• Aucun résultat trouvé

La Langue des Signes Française (LSF) en bibliothèque publique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La Langue des Signes Française (LSF) en bibliothèque publique"

Copied!
85
0
0

Texte intégral

(1)

La Langue des Signes Française

en bibliothèque publique

L’exemple des Pôles sourds de Paris

Amandine MEURGUES

2019-2020

Master 1 Sciences de l’information et des bibliothèques

Sous la direction de Mme Valérie NEVEU

Membres du jury Valérie/Neveu | Enseignante-chercheuse en histoire des bibliothèques Véronique/Sarrazin | Enseignante-chercheuse

Soutenu publiquement en :

Juin 2020

(2)

L’auteur du présent document vous autorise à le partager, reproduire, distribuer et communiquer selon les conditions suivantes :

− Vous devez le citer en l’attribuant de la manière indiquée par l’auteur (mais pas d’une manière qui suggérerait qu’il approuve votre utilisation de l’œuvre).

− Vous n’avez pas le droit d’utiliser ce document à des fins commerciales.

− Vous n’avez pas le droit de le modifier, de le transformer ou de l’adapter.

Consulter la licence creative commons complète en français : http://creativecommons.org/licences/by-nc-nd/2.0/fr/

Ces conditions d’utilisation (attribution, pas d’utilisation

(3)

REM ERCI E MEN TS

Je souhaite remercier Anne-Laurence GAUTIER, bibliothécaire des Pôles sourds et responsable de la bibliothèque Saint-Eloi, sans qui je n’aurai pas pu obtenir les informations nécessaires à la mise en œuvre de mon étude de cas. Merci d’avoir répondu présente durant la crise sanitaire et d’être aussi impliquée à la reconnaissance des Sourds et de leur inclusion en bibliothèque.

Je remercie davantage Valérie NEVEU, ma directrice de mémoire, qui m’a accompagnée tout au long des recherches et de la rédaction de ce mémoire. Merci pour tous les conseils donnés qui auront permis de finaliser à bien ce projet d’étude.

(4)

Liste des abréviations

ABF : Association des bibliothécaires de France

ASL : American sign language (Langue des signes américaine) BBL : Bureau des bibliothèques et de la lecture

BM : Bibliothèque municipale

Bpi : Bibliothèque publique d’information BBF : Bulletin des bibliothèques de France

ENSSIB : École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques dB : Décibels

DTS : Digital Theater System FALC : Facile à lire et à comprendre

FNSF : Fédération nationale des sourds de France

IFLA : International federation of library associations and institutions (Fédération internationale des associations de bibliothèques)

INJS : Institut national des jeunes sourds IVT : International visual theatre

LS / LSF : Langue des signes / Langue des signes française

LPC / LFPC : Langue parlée complétée / Langue française parlée complétée

(5)

Sommaire

LISTE DES ABREVIATIONS INTRODUCTION

PARTIE 1 : ETAT DES LIEUX – LA LANGUE DES SIGNES FRANÇAISE EN BIBLIOTHEQUE PUBLIQUE

1. Les Sourds : un public utilisant une langue étrangère

1.1. Un point sur les degrés de surdité : qui sont les Sourds signants ? 1.2. La LSF, une langue officielle

a) Historique de la LSF : de la prise de conscience de l’Abbé de l’Epée à la reconnaissance officielle de la langue

b) La LSF, comment ça fonctionne ?

1.3. Le public sourd face à la lecture : une discipline abstraite

2. Valorisation d’une bibliothéconomie spécialisée en LSF : analyse de la littérature professionnelle

2.1. Accueillir le public sourd en bibliothèque publique : accessibilité et limites a) Former les professionnels entendants pour un « bon accueil »

b) Recruter des bibliothécaires sourds

c) Adapter l’accueil « à distance » : des sites internet accessibles 2.2. Collections et LSF : pour une reconnaissance du public sourd

a) L’édition adaptée en LSF

b) Des innovations numériques pour une lecture bilingue 2.3. Organiser des actions culturelles en LSF : dans quel but ?

a) Sensibiliser le public habituel : La LSF une langue étrangère b) Favoriser la rencontre de tous les publics

BIBLIOGRAPHIE SOURCES

PARTIE 2 : ETUDE DE CAS – LES POLES SOURDS DES BIBLIOTHEQUES DE PARIS 1. Les bibliothèques de la ville de Paris labellisées « pôle sourd »

1.1. L’historique des Pôles sourds : un réseau spécialisé dans l’accueil des Sourds 1.2. L’accessibilité universelle, principe décisionnaire de la ville de Paris

2. La LSF au cœur des actions : un modèle à suivre 2.1. Le fonds « sourd » : collection spécialisée des bibliothèques

2.2. L’accessibilité des animations : preuve de l’inclusion des usagers sourds 3. Bibliopi ou l’interface accessible d’échange d’informations

3.1. Un contenu adapté, constamment renouvelé

3.2. Les projets de Bibliopi : pour la reconnaissance du public sourd CONCLUSION

ANNEXES

TABLE DES MATIERES

(6)

Introduction

« Les sourds peuvent tout faire, sauf entendre. »1

L’importance accordée à la place des usagers au cœur des bibliothèques, s’est développée avec la notion de « tiers lieu », inventée par Ray OLDENBURG dans les années 1980 et assignée à un nouveau modèle de bibliothèque de lecture publique. Ce modèle de lieu social et de rassemblement des usagers, ne sera pourtant associé aux bibliothèques francophones que dans les années 2000 et notamment à la suite des travaux d’études de Mathilde SERVET. Ainsi, faire des usagers le centre des projets bibliothéconomiques demande que tous les publics soient intégrés. Cependant, le terme d’intégration impose aux personnes de s’adapter elles-mêmes à l’environnement qui les entoure, accentuant les difficultés de mettre en place des actions pour tous et sans inégalités. La qualification des bibliothèques dites inclusives apparaît alors comme une évidence entraînant dans son évolution la question de l’accessibilité en bibliothèque.

L’accessibilité, ou la possibilité à tous de pouvoir accéder à tous services, fait notamment référence à l’accès aux savoirs et à la culture des personnes porteuses de handicap. A cet effet, la loi handicap de 2005 en a incité et même obligé la mise en œuvre. Cette loi fait de la société un lieu qui doit s’adapter aux personnes handicapées et non l’inverse. Ainsi, ces personnes pourront bénéficier des mêmes services que les autres, dans la logique de permettre leur inclusion. Au sens de la loi, la définition du handicap est la suivante :

« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou trouble de santé invalidant ».2 En mentionnant les fonctions sensorielles dans sa définition du handicap, la loi inclut les personnes handicapées par la perte partielle ou totale d’un sens, dont l’ouïe et donc le handicap auditif font partie. En France, il y a environ 9 millions de personnes porteuses de handicap dont 5 millions sont sourdes ou malentendantes. Selon la Fédération Nationale des Sourds de France (FNSF), on compte 300 000 Sourds dans la population française dont environ 100 000 pratiquent la Langue des Signes Française (LSF) et utilisent une autre langue que le français. De ce fait,

« 34 % d’entre eux sont inactifs du fait à la restriction d’accès à l’emploi, aux loisirs et à

1 Citation de I. King JORDAN, président sourd de l’université Gallaudet

2 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, 2005. [Textes de loi disponibles sur le site Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/]

(7)

l’isolement ».3 A savoir que les services publics, dont les bibliothèques, ont concentré en premier lieu leur projet d’accessibilité en direction des publics déficients visuels ou à mobilité réduite, étant facilement repérables et auxquels sont dédiés beaucoup d’innovations (braille, aménagement de l’espace…). Les projets en direction du handicap auditif restent peu développés à cause de l’invisibilité du handicap et l’utilisation de la LSF par les Sourds.

Ainsi, dans un contexte bibliothéconomique, comment les bibliothèques valorisent-elles la LSF pour accueillir les Sourds dans un lieu qui n’est pas initialement conçu pour eux ?

