MÉTABOLISME DE LA THYMIDINE
DANS LA GLANDE SÉRICIGÈNE DU VER A SOIE
I. - LES PRINCIPALES VOIES SUIVIES PAR LE PRÉCURSEUR
DANS LA GLANDE
INCUBÉE
« IN VITRO »J.
DAILLIESection de
Biologie générale et appliquée,
Laboratoire associé au C. N. R. S.,
Faculté des Sciences de
Lyon,
69 - VilleurbanneSOMMAIRE .
La
glande séricigène (tube sécréteur)
du Ver à soie est maintenue ensurvie,
invitro, péndant
quelques
heures. Dans ces conditions, on aanalysé
lesprincipales
voies du métabolisme de lathy-
midine radioactive dans
l’organe.
r. Le nucléoside
pénètre
avec facilité dans les cellulesglandulaires
où il se transforme en nucléo- tides. Les processuscataboliques
sontnégligeables.
z. La
quantité
totale de nucléotides accumulée croîtjusqu’à
un maximum atteintaprès
30 mi- nutes. Celui-ci se maintient durant encore 3o minutes au moins. Les nucléotides formés dans les cellules regagnent enpartie
le milieu d’incubation. ,La
glande séricigene contient,
avant toute fourniture dethymidine,
les kinasesphosphoryla-
tives nécessaires pour transformer la
thymidine
en TMP, TDP et TTP. Larépartition
de la radio-activité entre les divers
thymidine-phosphates
évolue de manièrecompliquée
au cours de la pre- mière demi-heure.3
. Le
précurseur s’incorpore
dans l’ADN avec une vitesse constante. Ainsi le marquage de l’ADN neparaît guère
sensible ni aux fluctuations de laquantité
de TTP, ni àl’augmentation
de laquantité
des nucléotides radioactifs.Diverses
hypothèses
rendant compte de ces résultats sont examinées.INTRODUCTION
La
glande séricigène
du Ver à soie se caractérise parplusieurs
traitsoriginaux.
.
- Les cellules sécrétrices ne se divisent
jamais
etatteignent
ainsi ungrand
développement.
La formeplurilobée
de leur noyau estsingulière ;
ellepourrait,
selonA!,r,!Gx!c ( 195 6),
assurer une surfaced’échange optimum
avec lecytoplasme.
- Dans deux
régions distinctes,
constituant chacune un tissuhomogène,
ellesécrète deux
types
deprotéines
définies(fibroïne
etséricine) qui, associées, composent
le fil de soie(L EGAY , i 9 6o).
C’est au cours du dernier stade larvaire que
s’accomplit
unesynthèse
massive de fibroïne et de séricine(F RAISS E, 195 8 ; I,!GAY, 10 6 0 )..La
sécrétion estprécédée
d’une
période
liminairependant laquelle
laglande produit
sa proprematière,
y com-pris
les acidesnucléiques (D AILL IE, 19 6 5 ).
Cette croissancepeut
secomprendre
comme une
multiplication
des structures cellulairesqui
assureront ensuite lasynthèse
des
protéines
soyeuses.Grâce à ces
caractéristiques,
laglande séricigène
offre un vastechamp
de re-cherches dans le domaine de la
physiologie cellulaire ;
enparticulier,
les cellules de chacune des deuxparties
del’organe,
orientées vers lasynthèse
abondante d’uneprotéine définie,
devraientpermettre d’aborder,
par une méthode decomparaison
relativement
simple, l’analyse expérimentale
des mécanismesqui
conduisent à la différenciationprotéique.
Une théorie désormais
classique
attribue à l’acidedésoxyribonucléique (ADN)
une
position-clé
dans laproduction
desprotéines spécifiques.
Iltransmettrait,
par l’intermédiaire des acidesribonucléiques (ARN),
l’information nécessaire aux struc- tures desynthèse.
La différenciationcellulaire,
dans cetteoptique,
se définiraitcomme
l’expression
limitée des informations détenues par la cellule.Au
sujet
de laglande séricigène,
cette théoriegénérale
nepeut
être considérée que comme unehypothèse
de travailintéressante, qui
suppose desvérifications,
à de nombreuxniveaux,
des structures et des métabolismes concernés. Dans cetesprit, plusieurs
étudesconvergentes
ont été effectuées ou sont en cours : structure et syn- thèse de l’ADN(D AILL I E , ig6o ;
NIGONetcoll., 19 6 1 ; N!U!AT, ig66),
desARN,
desprotéines,
etc.J’exposerai
ici les résultats d’un ensemble d’étudesqui
vise d’unepart
à créerune
méthodologie générale applicable
à cematériel,
d’autrepart
à utiliser ces méthodespour préciser
desaspects
encore inconnus du métabolisme de l’ADN dans laglande séricigène.
