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https://revues.imist.ma/index.php/DSCL ISSN : 2605-7573

NO 4 (2020)

''Compétences interculturelles et didactique des langues : un mariage forcé ? ''

''Intercultural and didactic skills languages: a forced marriage? ''

Samira BEZZARI Laboratoire Larlanco – Université Ibn Zohr - Agadir

Résumé

La question de la pluralité linguistique et culturelle en milieu de travail n’a pas suscité un engouement en tant qu’objet de recherche dans la didactique des langues et des cultures. Pourtant, la complexité de la communication et de la gestion des difficultés d’ordre culturel amène à repenser le rôle des compétences interculturelles en tant que modusoperandi dans les rencontres exolingues chez les cadres en mobilité internationale. Cette dernière a intensifié les opportunités de travail en équipes multiculturelles et a renforcé la rencontre des cultures et de l’altérité confrontée souvent à la perception des sujets entretenue par les stéréotypes et les mythes culturalistes. De surcroît, la capacité de s’expatrier n’est pas à aller de soi sans un enseignement des langues et des cultures qui inclut la prise en compte de la dimension interculturelle dans les interactions en milieu professionnel multiculturel. La réussite de la communication en contexte plurilingue implique la maîtrise des langues, mais aussi une (re)connaissance des cultures qui nécessite une éducation à la différence.

Dans une perspective interculturelle, cet article se propose d’analyser la place des compétences interculturelles dans la

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didactique des langues et des cultures en formation des adultes.

Notre propos sera étayé d’une enquête quantitative menée auprès des cadres en mobilité internationale professionnelle en France et au Maroc. Ce cas d’étude viendra illustrer la perspective interculturelle retenue en analysant les données empiriques recueillies à la lumière du test du khi-deux et des différentes corrélations qu’il propose.

Mots-clés : mobilité internationale, compétences interculturelles, didactique, mariage forcé, pluralité linguistique.

Abstract

The question of linguistic and cultural plurality in the workplace has not aroused enthusiasm as an object of research in the teaching of languages and cultures. However, the complexity of communication and the management of cultural difficulties leads us to rethink the role of intercultural skills as a modusoperandi in exolingual encounters among executives in international mobility.

The latter has intensified the opportunities for working in multicultural teams and has strengthened the meeting of cultures and otherness often confronted with the perception of subjects fostered by stereotypes and culturalist myths. In addition, the ability to expatriate is not to be taken for granted without teaching languages and cultures which includes taking into account the intercultural dimension in interactions in a multicultural professional environment. The success of communication in a multilingual context implies mastery of languages, but also a knowledge of cultures which requires education in difference.

From an intercultural perspective, this article aims to analyze the place of intercultural skills in the teaching of languages and cultures in adult education. Our point will be supported by a quantitative survey conducted among executives in international professional mobility in France and Morocco. This case study will illustrate the intercultural perspective chosen by analysing the

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empirical data collected in the light of the khi-deux test and the different correlations it offers.

Keywords : international mobility, intercultural skills, didactic, forced marriage, linguistic plurality.

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Introduction

Les entreprises internationalesconstituent le domaine le plus complexe et le plus sensible dans l’évolution interculturelle contemporaine (Demorgon&Lipiansky, 1999 : 53). Elles emploient de nombreux cadres qui pensent dans leurs langues maternelles, œuvrent dans la langue de travail du pays d’origine et évoluent sur d’autres scènes socioculturelles dans celle du travail du pays d’accueil. Derrière ces ensembles multiculturels (Abdallah- Pretceille & Porcher, 1999) nait une richesse, mais se profilent en même temps des rapports de force où s’affrontent des logiques différentes, des représentations sociales et des identités culturelles saillantes.Ces enjeux consubstantiels à la mobilité des cadres engagent la question du rôle de l’enseignement des langues et des cultures dans la construction des compétences interculturelles.

En nous basant sur une approche interculturelle, notre propos dans cet article a pour objectif de vérifier l’hypothèse qui postule une relation entre l’enseignement/apprentissage des langues étrangères et la construction des compétences interculturelles.

Déterminer la nature de cette relation impose d’étudier la communication, tant à l’écrit qu’à l’oral, en la corrélant avec les difficultés d’ordre culturel chez des cadres en mobilité internationale en France et au Maroc.

