COMPARAISON DE DIFFÉRENTES TECHNIQUES
DE TRANSPLANTATION DES BLASTOCYSTES CHEZ LA LAPINE
J.
TESTARTAnne-Marie MÉLIÈRES Station centrale de
Physiologie animale,
Centre national de Recherches
zootechniques,
78 -Jouy-en-Josas
Institut national de la Recherche
agronomique
SOMMAIRE
Le but de ce travail est de rechercher, chez la
Lapine,
l’influence sur le tauxd’implantations
et la survie
embryonnaire
de latechnique
detransplantation
desblastocystes
par « inovulation n.Les stimulations de la vulve ou du
vagin, impliquées
par cettetechnique,
sont sans effet sur lerendement du transfert.
Seul le passage intracervical du cathéter d’inovulation affecte le
rendement ; l’expulsion
horsde l’utérus des
blastocystes
ainsitransplantés
n’est pas en cause dans ce résultat.INTRODUCTION
Le transfert par voie
vaginale
d’oeufs fécondés dans une femellehôte,
ou « ino- vulation »(B EA TT Y , 1951 ),
a été réalisé dansquelques espèces (Vache, Chèvre, Lapine, Souris).
Lerendement,
c’est-à-dire lerapport
entre le nombre de foetus sedéveloppant
et le nombre d’oeufstransplantés,
varie d’uneexpérience
àl’autre ;
c’est ainsi que, chez laLapine,
deuxrecherches conduites simultanément
aboutis- saient aux conclusions suivantes :Pour HAFE:z
( 19 6 2 ),
l’inovulation par cathétérisation transcervicale est aussi efficace que le transfert direct dans l’utérus( 59
p. 100 desblastocystes implantés
contre 54 à 60p.
ioo).
D AUZ
Œ
R
( 19 6 2 ),
constate que l’utilisation d’une canuleguidant
le cathéterjusqu’au
cervix entraîne une réductionimportante
du tauxd’implantation :
y p. 100 contre 47 p. 100si le transfert estpratiqué
via lecervix,
mais enperforant
laparoi
vaginale
pour éviter le passage du cathéter par la vulve.A
partir
desrésultats
d’autresexpériences
chez la Vache(D OWLIN G,
1949 ; LAMMIN
G et ROWSON,
Ig!2 ;
DZIUK etC LL., 195 8 ;
AvnRy etal., I g6 2 ;
HAFEZ etSUGI!, I g63 ; ROWSON,
BENNETT etHARPER, I g64 ; M U TTE R ,
GRADEN etOI. D S, 19
65 ; S U GŒ, I g6s ;
RowsoN etMooR, 19 66)
et laChèvre (OT SUKI et SOMA, I g6q.),
deux causes ont été
envisagées
pourexpliquer
les rendements faibles ou inconstants : les contractions utérines déclenchées par stimulation du col etresponsables
del’expul-
sion des oeufs dans levagin
ou l’infection résultant dutransport,
par lecathéter,
de matériauxseptiques
duvagin
ou du cervix dans l’utérus enphase
lutéale.Nous avons
répété,
chezla Lapine,
desexpériences
de transfert dans le butd’éprouver l’influence,
lors du passage à travers le col ou lavulve,
des stimulationsnerveuses ou d’autres facteurs.
MATÉRIEL
!TMETHODES
Cinquante-quatre lapines
Grand Russe et Néo-Zélandaiseâgées
de 4,5 à 6,5 mois ont reçu, 4jours après
coït avec un mâlevasectomisé,
desblastocystes de jours
suivant les modalités de transfertfigurant
au tableau i(Exp. I). Quatre
à 7blastocystes
étaientdéposés
danschaque
corne utérine, à 3 cm du cervix. Leslapines
receveuses étaient anesthésiées authiopental.
Les
blastocystes
dejours
deslapines
donneuses étaientrécupérés
parperfusion
des cornes avecdu
liquide
de Locke,puis placés
invitro,
à37 °C
dansun-mélange
de 95 p. 100« ig9 » Difco et de 5 p. 100de sérum deLapine, pendant
30minutes à 2heures. Le« spéculum
» était un tube de verrede
9mm de diamètre.Pour
préciser
lasignification
de la différence entre les lots A, et A,, une deuxièmeexpérience
fut effectuée sur 21
lapines
(Exp.II).