L’emploi
deprécurseurs radioactifs,
nécessaire pour détecter lasynthèse d’ADN, implique qu’on
est en mesure d’établir unecorrespondance
entre laquantité
detraceur
incorporée
et laquantité
d’ADNproduite.
C’est tout leproblème
desrapports dynamiques
etquantitatifs
entreprécurseurs endogènes
etexogènes qui
se trouvealors
posé.
En outre, dans un animalentier,
leprécurseur
fourni est distribué entreles divers organes et les excreta. Aucun bilan
précis
nepeut
être dressé defaçon commode,
d’où la nécessité deporter l’expérience
surl’organe explanté,
maintenu ensurvie in vitro.
J’ai
donc été conduit àpoursuivre
des étudescomparatives
sur le matériel ensurvie et sur l’animal entier.
J’ai analysé
ainsi le métabolisme de lathymidine
dansles
glandes séricigènes depuis
lapénétration
duprécurseur jusqu’à
sonincorporation
dans l’AD1!T. Les résultats obtenus seront
exposés
dans une série dequatre publica-
tions. Ce
premier
article est consacré aux méthodes mises en oeuvre et à l’étude desprincipales
voies suivies par lathymidine
dans laglande
incubée in vitro.1. -
MATERIEL
ETTECHNIQUES
A ― Matériel
biologique
J’ai
constammentemployé l’hybride
des raceseuropéennes
200et 300qui
offre une bonne sta-bilité de ses caractères
physiologiques (LEGAY, 1955 ).
La
température
maintenue au cours ducinquième âge
est de 21-220C. Le nombre des repas distribuéschaque jour
est de quatre. Dans cesconditions,
pour lesélevages
deprintemps,
la montée s’effectue à la fin du 9ejour.
En été et en automne, la durée dudéveloppement
tend à s’accroître et lepoids
atteint par les chenilles à se réduire. Ces variationss’accompagnent
d’uneplus grande
hété-rogénéité
au sein dechaque
lot(L E GAY,
r955 ; FRAISSE,195 8) ;
dans certains cas, ces variations rendent délicate lacomparaison
de résultats obtenus à despériodes
différentes de l’année.Le travail porte exclusivement sur des
glandes prélevées
au cours ducinquième âge.
Le stadephysiologique
étudié est défini parl’âge.
Celui-ci estcompté
enjours
à dater dupremier
repasqui
suit la 4e mue.
La dissection s’effectue dans une solution
physiologique identique
au milieu utilisé pour l’incu-bation des
glandes (cf. techniques d’incubation),
moins l’extraitd’hémolymphe.
Seule la
partie postérieure (tube sécréteur)
de laglande
est conservée. Ce choix permetd’expé-
rimenter sur un tissu relativement
homogène
dont la sécrétionprincipale
est la fibroïne. Il permetégalement d’éviter
lesdésagréments qu’entraîne,
lors du fractionnement,l’importante quantité
desoie dont est
gonflée
lapartie
moyenne de laglande (ou réservoir).
B ―
Techniques
d’incubationLa solution
physiologique
danslaquelle
lesglandes
sont incubées à3 o o C
dérive des milieux élaborés par WYATT( 195 6)
etJONES
et CUNNINGHAM( 19 6 1 ).
Ellecontient,
en mgpour roo cm9 d’eau distillée :Le
pH
estajusté
à 6,6 par la potasse.Cette
solution,
additionnée( 10
p. 100envolume) d’hémolymphe
chauffée à 6ooetcentrifugée (W
YATT
, u 95 6),
est stérilisée sur filtreMillipore ( 0 , 45 !t)-
Afin de réduire l’influence de la variabilité individuelle, les essais portent sur un ensemble de tubes sécréteurs provenant de
plusieurs
animaux( 5
à8).
Lesglandes
sont recueilliesrapidement, découpées
enfragments
dequelques millimètres,
et lavées abondamment(avec
la solution d’incu- bationdépourvue d’hémolymphe)
sur filtreMillipore ( 5 ji) ;
pardécoupage
du filtre on obtient faci-lement 4lots relativement
homogènes.