1. La dimension interculturelle dans l’enseignement des langues et des cultures

Si, depuis la deuxième moitié du XXème siècle, les travaux sur la dimension interculturelle en éducation débordent pour un nouvel impératif d’éducation à la compréhension (Zarate, 1999), ceux sur la didactique des langues et des cultures pour les adultes restent très limités. Pourtant, parmi les nombreux concepts qui connaissent un franc succès en didactique, notamment du FLE, ceux portant sur les

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compétences culturelles et interculturelles retiennent beaucoup d’attention (Louis, 2011).

Les textes théoriques envisageant ces notions ont pour effet de populariser l’idée qu’une langue ne peut s’enseigner sans la culture qui l’accompagne. Néanmoins, ce rapport n’est pas à aller de soi : la question des relations qu’entretiennent langue et culture et leur didactisation a permis de relever plusieurs problèmes au niveau de l’analyse des besoins des apprenants, la conception des programmes, l’évaluation, les contenus et les instruments.

La tendance dominante dans le secteur de l’enseignement- apprentissage, sous l’influence notamment d’une certaine conception de la pragmatique linguistique, a été souvent de privilégier les lectures de la compétence à communiquer en termes plus langagiers que culturels (Zarate, Levy &Kramch, 2008) et de valoriser la différence intra et inter-linguistique que la variation intra et interculturelle. La prise en compte de la pluralité des cultures et la capacité à percevoir, à objectiver et à vivre cette pluralité n’entrent souvent que très exceptionnellement en ligne.

L’accès à la langue ne se fait pas par le truchement du langage en tant que pratique sociale et produit socio-culturel (Galisson, 1991), mais par le discours savant dans les manuels (Mangiante, 2014) dont la majorité ne prennent pas en considération la confrontation entre locuteurs de cultures différentes ni le poids de leurs cultures et de leurs langues maternelles dans les interactions (Zarate, 1982 ; Vinsonneau, 2002). L’influence de ces deux facteurs n’est pas à minimiser puisqu’elle affecte la qualité de l’interlocution par des schèmes disponibles dans les langues maternelles et, par la suite, renforce les schémas idéologiques sur l’altérité difficilement modifiables seulement avec la rencontre moyennant le manuel.

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C’est, en effet, le vif de l’approche interculturelle1 qui reste marginale encore dans l’enseignement des langues au détriment d’une approche communicative2 largement adoptée.

Au Maroc, avec la mise en place de la Charte Nationale d’Éducation et de Formation élaborée par la Commission Spéciale Éducation-Formation (COSEF) en 2000, la politique linguistique ainsi que les différentes réformes pédagogiques accordent une place importante à la problématique de la maîtrise des langues, en particulier la langue française, qui constitue une « langue de travail au Maroc » (Mabrour, 2015 : 14) profondément ancrée dans le vécu des marocains. Sa maitrise est, donc, devenue une compétence incontournable dans les grilles de sélection des ressources humaines dans les entretiens d’embauche.Néanmoins, l’enseignement-apprentissage de la langue française ne permet pas souvent de dépasser les difficultés d’ordre culturel des cadres marocains en mobilité internationale (Bezzari, 2017). Ce constat remet en cause les stratégies didactiques de cette langue au Maroc.

1Prise en compte dans le Cadre Européen Commun de Références pour les Langues (CECRL), la démarche interculturelle est déclinée en savoir socioculturel et en aptitudes et savoir-faire interculturels, que sont la capacité d’établir la relation entre la culture d’origine et la culture étrangère, la capacité à user des stratégies adéquates pour établir le contact avec l’autre et la capacité de médiation culturelle (CECRL, 2001 : 82-84).

2 Le principe de base de l’approche communicative est d’amener l’apprenant à avoir des expériences d’utilisation de la langue en tant que moyen de communication. Le postulat de base d’un enseignement classique ainsi que celui de la didactique traditionnelle, qui postule qu’une bonne analyse de la langue est indispensable pour que l’apprenant ait un bon enseignement, est rejeté par les tenants de l’approche communicative des langues.

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Il confirme, en outre, qu’« en l’absence d’une politique claire et assumée, les enjeux politiques, éducatifs, culturels, économiques, identitaires, etc. interagissent et rendent la situation encore plus complexe » (Mabrour, 2015 : 104). Le recours aux textes littéraires au lycée ne garantit que l’acquisition progressive d’un savoir encyclopédique ou littéraire. Il permet, certes, de résoudre les problèmes de lecture et d’interprétation de divers textes littéraires, mais ne favorise pas la découverte de la culture de l’altérité.