Lesblastocystes
étaientdéposés
dans la moitiésupérieure
descornes utérines et la stimulation mise en
jeu
dans le lot A’, était modifiée comme suit par rapport à A2
: i heure
après
transfert desblastocystes,
un ballonnetsphérique,
introduit dans le fond duvagin,
était
gonflé
par 10ml d’air. Dixdéplacements
de 15 cmd’amplitude
étaient effectués en i minute selon l’axecéphalo-caudal
de l’animaléveillé, puis
le ballonnet était extraitgonflé.
Dans ces 2
expériences,
les femelles hôtes étaient abattuesjours après
transfert pour examen de l’utérus. Les sitesd’implantation
étaientcomptés
et lesembryons
de iijours
étaient considéréscomme vivants seulement
quand
le coeur battait.Enfin, pour tester
l’importance
del’expulsion
éventuelle des oeufs hors de l’utérus, un essai futeffectué sur r5
lapines (Exp. III).
Le transfert d’oeufs âgés de z, 3 ou 4jours
dans la moitiésupérieure
des cornes de femelles 2, 3ou 4
jours
p. c. étaitaccompagné
d’uneligature
duvagin
et, dans certains cas, d’une stimulation du cervix(type B.).
Laligature, placée à
3 cm du cervix etrespectant
la vascu-larisation
vaginale,
devaitpermettre
larécupération
des oeufs ; ces animaux étaient tuésaprès
24heures pour rechercher les oeufs
d’origine
(nonfécondés)
ettransplantés (fécondés)
dans leliquide
de
perfusion
de l’utérus et du cul-de-sacvaginal.
Au total, go transferts ont été effectués.
RÉSULTATS
Dans certains lots de
l’expérience I,
etplus particulièrement
dans ceuxqui
fontintervenir une
pénétration
ducervix,
on trouve à Ijours (voir
tabl.2 )
une propor- tionimportante
delapines
montrant des suitesopératoires ( 12
sur 39, soit 31 p. 100,avec infection intra-utérine et 9 sur 39, soit 23p. 100, avec infection musculaire ou
adhérences).
Il nous a semblépréférable d’analyser
l’ « effet stimulation » sur les seulsanimaux
à tractus normal.Le tableau 3 montre que si le transfert
s’accompagne
du passage transcervical d’un cathéter(lots A,, B i , B,, B s ),
les tauxd’implantations
varient de 39 à 50p. 100(47,4 ;
50,0 ; 45,3 ;39,1 respectivement)
alors que si le cervix n’est pasfranchi,
cestaux sont de 70,9et
8 1 ,7 (lots A i
etA 2 ).
La
différence
entre les deux groupesexpérimentaux
ainsi caractérisés estsignifi-
cative(P
<0 , 05 ).
Iln’y
a pas dedifférence
entre chacun deslots
à l’intérieur de cesgroupes.
La survie des
embryons
à Ijours,
parrapport
au nombred’implantations,
nemontre pas de
différence
entre les 6 lots delapines.
Les taux
d’implantations
et de survie desembryons ne sont pas significativement
différents dans les lots
A 2
etA,, l’expérience
IIcomplémentaire (A i
etA’ 2 )
l’a confirmé:il
n’y
a donc pas d’influence de lastimulation
duvagin
entier de l’animaléveillé
sur le taux
d’implantation
ou la survieembryonnaire,
à mjours (voir
tabl.4 ).
En effet,
on trouve 79,4p. 100d’implantations
et8 3 , 9
p. 100de survie chez lesLapines
subissant une telle stimulation contre
74 ,6
p. 100d’implantations
et8 0 ,6
p. 100de survie chez les témoins.L’absence
de différence(P
<0 , 05 )
entre les lotsA i , A,
etA’ 2
d’unepart, A,, B l , B
2
etB,
d’autrepart,
nouspermet
de regrouper les résultats de ces lots en 2 groupesne se différenciant que par un passage transcervical d’un cathéter
(tabl. 5 ).
On constate que diffèrent :
- le taux
d’implantation ( 77 , 1
contre 45,1 ; P <0 , 01 ) ;
- la
proportion
de femelles à tractus normal( 91 , 4
contre q.!,5 ; P <0,0 1 )
- la
proportion
de femellesgestantes (8 5 , 7
contre 60 p. ioo ; P <0 , 05 ).
Par contre,
quand l’implantation
s’estproduite,
les taux de survie à 11jours
sont semblables dans les deux groupes
(86, 5
et88,6).
L’expérience
III montre que le transfert à 3 ou 4jours !ost
coitum, associé ounon au passage transcervical d’un
cathéter,
n’est pas suivi durant lespremières
24
heures de
l’expulsion
des oeufs dans levagin.