L’incubation s’effectue sous
agitation (8 0 cycles/minute)
dans des fiolesconiques
de 25 ml con-tenant 2ml de milieu.
La
thymidine
radioactiveemployée
estmarquée
par le tritium sur le groupementméthyle (New England
NucleayCorp. ;
6 70omCi/mM).
A la fin de
l’expérience,
les tissus sontrapidement
lavés(trois fois)
dansquelques
ml de la solu- tion d’incubation(sans hémolymphe), puis
aussitôtcongelés
dans laglace carbonique
et conservésà - 200C.
C ―
Techniques d’analyse
i. Le
fractionnement.
La méthode
adoptée, simple
etrapide,
permettant lapréparation
de nombreuxéchantillons,
dérive de latechnique
de SCHMIDTet THANNHAUSER( 1945 ).
Ellecomprend
lesétapes
suivantes :-
homogénéisation
dans l’alcooléthylique
95!,froid,
suivie d’unlavage
dans le même solvant.La
centrifugation
donne un surnageant,(=
fraction « alcool»).
- extraction, à
o°C,
par l’acidetrichloracétique
à 10p. 100(dans
le cas où les nucléotides sontrecherchés par
chromatographie,
l’acideperchlorique
à 5 p. 100remplace
l’acidetrichloracétique.
Cette substitution permet d’éliminer l’acide sous forme de
perchlorate
depotassium
et, ainsi,d’opérer
la réduction des volumes en milieuneutre).
Lacentrifugation
donne une fraction acido- soluble.-
hydrolyse
du culot par la potasseN/ 3
à37 °C ( I
h30 ).
-
précipitation
de l’ADN : la solution alcaline, maintenue aufroid,
est amenée àpH
I par HCI etreçoit
un volume d’éthanol absolu.-
hydrolyse
duprécipité (contenant l’ADN)
par l’acideperchlorique
à 5 p. 100(8o°C pendant
15minutes).
On
dispose
ainsi de trois fractions radioactives :a)
la fraction « alcool» qui
contient lathymidine
et, éventuellement, des dérivés nonphospho- rylés
de celle-ci(thymine
entreautres).
b)
la fractiontrichloracétique
« acido-soluble » où se trouvent les nucléotidesthymidyliques (TMP, TDP, TTP).
c)
la fractionperchlorique (APC) qui
renferme l’ADNhydrolysé.
2
.
Comptages et dosages : exp y ession
des résultats.Les comptages sont effectués à
l’aide-d’un spectromètre
à scintillation enphase liquide (Pac- kard)
dans la solution scintillante deF IELD
et coll.( 19 6 1 ).
La
quantité
d’ADN contenue dans l’extrait APC est évaluée selon BuR2orr( 195 6).
La radioactivité des fractions solubles est
rapportée
au contenu desglandes
en ADN. Une ana-lyse comparative
est ainsipossible.
En raison des faiblesquantités
dethymidine
ou de ses dérivéscontenues naturellement par les cellules ou résultant de
l’apport
duprécurseur
radioactif, il est eneffet
impossible
d’évaluer l’activitéspécifique
descomposés
autres que l’ADN.La fraction délaissée
après l’hydrolyse
alcaline(ARN
etprotéines)
ne contientqu’une
radio-activité
insignifiante comparée
à celle des autres fractions.Cette
technique
fournit donc un bilan relativementcomplet
de larépartition
de la radioactivitéincorporée
par les cellulesséricigènes.
On
n’ignore
pas,cependant, qu’une
perte deproduits
radioactifs intracellulairesrisque
de seproduire
au cours deslavages qui
suivent l’incubation : en effet, si unlavage
insuffisant est suscep- tible de ne pas éliminer la totalité desprécurseurs
non absorbés, ons’expose,
par unlavage
trèspoussé,
à favoriser la diffusion d’unepartie
des constituants del’organe.
3
. Détermination des
composés radioactifs
contenus dans lestroisfractions
isolées.Dans certaines
expériences,
lescomposés marqués
contenus dans les fractions solubles sontséparés
parchromatographie
surpapier
et leur radioactivité est ensuite déterminée selon la méthode de NurrEZetJ ACQUEM IN ( 19 6 1 ).
Afin d’en faciliterl’identification,
des substancestémoins,
non radio- actives, sontdéposées
sur lepapier
en même temps que leproduit
àanalyser.