En France ou au Maroc, les problématiques de l’enseignement de la culture persistent même s’il y a une réelle prise de conscience de la dichotomie langue-culture. La culture dite « cultivée » (Zarate, 1982 ; Mangiante, 2014), comme l’histoire, l’art et la littérature, ne saurait constituer à elle seule la compétence (inter)culturelle visée dans les objectifs d’apprentissage, en particulier dans les manuels utilisés en classe de langue qui convoquent souvent cette compétence en réduisant son exploitation pédagogique à la présentation survalorisée d’une culture par rapport à l’autre (Vinsonneau, 2002 : 60). Le contact interculturel met en cause l’ancienne modalité de gestion du rapport similitudes – différences et nécessite un processus complet dont l’approche contrastive n’est qu’une première étape. La démarche interculturelle, en revanche, permet de gérer les phénomènes de contact entre cultures différentes lorsque l’on communique avec des étrangers dans le cadre de rencontres de collaboration professionnelle, d’échanges, de voyages ou de séjours touristiques.

Même si la démarche interculturelle est difficile à mettre en place (Zarate, 1982), notamment par des enseignants qui ne contrôlent que la partie visible de l’iceberg c’est-à-dire les compétences linguistiques, elle a le mérite de mettre davantage l’accent sur une formation que sur un contenu informatif en analysant les phénomènes d’interaction interculturelle. Elle constitue également une réflexion tant sur la culture étrangère que sur celle d’origine en prenant conscience des phénomènes ethnocentriques et des implicites culturels.

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2. Mobilité professionnelle et compétences interculturelles : un objet de recherche à construire

La mobilité internationale draine dans son sillage la rencontre des cultures et de l’altérité avec ses cadres de références, ses imaginaires et ses stéréotypes. Si le contact s’impose de plus en plus dans le contexte professionnel, il n’est pas exempt d’attitudes tantôt positives tantôt négatives (voir les travaux de Ladmiral&Lipiansky(1989) sur les relations franco-allemandes, de Yanaprasart (2002) sur les Français et les Thaïlandais dans des entreprises françaises en Thaïlande, de Fernandez et Yanaprasart (2008) sur les expatriés européens en Chine). Dès lors, les individus sont appelés à tenir compte de la dimension interculturelle dans leur vie sociale et professionnelle, soutenue et établie par le langage au moment de la communication.

Même si la mobilité interpelle, à des degrés différents, plusieurs disciplines comme l’anthropologie, la psychologie sociale, la sociolinguistique, la communication, etc. les travaux portant sur les professionnels dans les milieux multiculturels restent encore largement à consolider dans le domaine de la formation des adultes où les recherches se rapportant à ce sujet sont encore peu nombreuses, relativement récentes (Dépireux&Manço, 2008 ; Dervin, 2011 ; Cohen-Emerique, 2011 ;) et se raréfient lorsqu’il s’agit des recherches francophones. Pourtant, même si l’intérêt des études inhérentes à la mobilité et à la didactique des langues et des cultures est nouveau, le champ apparaît éclaté et hybride (Murphy- Lejeune &Gohard-Radenkovic, 2008) en raison des diverses instances qui l’investissent. Chaque instance se réclame d’une discipline différente en ayant ses propres concepts et outils de travail : la didactique des langues et des cultures se penche sur l’étude de la langue scolaire des enfants issus de l’immigration, la formation des adultes se propose de réfléchir sur l’intégration de la mobilité éducative dans ses programmes et la gestion des équipes plurilingues et pluriculturelles commence à se soucier des besoins

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en langues étrangères et en communication interculturelle. Chacune de ces approches pédagogiques est cloisonnée dans ses prérogatives et privilégie un aspect ou un autre de l’expérience de l’individu mobile. Les conceptions closes entre les langues, les cultures et les relations à l’autre engendrent la difficulté d’une ouverture disciplinaire. Le manque de coordination engendre un flou quant aux acceptions émises dans la littérature sur les compétences interculturelles et leurs modalités de développement en milieu professionnel multilingue et multiculturel.