Ce mémoire, grâce à l’analyse de la littérature professionnelle, d’ouvrages et articles mettant en avant les Sourds, la surdité et la LSF, constituera un ensemble de recommandations et d’actions portées à la mise en valeur de la LSF pour un accueil optimal des Sourds dans le lieu social et culturel qu’est la bibliothèque.

Dans un premier temps, et parce que les bibliothécaires doivent en prendre connaissance, il sera nécessaire de présenter le public sourd, un public diversifié. Pour cela nous définirons ce qu’est la surdité et les moyens de communication à adopter face à une personne sourde, pour en venir à l’identification des Sourds signants et de leur langue, la LSF. Les difficultés historiques rencontrées par les Sourds, ainsi que leur utilisation d’une langue gestuelle dans un monde oral nous amèneront ensuite à nous poser la question du rapport à la lecture chez les Sourds. Enfin, c’est cette analyse de la lecture qui nous permettra, dans un second temps, de définir le rôle inclusif de la bibliothèque face à ce public souvent exclu. Un rôle qui ne peut être mené à bien que par la valorisation de la LSF au sein des projets bibliothéconomiques. Ainsi, cette deuxième partie, traitera de la LSF aussi bien dans l’accueil des Sourds à la bibliothèque que sur internet, de l’adaptation des collections et des actions culturelles, en faisant ressortir les innovations et avancées mais aussi les limites. Pour finir, les propos exposés si dessous seront appuyés grâce à l’exemple des pôles sourds des bibliothèques de Paris, modèles d’inclusion des Sourds en bibliothèques.

3 Site de la Fédération Nationale des Sourds de France (FNSF). [Disponible sur : https://www.fnsf.org/]

(8)

PARTIE 1 : Etat des lieux – La Langue des Signes Française en bibliothèque publique

1. Les Sourds : un public utilisant une langue étrangère

Les Sourds représentent une minorité méconnue de la population. Très souvent ils sont mal identifiés, on ne sait guère comment les approcher et communiquer avec eux. Leur handicap est généralement qualifié comme invisible car il n’est pas repérable immédiatement. A priori, il faut entamer une communication avec les personnes sourdes pour se rendre compte qu’elles ont des problèmes auditifs. Cependant si l’on fait correctement attention à ce qui nous entoure, il sera possible de distinguer qu’une personne porte des appareils auditifs ou se sert de signes pour communiquer avec quelqu’un d’autre.

La peur d’interagir avec les Sourds et de ne pas se faire comprendre a induit en erreur la société entendante qui a encore tendance à les exclure, à ne pas faire le nécessaire pour que les informations leur soient accessibles. Le fait même que la plupart des journaux télévisés, par exemple, ne soient pas traduits en langue des signes peut représenter le décalage entre le monde des Sourds et celui dans lequel ils évoluent. Avec le temps, des progrès sont en œuvre, émanant d’une réelle volonté de connaitre le public Sourd et de l’inclure petit à petit à la société et à la culture entendante.

Cette partie sera consacrée à en apprendre davantage sur le monde des Sourds et sur leur langue qui est la Langue des signes française (LSF).

1.1. Un point sur les degrés de surdité : qui sont les Sourds signants ?

Avant toute chose, il est nécessaire de bien définir le terme « surdité ».

Selon le CNRTL, la surdité4 est « la diminution (unilatérale ou bilatérale) de l’acuité auditive provoquant une gêne dans la conversation ou l’abolition complète du sens de l’ouïe ; état d’une personne sourde. »

Ainsi, une personne sourde sera par définition caractérisée par sa déficience auditive c’est-à-dire la perte partielle ou totale de l’audition pouvant entraîner une perte de la

4 Définition de « surdité » sur le site du Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales : https://www.cnrtl.fr/definition/surdit%C3%A9

(9)

parole. Néanmoins, il ne faut pas constamment associer perte de l’audition et perte de la parole. Un Sourd n’est pas forcément muet, de même qu’une personne muette n’est pas forcément sourde. Le terme « mutité » a d’ailleurs sa propre définition à différencier de celle de « surdité ».

En accord avec le CNRTL, la mutité5 représente « [l’] incapacité de parler (par défaut d'acquisition ou perte du langage parlé) due soit à une surdité congénitale, soit à l'absence de développement, à une lésion des organes de la phonation, ou des centres nerveux du langage. »

Il s’agit d’un trouble de la parole, l’incapacité physique de pouvoir parler mais qui n’entrave pas la perception du langage oral. En d’autres termes, un Sourd, contrairement à un muet, n’a pas de problème phonatoire. Un Sourd peut être muet (dû à une surdité congénitale, de naissance) mais a aussi la possibilité d’oraliser. Cependant, il ne parvient pas à parler du fait de ne pas entendre sa voix pour la comprendre et l’ajuster.

Ainsi la dénomination « sourd-muet » employée au 19ème siècle est archaïque de nos jours, ce pourquoi pour définir les personnes déficientes auditives nous parlerons de malentendants ou de Sourds (en opposition à celles qui entendent c’est-à-dire les entendants).

Typologie des surdités

Il est possible de classer la surdité selon certains critères.

Le premier est lié à la déclaration de la surdité c’est-à-dire le moment où la surdité est détectée chez l’individu. Ainsi, il existe une surdité congénitale et une surdité acquise.

La surdité congénitale concerne les personnes sourdes de naissance ou devenues sourdes dès l’enfance soit avant l’acquisition du langage à 2 ans. Cette surdité intervient généralement à cause de facteurs génétiques ou de complications lors de la grossesse ou l’accouchement. Cependant, le facteur génétique reste peu fréquent, le gène de surdité étant récessif. En effet, le rapport Gillot de 1998 a révélé que « 95 % des enfants sourds naissent de parents entendants et 90 % des enfants issus de parents sourds sont entendants [Gillot, 1998]. »6. Il est donc rare qu’un enfant sourd naisse de parents également sourds.

La surdité intervenant à tout âge est appelée « surdité acquise ». Elle concerne les personnes devenues sourdes à cause de maladies, d’accidents, de traumatismes, d’un

5 Définition de « mutité » sur le site du Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales : https://www.cnrtl.fr/definition/mutit%C3%A9

6 Citation extraite à la page 12 du livre de Bedoin Diane, « I. Qui sont les sourds ? ». In : BEDOIN D., Sociologie du monde des sourds. Paris : La Découverte, 2018, 128 p. (Repères)

(10)

niveau sonore excessif ou par vieillissement. La surdité qui apparaît avec l’âge, c’est-à- dire à partir de 50-60 ans, est plus connue sous le nom de « presbyacousie ».

Le second critère est lié à l’oreille elle-même. Il est alors possible de distinguer les surdités de transmission et de perception ainsi que les surdités de types unilatérales ou bilatérales.

Les surdités de transmission et de perception permettent de classer la surdité selon la partie de l’oreille atteinte c’est-à-dire l’oreille moyenne pour les surdités de transmission et l’oreille interne pour les surdités de perception. Ces deux types de surdité peuvent également se combiner et former une surdité mixte.

Les surdités unilatérales et bilatérales définissent les surdités qui ne touchent qu’une seule oreille ou les deux en même temps. Lorsque la surdité est bilatérale, le degré de perte d’audition d’une oreille à l’autre peut varier. Dans ce cas, on parle d’une surdité bilatérale symétrique ou asymétrique.

Les degrés de surdité

Cela nous amène à expliquer quels sont les degrés de surdité et quelles conséquences ils peuvent avoir sur l’audition. Il y a quatre niveaux de surdité selon les décibels perçus par les individus. Par définition, les décibels représentent la mesure du son et la perte d’audition est mesurée grâce à l’audiométrie.

Les niveaux de surdité vont de la surdité légère à profonde. La surdité profonde peut à son tour se diviser en quatre types jusqu’à la perte totale d’audition.

