Recherche agronomique (1998), 2, 1 - 8
INRAA
Etude Agro-climatique des zones céréalières de l'Algérie septentrionale
D Smadhi
INRA, ,Laboratoire de Bioclimatologie, CRP Mahdi boualem, BP 37 Baraki 16210 Alger, Algérie.
Résumé- l'Algérie est à vocation agricole: malgré cette spécificité notre pays enregistre des déficits
importants notamment dans le domaine céréalier. En effet, ces dernières années 78 % des besoins nationaux sont importés.
Pour expliquer cette situation actuelle, une étude du climat de l'Algérie septentrionale est proposée, basée essentiellement sur le facteur précipitation (1913-1938) tel qu 'il est considéré par (Seltzer, 1946)
sur l'ensemble des régions dites à potentialités céréalières.
L'analyse de la fluctuation des précipitations annuelles dans l'ensemble des régions considérées, montre une bonne corrélation entre les précipitations moyennes annuelles et les rendements moyens annuels
obtenus: alors qu'à l'échelle inler-annuelle, cette corrélation n'existe pas, pour la même période
d'étude, ce qui pourrait expliquer la baisse des rendements enregistrés dqns ces régions .Mots clés : Céréaliculture/précipitations/fluctuation /Irrégularité/ rendements.
Slimmary- The Algeria bas an agricultural vocation, in spite ofthis .speciflcity. our countiy regisiers
some important déficits in the cereals fleld. In fact, 78 % ofthe national needs have been impotedthe.se last years. In oïdei to explain this présent situation, let s have a look at the climate survev oj the northem Algeria carried ont by Seltzer '1949) on ail cei\ .'s potentiality.
In fact, the fluctuations ofthe years rainfui analysis in ail of considered régions, give a good corrélation between the aveiage yeats rainfulls and the average outputs obtained, but on the inter-annuelly scale, rainfalls and the yiels for the same period of survery, that explains perhaps dedine in the yields
registered in the.se areas.
Keys words : Cereals/ Rainfull/ Fluctions/ irregularity/ Crops
INTRODUCTION
Dans le contexte actuel des pratiques culturales de l'Algérie septentrionale, la clcissitïcation des zones céréalières est détemiinée en fonction des moeurs traditionnelles (Baldy, 1974) et du
paramètre pluviométrique (Seltzer,
1949).
Les limites pluviométriques des zones dites à potentialités céréalières sont comprises entre les isohyètes 350
mm et 600 mm.
Cependant. les données statistiques, montrent une relative stagnation des productions et des rendements moyens (6.5 q/lia) (Anonyme. 1984; Guechi. 1992) d'une
année à une autre.
En effet, l'étude que nous
proposons, consiste à analyser les
variations annuelles et inter-annuelles
des pluies dans le temps et dans respace; car la seule considération de la hauteur totale annuelle des pluies est très insuffisante pour caractériser une région (Rolley, 1960) et déterminer
ainsi ces potentialités agro-climatiques.
Dans ce sens, une étude des
fluctuations des pluies annuelles (dans l'ensemble des régions) et mensuelles (Oran) est réalisée en relation avec les
Régions lit! orale s :
rendements permettant d'expliquer en partie la baisse des rendements
em-egistrés jusqu'à nos jours.
MATERIEL ET METHODE
Cette étude porte essentiellement sur la
pluie considérée, à juste titre, comme
l'élément essentiel du potentiel de production.Par référence aux données pluies moyennes recueillies par Seltzer
(1949) pour la période (1913-1938), nous avons analysé la répartition despluies amiLielles. saisonnières et
mensuelles pour un nombre variable derégions réparties sur le territoire
national.
Selon ce chercheur, certaines séries clironologiques utilisées,
présentent des données manquantes:
lesquelles ont été complétées par comparaison avec une ou deux stations
voisines, ayant une assez longue série de mesures et ayant fonctionnépendant le mois faisant défaut.
Les régions d'études sont retenues en raison de l'importance
particulière de la céréaliculture.