La galaxie terminologique liée à la notion de « compétences interculturelles » recouvre une diversité de termes : savoir-faire interculturel, prise de conscience interculturelle, compétences communicatives interculturelles, etc. Le caractère polymorphe qui se dégage de cette variété est d’ailleurs systématiquement souligné dans les recherches en didactique des langues et des cultures et en sciences de l’éducation. Leurs définitions autant que leurs composantes et leurs modèles sont multiples (Chen &Starosta, 1996 ; Lussier, 2007 ; Cohen-Emerique, 2011). Néanmoins, elles ne peuvent pas se réduire aux « capacités à communiquer avec des personnes de cultures différentes, à surmonter les échecs dans la communication et à être plus efficace » (Cohen-Emerique, 2011 : 165), ni à « l’ensemble des attitudes, traits de personnalité, connaissances et aptitudes qui permettent à l’individu de faciliter sa communication ou son interaction avec des individus venant d’autres environnements culturels » (Barmeyer, 2012 : 64).

Étant donné la complexité du milieu interculturel, nous privilégions une approche interculturelle, dans cet article, afin de définir les compétences interculturelles. L’acception retenue trouve ses fondements dans les travaux de Chen et Starosta (1996) et ceux de Cohen-Emerique (2011) pour qui, les compétences interculturelles sont des attitudes fondées sur trois démarches :

i) La connaissance de sa culture ;

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ii) La décentration de soi et la (re)connaissance de la culture de l’autre ;

iii) La négociation et la médiation interculturelle.

Figure 1. Les composantes des compétences communicatives interculturelles (Bezzari, 2017)

Ces trois composantes des compétences interculturelles peuvent être explicitées comme suit :

 La connaissance de la culture de soi détermine le degré de conscience des enjeux de sa propre culture à travers les connaissances que l’individu possède sur sa culture et sur sa divergence avec les autres cultures.

 La décentration de soi et la (re)connaissance de la culture de l’altérité se base sur l’ouverture d’esprit de l’individu, sur

Dimension cognitive Connaissance de sa

propre culture

Dimension affective Décentration de soi et (re)connaissance de la culture de l’altérité

Dimension comportementale

Capacité à être un médiateur interculturel Compétences

communicatives interculturelles

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l’attitude de non jugement et sur la reconnaissance de la culture de l’altérité.

 La capacité à être un médiateur interculturelconsiste en une aisance interculturelle déterminant l’habilité de l’individu à utiliser plusieurs codes culturels, à se doter d’une flexibilité comportementale et d’une révélation de soi adéquate.

Notons que ces démarches correspondent à trois dimensions :

 La dimensioncognitive ou la conscience interculturelle relève d’un processus qui permet de changer sa vision du monde et sa façon de penser par la découverte et la compréhension des caractéristiques de sa propre culture et celle des autres.

 La dimension affective ou la sensibilité culturelle se concentre sur les émotions de l’individu pour être capable de ressentir et de transmettre des émotions positives avant, pendant et après l’interaction interculturelle. les concepts

“connaissance de soi”, “ouverture d’esprit”,“attitude de non jugement” et “décentration sociale” jouent dans cette étape un rôle crucialsurtout dans un contexte assez

anxiogène3comme le milieu multiculturel.

 La dimension comportementale ou l’aisance interculturelle renseigne sur la capacité de l’individu à faire preuve d’une habileté dans l’utilisation des codes (langues, gestes, mimiques, posture, etc.) et d’une flexibilité comportementale permettant d’adapter ses attitudes aux différentes situations (respect des normes de distribution de la parole selon les divers contextes de conversation, écoute active, compréhension agrémentée par des expressions verbales ou non verbales, etc.).

Les trois dimensions (cognitives, affectives et comportementales) sont en interrelation dans la mesure où l’une ne

3 Le degré d’anxiété augmente dans les relations interculturelles que celles intraculturelles (Ogay, 2000).

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peut pas remplacer l’autre. Certes, chaque composante est nécessaire et pourrait être considérée comme une pré-compétence à part entière, mais elle serait insuffisante dans la gestion des problématiques liées au choc culturel, d’où s’ensuit que nous avons adopté le pluriel en analysant la notion des compétences interculturelles.

En effet, l’individu qui ne développe durant son parcours que la connaissance de sa propre culture, tomberait dans le piège de l’ethnocentrisme ou celui de la cécité culturelle, alors que celui qui reconnait seulement la culture d’autrui sans (re)connaitre la sienne serait une proie facile à l’acculturation. De même, le sujet ne pourrait construire une compétence de médiation sans les deux composantes précédentes. Dès lors, ce modèle que nous avons qualifié de “processus des compétences interculturelles” montre la pertinence de chaque composante par rapport à l’autre dans un triangle où chaque composante constitue une pré-compétence aux compétences interculturelles.