• La surdité légère concerne la perte d’audition entre 20 et 40 décibels (dB). Les voix basses ou lointaines sont difficilement perçues mais l’individu perçoit sans problème une conversation orale habituelle c’est-à-dire si l’interlocuteur parle normalement et à une distance moyenne.

• La surdité modérée se situe entre 40 et 70 dB. L’individu perçoit le bruit d’une conversation endiablée, ainsi seules les voix fortes sont perçues correctement.

• La surdité sévère est comprise entre 70 et 90 dB, les bruits intenses (d’une rue bruyante ou d’un aspirateur par exemple) et la parole à voix forte à proximité de l’oreille sont perçus. Les personnes atteintes de ce degré de surdité ont du mal à comprendre la parole des gens qui les entourent.

• La surdité profonde désigne la perte d’audition supérieure à 90 dB. Ici, aucune perception de la parole n’est possible. Quelques bruits sont encore perçus (comme la musique dans une discothèque) mais plus la surdité augmente plus la perception de ces bruits disparaît. Ainsi, il est possible de découper la surdité profonde en quatre types selon des exemples précis (extraits de l’article « La

(11)

surdité » publié par Florian MELOUX dans Le monde des Sourds : https://le- monde-des-sourds.fr/la-surdite/) :

- Entre 90 et 100 dB, la personne n’entend plus les aboiements d’un chien - Entre 100 et 110 dB, la personne n’entend plus le bruit d’une moto - Entre 110 et 120 dB, la personne n’entend plus le bruit d’un avion

- Au-delà de 120 dB, la personne n’entend plus rien : c’est la perte totale d’audition.

Lorsqu’une personne est atteinte d’une surdité profonde ou totale, elle est définie par le nom « Sourd » tandis que pour les autres degrés allant de la surdité légère à sévère, la personne sera caractérisée de malentendante. Ainsi, il est important de connaître les différentes définitions de la surdité pour pouvoir adapter son approche et sa communication envers les personnes sourdes.

Les moyens de communication

Au-delà du type de surdité qui les touche, il est également possible de différencier les personnes sourdes selon le mode (ou les modes) de communication qu’elles utilisent.

En premier lieu, la Langue des Signes (LS), ou la langue gestuelle des Sourds est majoritairement utilisée par les personnes atteintes de surdité congénitale. Ce mode de communication sera détaillé en profondeur dans les prochaines parties de ce mémoire.

Ici, il est question de lister et de décrire les modes de communications utilisés par les personnes sourdes qui ne signent pas (action de communiquer en LS) ou qui communiquent de plusieurs manières (en plus de la LS).

Certaines personnes sourdes ou malentendantes peuvent oraliser notamment si elles sont devenues sourdes à un âge avancé et ont pour langue maternelle le Français. La langue maternelle étant la langue dans laquelle l’enfant « baigne » dès sa naissance et qui construit son environnement linguistique. Cependant, le fait de ne pas ou mal entendre sa voix entraîne certaines difficultés d’élocution chez ces personnes, leur manière de s’exprimer en sera modifiée et leur voix déformée.

La lecture labiale, ou lecture sur les lèvres, est souvent utilisée par les personnes sourdes ou malentendantes en complément à un autre mode de communication (généralement la langue orale faiblement perçue ou lorsque la LS n’est pas totalement acquise). Pour une bonne approche de cette description de la parole, un enseignement des fondamentaux est nécessaire. En effet, la lecture labiale consiste à reconnaître les sons prononcés grâce aux mouvements des lèvres, des joues et de la langue. Ainsi, il est essentiel de savoir par quels mouvements les sons sont représentés. Malheureusement, les risques de confusion et d’incompréhension du message transmis sont indéniables. Certains sons se

(12)

ressemblent beaucoup par leurs caractéristiques articulatoires, par exemple [p] et [b], et leur différenciation visuelle reste minime. Il est alors difficile de distinguer les paires de mots (paires minimales) comme « pain » et « bain ». Il est fait état que seulement 30 à 40 % du message est capté par la personne sourde ou malentendante. De plus un effort de concentration supplémentaire est demandé surtout lors des conversations de groupe.

La langue française parlée complétée (LFPC) est également un complément pour la communication orale. Cette langue est créée à partir d’un code gestuel qui permet de compenser les sons mal perçus du français et de renforcer leur lecture labiale. Le Cued speech (nom anglais) a été inventé en 1965 par le physicien américain et vice-président de Gallaudet College, Orin CORNETT. Il est composé de 8 configurations de la main pour les consonnes et de 5 positions au niveau du visage pour les voyelles7. Ce code a, ensuite, été introduit en France en 1975 par René DISSOUBRAY, professeur de l’INJS de Paris. Ainsi, les gestes d’une main sont réalisés en même temps que la parole pour rendre le langage parlé visuel (et non sonore). C’est en quelque sorte un mélange de LSF et de parole pour une lecture labiale et une compréhension du français plus simple. Cette langue est un moyen efficace de différencier chaque son qui pourrait être confondu lors de la lecture labiale.

L’écrit reste l’un des moyens de communication les plus simples à utiliser en présence de personnes sourdes ou malentendantes. Néanmoins, il est à préciser que l’apprentissage de l’écrit peut s’avérer difficile pour les Sourds de naissance. En effet, l’écrit relevant spécifiquement du langage oral fait que la langue des signes ne peut pas être retranscrite à l’écrit. Certains Sourds ne savent pas écrire et n’en comprennent pas le sens, d’autres ont seulement quelques difficultés. Le locuteur entendant doit alors s’adapter à son interlocuteur en produisant des phrases simples ou des dessins par exemple.

Pour finir, il existe une variante de la LSF adaptée aux Sourds aveugles. Cette LSF est dite tactile. Ainsi, la personne pourra toucher les mains de son interlocuteur signant pour en distinguer les signes : leur configuration, emplacement et mouvement.

Les Sourds signants

Revenons-en à la LS et plus spécifiquement aux Sourds signants. Nous avons pu faire la distinction entre malentendants et Sourds grâce au type de surdité qui les touche et grâce à leur mode de communication. Cependant, une question persiste : Qui sont les Sourds signants marqués d’un « S » majuscule ?

7 Annexe 1 : code LFPC

(13)

Monica COMPANYS (comédienne, éditrice et auteur), dans son livre « Signe particulier : Sourds », explique bien la démarcation orthographique à apporter au mot « sourd ». Elle dit que l’adjectif « sourd » comme dans « une personne sourde » définit l’état d’une personne qui n’entend pas, sans faire référence à l’identité sourde. Contrairement à l’adjectif, le nom « Sourd » avec un « S » majuscule renvoie à une personne qui utilise la LSF et qui appartient culturellement et linguistiquement au monde des Sourds.

Autrement dit, il s’agit d’une identité.

Comment s’est formée cette identité du Sourd ? Comment fonctionne la LSF ? C’est ce que nous allons aborder dans la suite de cette réflexion.

1.2. La LSF, une langue officielle

Les Sourds ont toujours été en quelque sorte une communauté à part. Cela émane essentiellement du fait que, pour eux, être sourd ne signifie pas que la personne n’entend pas mais qu’elle communique autrement. Souhaitant communiquer, comme toute personne, les Sourds (entre familles) ont inventé un langage gestuel qui, avec le temps, deviendra la LSF. Cependant, ce langage seulement connu des Sourds était totalement incompris par les entendants. Ces derniers ont longtemps pensé que les Sourds étaient idiots car ils ne savaient pas parler mais en réalité, l’explication est tout autre. « L’idiotie » ou dans des termes appropriés, la déficience mentale, se trouvait chez les Sourds non éduqués et était due à l’isolement linguistique et au manque de communication. Ce n’est donc pas la parole qui permet d’accéder à l’intelligence mais plutôt le langage (ce langage pouvant être aussi bien gestuel qu’oral). Néanmoins, pour les entendants, le langage ne pouvait exister que par la parole faisant de celle-ci la maîtresse de l’intelligence. L’objectif des enseignants était le suivant : apprendre à parler à tous les Sourds, faisant émerger un long débat sur l’éducation des Sourds et la place de la LSF.