Sur
papier
Whatman n° i, avec lesystème
acétated’éthyle-eau-acide formique (F I rt K
et coll.,1956
),
on détecte, dans le milieu d’incubation et la fraction « alcooloutre
lathymidine,
de lathy-
mine et deux
composés
non identifiés. Ils dérivent de lathymidine
par catabolisme(F l rrx
et coll.,1956
)
ou parradiolyse (Evnrrs
et STnNFOxn,19 6 3 ).
Ils se rencontrent, en effet, dans certains échan- tillons dethymidine
radioactive avant toute utilisation.Les nucléotides
(TMP,
rTDP,TTP)
contenus dans la fraction acidosoluble ou le milieu d’incu- bation sontséparés
surpapier
Whatman n° Idans lesystème EDTA-eau-isobutyrate
d’ammonium(T
A tC
ATS
et SMELLIE,I g6 3 )
ou, avecplus
defacilité,
surpapier
Whatman DE 81selon latechnique
de IvEs et coll.
( 19 6 3 ).
La
chromatographie
de l’extrait APC,après hydrolyse
par l’acideformique
88 p. 100, m’atoujours
montré queparmi
les bases de l’ADN la radioactivité se trouve exclusivement liée à lathymine.
4
. Mise en évidence des kinases
phosphorylatives de
lathymidine.
La
technique employée
estinspirée
de BIANCHI et coll.,( 19 6 1 ),
BOLLUM et POTTER( 195 8- 1959 ),
K
EIRet SMELLIE
( 1959 ),
WEISSMANet coll.( 19 6 0 )
et IVES et coll.,( 1963 ).
L’extrait actif est obtenu par une
centrifugation
à 10500og ( 1 heure) après broyage
desglandes
séricigènes
dans une solution aqueuse àpH
7,7 contenant :L’activité
enzymatique
de l’extrait est testée à37 °C
de la manière suivante :A i ml d’extrait cellulaire contenant environ i5mg de
protéines
totales(dosage
selon LOWRYet
coll., r 9 gr),
onajoute
enquantité équimoléculaire ( 10 !,M), 3 -phospho-glycérate,
ATP etmgcl 2l puis
2g[i Ci
dethymidine
tritiée. Le volume final est de i,8 ml. A des intervalles de tempsréguliers,
on
prélève
o,2ml dumélange,
la réaction étantbloquée
parchauffage
au bain-marie bouillant pen- dant 2minutes.La
thymidine
et les nucléotides formés sontséparés
parchromatographie
et leur radioactivité évaluée, comme il a été décritprécédemment.
II. -
DONNÉES PRELIMINAIRES
SUR LA SURVIE DE LA GLANDE « IN VITRO »
Le milieu
employé
a unecomposition
que l’onpeut qualifier
de minimale.Dans
quelle
mesure est-ilcapable
d’assurer la survie desglandes explantées
ou dumoins de maintenir la structure et l’activité des cellules dans un état convenable ?
J’ai effectué,
sur cepoint, quelques vérifications
avantd’entreprendre
mesexpé-
riences.
Les critères choisis sont au nombre de
quatre :
-
persistance
d’une structure nucléaireapparemment normale ;
- absence de
dégradation
del’ADN ;
- conservation de
l’aptitude
àincorporer
lathymidine
dansl’ADN ;
- conservation des kinases
phosphorylatives
de lathymidine.
I,es examens effectués
apportent
les informations suivantes :i.
Après
fixation et coloration selonFeulgen,
on constate que, dans desglandes
incubées
plus
de 6heures,
ilapparaît
dans les noyaux des condensations de chroma- tine traduisant une altération detype pycnotique.
2
.
I,’ADN
desglandes, marqué
in vivo 4ou 24 heures avant le début de l’incuba-tion,
conserve son marquagependant
au moins 4 heures(tabl. z).
3
. Des
glandes ayant
subi unepréincubation plus
oumoins longue reçoivent pendant
30minutes unemême quantité
dethymidine tritiée :
letableau
2montre que,lorsque
lapréincubation
seprolonge
de 2 à 6heures, l’incorporation qui s’effectue
en une
demi-heure tend plutôt
à s’éleverqu’à décroître ; c’est seulement après
8 heuresqu’une dépression
très nette semanifeste.
’4
.