3. Les difficultés d’ordre culturel chez les cadres en mobilité internationale en France et au Maroc

L’étude est issue d’une recherche quantitative portant sur les cadres en mobilité internationale en France et au Maroc au sein des entreprises multiculturelles. La méthode d’échantillonnage relève d’un plan « non probabiliste » impliquant le recours à la technique d'échantillonnage par choix raisonné et « en boule de neige » avec une finalité descriptive. Les résultats de l’enquête seront analysés à la lumière du test du khi-deux et des différentes matrices de corrélation.

L’échantillon se compose de 104 personnes dont la tranche d’âge varie entre 27 ans et 60 ans. Il s’agit des cadres en mobilité internationale en France (59) et au Maroc (45). Les répondants se déplacent également vers d’autres pays tels que la Malaisie, le Brésil, la Pologne, le Taiwan et dans une moindre mesure vers le

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Canada, l’Allemagne, la Suisse, la Grèce, l’Italie, etc. La cohorte est majoritairement masculine (13 femmes et 91 hommes) et dotée d’un niveau d’études entre bac+2 et bac+8.

Déterminer la relation entre l’enseignement-apprentissage de la langue et la construction des compétences interculturelles, chez la cohorte, impose d’étudier la communication, tant à l’écrit qu’à l’oral, en la corrélant avec la dimension interculturelle.

- Les difficultés d’ordre culturel chez les cadres en mobilité internationale en France :

Bien que la langue anglaise soit la plus utilisée par les cadres français en mobilité internationale, tant à l’écrit qu’à l’oral, les résultats de l’enquête révèlent, sur la base des croisements des variables utilisant le calcul du khi2, que l’usage de la langue anglaise dans les interactions contribue à gérer les difficultés d’ordre culturel au niveau de l’écrit seulement. En effet, 24 répondants sur 59 rencontrent des difficultés d’ordre culturel dans leur communication avec les autres acteurs de cultures différentes quela leur. En revanche, 37 enquêtés contre 22 répondants n’arrivent pas à gérer les problèmes de communication à l’oral dans les situations multiculturelles comme le montre le tableau 1 :

Anglais

Difficulté d’ordre

culturel Total

Khi- deux

Valeur P

0,05 Oui Non

À l’écrit

24 35 59 5,445a 0,002 <0,05 À

l’oral

37 22 59 3,482a 0,062 >0,05

Tableau 1. L’usage de l’anglais au travail et les difficultés d’ordre culturel chez les cadres en mobilité internationale en France Il fait état de deux constats : d’une part, l’enseignement/apprentissage de la langue anglaise, au niveau de l’écrit, influence positivement la maitrise des difficultés d’ordre

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culturel chez la population étudiée puisque la valeur P est inférieure à 0,05. D’autre part, la valeur P (0,062) de l’enseignement/apprentissage de la langue anglaise à l’oral et les difficultés d’ordre culturel est supérieure à 0,05, d’où s’ensuitl’incapacité de l’enseignement à permettre de gérer à lui seul les difficultés au niveau culturel dans la communication orale.

- Les difficultés d’ordre culturel chez les cadres en mobilité internationale au Maroc :

L’usage de la langue française dans la communication écrite et orale n’est pas sans poser de problèmes chez les cadres en mobilité internationale au Maroc, comme le montre le tableau 2 :

Français

Difficultés d’ordre

culturel Total

Khi- deux

Valeur P

0,05 Oui Non

À l’écrit

35 10 45 0,111a 0,739 >0,05 À

l’oral

32 13 45 0,896a 0,344 >0,05

Tableau 2. L’usage du français au travail et les difficultés d’ordre culturel chez les cadres en mobilité internationale au Maroc.

Le test khi-deux des deux variables à l’étude, à savoir la langue française au travail et les difficultés d’ordre culturel, affiche une valeur P=0,739>0,05 en indiquant que 23 cadres sur 35 souffrent d’obstacles d’ordre culturel au niveau de l’écrit contre seulement 12 qui ne rencontrent pas ce type de problème. Les deux variables sont donc liées et l’usage du français à l’écrit a une forte relation négative avec les difficultés d’ordre culturel dans la communication écrite.