Ainsi, il est important de connaître d’histoire de la LSF pour mettre en lumière celle des Sourds et expliquer par la suite comment cette langue fonctionne.

a) Historique de la LSF : de la prise de conscience de l’Abbé de l’Epée à la reconnaissance officielle de la langue

Avant le 18ème siècle, l’éducation des Sourds était surtout dirigée vers un enseignement oral. Les précepteurs religieux de l’époque souhaitaient avant tout faire parler les enfants sourds. Ils étaient intimement convaincus que les enfants étaient capables de parler sans problème et que seule la langue orale leur permettait d’apprendre.

(14)

Finalement, l’éducation des Sourds est remise en question au 18ème siècle par les Philosophes des Lumières qui mettent en avant l’éducation des infirmes et plus précisément des infirmes sensoriels. A partir de ce moment, deux méthodes pédagogiques s’opposent en Europe : l’oralisme et le gestualisme. La méthode orale, développée en Allemagne, prône un enseignement basé sur le langage oral et l’articulation, seul langage permettant d’accéder à la civilisation. La méthode par les gestes est développée en France par l’Abbé de l’Epée et marquera plus tard un des fondements de la reconnaissance du langage gestuel des Sourds.

Fin du XVIIIème siècle : la « LSF » se développe en France

La « LSF » se développe fin du 18ème siècle en France grâce à la prise de conscience de L’Abbé de l’Epée (Charles-Michel de l’EPEE 1712-1789) concernant l’éducation des Sourds. A cette époque, le terme « LSF » n’existait pas et la langue signée était alors appelée langage gestuel (ce pourquoi LSF est entre guillemets).

L’abbé de l’Epée est le premier entendant à s’intéresser au langage gestuel des sourds- muets. Ainsi dans les années 1760, il décide d’exploiter sa découverte du langage en regroupant des enfants sourds pour leur enseigner la culture et le français à travers une méthode gestuelle. L’abbé de l’Epée ne faisant pas partie de la communauté sourde et ne connaissant pas le langage gestuel utilisé par les Sourds, va enseigner à l’aide de

« signes méthodiques » qu’il aura inventés lui-même. Ces signes sont artificiels mais ont tout de même été influencés par la langue des signes utilisée naturellement par les Sourds. Cependant, comme l’explique Fabrice BERTIN (professeur sourd) dans son livre

« Les Sourds : une minorité invisible », les signes méthodiques même s’ils avaient été inventés pour aider les Sourds, rendaient leur apprentissage un peu plus compliqué.

L’abbé de l’Epée n’est pas l’inventeur de la future LSF. Il a mis au point une langue de signes reprenant la grammaire du français oral, comme une sorte de français signé, mais la langue des signes naturelle des Sourds, elle, a une grammaire totalement différente.

Ainsi, l’objectif de l’Abbé de l’Epée était de créer une méthode où les gestes, outils de la langue française, permettaient d’inculquer des notions de français aux élèves mais aussi de leur faire découvrir le monde extérieur.

De ce fait, à partir de 1760, les premiers cours gratuits pour enfants sourds sont enseignés par l’abbé de l’Epée. Le succès de cette méthode gestuelle alliée à l’éducation des Sourds, aura permis la reconnaissance de cette communauté en France et prendra une telle ampleur que des instituts en seront développés. Ces instituts existent toujours, le premier fut l’Institut National des Sourds-muets de Paris (INSMP) en 1791 (créé par la loi de 1791, installé et ouvert en 1794) et se nomme aujourd’hui l’Institut National des Jeunes Sourds (INJS, Institut Saint-Jacques à Paris). Des instituts se sont également développés dans d’autres villes de France comme Chambéry, Metz et Bordeaux.

(15)

Grâce à l’initiative de l’Abbé de l’Epée, les enfants Sourds ont pour la première fois la possibilité d’apprendre la lecture et l’écriture à travers une méthode gestuelle correspondant à leur langue maternelle. Les enfants allant à l’école se sentent inclus à la vie en Société et ce rassemblement permet également aux Sourds de se revendiquer en tant que communauté.

La revendication du droit au langage des signes

La « LSF » devient une langue extrêmement populaire chez les Sourds qui y voient un moyen de s’ouvrir au monde et de le comprendre. Ils vont, par ailleurs, prendre conscience de leurs droits et de l’importance de faire connaître le langage gestuel.

Ainsi à partir de 1791, l’institut de Paris embauche son premier enseignant sourd : Jean MASSIEU qui devient même le 1er enseignant sourd du monde. L’éducation des Sourds par la méthode gestuelle en France est à son paroxysme. Les Sourds sont enfin reconnus comme enseignants qualifiés et leur connaissance du langage gestuel mise à profit.

Le langage gestuel en plein essor dépasse même les frontières de la France, s’exportant aux Etats-Unis. Ainsi en 1817, Laurent CLERC (enseignant sourd français) importe le langage gestuel de France et aide l’instituteur Thomas Hopkins GALLAUDET à fonder la première institution américaine pour Sourds (ASD, L’école Américaine pour les Sourds).

Les efforts de T.H. GALLAUDET persistent aux Etats-Unis et son fils Edward Miner GALLAUDET (1837-1917) fonde en 1864 le premier collège pour Sourds à Washington qui deviendra l’Université Gallaudet en 1986. C’est le seul établissement supérieur au monde où les enseignements et services sont conçus pour et avec les Sourds. Les Sourds y ont beaucoup de chance de réussir leurs études, comparé à l’éducation en France qui reste peu accessible. Tout cela en sachant que le point de départ vient d’un enseignant français, cela veut bien dire que la France avait encore du mal à compter les Sourds comme des individus capables.

La 3ème génération de Sourds reste celle qui revendique davantage son droit au langage gestuel. Il faut surtout nommer Ferdinand BERTHIER (élève puis enseignant à l’institut pour Sourds) fondateur de l’association « Le comité de sourds-muets de Paris ». Ce comité a pour but de rassembler les Sourds, de garder le lien dans la communauté sourde et de résister face aux oralistes. C’est pour cette raison que Bernard MOTTEZ (sociologue français) marque le premier regroupement du comité le 30 novembre 1834 comme étant la « date de naissance de la nation sourde »8.

8 BERTIN F., Les sourds : une minorité invisible. Paris : Autrement, 2010, p. 81. (Mutations)

(16)

Néanmoins, la réflexion des oralistes reste inchangée et prend une ampleur conséquente.

Pour eux, le langage gestuel n’est pas un langage, seul le français permet d’atteindre l’intelligence. Les Sourds se doivent d’apprendre à parler pour s’intégrer à la société.

Au vu de l’essor du langage gestuel et de la reconnaissance demandée par les Sourds, l’opinion des oralistes s’intensifie, menant les deux parties à reconsidérer les droits des Sourds lors du Congrès de Milan.

Le Congrès de Milan (1880)

Le Congrès international pour l’amélioration du sort des sourds-muets se tient à Milan en 1880. Cependant, et sans grande surprise, l’assemblée est composée d’un nombre d’entendants largement supérieur au nombre de Sourds présents.

Lors de ce congrès, « la parole « pure » est proclamée seule capable de relever le défi d’élever les sourds au niveau de l’intelligence »9. En souhaitant améliorer l’éducation des Sourds, les oralistes vont interdire l’enseignement du langage gestuel dans les écoles et imposer le français oral comme méthode.

« La parole, alliée à la pensée, est vue comme l’attribut naturel de l’homme civilisé. Les gestes renvoient, au contraire, à l’animalité. L’apprentissage de la parole est nécessaire pour « rendre le sourd-muet à la société » et pour l’humaniser. »10

Du point de vue des oralistes, le français oral est donc le seul moyen d’atteindre la civilisation. Les gestes utilisés par les Sourds ne permettraient pas l’acquisition de connaissances. Ces derniers prônent le monolinguisme de la société, seul idéal pouvant unifier la nation à travers la langue. De ce fait, le langage gestuel serait un obstacle à l’unité linguistique de la nation, ce pourquoi elle n’a pas sa place dans l’éducation.

