnes ont bénéficié de rémunérations substantiellement plus élevées que celle perçue par l'intéressée. Le salaire annuel de Mm e Cadman pour l'année fiscale 2000/2001 s'est

(11)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 — AFFAIRE C-17/05

élevé à 35 129 GBP, alors que les montants correspondants perçus par lesdites personnes de référence ont été fixés respectivement à 39 125 GBP, 43 345 GBP, 43 119 GBP et 44 183 GBP.

16 II est constant que, à la date de la requête présentée devant l'Employment Tribunal, les quatre personnes de référence de sexe masculin avaient une ancienneté plus importante que celle de l'intéressée, acquise en partie dans des postes inférieurs.

17 L'Employment Tribunal a jugé que, en application de l'article 1er de l'Equal Pay Act, les clauses du contrat de travail de Mme Cadman relatives à la rémunération devaient être modifiées afin qu'elles ne soient pas moins favorables que celles figurant dans les contrats de travail des quatre personnes de référence.

18 Le HSE a saisi l'Employment Appeal Tribunal d'un recours en annulation de cette décision. Cette juridiction a jugé, en premier lieu, que, compte tenu de l'arrêt du 17 octobre 1989, Danfoss (109/88, Rec. p. 3199, point 25), une inégalité des rémunérations résultant de l'application du critère de l'ancienneté ne doit pas spécialement être justifiée. En second lieu, elle a estimé que, à supposer même qu'une telle justification soit exigée, l'Employment Tribunal avait commis une erreur de droit dans l'appréciation de celle-ci.

19 Par acte du 4 novembre 2003, Mme Cadman a interjeté appel de la décision de l'Employment Appeal Tribunal devant la juridiction de renvoi.

(12)

20 La Court of Appeal expose que les différences de rémunération invoquées par Mm e Cadman à l'appui de son recours s'expliquent par la structure du système de rémunération, le HSE appliquant un système d'augmentations qui, d'une manière ou d'une autre, tient compte de l'ancienneté et récompense celle-ci.

21 Dès lors que les femmes titulaires du grade 2 et, de manière générale, celles qui font partie du groupe pertinent des travailleurs du HSE ont une ancienneté moyenne moindre que celle des hommes, le recours au critère de l'ancienneté comme élément concourant à la détermination des rémunérations aurait des conséquences désavantageuses pour les femmes.

22 La juridiction de renvoi constate que des éléments probants présentés par l'Equal Opportunities Commission (commission pour l'égalité des chances), admis par toutes les parties au litige, démontrent que, au Royaume-Uni et dans toute l'Union européenne, les travailleurs féminins ont, dans l'ensemble, une ancienneté inférieure à celle des travailleurs masculins. Le recours au critère de l'ancienneté pour la détermination des rémunérations serait un facteur important de maintien des écarts de rémunérations, certes décroissant, entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins.

23 À cet égard, la Court of Appeal se demande si la jurisprudence de la Cour s'est écartée du constat auquel la Cour s'est livrée dans l'arrêt Danfoss, précité, selon lequel «l'employeur ne doit pas spécialement justifier le recours au critère de l'ancienneté». Des arrêts plus récents, notamment ceux du 7 février 1991, Nimz (C-184/89, Rec. p. I-297); du 2 octobre 1997, Gerster (C-1/95, Rec. p. I-5253), et du 17 juin 1998, Hill et Stapleton (C-243/95, Rec. p. I-3739), traduiraient un certain revirement de la jurisprudence de la Cour. À cet égard, la Court of Appeal fait remarquer qu'elle n'est pas convaincue par l'argumentation du HSE selon laquelle la portée de l'arrêt Danfoss, précité, n'aurait été modifiée par la jurisprudence postérieure de la Cour qu'en ce qui concerne les travailleurs à temps partiel et que, partant, le critère de l'ancienneté ne nécessiterait jamais de justification objective, sauf s'agissant de tels travailleurs.

(13)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 - AFFAIRE C-17/05

24 Par ailleurs, la juridiction de renvoi s'aligne sur la position de l'Employment Appeal Tribunal selon laquelle, si la question relative à la portée de l'arrêt Danfoss, précité, devait être résolue dans un sens favorable à Mm e Cadman, l'affaire devrait être renvoyée devant une formation de jugement différente d'un Employment Tribunal afin que la question de la justification soit réexaminée.

25 C'est dans ces circonstances que la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a decide de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Si un employeur applique le critère de l'ancienneté en tant qu'élément concourant à la rémunération et que cette application entraîne des disparités entre les travailleurs masculins et féminins pertinents, l'article 141 CE a-t-il pour effet d'obliger ledit employeur à justifier spécialement le recours à ce critère? Si la réponse est fonction des circonstances, de quelles circonstances s'agit-il?

2) La réponse à la question précédente serait-elle différente si l'employeur appliquait le critère de l'ancienneté aux employés de manière individualisée de sorte qu'il y ait réellement une appréciation de la mesure dans laquelle une ancienneté plus importante justifie une rémunération supérieure?