L’incubation
desglandes
semble provoquer une diminution del’activité des
enzymes
responsables
de laphosphorylation
de lathymidine. Cependant,
comme lemontrent les résultats
(fig. i),
desglandes
incubéespendant près
de 4heures conser-vent une
part
encoreimportante
de leurs kinases.Lorsque
l’extraitenzymatique
estpréparé
àpartir
deglandes
fraîchementprélevées,
on constate que8 5
p. 100 de lathymidine
fournie estphosphorylée
en i5 minutes. Ilfaut
30 minutes pour obtenir le même résultatlorsque
lesglandes
ont été incubées in vitro durant 3h
30 ; parailleurs,
TTP et TDP sont
légèrement plus
abondants dans lepremier
cas que dans lesecond,
ce
qui
laisse supposer que les TMP et TDP-kinases souffrentdavantage
des conditionsde l’incubation que la
thymidine-kinase.
Il est donc apparu que les
glandes
se maintiennent dans un état convenable et conservent les mécanismesqui
assurentl’incorporation
de lathymidine pendant
environ 6 heures. D’autres travaux réalisés par la suite
(D AILLIE
etP RUDHOMM E, ig65 ; P RUDHOMME , 19 66)
ont d’ailleursconfirmé, grâce
à lacomparaison
de diversmilieux,
que celui quej’ai
constamment utilisé entretientl’incorporation
de lathymi-
dine dans l’ADN avec une bonne stabilité. En limitant la durée des
expériences
à2
heures, compte
tenu d’unepréincubation
de 30 minutestoujours pratiquée, je
m’assurais une sécurité satisfaisante. Dans
quelques
cas,seulement, j’ai
dûprolonger
l’incubation
pendant près de 4
heures.III. -
M!TABOI,IS1VI!
DE LA THYMIDINE DANSLES
GLANDESSERICIGÈNES PR!I,!V!!S
AU4! JOUR
DUCINQUIÈME
AGEA ―
Dynamique générale
duprocessus
La
figure
2représente
lacinétique
del’incorporation
dans les trois fractions extraites. Les différentesexpériences
réalisées concordent etpermettent
dedégager
les
particularités
suivantes :1
. La
thymidine
entrée est métabolisée à bref délai. Eneffet,
la fraction « alcool »ne
représente
àchaque
instantqu’une part
minime(au plus
10 p.100 )
de la radio-activité recueillie dans les
glandes (fig.
2, courbei).
2
. La
phosphorylation
du nucléoside se déroule de manière très active.La
frac- tion acido-soluble(nucléotides)
contient laplus grande partie
de la radioactivité intracellulaire. Durant lapremière demi-heure,
les nucléotidesmarqués
s’accumulent dans unpool
dont l’activité ne croîtplus pendant
au moins 30minutessupplémentaires
(fig.
2, courbe3 ).
3
. Une relative
indépendance
se manifeste entre laquantité
des nucléotides accumulés et leurincorporation
dans l’ADN.En effet,
la radioactivitéspécifique
del’acide
nucléique
croît comme une fonction linéaire dutemps.
En outre, elle restependant
une heure inférieure à l’activité des nucléotidesthymidyliques (fig.
2, courbe2 ) Ainsi,
àpartir
de lathymidine fournie,
les cellulesglandulaires produisent,
avecun rendement
élevé,
des nucléotides radioactifs. Ceux-cis’incorporent
dans l’ADN.La cinétique
de cetteincorporation
révèle l’établissement de relationscomplexes
entre les
précurseurs
radioactifs et lasynthèse
de l’ADN.L’analyse
de ces relationsexigeait que soient
examinées pas à pas les voiesmétaboliques
danslesquelles
lathymidine
se trouveengagée.
B ― Les
composés radioactifs
contenus dans lesfractions
solubleset dans le milieu d’incubation
i. La
fraction
acido-soluble : étude de laPhosphorylation de
lathymidine.
Par
analyse radiochromatographique
de la fractionacido-soluble, j’ai
cherché àpréciser
l’évolution des dérivésphosphorylés
de lathymidine
dans lesglandes
enincubation. Trois séries
d’expériences
m’ontpermis
de couvrir une durée d’incubation de 90 minutesaprès
l’addition du traceur(tabl. 3 ).
a)
Dans unepremière expérience (tabl. 3 ,1), j’ai
suivi le déroulement de laphos- phorylation pendant
20minutes. Dès lespremières minutes, plus
de 80 p. 100 de lathymidine phosphorylée
se trouvent àl’état de
di- ettri-phosphates.