Pendant près de 100 ans, les conséquences sont telles qu’il est interdit de communiquer en Langue des Signes (LS) si bien que les Sourds sont obligés de se cacher pour signer.

La méthode orale ayant été retenue, les professeurs sourds sont jugés « inutiles » et licenciés. Finalement, les Sourds sont ignorés et deviennent invisibles.

Le Réveil sourd des années 1970

C’est donc 100 ans plus tard, dans les années 1970, que les mouvements sociaux de résistance fondés par les Sourds se réveillent : c’est le « Réveil sourd ». Cette période est essentiellement marquée, dans un premier temps, par le sociologue B. MOTTEZ qui inventa la dénomination « LSF » pour la Langue des Signes Française dans le but de remplacer le nom de « langage gestuel ». Ainsi, la langue des Sourds possède dès à

9 BERTIN F., Les sourds : une minorité invisible. Paris : Autrement, 2010, p. 103. (Mutations)

10 BEDOIN D., Sociologie du monde des sourds. Paris : La Découverte, 2018, p. 32. (Repères)

(17)

présent son propre nom, signe d’une reconnaissance de ses caractéristiques linguistiques et d’une volonté de requalification de cette langue.

Le Réveil sourd est également associé à la revendication des Sourds à appartenir à une communauté. De cette soif d’identité se développe une Culture sourde. La Culture sourde s’est créée grâce à la pratique de la LSF (encore interdite) durant les années 1970 en regroupant les Sourds dans une communauté linguistique et culturelle. Cette Culture sourde émane d’un rapport au monde spécifique basé sur une forme de créativité, possible grâce à l’image et l’expression corporelle.

Finalement, c’est à la fin des années 1970 que les efforts des Sourds rencontrent un début de victoire. En 1977, l’International Visual Theatre (IVT) ouvre ces portes à Paris.

Le Réveil sourd a largement été marqué par les liens qui unissaient les français et les américains sur la reconnaissance de la LSF et des Sourds. C’est aussi de cette cohésion qu’est né l’IVT, par la rencontre de Jean GREMION, écrivain, journaliste et metteur en scène français et d'Alfredo CORRADO, un artiste sourd américain. Leur objectif dans la construction de cet établissement est de réhabiliter la LSF dans l’espoir de donner le courage au français sourds d’utiliser leur langue en public.

L’IVT reste encore aujourd’hui le symbole de l’émancipation des Sourds en France qui aura permis de lever l’interdit de communiquer en LSF. Son site internet en donne une définition simple et complète : « C’est un espace d’échange, de rencontre et de découverte pour les Sourds et les entendants ».11

Des années 1990 à aujourd’hui : les lois en faveur de la LSF

Quelques avancées sont à mettre en lumière à la suite du Réveil sourd. A partir des années 1980, le monde des Sourds commence à se dévoiler à la population française notamment grâce à une émission de télévision qui leur est consacrée. Par ailleurs, la pratique du métier d’interprète LSF est accordée depuis 1979, prouvant qu’il est nécessaire pour les Sourds d’avoir accès à une information traduite ou leur donnant la possibilité de communiquer devant un large public.

Cependant, c’est seulement grâce à la loi Fabius de 1991, que la LSF a été autorisée dans les écoles. Cette loi donne la possibilité aux familles de choisir entre une éducation orale ou une éducation bilingue LSF et français écrit/oral. Il est également fait mention que la LSF doit être présente dans les médias et les services publics. Ainsi les bibliothèques, davantage tournées vers leur public à cette époque vont évoquer pour la première fois de manière officielle, lors du séminaire de la Bibliothèque publique d’information (Bpi) du 20 au 24 novembre 1995, les besoins des Sourds et

11 Site internet de l’IVT disponible sur : http://ivt.fr/ivt

(18)

malentendants notamment en ce qui concerne la nature des collections qui leur sont proposées.

Pour donner suite à la loi de 1991, la plus récente concernant tous les handicaps est la loi du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Ainsi cette loi proclame la LSF comme langue à part entière. Les Sourds doivent donc pouvoir recevoir un enseignement en LSF s’ils le souhaitent. Cette officialisation de la LSF entraîne des répercussions autres qu’éducatives : les personnes sourdes pourront bénéficier au sein des services publics, sur demande, d’une traduction en LSF, écrite ou visuelle des informations orales. De plus depuis 2008, la LSF est une option au BAC. Un programme de LSF en école primaire a été mis au point se développant même dans les collèges et lycées en 2009 et les lycées professionnels en 2010. En 2010, est également formalisé le CAPES de LSF pour toutes personnes voulant enseigner la LSF.

En conclusion de ce bref historique, la LSF a eu du mal à être acceptée en tant que langue officielle d’une communauté bien distincte, celle des Sourds. Il aura fallu attendre le 21ème siècle pour que les Sourds soient reconnus en tant que tel, dialoguant avec une langue composée de signes. Ainsi, pour mieux comprendre les caractéristiques de cette langue si particulière nous allons la détailler ci-dessous.

b) La LSF, comment ça fonctionne ?

La LS de manière générale est, quelque fois, apparentée à du mime, à un mode communicatif inventé librement par ceux qui l’utilisent, sans réelle attache linguistique au contraire des langues orales. Cependant, la LS est bel et bien une vraie langue, aujourd’hui officiellement reconnue, notamment en France. Dans ce cas, qu’est-ce qu’une langue ? Un système de signes permettant à chacun de communiquer à travers un discours, un énoncé ou encore la parole (pour ce qui concerne les langues orales).

En ce sens, il avait déjà été démontré dans les années 1960 que les langues gestuelles étaient similaires aux langues orales. C’est le chercheur américain William STOKOE qui en a fait la découverte. Il a démontré, par l’American Sign Language (ASL), que les langues gestuelles étaient dotées d’une double articulation comme les langues orales.

Ainsi, la LS était « un ensemble de structures linguistiques conventionnelles qui, telles les langues vocales, pouvaient se décomposer en deux niveaux : le niveau des unités de sens et un niveau inférieur où l’on trouvait des unités minimales non significatives qui, tels les phonèmes des langues vocales, pouvaient se combiner entre elles pour former les

(19)

unités significatives. »12. Autrement dit, comme le veut la définition de la double articulation, concept inventé par André MARTINET (linguiste français), les langues sont constituées de deux unités linguistiques distinctes. Elles s’articulent autour des unités minimales de sens (morphèmes) et des unités minimales non significatives (unités de sons dans les langues orales, appelées phonèmes). Ainsi, la LS comme les langues orales avait toutes les caractéristiques d’une langue. Nous reviendrons sur ce point par la suite, laissant avant cela le temps de décrire globalement ce qu’est la LS.

Quelques notions à savoir

Pour commencer, il est important d’éclaircir quelques points. Ce n’est pas parce que la LS est une langue gestuelle qu’elle est universelle et utilisée de la même façon par tous. La LS n’est pas universelle. Elle diffère d’un pays à un autre comme pour la langue orale. On distingue également la LS américaine de la LS anglaise et la LS belge et québécoise de la LSF. Il se peut aussi qu’entre les régions d’un même pays un signe soit différent. Par exemple le signe « maman » a 6 ou 7 équivalences en France. Néanmoins, il existe une LS internationale (LSI) ou Gestuno créée avec le même objectif que l’Esperanto dans la communauté entendante. La LSI est utilisée principalement lors de conférences internationales ou lors des jeux olympiques par exemple. Elle synthétise toutes les LS et essaie de créer une unification de leur grammaire pour simplifier la communication.

Cependant, elle se calque essentiellement sur l’ASL et utilise beaucoup les mimes.