3) Une distinction pertinente peut-elle être établie entre l'application du critère de l'ancienneté à des travailleurs à temps partiel et l'application du même critère à des travailleurs à temps plein?»

(14)

Sur les première et deuxième questions préjudicielles

26 Par ses première et deuxième questions, qu'il convient d'examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande en substance si et, le cas échéant, dans quelles circonstances l'article 141 CE a pour effet d'imposer à un employeur de justifier le recours au critère de l'ancienneté en tant qu'élément concourant à la détermination des rémunérations lorsque l'application de cet élément entraîne des disparités de rémunération entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins devant être inclus dans la comparaison.

Sur le régime général résultant de l'article 141, paragraphe 1, CE

27 L'article 141, paragraphe 1, CE pose le principe selon lequel un même travail ou un travail de même valeur doit être rémunéré de la même façon, qu'il soit accompli par un travailleur masculin ou par un travailleur féminin (arrêt du 17 septembre 2002, Lawrence e.a., C-320/00, Rec. p. I-7325, point 11).

28 Ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 8 avril 1976, Defrenne (43/75, Rec. p. 455, point 12), ce principe, qui constitue l'expression spécifique du principe général d'égalité interdisant de traiter de manière différente des situations comparables, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée, fait partie des fondements de la Communauté (voir, également, arrêts du 26 juin 2001, Brunnhofer, C-381/99, Rec. p. I-4961, point 28, et Lawrence e.a., précité, point 12).

(15)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 — AFFAIRE C-17/05

29 Il y a lieu de rappeler, en outre, la règle générale posée à l'article 1er, premier alinéa, de la directive 75/117, qui est destinée essentiellement à faciliter l'application concrète du principe de l'égalité des rémunérations figurant à l'article 141, paragraphe 1, CE, sans affecter son contenu ou sa portée (voir arrêt du 31 mars 1981, Jenkins, 96/80, Rec. p . 911, point 22). Cette règle prescrit l'élimination, dans l'ensemble des éléments et conditions de rémunération, de toute discrimination fondée sur le sexe pour u n m ê m e travail ou pour u n travail auquel est attribuée une valeur égale (voir arrêt du 1e r juillet 1986, Rummler, 237/85, Rec. p. 2101, point 11).

30 N'entrent pas seulement dans le c h a m p d'application d e l'article 141, paragraphe 1, CE des discriminations directes, mais également des discriminations indirectes (voir, en ce sens, arrêts Jenkins, précité, points 14 et 15, ainsi que du 27 mai 2004, Elsner- Lakeberg, C-285/02, Rec. p . I-5861, point 12).

31 Il résulte d'une jurisprudence bien établie que l'article 141 CE doit, c o m m e l'était précédemment l'article 119 du traité CEE [devenu article 119 d u traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE)], être interprété en ce sens que, dès qu'il existe u n e apparence de discrimination, il appartient à l'employeur de démontrer que la pratique e n cause est justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe (voir e n ce sens, n o t a m m e n t , arrêts Danfoss, précité, points 22 et 23; du 27 juin 1990, Kowalska, C-33/89, Rec. p . I-2591, point 16; Hill et Stapleton, précité, point 43, et du 23 octobre 2003, Schönheit et Becker, C-4/02 et C-5/02, Rec. p . I-12575, point 71).

32 La justification apportée doit être fondée sur u n b u t légitime. Les moyens choisis pour atteindre ce b u t doivent être aptes et nécessaires à cet effet (voir, en ce sens, arrêt d u 13 mai 1986, Bilka, 170/84, Rec. p . 1607, point 37).

Sur le recours au critère de l'ancienneté

33 Aux points 24 et 25 de l'arrêt Danfoss, précité, la Cour, après avoir relevé qu'il n'est pas exclu que le recours au critère de l'ancienneté puisse entraîner u n traitement

(16)

moins favorable des travailleurs féminins que des travailleurs masculins, a constaté que l'employeur ne doit pas spécialement justifier le recours à ce critère.

34 En prenant cette position, la Cour a reconnu que constitue un but légitime de politique salariale le fait de récompenser, notamment, l'expérience acquise qui met le travailleur en mesure de mieux s'acquitter de ses prestations.

35 En règle générale, le recours au critère de l'ancienneté est apte à atteindre cet objectif. En effet, l'ancienneté va de pair avec l'expérience et celle-ci met généralement le travailleur en mesure de mieux s'acquitter de ses prestations.

36 Il est dès lors loisible à l'employeur de rémunérer l'ancienneté, sans qu'il ait à établir l'importance qu'elle revêt pour l'exécution des tâches spécifiques qui sont confiées au travailleur.

37 Dans ce même arrêt, la Cour n'a cependant pas exclu qu'il peut exister des situations dans lesquelles le recours au critère de l'ancienneté doit être justifié par l'employeur de manière circonstanciée.