Ces régions sont classées comme
suit :
Régions Béni saf Oran Mostaganeni Alger Béjaia Skikda Annaba Id kala Latitude N 35° 18" 35°44* 35°55- 36°46' 36°45- 36°52- 36°54" 36°5*
Longitude 1°23'W 0°39"W 0°6*E 3°3T 5°5"E 6°54-E 7°46"E 8°7-L
Régions de l'Atlas tellien:
Régions Tlemcen Sidi-bel- Mascara Chelif Miliana Medea Tizi-ouzou Bouira kbbès
Latitude N 34°53' 35°ir 36°24' 36°9' 36°19' 36°16' 36°43' 36°23' Longitude 1°19'W 0°38'W 0°8'E 4°1'E 2°14'E 2°45'E 4°3'E 3°55'E
Régions des hautes pleines telliennes:
Régions Tiaret Bordj-Bou-Arréridj Sétif
Latitude N 35°28' 36°4' 36°ir
Longitude 1°20'E 4°46'E 5°25'E
Régions des hautes pleines steppiques:
Régions Tebessa Ksar-chellala Djelfa
Latitude N 35°24' 36°12' 34°4r
Longitude 8°7'E 2°19'E 3°15'E
Le rendement estimé de blé dur à
l'échelle régionale, est fixé en faisant
intervenir les données de
précipitations. Une analyse statistique, permettant de confronter objectivement une série d'obsei*vations des pluies à la série de rendements moyens amiuels et inter-annuels (cas de la région d'Oran) pour la même période d'étude, est apparue comme la meilleure méthode pour aboutir à des résultats pratiques. Cette confrontation est réalisée, par f analyse de la droite
de régression linéaire (n=13)
de type :y = ax + b Avec, y = variable dépendante (rendement réel en q/ha)
y' = ax + b X = variable
indépendante (précipitation en mm) y' = rendement estimé (q/ha)
a = pente b = constante
n = Nombre d'obsei*vations
RESULTATS ET INTERPRETATIONS
L'étude du climat général des différentes régions montre deux périodes distinctes ;
- Une période humide et pluvieuse allant, le plus souvent, de la
mi-Octobre à la mi-Avril à hiver
frais et doux;
- Une période chaude coïncidant avec la période sèche.
Le total pluviométrique em^egistré sur
une période de 25 années pour chaque région varie entre 972 et 291 mm
selon la situation géographique.L'analyse des pluies montre des régimes mensuels qui diffèrent
enti-e-eux, à savoir que les pluies s'échelonnent inégalement d'Est en Ouest et du Nord au Sud; et se
répartissent inégalement durant l'année
et entre les années au sein d'une même
région (tableau 1).
Le maximum pluviométrique, est généralement eni'egistré au mois de Janvier ou Décembre, pour la plupart des stations; sauf à Béni-Saf et Oran
où nous constatons que le maximum est enregistré aux mois de Février puis Novembre.
Tableau I : Répartition de la moyenne mensuelle des pluies pour la période (1913 - 1938).
Mois Stations
J F M A M J Jt A S G N D
Sétif 60 45 43 36 51 28 11 14 37 39 53 59
Tebessa 31 26 39 29 39 39 10 10 33 29 31 29
Béni Saf 75 91 84 65 59 25 2 5 24 52 83 73
Médéa 120 94 85 55 81 26 2 5 27 70 1 13 143
Oran 79 84 48 36 32 13 1 1 22 39 83 82
{Source : Sehzer, /9-/P).
En effet, selon les résultats du tableau
ci-dessus, nous constatons que les pluies em-egistrées à Médea aux mois
de Janvier et Décembre sont de 120 et
143 mm; ces données enregistrées, sont dues aux pluies torrentielles
enregistrées au cours de la période
d'étude (1913-1938): celles-ci ont un effet néfaste sur le rendement, en raison de la -saturation du sol en surface; et du mauvais développement
racinaire qui en découle (Baldy, 1974).
Le total pluviométrique em-egis- tré dans la plupart des régions, entre
Octobre et Juin coïncide avec les
besoins en eau optimaux du blé dur, qui se situent entre 450 et 650 mm; et 350 cà 400 mm (Baldy. 1974). En outre, l'analyse de la répartition des pluies
mensuelles révèle, une variation et une
distribution inégales de ces pluies, au cours du cycle végétatif de la culture de blé dur. Par rapport aux besoins en eau mensuelles définies par Baldy (1974), les pluies estimées efficaces,
ne sont pas tous les jours, enregistrées durant les phases critiques de la culture; en effet, nous enregistrons, un déficit pluviométrique important au cours des mois de printemps (Mars.
Avril. Mai) qui peu atteindre Jusqu'à
30 mm.
Aussi, il apparaît évident sur les courbes obtenues (fig.l ) que les pluies
sont concentrées dans les mois d'hiver
et presque inexistantes aux mois de
Juin. Juillet et Août.
o C5
•w
"5.
160 140 120 100 80 60 40 20 0
Mois F M A M
Sélif —B— Tébessa Béni Saf Médéa
Fig 1. Évolution des précipitations mensuelles moyennes: période (1913-1938).
L'analyse du régime saisonnier montre,
que les pluies commencent à la saison automnale, durant les mois (9,10 et 11) et augmentent rapidement jusqu'àatteindre le maximum durant les trois
mois d'hiver (12, 1 et 2). pour dimi nuer graduellement pendant la saison printanière (mois 3, 4 et 5) (fig.2).
400 350 300 250 200 150 100 50 0
Béni Saf —îi— Médéa
Saisons Sétif Tébessa — Oran
Fig 2. Évolution des précipitations saisonnières: période (1913-1938).