Sur
13 8 blastocystes
transférés dans 9lapines,
aucun n’est retrouvé dans levagin,
et11 8,
soit8 5 p:
100, sontrécupérés
dans l’utérus chez 100p. 100des animaux(tabl. 6).
Dans le cas de transfert à 2
jours !ost
coïtum, 21 sur 103blastocystes
trans-férés sont retrouvés dans le
vagin
de 4sur 6lapines
et3 6,
soit 35p. 100, dans l’utérus chez 100p. 100des animaux.Dans aucun cas on n’a retrouvé dans le
vagin
des oeufs de lalapine
receveuse(oeufs
d’ «origine »).
DISCUSSION
1
0 Pour HATEZ
(i 9 62),
le passage transcervical du cathéter d’inovulation n’affecte pas la réussite de transferts de morulas delapine
de 3jours.
Nous ne retrouvons pasce résultat en
transplantant
desblastocystes
de 4jours. L’augmentation,
seulementà
partir
du3 e jour,
du tauxsanguin
deprogestines ( 20 a-progestérol
etprogestérone)
chez la
Lapine (H ILLIARD ,
Spins etS AWY E R , 19 68) permet d’envisager
uneexpli-
cation
possible : l’expulsion,
dans levagin, des,
oeufs ainsitransplantés, conséquence
de la contraction utérine induite par la stimulation du cervix chez l’animal en
phase progestative.
Mais, l’expérience
III montre(tabl. 6)
que le transfert effectué àpartir
du troi- sièmejour fiost-coïtum
n’est pas suivi del’expulsion
des oeufs hors del’utérus,
cequi
confirme le résultat de DAUzIER( 19 6 2 ) puisque,
chez deslapines
traitées comme celles de notre lotB i ,
il retrouvait encore 52p. 100desblastocystes
6 à 8 heuresaprès transplantation.
Si la Vache
répond
aux stimulations du tractusgénital
par unedécharge
dansl’organisme
d’une substance à actionocytocique (HA Y S
etV AND E M A RK , 1953 )
suscep- tible de provoquerl’expulsion
dans levagin
departicules placées
in utcyo(R OWSON ,
B
ENNETT et
HARPER, z 9 6 4 ; TESTA R T,
nonpublié),
laLapine,
dont le muscle utérinen
phase progestative
montre une insensibilité totale in vitro à l’hormonepost-
hypophysaire (K N AUS, 1931 ),
neprésente
pas la même réaction.Aussi sommes-nous amenés à éliminer le facteur «
expulsion
» dansl’explication
de nos résultats.
2
°
L’absence
de différence(P
<0 , 05 )
entre les rendements des lots faisant intervenir le passage transcervical d’uncathéter,
avec ou sans introductionvaginale
du
spéculum,
montre que les stimulations vulvaires etvaginales
sont sans effet surce rendement.
L’expérience
II confirme ce résultat. Seul le passage intracervical du cathéter entraîne une différence entre les lotsexpérimentaux
pour les tauxd’implan- tations,
lesproportions
de femelles à tractus normal et de femellesgestantes.
Sans éliminer l’influencepossible
de cettemanipulation
sur l’activitéovarienne,
la pro-portion
anormalement basse de femelles à tractus normal( 47 ,5
p. 100contre 91,4 p.100
)
nous amène à donner uneimportance prépondérante
aux réactions inflammatoire ettraumatique (adhérences
que nous attribuons à lamanipulation prolongée
del’utérus) .
3
°
La réactioninflammatoire,
sous forme depyomètre,
estprésente
chez 30 p. 100 des animaux( 12
sur 40, tabl.2 ) ayant
subi le passage transcervical d’un cathéter au4
e jour
depseudogestation. Cependant,
si on ne considère que les femelles dont le tractus estd’apparence
normale à Ijours,
seulement 45 p. 100 desblastocystes
sesont
implantés
contre 77p. 100chez les femellesayant
subi un transfert direct dans l’utérus.Les
variations inter-individuelles observées dans les rendements soutiennentl’hypothèse
d’une réaction infectieuse d’intensité variable selon laqualité
de l’inter- vention etl’importance
de la défense del’organisme.
91p. 100des
lapines
des lotsA,, A 2
etA!
montrent au moins 50p. 100d’implan-
tations contre 53 p. 100 de celles des lots
A i , B 2 , B Z
etB 3 (différence significative,
P <
o,oi)
bien que les intervalles des variations individuelles soient sensiblementidentiques ( 10
à 100p. 100pour le jergroupe, contre o à 100p. 100pour lesecond) (tabl. 5 ).
La réaction
infectieuse,
lors d’une contamination bactérienne de l’utérus enphase lutéale,
a été vérifiée dansplusieurs espèces.
