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L imites et faiblesses du traitement intermittent dans la prévention du paludisme.

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Academic year: 2022

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(1)

Bull Soc Pathol Exot, 2003,96, 2, 75-76 75

L

’OMS a récemment publié un appel à manifestation d’intérêt pour des recherches sur le traitement intermittent du paludisme (4). Cette nouvelle straté- gie a pour objectif de réduire la préva- lence du paludisme, donc la mort a l i t é qu’il induit, en luttant contre l’anémie grave observée chez les enfants en zone d’endémie palustre. Le traitement inter- mittent consiste à administrer un traite- ment antipaludique à dose unique, 3 ou 4 fois par an, lors des séances de vaccination c o n t re la diphtérie, le tétanos et la coque- luche (DTC) et contre la rougeole, dans le cadre du programme élargi de vacc i- nation (PEV). Cette stratégie viendrait s’ajouter aux trois autres interv e n t i o n s actuellement en vigueur : le traitement présomptif des accès de paludisme, la c h im i o p rophylaxie chez les femmes enceintes et la diffusion de moustiquaire s imprégnées.

Une étude a été récemment réalisée en Tanzanie dans le but de tester l’efficacité d’une telle stratégie (6). Elle pro p o s a i t une distribution de sulfadoxine-pyrimé- thamine (S-P) au cours du PEV, c’est-à- d i re chez les nourrissons de 2, 3 et 9 mois, c o n t re placebo. Les résultats montre n t une baisse de la morbidité due au palu- disme, de l’incidence des anémies et des hospitalisations dans le groupe des enfants traités. Toutefois, elle ne permet pas de répondre à toutes les questions que l’on peut se poser sur l’utilisation d’une telle stratégie :

- le nombre de décès observés est iden- tique dans les deux groupes, ce qui ne

plaide pas en faveur du traitement inter- mittent ;

- l’essai est focalisé sur les nourr i s s o n s qui ne sont, ni les seuls, ni les plus expo- sés au risque de paludisme grave, et laisse de côté les enfants de 1 à 5 ans, de loin les plus exposés ;

- il est limité dans sa durée à 12 mois ; - il est évalué à travers les consultations h o s p i t a l i è res qui ne concernent qu’une faible pro p o rtion des accès de paludisme en zone rurale.

De plus, une telle stratégie, au-delà de ses limites, met en exergue certains pro b l è m e s de fond que nous voulons souligner. Le traitement intermittent s’apparente, en e ffet, à une chimioprophylaxie plus ou moins régulière qui comporte trois carac- téristiques :

- elle s’adresse à un public non malade, mais qui reçoit à répétition des doses thé- rapeutiques élevées. La chimiopro p h y l a x i e du paludisme par S-P n’est d’ailleurs plus recommandée depuis la dern i è re confé- rence de consensus sur la prise en charg e du paludisme d’importation dû à P l a s m o - dium falciparu m en France (1). Les risques d ’ e ffets indésirables sévères, bien que re l a- tivement rares, justifient pleinement cette précaution (3, 5);

- la confusion toujours possible entre chi- m i o p rophylaxie et traitement risque de c o n d u i re à une automédication incon- trôlée de ce médicament;

- l’association S-P a une demi-vie d’une dizaine de jours, ce qui porte la pro t e c t i o n à une période n’excédant pas un mois. La prise intermittente d’un traitement avec des phases de non-protection, notam-

ment entre 3 et 9 mois, risque d’avoir pour effet pervers le retard dans la mise en route d’un traitement curatif en cas d’accès palustre avec le risque d’évolu- tion vers un accès grave.

Comme pour toute prophylaxie, le risque d’entraîner un retard dans la dynamique d’acquisition de l’immunité (2) n’est pas négligeable et devrait être évalué.

On connaît la rapidité d’apparition des résistances de Plasmodium falciparum à l’association S-P, qui était une raison sup- p l é m e n t a i re d’abandonner ces molécules pour la chimioprophylaxie antipaludique (7). Cette méthode présente donc le risque d’une diffusion rapide de la chimiorésis- tance à la S-P, ne serait-ce qu’à cause de son utilisation non contrôlée chez les enfants qui ne sont plus concernés par le P E V. Nous obtiendrions un eff e t c o n t r a i re aux objectifs de la bithérapie qui cherche à ralentir la diffusion de la chimiorésistance, afin de protéger les molécules encore efficaces.

Le choix du PEV pour la distribution de ce traitement intermittent pose deux pro- blèmes.

D’une part, la cible qu’il faudrait privilé- gier sera toujours décalée par rapport aux méthodes de distribution et à la notion d ’ i n t e rmittence. Les effets graves du palu- disme ne concernent pas uniquement les enfants entre 2 et 9 mois. Les plus forts taux de mortalité due aux formes graves du paludisme, anémie sévère ou neuro- paludisme, atteignent plus souvent des enfants entre 1 et 5 ans, voire plus âgés

L imites et faiblesses du traitement intermittent dans la prévention du paludisme.

É DITORIAL

J.-P. Chippaux (1), J.-Y. Le Hesran (2), M. Cot (2) & A. Massougbodji (3)

(1) US 009,Institut de recherche pour le développement, B. P. 1386,Dakar, Sénégal (e-mail:chippaux@ird.sn).

(2) UR 010,IRD, B. P. 1386,Dakar, Sénégal.

(3) Faculté des sciences de la santé,01 B. P. 188,Cotonou,Bénin.