38 Cela est notamment le cas lorsque le travailleur fournit des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux sur l'aptitude à atteindre le but susmentionné qu'a, en l'espèce, le recours au critère de l'ancienneté. Il incombe alors à l'employeur de prouver que ce qui est vrai en règle générale, à savoir que l'ancienneté va de pair avec l'expérience et que celle-ci met le travailleur en mesure de mieux s'acquitter de ses prestations, l'est également en ce qui concerne l'emploi en cause.

(17)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 - AFFAIRE C-17/05

39 I l convient d'ajouter que, lorsqu'est utilisé, pour la détermination de la rémunération, un système de classification professionnelle fondé sur une évaluation du travail à accomplir, il n'est pas exigé que la justification du recours à un certain critère porte, d'une manière individualisée, sur la situation des travailleurs concernés. Dès lors, si le but poursuivi par le recours au critère de l'ancienneté est la reconnaissance de l'expérience acquise, il ne doit pas être démontré dans le cadre d'un tel système qu'un travailleur pris individuellement a, pendant la période pertinente, acquis une expérience qui lui a permis de mieux accomplir son travail.

Par contre, il convient de prendre en considération de manière objective la nature du travail à accomplir (arrêt Rummler, précité, point 13).

40 II résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'il convient de répondre aux première et deuxième questions posées que l'article 141 CE doit être interprété en ce sens que, dans l'hypothèse où le recours au critère de l'ancienneté en tant qu'élément concourant à la détermination des rémunérations entraîne des disparités de rémunération, pour un même travail ou un travail de même valeur, entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins devant être inclus dans la comparaison:

— le recours au critère de l'ancienneté étant, en règle générale, apte à atteindre le but légitime de récompenser l'expérience acquise qui met le travailleur en mesure de mieux s'acquitter de ses prestations, l'employeur ne doit pas spécialement établir que le recours à ce critère est apte à atteindre ledit but en ce qui concerne un emploi donné, à moins que le travailleur fournisse des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux à cet égard;

— lorsqu'est utilisé, pour la détermination de la rémunération, un système de classification professionnelle fondé sur une évaluation du travail à accomplir, il n'est pas nécessaire de démontrer qu'un travailleur pris individuellement a, pendant la période pertinente, acquis une expérience qui lui a permis de mieux accomplir son travail.

(18)

Sur la troisième question préjudicielle

41 Compte tenu de la réponse donnée aux première et deuxième questions, il n'y a pas lieu de répondre à la troisième question.

Sur les effets du présent arrêt dans le temps

42 Le gouvernement du Royaume-Uni et l'Irlande estiment que, si la Cour devait envisager de s'écarter des principes qu'elle a posés dans l'arrêt Danfoss, précité, des considérations de sécurité juridique exigeraient une limitation des effets dans le temps de l'arrêt à intervenir.

43 Le présent arrêt ne comportant qu'une précision de la jurisprudence en la matière, il n'y a pas lieu de limiter ses effets dans le temps.

Sur les dépens

44 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

(19)

ARRÊT DU 3. 10. 2006 — AFFAIRE C-17/05

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

L'article 141 CE doit être interprété en ce sens que, dans l'hypothèse où le recours au critère de l'ancienneté en tant qu'élément concourant à la détermination des rémunérations entraîne des disparités de rémunération, pour un même travail ou un travail de même valeur, entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins devant être inclus dans la comparaison:

— le recours au critère de l'ancienneté étant, en règle générale, apte à atteindre le but légitime de récompenser l'expérience acquise qui met le travailleur en mesure de mieux s'acquitter de ses prestations, l'employeur ne doit pas spécialement établir que le recours à ce critère est apte à atteindre ledit but en ce qui concerne un emploi donné, à moins que le travailleur fournisse des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux à cet égard;

— lorsqu'est utilisé, pour la détermination de la rémunération, un système de classification professionnelle fondé sur une évaluation du travail à accomplir, il n'est pas nécessaire de démontrer qu'un travailleur pris individuellement a, pendant la période pertinente, acquis une expérience qui lui a permis de mieux accomplir son travail.

Signatures

Références

Documents relatifs

Que dans la mesure où le délai pour répliquer a été annulé par la Cour le 15 octobre 2015, un nouveau délai de 20 jours à compter de la réception du

22 Il ressort de la décision de renvoi que, premièrement, aux fins de l’établissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu d’un contribuable en Allemagne, les pertes

En outre, la conclusion du Dr E______ portant sur l’absence d’une aggravation de l’état de santé et l’exigibilité d’une activité adaptée n’est pas

RFDA Revue française de droit administratif RFDC Revue française de droit constitutionnel RFFP Revue française de finances publiques RGDA Revue générale du droit

L'Autorité a considéré que puisque certaines de ces conditions contrevenaient aux engagements souscrits par le groupement, la notice qui en reprenait les termes était

3 En vertu de l'article 2 de la directive, les États membres assurent l'abolition des droits exclusifs ou spéciaux pour la fourniture de services de télécommunications autres que

13 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 119 du traité CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un

Par le biais de mesures provisionnelles, la portée de la consignation pour la durée de l'instance peut être limitée ou une partie du loyer libérée en faveur du bailleur, notamment