Chez la Vache(Rowso N ,
LAM-MI N
G et
F’ RY , 1953 ;
DzmK etal., I95 8),
la Brebis(BRINSFIELD,
HAWK etLEFFE L , 19
6 7
)
et laLapine (Br,ncK et al.,
i953 ; BROOME etLAmmiNG, 195 8 ; B R O OM E,
LAM-M IN
G et
S MI T H , i 959 ),
on connaît laplus grande
résistance à l’infection utérine de la femelle en oestrus et, suivant les auteurs, les hormones ovariennesjoueraient
un rôledéterminant dans cette
résistance,
enagissant
soit sur le nombre et la vitesse demobilisation des
leucocytes,
soit sur lacapacité
antibactérienne de cesleucocytes,
soit sur le
drainage
de l’utérus.Le moment où nous
pratiquons
latransplantation
desblastocystes ( 4 e jour)
sesitue en
phase d’augmentation
du taux deprogestines
circulantes(H ILLIARD ,
SPIESet
SA WY E R , 19 68),
or LALMMING et HEAP(ig6o),
chez laLapine pseudo-gestante, envisagent
dans la fraction acido-soluble d’extraitsutérins,
laprésence
d’une substancequi,
sous dominanceprogestéronique, empêcherait
l’infiltrationleucocy-
taire. Ces mêmes auteurs
distinguent
deuxaspects
du mécanisme de défense : l’infil- tration et l’activitéleucocytaire ;
KILLINGBECKet I,AMMING( 19 6 3 )
ont trouvé dansles sécrétions utérines de la
Lapine
enphase
lutéale un séro-mucoïdequi
inhiberaitl’activité des
leucocytes.
4
°
Nous devons remarquer que le résultat du lotB l ,
ne diffère pas sensiblementde celui de HAFEZ par la même voie
( 50
p. 100et 59p.ioo) ;
ils sont tous deuxsupé-
rieurs au rendement obtenu par DAuziFiR
( 17
p.ioo).
Demême,
le résultat de notre lotB 2 ,
ne diffère pas sensiblement de celui de DAUZIER(45, 3
p. 100 et 47 p.100 ).
Notre
pourcentage plus
élevé que celui de HAFE:Z par voie transutérine(8 1 , 7
p. 100 contre 54à 60 p.ioo),
obtenu àplusieurs reprises,
à des moments différents de l’annéesur des groupes d’animaux
différents, peut s’expliquer
par une résistancesupérieure
desblastocystes
de 4jours,
un meilleur état sanitaire des animaux ou le rôle de détailsméthodologiques
liés à la réaction inflammatoire.Reçu pour
publication
en marsi 9 6 9 .
SUMMARY
INVESTIGATIONS ON VARIOUS WAYS OF TRANSPLANTATION OF BLASTOCYSTS IN THE RABBIT
75 transplantations of ¢ day-blastocysts (¢ to blastocysts per uterine horn)were conducted
on female rabbits. The vulva, vagina or cervix were stimulated according to the different pathways
of transfer (table I).
Transfers conducted by directly depositing the blastocysts in the uterus (Al, A2, A’! experi- ments) resulted in 85.7per cent of gravid females ; 77.1implantations and 86.5fetal survivals at
day II of pregnancy per 100uninfected females. (table g). Mechanical stimulation of the vagina at
the time of transfer (Ae) or one hour after anaesthetization (A2’) had no influenfce on the results.
(Tables 3 and 4).
Transfers conducted via the cervix by means of an inovulation catheter (B,, B2, B3, experi- ments), and direct transfer accompanied by the passage of an inovulation catheter through the
cervix (A! experiment), resulted in 60 per cent of gravid females, !5.1 implantations and 88.6 fetal
survivals at day II of pregnancy per 100uninfected females (Table 5).
There were significant differences between the two modes of transfer, in the rates of gravid
females (P < 0.05) and implantations (P < o.oi) ; however, the fetal survivals of implanted blastocysts were similar.
At day II of pregnancy, 30 per cent of hosts inovulated via the cervival pathway showed pyometritis (table 2), and only ¢!.5 per cent had normal tracts, versus 91.4 per cent whith direct transfer. This difference is highly significant.
3
- or 4-day transfers were not followed by the expulsion of ova, whereas 24 hours after 2-
day direct transfer, 20per cent of ova were found in the vagina of 67per cent of females (table 6).
The passage through the septic medium of the vagina and the lower resistance of the uterus to bacterial infection during the progestational stage accounts for the greater inadequacy of the
cervical pathway of inovulation.
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