Pareillement au niveau de l’oral, l’enseignement du français ne permet pas de gérer les difficultés interculturelles lors des interactions pour 22 personnes sur 32. Le test du khi-deux montre une corrélation entre les deux variables en ayant une valeur P=0,344>0,05. Ces données statistiques indiquent que

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l’apprentissage de la langue française influence de manière négative la maîtrise des obstacles liés aux situations multiculturelles.

L’hypothèse de travail qui sous-tend cette recherche est validée partiellement. L’absence de la dimension interculturelle dans l’enseignement/apprentissage de la langue étrangère au niveau de l’oral (terrain en France) et de l’écrit (terrain au Maroc) chez l’échantillon étudié implique le manque de construction des compétences interculturelles chez la cohorte.

Se situant au niveau de l’oral, les difficultés interculturelles des répondants renvoient à la notion de situation de communication qui suppose la prise en compte et l’apprentissage des rites d’interaction et des normes langagières variables selon les cultures. Les éléments d’ordre interculturel interviennent dans toute interaction et la seule maîtrisede la langue ne confère pas de véritables compétences de communication (Hymes, 1984).

Les données laissent entendre que la didactique des langues et des cultures a accordé peu d’attention à la compétence interculturelle (Byrame, 2011 : 259). Elle a souvent omis d’impliquer des phénomènes extralinguistiques manifestement de nature culturelle (gestes, mimique, posture, proxémique, etc.) qui se positionnent plus au niveau de l’oral qu’au niveau de l’écrit, en raison de l’incarnation de l’identité culturelle d’un individu dans le discours.

Bien que de nombreux travaux soulignent que la différence linguistique renvoie à une différence culturelle, dont l’impact n’est pas négligeable sur les modes de communication, le système linguistique est encore considéré comme l’élément principal dans l’apprentissage sans le relier à d’autres dimensions sociales, culturelles et situationnelles. C’est le cas de l’approche communicative qui, même si elle alloue plus ou moins une place à la dimension socio-culturelle des situations de communication, préconise l’enseignement de la culture en faisant de la lecture littéraire l’exercice civilisationnel par excellence : sous couvert de

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la civilisation, ce sont les activités linguistiques qui demeurent au centre de l’apprentissage laissant dans l’ombre les problèmes qui relèvent du déchiffrage culturel.

Si l’objectif de l’enseignement de la langue étrangère est de faire acquérir la grammaire, sans laquelle il ne serait pas possible de s’exprimer, ce principe s’avère parfois suffisant au niveau de l’écrit, où l’on pourrait corriger et se faire aider par des écrits professionnels et des modèles pré-préparés, mais reste souvent lacunaire au niveau de l’oral, comme c’est le cas chez l’échantillon interrogé. De même, il semble pertinent de souligner que la pratique de la langue de l’autre s’il est nécessaire, n’est pas suffisante pour maitriser la communication interculturelle. Le manque de prise en compte de cette dichotomie langue-culture ne dote pas le cadre d’outils nécessaires pour maitriser les repères sociolinguistiques et socioculturels.

Conclusion

Questionner la place de la dimension interculturelle dans l’enseignement-apprentissage des langues étrangères, chez pour les cadres en mobilité internationale en France, montre que cette dimension pourrait contribuer à la construction des compétences interculturelles chez cette catégorie d’acteurs. Or, telle qu’elle est appréhendée, elle ne permet pas à l’heure actuelle de minimiser les problèmes générés lors des échanges exolingues ni d’acquérir les trois pré-compétences relevant des compétences interculturelles à savoir : la décentration de soi, la (re)connaissance de la culture de l’autre et la médiation culturelle.

Même si notre enquête tend à remettre en cause la place accordée à la dimension interculturelle en enseignement- apprentissage des langues, elle souligne en outre que son introduction ne s’est pas accompagnée d’un changement de paradigme. L’apprentissage de la culture est considéré comme un accomplissement ou un perfectionnement d’un apprentissage correct de la langue.Conséquemment, il permet partiellement le

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développement des compétences interculturelles chez les cadres en mobilité internationale en France (à l’écrit) alors qu’il reste insuffisant chez les cadres en mobilité internationale au Maroc. Ce constat a impliqué, d’une part, une réorientation vers la formation interculturelle continue dispensée de manière formelle au sein des entreprises internationales et, d’autre part, un penchant vers un apprentissage interculturel informel basé sur l’échange et sur la réciprocité entre pairs (Bezzari&Eneau, 2014).

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