Mais
la situationévolue
de manière curieuse : tandis que la radioactivité acido- soluble totale continue às’élever,
laquantité
de TTP se stabilisepuis
décroît. Parallè-lement,
la vitesse àlaquelle
s’accumule le TDP reste à peuprès régulière pendant
20
minutes,
et laproportion
de la radioactivité liée au TMP s’élèvelorsque
le TTPatteint son
plus
faible niveau.b)
Un second essai(tabl.
3,II) confirme
lesobservations précédentes,
etprécise,
en outre,
qu’entre
i5et 30minutes,
lasynthèse
du TTPreprend
à nouveau, de sorteque
l’on note un fléchissement dansl’accumulation
du TDP et surtout duTMP.
c) Au-delà
de 30 minutes(tabl.
3,III)
larépartition
de la radioactivité entre les troisnucléotides
tend à se stabiliser.En
définitive,
lafigure
3, tracée en utilisant ces trois groupes dedonnées,
fournitune
première approximation
de lacinétique,
dans le contenucellulaire,
duTMP,
du TDP et du TTP radioactifs formés à
partir
de lathymidine
fournie.2
. Les
composés radioactifs
solubles dans l’alcoolLa radioactivité de la fraction « alcool n étant
faible,
il s’est avéréimpossible
de faire une estimation chiffrée de la
part
du marquagequi
revient à chacun des constituants isolés :thymidine, thymine
et les deuxcomposés
non identifiés(cf.
Tech-niques) .
3
. Les
composés radioactifs
du milieuLe tableau 4 résume les résultats des
analyses entreprises
pour déterminer la nature et laproportion
des diversproduits marqués présents
dans le milieu d’incu-bation. Dans cette
expérience,
la moitié de la radioactivité totale introduitedispa-
raît du milieu en 60 minutes. Dans le même
laps
detemps,
les nucléotidesqui
rega-gnent
le milieureprésentent
environ 15 p. IOO de la radioactivité initiale. On enconclura :
a)
que lathymidine
subit une métabolisationrapide (plus
de 80 p. ioo en uneheure).
b)
que le milieu secharge
de nucléotides(rencontrés
surtout commeTMP) principalement pendant
lapremière
demi-heure.c)
que la voiecatabolique
de lathymidine
se situe à un niveau très faiblepuisque :
- le
précurseur
fourni renfermedéjà
dans ce cas 5p. iood’impuretés (tabl. 4 ),
- la fraction « alcool »,
qui
contient lesproduits
du catabolismecellulaire, présente toujours
une radioactivité réduite(fig. z).
J’ai procédé
àquelques
essais afin de déterminer si le milieu d’incubation estcapable
d’assurer laphosphorylation
dela thymidine.
Pour cefaire, j’ai comparé
l’effet du milieu « neuf n et celui du milieu
ayant
contenu desglandes.
Unepremière expérience
m’a montré que lathymidine
nesubit
aucune transformationlorsqu’elle
est mise en contact avec le milieu « neuf ». Dans un second
essai, j’ai ajouté
le nucléo-side à du milieu dans
lequel
desglandes
ontséjourné
durant 30minutes,
dans desconditions habituelles.
Après
une incubationsupplémentaire
d’une heure avec lathymidine, j’ai
constaté que ce milieu :- ne contient pas
de thymine
nouvellementformée,
- renferme une
quantité
de TMPqui représente
2 à 3 p. 100 dela quantité
de
thymidine
fournie.Bien
qu’un
doutepuisse subsister,
il semble que lamajeure partie
de lathymi-
dine soit métabolisée à l’intérieur des cellules. Une fraction des nucléotides formés
regagnerait
ensuite le milieu.IV. - DISCUSSION
La
plupart
des observationsque
nous venons derapporter
soulèvent des pro- blèmesplus
oumoins
difficilesqui
seront discutés successivement.A ― Les
processus cataboliques
Je
n’ai pudémontrer,
defaçon certaine,
l’existence d’une activitécatabolique
notable
vis - à-vis
dela thymidine.
I,aglande séricigène
incubée in vitro sedistingue-
rait donc de la
plupart
descellules
et tissusétudiés.
En effet,
divers auteurs ont constaté quela thymidine administrée
à descellules
en cultures se transforme
rapidement
enthymine.
NotammentJ A C QU E Z ( 19 6 2 ),
avec des cellules de
Mammifères,
HOLLDORF et RIEGE( 19 6 4 )
avec desbactéries,
observentl’apparition
dethymine,
enproportion élevée,
dans le milieu d’incuba- tion. Ils attribuent cettedégradation
àl’activité,
dans lescellules,
de lathymidine phosphorylase.