Tableau II ; Régimes saisonniers enregistrés dans certaines stations choisies à titre d'exemple
Stations
Saisons A H P E types
Béni-saf 159 239 208 32 HPAE
Médea 210 356 201 :>:> HAPE
Sétif 129 157 130 53 HPAE
Tebessa 93 88 108 59 PAHE
Oran 144 245 116 15 HAPE
H:hiver, P:printemps. E: été. A: Automne
Les résultats du tableau II montrent
qu'il existe quatre régimes pluvio- métriques saisonniers de type (HPAE, HAPE. HPAE et PAKE), selon la
répartition des maxima et des minima
saisonniers des pluies.Dans la plupart des régions, nous remarquons que la saison hivemale est la plus humide contribuant ainsi à augmenter les réseives du sol
(aTn.R.H. 1975: Benchetrit. 1975). En
effet, nous enregistrons 31 à 51% de précipitations par rapport au total
annuel. Par contre au cours de la saison
printanière , au mois d'Avril (Tebessa) et Juin (SétiO- nous relevons une précipitation inférieure à 30 mm ayant un effet dépressif sur le rendement
(Baldy, 1974).
L'influence des conditions
pluviométriques sur la production, par conséquent sur les rendements confère
à celles-ci un caractère aléatoire.
Influence des pluies sur les
rendements :
L'analyse des données brutes des
pluies annuelles coirélées aux
rendements moyens obtenus, estétablie par une relation de la régression
linéaire. Cette relation fait ressortir une forte cor-rélation (r=0,57) entre les rendements moyens et les pluies annuelles. En effet, de cette analyse il
ressort :
- La faiblesse des rendements sur l'ensemble des régions
- Le rendement le plus élevé ne
dépasse pas 13.01 q/ha
Dans une région considérée
climatiquement bonne, le rendement
an-ive à 6.92 q/ha avec P = 972 nini(Béjaia); 9.92 q/ha avec P = 893 mm
(Tizi-Ouzou).- Par contre, dans les régions sèches
(246 <P mm<469): les rendements
obtenus sont de Tordre de 4.52 q/ha àBatna; 5.6 q/lia à Sétif.
"O s
12
S 10
y = 0.0061 x+3.342
= 0.3327
200 300 400 500 600 700 800 900 1000
Pluviosité (mm)
Fig 3. Influence des précipitations sur le rendement dans l'ensemble des régions de
l'Algérie septentrionale.Par ailleurs, l'influence des pluies
inter-annuelles en relation avec les
rendements pour la région d'Oran (fig.4) (à titre d'exemple) montre, qu'il
n'existe pas de coiTélation (i-0,061) entre les pluies reçues et les rende ments pour la même période d'étude.Ce résultat, inversement proportionnel des pluies enregistrées et des rende ments obtenus; pouiTait s'expliquer pai"
la mauvaise répartition des pluies au
cours du cycle végétatif de la plante.
1 0 9 5 7 6 5 4 3 2 1 0
traduisant ainsi la baisse des rende
ments (on remarque qu'avec des pluies de 170 mm, on obtient un rendement
de 8.34 q/lia; et avec une pluie de 285
mm, on obtient un rendement de 1.84
q/ha. La distribution des pluies durant l'année est très importante, même si des rendements se produisent aussi bien au cours des années les plus sè ches (p=108 mm) qu'au cours des an nées les plus humides (p = 485 mm).
170
y = 0,1975x + 4.694 R- = 0.0 6
186 263 286 319 359 409 424 430 445 457
Pluviosité
Fig 4. Influence des précipitations inter-amiuelles sur les rendements (cas d'Oran)
CONCLUSION REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
De cette étude, nous déduisons
une in-éguicu-ité des pluies dans l'espace et dans le temps. Ces pluies
ont un impact directe sur l'évolutiondes rendements céréaliers.
L'échelonnement in-égulier des pluies mensuelles et saisonnières, au cours de l'année et d'une année à une autre, est
à l'origine des contraintes posées au développement de la céréaliculture et à
l'accroissement des rendements.
En outre, en raison de cette
diversité des pluies dans l'ensemble des régions (du Nord au Sud et d'Est en Ouest), il nous parait indispensable de penser, à une analyse plus rigoureuse de la dynamique des zones céréalières en prenant en compte le paramètre "eau" considéré comme le facteur le plus limitant. L'analyse de ce
dernier, combiné à d'autres facteurs
climatologiques (température, évapo transpiration. gelée....) permettrait de mieux cerner les potentialités agro- limatiques particulières à chaque
région d'étude.
Ainsi, la réhabilitation de l'agro-
climatologie permettra d'améliorer les
rendements de la céréaliculfure et
justifier les investissements et la mise en place de techniques appropriées aux
conditions naturelles du milieu.
Anonyme (1984) Synthèse du rapport du groupe de réflexion; "Intensi-fication de la production céréalière et augmentation des rendements". 99p.
A.N.R.H (1975) Etude générale de la mise en valeur agricole. 200p.
Badia J (1970) Les statistiques. 105p. (INA, Station de Biométrie du C.N.R.F).
Baldy Ch (1974) Contribution à l'étude fi'équentielle des conditions clima tologiques, leurs influences sur la production des principales zones céréalières d'Algérie.
Benchetrit (1954) Les sols en Algérie (revue de géographie: 64p).
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1938).
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Seltzer P(1949) Climat d'Algérie.
(Alger, carbonel. 219 p)