Éditorial n°2473. Reçu le 27 septembre 2002. Accepté le 26 mars 2003.

paludisme, chloroquine, sulfadoxine, pyriméthamine , résistance , stratégie de contrôle, prophylaxie

(2)

J.-P. Chippaux, J.-Y. Le Hesran,M. Cot & A. Massougbodji

dans les zones de transmission palustre s a i s o n n i è re ou instable. Comment expli- quer aux parents que l’on ne prend pas en compte les enfants les plus menacés ? D ’ a u t re part, cette stratégie est inadap- tée à l’épidémiologie du paludisme. Elle doit évidemment être adaptée au ry t h m e de transmission du paludisme. Dans le cas d’une transmission saisonnière, le traitement intermittent sera effectué à c o n t retemps pour une majeure partie des n o u rrissons, c’est-à-dire pendant les 6 à 8 mois de saison sans transmission. Inver- sement, en situation holoendémique, qui nécessite une protection quasi perm a- nente, le traitement sera interrompu chez chaque nourrisson entre 4 et 9 mois, soit pendant la moitié de l’année.

De plus, il faut se poser la question de la réelle application de cette stratégie quand on sait que, dans la plupart des pays afri- cains, la couverture vaccinale par le PEV est généralement inférieure à 50 %, voire 25%, en zone rurale où le paludisme est le plus fortement prévalent.

Au niveau logistique, cette stratégie consistera le plus souvent en une straté- gie verticale, organisée par une équipe spécialisée sans participation commu- n a u t a i re. Cette approche tend à être aban- donnée parce qu’elle ralentit l’intégration des stratégies de lutte et leur mise en œ u v re à l’échelle communautaire. Outre le problème conceptuel, les aspects logis- tiques, opérationnels et surtout écono- miques ne semblent pas pris en compte.

Si le prix des médicaments (sur la base de génériques distribués par un même four- nisseur) n’entraîne pas de diff é rence signi- ficative du coût unitaire du traitement, le

nombre d’administrations sera, par défi- nition, beaucoup plus élevé dans le cadre d’une stratégie de traitement interm i t t e n t qui concerne l’ensemble des enfants éli- gibles pendant toute la durée de trans- mission du paludisme.

Il est vraisemblable que la distribution de traitements anti-palustres, même don- nés de façon intermittente, va permettre dans les pre m i è res phases d’étude d’abou- tir à la constatation d’une baisse de la morbidité et de la mortalité. Il est toute- fois nécessaire pour adopter définitive- ment une stratégie de vérifier son applicabilité, de s’assurer de sa pérenni- sation, d’étudier l’impact qu’elle pour- rait avoir au niveau des populations et de s’intéresser à ses conséquences en terme de santé publique. À ce titre, il est essen- tiel d’évaluer les causes d’échecs des stra- tégies qui ont cours et pour lesquelles le facteur humain a souvent été oublié.

L’exemple de la chloroquine est infor- matif. Elle demeure un traitement de pre- m i è re ligne dans bien des pays d’Afrique de l’Ouest ; on peut s’interroger sur l’ori- gine des échecs thérapeutiques de plus en plus souvent constatés et qui pourraient ê t re liés à une utilisation inadaptée ou insuffisante autant qu’à la résistance du parasite à la molécule. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de privilégier les recherches opérationnelles visant à ren- f o rcer les modalités de distribution: infor- mer la population, améliorer la disponibilité et l’accessibilité du médica- ment, réorganiser les systèmes de soins y compris traditionnels, mieux com- p re n d re les processus de recours théra- peutique avec pour objectifs, d’une part, de re n f o rcer l’efficacité des stratégies

actuelles et, d’autre part, de s’assurer de la bonne intégration et de la réussite des nouvelles stratégies proposées.

Références

bibliographiques

1. AA. – 12èmeconférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF). Prise en charge et prévention du paludisme d’importation à Plasmodium falcipa - rum. Méd Mal Inf, 1999, S2, 115s-141s.

2 . GREENWOOD BM, DAVID PH, OTOO- FORBES LN, ALLEN SJ, ALONSO PL e t al. – Mortality and morbidity from malaria after stopping malaria chemo- prophylaxis. Trans R Soc Trop Med Hyg, 1995, 89, 629-633.

3. MILLER KD, LOBEL HO, SATRIALE RF, KIRUTSKY JN, STERN & CAMPBELL CC – Severe cutaneous reactions among American travellers using pyrimetha- mine-sulfadoxine (Fansidar®) for malaria prophylaxis. Am J Trop Med Hyg, 1986, 35, 451-458.

4. OMS – Traitement intermittent du paludisme dans le cadre du calendrier du PEV en Afrique. Rel Epidémiol Hebdo, 2002, 77, 82-83.

5. PHILLIPS-HOWARD PA & BJORKMAN AB – Ascertainment of risk of serious adverse reactions associated with che- moprophylactic antimalarial drugs.

Bull OMS, 1990, 68, 493-504.

6. SCHELLENBERG D, MENEDEZ C, K A H I G WA E, APONTE J, VIDAL J et al.–

Intermittent treatment for malaria and anaemia control at time of rou- tine vaccinations in Tanzanian infants:

a randomised, placebo-controlled trial.

Lancet, 2001, 357,1471-1477.

7. WONGSRICHANALAI C, PICKARD AL, WERNSDORFER WH & MESHNICK SR – Epidemiology of drug-resistant mala- ria. Lancet Infect Dis, 2002, 2, 209-218.

Éditorial 76

Editorial (summary):Limits and handicaps of the intermittent malaria treatment

WHO proposal of a new strategy for the control of malaria, intermittent treatment using sulfadoxine-pyrimethamine, encounters various concep - tual and logistic problems. First, the treatment is dedicated only to a very small part of the population which is not representative of the popu - lation at risk. Secondly, it largely underestimates the risks of this type of drugs. At last, the difficulties of its management should lead to hamper this strategy. It would be preferable to study the real causes of the current strategy failure and to take it into account for a new strategy.

malaria, chloroquine, sulfadoxine, pyrimethamine , resistance, control strategy, prophylaxis

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