Par
ailleurs,
la formation d’autrescomposés,
dérivant de lathymine
par oxy- dation ouréduction,
a été démontrée par FINK et coll.( I g56), E VANS
etAx!I,ROn (ig6i), T AKATS
etS MELL E ( I9 6 3 ).
Lapossibilité,
pour cescomposés,
d’être àl’origine
de marquages
parasites
estenvisagée
parplusieurs
auteurs ; TAxnTS etS MELLIE , 19
6 3
;
CsIRGIS etV I F, U C HAN GË, I9 6q. ;
MILTON etCOOPER, Ig64 ; B R YA N T, 19 66.
B ― Les
échanges
entre milieu et cellulesLa
perméabilité
desparois
cellulaires vis-à-vis de lathymidine
est très élevée.D’autres
résultats, apportés
dans unprochain
article(D AILLI E, 19 6 7 , b) préciseront
les facteurs
qui règlent
lapénétration
de lathymidine. Remarquons
dès àprésent
que si un
équilibre
s’établit depart
et d’autre de la membranecellulaire,
il se trou-vera
immédiatement déplacé
en faveur del’entrée
enraison
de laphosphorylation
du nucléoside et du
transfert
d’unepartie
des nucléotides vers le milieu d’incuba-tion. ,
La sortie des
nucléotides,
à maconnaissance, n’a jamais
été mentionnée. Ilparaît
vraisemblable que,dans les glandes séricigènes explantées,
cerejet
traduiseune altération des
propriétés
de la membrane cellulaire. Ilapparaît
alors comme laconséquence
d’unajustement imparfait
de lacomposition
du milieu d’incubation.C ― La
phosPhorylation
La
thymidine,
mise enprésence
d’une fraction cellulairepréparée
àpartir
deglandes
fraîchementprélevées
ou incubées aupréalable,
estrapidement
transforméeen
thymidine
mono-, di- ettriphosphate (fig. i).
Les cellulessécrétrices,
avant toute addition denucléoside, possèdent
doncl’équipement enzymatique
nécessaire à cestransformations.
Dans les
glandes incubées,
lesétapes
ultimes de laphosphorylation (TDP, TTP)
sont atteintes en
l’espace
de 5 minutes. On admetgénéralement
que lathymidine parvient
à l’état detriphosphate
enpassant
par le mono-puis
ledi-phosphate (WE
l SS M A
N
etcoll., 10 6 0 ; S M E LLI E, I g6 3 ; C AN E LLAKI S, 19 6 2 ) grâce à
l’intervention des trois kinasescorrespondantes (G RAV
etS M E LLIE , ig65):
L’apparition
trèsrapide
du TTP aussi bien dans lesglandes
incubéesqu’en
milieu acellulaire ne va pas,
semble-t-il,
à l’encontre de cetteopinion. Elle indique simplement
que la succession des réactions est trèsrapide.
Du reste,l’analyse
desrésultats
publiés
sur cettequestion
montre que, s’il est des cas où di- ettriphosphates
sont en
plus
faiblequantité
que le TMP(P O TTE R
etN Y G AARD , !g63),
le TTP domine leplus
souvent,dès
lespremières
minutes(B IANCHI
etcoll., 19 6 1 ;
BROOKESet WIL-1 , IAMS
,
z g 65 ; BROOKES , z g66 ;
CLEAVER etHor,xoxn, 19 65).
L’équilibre
des réactionsenzymatiques
se modifie au cours de l’incubation. Eneffet,
bien que laquantité
totale des nucléotides continue às’élever,
laproportion
relative de TTP
varie
defaçon sensible
au cours de l’incubation. Le TDP ne subit que faiblement lecontrecoup
de ces fluctuations tandis que le TMP les accuseplus
nettement. Tout se passe comme
si, après cinq
oudix minutes,
laphosphorylation, qui
sedéveloppait jusque-là
en faveurdu
TDP et duTTP,
se trouvaitbloquée
auxétapes
inférieures. Peut-être même unepartie
dutriphosphate précédemment
forméest-elle reconvertie en
TDP, puis
en TMP. Au cours du secondquart
d’heure d’incu-bation,
laproduction
de TTPreprend jusqu’à l’équilibre
dupool
acido-solublequi paraît s’établir
vers 30 minutes.Il
devient classique,
enprésence
deprocessus analogues,
de faire intervenir unerégulation
parf eed-back.