La LS est la langue naturelle des Sourds. C’est une langue visuelle, gestuelle et non verbale à la différence des langues orales qui sont aussi verbales. Ainsi, les Sourds utilisent un autre canal de communication, celui de la vision et du geste. La fonction visio-gestuelle du langage est mise en avant contrairement à la fonction audio- phonatoire utilisée par les entendants. C’est ce mode de communication qui différencie les deux types de langues. De ce fait, pour pratiquer la LS, il faut se servir des gestes des mains, du mouvement du corps et de l’expression faciale donnant l’intonation de la pensée (par exemple, les sourcils froncés définissent la colère et quand ils sont levés cela montre plutôt l’interrogation).

Comme la plupart des langues, la LS a son propre alphabet appelé alphabet dactylologique13. Ainsi, en LSF un signe est assigné à chaque lettre du français soit 26 signes. Grâce à cet alphabet le signant peut épeler certains mots n’ayant pas encore de signe existant. Il peut également épeler le nom d’une personne, d’un lieu ou même d’un

12 MILLET A., « La langue des signes française (LSF) : une langue iconique et spatiale méconnue », Cahiers de l’APLIUT, 2004, Vol. XXIII N° 2, p. 32

13 Annexe 2 : alphabet dactylologique

(20)

objet. Lors d’une conversation avec une personne non-signante, il est souvent plus simple d’épeler un mot pour se faire comprendre si la personne en face connaît l’alphabet dactylologique bien sûr. Néanmoins, il existe suffisamment de signes formant un lexique très complet à la LS.

Les signes en LS

Pour en revenir à la notion de langue et à la double articulation de celle-ci, voici l’explication de la formation des signes en LS. La langue en général étant un système de signes, un signe en LS correspond à cinq paramètres. Ces paramètres, dits non significatifs (équivalents aux phonèmes des langues orales), doivent être combinés aux gestes pour créer les unités significatives c’est-à-dire le sens. Si un des éléments change, cela modifie le sens et donc le signe. En français, ce phénomène est équivalent aux paires minimales. Par exemple, avec « pain » et « bain » (exemple susmentionné) lorsqu’on change un seul phonème, le sens du mot change aussi.

Ainsi les paramètres sont les suivants : - Configuration : la forme de la main.

- Emplacement : la place du signe par rapport au signeur.

- Orientation : la position de la paume par rapport au signeur.

- Mouvement.

- Expression du visage.

Appliquons ces paramètres dans la formation d’un signe particulier. Prenons l’exemple du signe [BATEAU]14, extrait de l’article d’Agnès MILLET « La langue des signes française (LSF) : une langue iconique et spatiale méconnue » à la page 34.

« Ainsi le signe [BATEAU], […] pourra-t-il être décrit comme suit :

* configuration = deux mains plates ;

* emplacement = devant le signeur, niveau de l'abdomen ;

* orientation = les mains l'une vers l'autre, tranchants vers le sol ;

* mouvement = ondulé, vers l'avant. »15 A noter que pour ce signe il n’y a pas d’expression du visage spécifique à avoir.

En LS de manière générale, les signes sont imagés et liés à la culture du pays où la langue est utilisée. Ainsi, le mouvement ondulé du signe [BATEAU] fait référence à l’eau

14 Annexe 3 : exemples en LSF des signes entre crochet

15 MILLET A., « La langue des signes française (LSF) : une langue iconique et spatiale méconnue », Cahiers de l’APLIUT, 2004, Vol. XXIII N° 2, p. 34

(21)

et aux vagues et l’orientation des mains représente la coque du bateau. En LSF, il est possible de classer ces signes selon leur motif de production :

• Les signes iconiques correspondent à la représentation que l’on se fait de l’objet signé selon notre pensée dans une certaine logique. Ainsi, ces signes ont différentes origines comme celles mentionnées ci-dessous :

- Historique : le signe [TELEVISION] représente des boutons à tourner - Culturelle : le signe de la ville de [LIMOGES] fait référence à la porcelaine - Visuelle : le signe [MAISON] représente le toit d’une maison

- Caricaturale : être malade, rire

• Les signes arbitraires correspondent généralement aux signes épelés grâce à l’alphabet dactylologique.

• Les signes influencés par le français : les premières lettres des mots sont utilisées pour créer un signe. Par exemple le -v pour les mots [VILLE] ou [VISITER] ou encore le -f pour [FRANCE].

• Les signes inventés : le fait de nommer quelqu’un, lui assigner un signe en lui donnant une sorte de surnom qui caractérise son physique ou sa personnalité.

Cela évite d’épeler à chaque fois son nom.

La structure linguistique de la LSF

La LSF ne peut pas être comparée à la langue française car c’est une langue qui a une structure linguistique bien particulière. Ainsi, il faut savoir que la syntaxe de la LSF est différente de celle du français. La formation de la phrase serait la suivante : Quand/Où/Quoi/Qui/Action du verbe. Le décor est mis en place puis les personnages y entrent en action. De ce fait le verbe est toujours placé à la fin de la phrase donc la phrase « je n’aime pas le café » en français donnera en LSF « le café je n’aime pas » ou

« moi le café ne pas aimer »16.

Autres différences par rapport au français, les mots n’ont pas de genre ni de nombre. S’il n’y a pas de contexte, il faut préciser que l’on parle d’une femme ou d’un homme par leur signe associé. Pour le pluriel, il suffit d’ajouter un classificateur si l’on veut parler de plusieurs choses. Il est également courant de gonfler les joues, par exemple, pour exprimer la quantité (si elle est abondante dans ce cas).

En LSF, on ne conjugue pas les verbes. Le temps est exprimé selon la position des mains : au niveau du corps pour le présent, vers l’arrière pour le passé et vers l’avant

16 Voir annexe 4 : exemple extrait à la page 117 du livre de Monica COMPANYS « Signe particulier : sourds »

(22)

pour le futur. Le complément de temps sera indiqué en premier dans la phrase pour dater l’action et mettre les choses en contexte.

La négation aussi est traduite différemment. Le « ne…pas » sera remplacé par un indicateur négatif tel que « non », « rien » ou « jamais » et placé à la fin de la phrase. A savoir que certains verbes incluent la négation dans un signe particulier comme savoir/ne pas savoir, pouvoir/ne pas pouvoir, aimer/ne pas aimer…

L’interrogation se traduit comme la négation, à la fin de la phrase par une expression du visage marquée. Les Sourds peuvent également transposer les onomatopées et expressions exclamatives en signes.

A la suite de cette description de la LSF, la conclusion est telle que cette langue n’est rien d’autre qu’une langue étrangère parlée par une communauté précise, les Sourds. Une langue qu’il faut apprendre afin de communiquer avec cette communauté. Une langue qui comme toute langue étrangère (par exemple l’anglais) permet de découvrir une nouvelle culture. Ainsi il faut souligner que comme l’anglais et le « franglais », il ne faut pas confondre LSF et français signé. Le français signé consistant à utiliser les signes de la LSF avec la syntaxe du français, comme en anglais quand on traduit littéralement une phrase en français. Cette comparaison avec l’anglais et les langues étrangères en général nous amène naturellement à une question déterminante. Comment se passe l’acquisition du français écrit pour les Sourds et quel est leur rapport à la lecture ?

1.3. Le public sourd face à la lecture : une discipline abstraite

Avant de mettre en avant les difficultés des Sourds face au français écrit et surtout à la lecture, voici un rappel du fonctionnement typique de l’apprentissage de la lecture.

« L’apprentissage de la lecture implique la maîtrise progressive de connaissances linguistiques de différents niveaux (notamment : alphabet, fonctionnement du système d’écriture propre à une langue donnée et système de correspondance sons-groupes de lettres, structures de phrases et de textes propres à l’écrit, fonctions des messages écrits). Cet apprentissage requiert également la mise en place, puis l’automatisation, de processus de traitement des informations écrites et le développement de stratégies de deux types : des stratégies visuo-graphiques, permettant d’accéder à la signification des mots dont l’orthographe a été mémorisée, et des stratégies phonographiques, qui permettent, en utilisant le système de correspondance sons-groupes de lettres (ou phonèmes-graphèmes), de décoder des mots écrits nouveaux et d’accéder à leur

(23)

signification de manière indirecte, par leur forme orale mémorisée. (Gombert et al., 2000) ».17

Ainsi, l’enfant entendant s’aide de sa langue maternelle orale pour décrypter l’écrit.