Dans ce casparticulier,
un rétro-contrôleparaît
difficileà
envisager
dansla
mesure où lesecond maximum atteint
estsupérieur
aupremier.
D’autre
part,
si de nombreux auteurs(MA LEY
etM AL E Y , !g62 ; B R E I T MAN , rg6 3 ;
1IVES et
coll., 19 6 3 ;
D!!,aMOR! et PRUSOFF,19 6 4 ; P O TTE R , 19 6 3 )
ont démontré que, dans diversescellules,
le TTP contrôle parfeed-back
sa propreproduction, c’est
eninhibant l’activité de la
thymidine-kinase. Or,
de touteévidence,
laphosphorylation
de la
thymidine
sepoursuit
au moment où l’on note unblocage
de lasynthèse de
TTP._ D ― Le
ma y quage de l’ADN
La vitesse à
laquelle
leprécurseur
atteint l’ADN n’est modifiée niparl’accumu-
lation des nucléotides
marqués pendant
lapremière phase
del’expérience,
ni par lesvariations de niveau du TTP.
Nous supposerons que les
précurseurs marqués
entrent encompétition
avec lesprécurseurs endogènes
de même nature. Dans ce cas, l’activitéspécifique
de l’ensemble desprécurseurs disponibles (y)
est donnée par la relationdans
laquelle x
est laquantité, mêlée
aupool endogène,
deprécurseurs exogènes
d’activitéspécifique
r, et a lataille
dupool endogène.
Il est clair que
lorsque x croît, y
vaaugmenter,
enfonction
de x,soit
defaçon
linéaire si
(a
-!x)
est constant, soit versl’asymptote
y si a est constant.Reportons-nous
à lafigure
2.Si
lesprécurseurs endogènes
etexogènes
se trouventmêlés
de manièresimple,
et si lasynthèse
d’ADNs’opère
defaçon
constante dans letemps,
l’acidenucléique
devrait se marquer avec une vitesse croissante tant que la radioactivité del’acido-soluble n’a
pasatteint
son maximum.Or,
lavitesse
d’incor-poration
est constante.Cette observation peut s’expliquer de
deuxmanières diffé-
rentes au moins :
- ou
bien,
x estd’emblée
trèsgrand
parrapport
à a ;- ou
bien,
une fraction seulement del’acido-soluble
cellulaire forme lepool
d’utilisation.
Nous nous trouvons ainsi devant deux
catégories d’hypothèses.
Dansl’une,
les
précurseurs
radioactifs saturent lepool endogène.
Dansl’autre,
lepool endogène
ne
peut
êtrenégligé
parrapport
auxquantités
de nucléotidesmarqués
accumulésdans les
glandes.
Dans lepremier
cas, lesprécurseurs radioactifs incorporés
dansl’ADN
représenteraient
à euxseuls
toute lasynthèse d’ADN. Étant donné
les ni-veaux
d’incorporation,
cettesynthèse,
dans lesglandes incubées,
seraitinsignifiante:
en
effet,
laquantité
dethymidine
radioactiveincorporée
dans l’ADN en une heure(fig. 2 ) représente
unesynthèse
de 0,02p. 100 de l’ADNtotal ;
insitu,
pour des ani-maux du même
âge,
cettesynthèse
horaire avoisine i p. 100. Il faudrait en conclure que lesconditions
d’incubation assurent aux organes une survie desplus
sommaire.Dans la
seconde hypothèse,
lasynthèse
d’ADN n’est pas nécessairement faible.Cependant,
cettehypothèse implique
que lesprécurseurs exogènes
n’entrent pas enrapport simple
avec lesprécurseurs naturels.
Elle conduit à supposerl’existence,
ausein du
pool radioactif,
d’unsystème d’échanges comprenant
aumoins deux
compar-timents, chargés
à des vitessesdifférentes.
Dans cecadre, les modifications
deséqui-
libres réactionnels au niveau de
la phosphorylation apparaîtront
comme une résul-tante de cette
cinétique complexe.
L’impossibilité
momentanée d’effectuer un choix entre ceshypothèses
reposeessentiellement sur notre
ignorance
de lagrandeur
dupool endogène,
dont la mesurereste pour l’instant hors des
possibilités techniques (BRUrr!!., I9 6 5 ).
Nous verrons, dans la seconde