Grâce à l’oralisation, l’enfant peut déchiffrer un mot qu’il ne connaît pas encore en le prononçant pour en entendre les syllabes. En prononçant le mot écrit, il le décode et l’identifie grâce à sa mémoire puisqu’il aura déjà entendu le mot à l’oral avant de découvrir sa forme écrite. En effet, l’écrit découle de la langue orale. L’enfant apprend à parler avant d’apprendre à lire et écrire. C’est notamment pour cela que les enfants apprennent à lire à haute voix.

Pour l’enfant sourd, dont sa langue maternelle (la LSF) est visuelle, tout est différent.

L’enfant ne peut donc pas utiliser la stratégie de l’oralisation (phonographique) et part avec le désavantage de ne pas pouvoir entendre la langue qu’il doit apprendre à lire. Par comparaison, en tant qu’entendant, essayez de prononcer une langue que vous n’avez jamais entendue, cela est difficile voire impossible. Le témoignage de Marie-Thérèse l’HUILLIER18, ancienne animatrice et productrice de télévision sourde française et actuellement ingénieure d’étude au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), résume son propre rapport à l’écrit et à la lecture et atteste du sujet de manière plus générale. Quand elle était plus jeune, notamment à l’école, elle ne comprenait pas l’importance de l’écrit. Cela se manifestait aussi car, à son époque, il n’y avait pas de sous-titrage à la télévision, au cinéma et les DVD n’existaient pas. Du côté familial, ses parents, sourds également, avaient des difficultés à lire et écrire et donc ne lui en inculquaient pas les notions. C’est seulement, en arrivant dans le monde du travail qu’elle a compris l’importance de l’écrit. Selon elle, l’écrit est nécessaire pour s’intégrer dans la société et a un pouvoir immense de communication de l’information.

Elle témoigne de l’importance de l’accessibilité d’un apprentissage en LSF : « Si on l’a [le concept de l’écrit] en Langue des signes, ça aide pour la compréhension du français en lui-même », et des échanges entre les personnes qui permettent d’accéder au sens de l’apprentissage et de la lecture. Elle met également en avant la famille, qui a une importance cruciale dans l’apprentissage de l’écrit aux enfants, peut-être même plus que l’éducation qui est souvent inadaptée.

Marie-Thérèse l’HUILLIER fait le constat que les Sourds, quand ils lisent, associent très souvent la lecture à l’articulation, à la voix. De ce fait, elle déclare qu’il faut casser cette image de l’oral associé à l’écrit et passer directement à l’apprentissage de l’écrit. Pour

17 NIEDERBERGER N., « Apprentissage de la lecture-écriture chez les enfants sourds ». Enfance.

2007, Vol. 59 (3), p. 5

18 Témoignage vidéo : HUILLIER M-T., Les Sourds lisent, 2017. [Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=Mc_LBJ03cfo, consulté le 6 avril 2020]

(24)

cela les Sourds doivent créer leur stratégie personnelle pour apprendre à lire : chacun a sa propre méthode et représentation de l’écrit et de la lecture. L’écrit reste visuel, comme la LSF est visuelle elle aussi. Ainsi, elle conclut qu’il faut savoir faire des liens entre les deux langages pour avancer dans l’écrit et la lecture.

Autrement dit, les principales difficultés rencontrées par les Sourds concernent plusieurs points. L’apprentissage est davantage compliqué quand la surdité est congénitale.

L’enfant n’a aucun accès au français oral, pour lui le français est une langue totalement étrangère. Ensuite, l’accès limité à l’information et l’éducation inadaptée entrainent, lorsque l’écrit est acquis, un vocabulaire limité et des difficultés en expression écrite.

Enfin, il est retenu l’isolement notamment linguistique dû au fait que plus de 90 à 95%

des enfants sourds sont nés de parents entendants, donc non utilisateurs de la langue des signes. S’ajoute également, l’isolement envers l’écrit et la lecture du français pour les enfants sourds nés de parents sourds, si les parents sont illettrés eux-mêmes. A savoir que l’illettrisme est conséquent chez les Sourds en France, notamment dû à l’interdiction de la LSF pendant près de 100 ans et à l’éducation encore inadaptée. Le Rapport Gillot (1998) déclare que « 80% des sourds profonds [scolarisés] sont illettrés et 5% des sourds profonds accèdent à l’enseignement supérieur ».19 De plus, d’après le Gallaudet Research Institute (1997) « la lecture demeure un défi de taille pour la majorité des personnes sourdes adultes dont le niveau de lecture moyen atteint équivaut à la quatrième année du primaire ».20

L’enfant sourd vit dans un environnement où la communication est orale. L’écrit découle de la langue orale et de cet environnement. Les Sourds ont donc des difficultés à apprendre à lire car ils n’ont aucune connaissance de la langue orale utilisée dans le monde qui les entoure. Ainsi, l’identification des mots écrits leur demande davantage d’efforts par rapport aux entendants qui sont confrontés à la langue orale depuis la naissance. Les Sourds doivent alors trouver eux-mêmes des stratégies pour apprendre à lire. Ces stratégies sont généralement visuelles, aidées de l’orthographe ou de l’utilisation de la LSF ou de la LFPC. D’après les études de Padden et Ramsey, traitant de l’apprentissage de la lecture chez les jeunes sourds, et répertoriées dans l’article de DUCHARME D. et HURST L. « Être sourd et apprendre à lire : Une étude de cas des stratégies de lecture d’un élève de 14 ans », il existe principalement trois stratégies d’apprentissage mises au point par les enseignants signants : l’épellation digitale (épeler le mot grâce à l’alphabet dactylologique), les signes initialisés (signer seulement la

19 GILLOT D., Le Droit des sourds : 115 propositions. Rapport au Premier ministre. Paris : La Documentation française, 1998, p. 90

20 DUCHARME D., HURST L., « Être sourd et apprendre à lire : Une étude de cas des stratégies de lecture d’un élève de 14 ans », Revue du Nouvel-Ontario, 2009, (34), p. 1

(25)

première lettre du mot) et le chaînage (signer le mot puis utiliser l’épellation digitale, il est aussi possible d’écrire manuellement le mot au moment de l’épellation). Ainsi, les Sourds arrivent à lire car ils font une corrélation entre signes et écrit à la différence des entendants qui eux associent langage écrit et parlé.

Les connaissances linguistiques en LS favoriseraient donc l’apprentissage de la langue écrite. Les enfants sourds nés de parents sourds sachant lire ont souvent plus de facilité à lire car leurs parents leur ont transmis les notions de lecture et des stratégies d’apprentissage en LS. De ce fait, comme le disait Marie-Thérèse l’HUILLIER, les enfants peuvent faire des liens entre les deux langages pour parfaire leur stratégie d’apprentissage. Lorsqu’ils maitrisent l’écrit et la lecture du français en plus de la LSF, cela fait d’eux des bilingues. Il est donc possible d’associer le terme de « bilinguisme » aux locuteurs signants, le bilinguisme étant la capacité pour une personne à utiliser deux langues quotidiennement.

En ce qui concerne la compréhension globale d’un texte, les Sourds comme les bilingues apprenant une langue seconde, se réfèrent davantage au lexique dans un contexte précis mais cette stratégie a des limites. En effet, pour comprendre pleinement le sens d’un texte, le lecteur doit aussi prendre en compte la morphosyntaxe (structure de la phrase, négation, interrogation, conjugaison, genre/nombre…). Cependant, dans notre cas, la morphologie et la syntaxe de la langue française écrite sont différentes de la LSF, comme nous avons pu le constater dans la partie précédente et posent ainsi quelques problèmes.

Les Sourds, en apprenant le français écrit, sont en train d’acquérir les bases d’une seconde langue qu’ils ne connaissent pas encore.

En conclusion, d’après une citation du linguiste Michel CAMBIEN, « L’enfant sourd, à l’inverse de son homologue entendant, n’apprend la langue qu’après qu’on la lui a enseignée ».21 L’enfant sourd, le plus souvent né de parents entendants, n’a pas d’Input (langue maternelle dans laquelle il est « baigné » dès sa naissance) associé au français écrit. Il ne peut pas apprendre la langue écrite, de manière presque innée, comme l’enfant entendant car il a besoin qu’on la lui enseigne. La langue française (notamment la structure syntaxique, la grammaire et le vocabulaire) lui est d’autant plus compliquée à acquérir puisqu’elle est différente dans sa langue, qui est gestuelle. L’enfant sourd apprend le français lorsqu’il apprend à lire et à écrire. Il n’a pas les bases de cette langue avant cela car il n’appartient pas à ce bain linguistique. Finalement, il est en train d’apprendre une langue étrangère.

21 GENESTE P., SERO-GUILLAUME P., Les sourds, le français et la langue des signes. (2° édition revue et corrigée). Chambéry : Éd. CNFEDS, Université de Savoie, 2014, p. 73

(26)

Cette partie ainsi terminée, qualifiée d’état des lieux du monde des Sourds, a permis de définir les différentes surdités et de développer la surdité profonde/totale associée généralement aux Sourds signants, public étudié dans ce mémoire de recherche. Aussi, il a été possible d’exposer l’histoire des Sourds et les épreuves subies par leur communauté, et d’en détailler l’un des fondements essentiels : la LS ou LSF en France. Enfin après avoir pris connaissance des caractéristiques de la LS, nous avons pu développer la question de la lecture et du rapport à l’écrit chez les Sourds. Les Sourds savent lire mais ont quelques difficultés du fait de ne pas pouvoir entendre la langue qu’ils essaient de décoder. De plus, l’éducation des Sourds a longtemps été maintenue dans un cadre scolaire classique les isolant de la lecture et de son sens. « Les souvenirs d’humiliations et d’échecs scolaires liés à l’objet livre ne s’effacent pas facilement… ».22 Le public sourd, notamment adulte, est souvent réticent à entrer en bibliothèque (lieu contenant des livres, objets représentatifs de l’école) et ne voit pas grand intérêt à s’y rendre. Cependant, cette observation tend à changer avec les nouvelles générations qui peuvent aujourd’hui avoir un enseignement bilingue (malgré encore des difficultés d’adaptation des administrations), et qui ont davantage la possibilité et l’envie de se rendre en bibliothèque, qui se doit d’être accessible à tous.

De ce fait, ce mémoire est d’autant plus conséquent qu’il va permettre de montrer le rôle des bibliothèques face à l’accès souvent compliqué des Sourds à l’écrit et à la culture. La bibliothèque reste le lieu où les Sourds peuvent accéder à l’écrit par le plaisir et le divertissement en opposition au cadre scolaire et souvent forcé de l’école. Les bibliothèques accordent une grande importance au public et à l’accessibilité de celui-ci, même si « L’enquête nationale 2003 sur les « publics empêchés » montre qu’en France, très peu de bibliothèques parviennent à mettre en place des actions en direction des publics sourds, même si elles en ont le projet ».23 Aujourd’hui, elles ont la volonté de rendre la culture accessible au public sourd et en ont davantage les moyens mais cela n’est pas sans limite. D’autant que l’accessibilité des Sourds passe par le développement et la valorisation de la LSF en bibliothèque au même titre que le français ou les langues étrangères pour les autres usagers. Nous en arrivons donc à la partie consacrée à la LSF en bibliothèque publique gage de l’intégration du public sourd signant.

22 PARRAUD B., ROUDEIX C., « Bibliothèque, lecture et surdité ». Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2004, (2), p.120-121. [Disponible sur : http://Bulletin des bibliothèques de France.enssib.fr/consulter/Bulletin des bibliothèques de France-2004-02-0120-012]

23 PARRAUD B., ROUDEIX C., Art. Cit.

(27)

2. Valorisation d’une bibliothéconomie

spécialisée en LSF : analyse de la littérature professionnelle

La deuxième partie de ce mémoire expose la valorisation de la LSF dans une bibliothéconomie spécifique à l’accueil d’un public sourd au sein des bibliothèques publiques de France. Ainsi, nous nous baserons sur les références de la littérature professionnelle afin d’en donner l’état des lieux : recommandations, projets et limites.

L’analyse porte sur une vingtaine de références du BBF, de l’ABF et de sa commission Accessibib, de la Bpi et de sa rubrique ALPHABib mais aussi sur des travaux d’études et des articles du magazine ActuaLitté. La bibliographie récoltée nous permet de nous concentrer sur la période de 2004 à 2019, donc à partir de la loi handicap de 2005 qui est un réel tournant pour l’accessibilité de tous les publics et en particulier du public sourd. A cette période, s’ajoutent les directives de l’IFLA, 2ème édition de 2000, et un article de l’ABF sur l’exemple de l’accueil des usagers sourds à la bibliothèque de Massy en 1998. Ces deux autres références serviront à affiner les résultats trouvés en comparaison à la période étudiée.

La commission Accessibib de l’ABF « promeut les exemples étrangers et les recommandations internationales. Deux membres de la commission participent aux travaux de l’iFla dans les sections lsn « library services for people with special needs » et lPd « library services for people with print disabilities ». »24. Ainsi, les directives internationales de l’IFLA destinées aux services de bibliothèque pour les sourds, revues en 2000, énumèrent les préconisations à suivre pour toutes bibliothèques voulant accueillir un public sourd. L’objectif est le suivant : « informer les bibliothécaires sur les services et les informations utiles aux sourds, et s'adressent à toutes les bibliothèques qui accueillent un public de sourds quelle qu'en soit la proportion. Elles s'appliquent à toutes les catégories de bibliothèques […] Ce document devrait en outre servir d'outil pour l'élaboration des lignes directrices nationales concernant les services de bibliothèque pour les sourds, dans la mesure où il est facile de l'adapter conformément aux conditions locales »25. Ces directives font référence à cinq aspects primordiaux en bibliothèque : le personnel, la communication, les collections, les services et les programmes. Au vu des références étudiées nous pourrons observer si les bibliothèques de France suivent ces

24 FONTAINE-MARTINELLI F., ANDISSAC M-N., « La Bibliothèque accessible ». Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2017, (11), p. 26-35. [Disponible sur :

http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2017-11-0026-003]

25 DAY J-M., Directives destinées aux services de bibliothèque pour les sourds. (2° édition). La Haye : IFLA, 2000, 27 p.

Références

Documents relatifs

Bourvil pour les enfants [Disque compact + livre].

Les mobiliers associés sont caractéristiques du Bronze final II languedocien (Fig. n°7 : Coupe et dessin du mobilier céramique du silo 14).. 8 Le mobilier de la structure 19

We focused on the case of Lyapunov-theoretic proofs of stability with floating- point numbers, for which we implemented LyaFloat, a tool that automatically generates correct

Ils sont très adaptés à la vie en symbiose car très dépendants des plantes pour leurs besoins nutritionnels, ainsi on ne les trouve jamais sous forme libre dans la nature

Auteur : Beauvais, Clémentine & Maria Nikolajeva (eds) Titre : The Edinburgh companion to children's literature Edition : Edinburgh : Edinburgh University Press, 2017 Cote :

Dans cet arrière-plan, le présent article rend compte de la méthodologie mise en œuvre et des types de questions rencontrées pour l’annotation,

C’était donc un new deal de la pédagogie de la langue des signes et de son rôle dans la scolarisation des jeunes sourds qui était annoncé, puisque la perspective ouverte par

D’abord pour l’ap- préhension même de la surdité, comme le montre l’article conjoint de Martine Abdallah-Pretceille et Fabrice Bertin, puisqu’en considérant les élèves