DIAGNOSTIC
T)KS
MANIFESTATIONS
DE LA
SIPHYLIS DE LA LANGUE
PAR
Le D'
C.SAISON
INTERNE
ENMÉDECINE
DES HOPITAUX DE PARIS MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ANATOMIQUE DE PARISPARIS
ADRIEN DELAHAYE, LIBRAIRE
-EDITE U
MPLACE
DR I.'ÉCOLE
- DF.-
MEDECINE
1871
DIAGN O ST IC
DES
DE LA
SYPHILIS SUR LA LANGUE
Les manifestations secondaires de la syphilis, sans être de
beaucoup
aussicommunes
sur la langueque
sur certaines autresmuqueuses,
tellesque
celles deslèvres, de la vulve, de la
marge
de l’anus, etc., sont loin d’être raresdans
cette région.Tous
les auteurs qui ont publié des statistiques à ce sujet sont una- nimes; et,pour mon
compte, surun
relevé de 617 ob- servations de syphilis,que
je dois à l’extrême obli-geance de M. Laitier, j’ai
pu
constaterque
40 foison
avait trouvé des lésions de la
muqueuse
linguale.La forme
sans contredit la pluscommune
est la pla-que muqueuse. Cependant nous
verrons,dans
le cours de ce chapitre, qu’on peuty
rencontrer la plupart des autres lésions élémentaires qui caractérisent legroupe
des svphilides. Seulement, le siège de ces lésions surun
organe essentiellement mobile, et dont la surface estsans cesse en contact avec les aliments, les boissons et la salive,
amène
des différences souvent assez considé- rablesdans
leur aspect extérieur.On
doit aussi tenir le plus grandcompte
dans l’étudede
ces lésions de lastructure toute spéciale de la
muqueuse
linguale.Ce
n’est pas ici le lieu de décrire la
muqueuse de
la lan- gue.Nous nous
bornerons à rappeler ledéveloppement
considérable de lacouche
papillaire, l'adhérence in- timedu
tissumuqueux
à la couche musculaire sous- jacente, et enfin l’épaisseur de l’épithélium, qui est lesiège d’une
desquamation
continue etextrêmement
abondante.Tous
les auteurs qui ont parlé des syphilides ont dé-crit la plaque
muqueuse
de la langue,mais
le plus sou- vent, sous cettedénomination
vague, ils ontcompris
presque toutes les lésions quipeuvent
se manifester sur la langue, à cette période de la maladie. Certaines autres formes,en
général plus tardives, tellesque
les syphilides tuberculeuses et ulcéreuses, ont été confon- dues avec les manifestations de la troisième période, lesgommes.
Cependant,
nous devons
direque
cette distinction a été parfaitement faitedans
ces dernières années,dans
les excellents articles publiés par
MM.
Rollet (1) et Guider (2), et antérieurementdans
les thèses deMM.
Buzenet (3) et Julliard (4). C’est enme
basant(t) Dictionnaire encyclopédique. Art. Bouche (syphilis).
(2) Dictionnaire encyclopédique. Art. Bouche (séméiologie).
(3) Thèse de Paris, 1838. Du chancre de la bouche. Son dia- gnostic différentiel.
(4) Thèsede Paris, 1865. Des ulcérations de la bouche et du pharynx dans la phthisie pulmonaire.
sur les travaux de ces auteurs, et sur quelques obser- vations qui
me
sont personnelles, que j'aipu
terminer ce travail.—
Jene
dois pas oublier les excellents con-seils
que
je dois à M. leD
r Lailler,médecin
de l’hôpital Saint-Louis, quim’a
ouvert, avec sa bienveillance ac-coutumée,
sa bibliothèque et le trésor de sesnom-
breuses observations inédites. Je remercie en
même
temps
M. le professeur Hardy,mon
maître,pour
les principes desaine clinique qui font la hasede
sonensei-gnement
à Saint-Louis, et qu’il s’est efforcé de m’incul-quer
pendant dix-huit mois. Je seraisheureux
qu’il pût dire qu’il a réussi, etque
l’élève n’est pas trop indignedu
maître.SYPHILIDE ÉRYTHÉMATEUSE.
Cette forme, si fréquente sur certaines autres
mu-
queuses, et
en
particulier à l’isthmedu
gosier, premiersymptôme
de la généralisation de la diathèse dans bien des cas, est tout aumoins extrêmement
rare sur la lan- gue. La seulemention que
j’aipu
rencontrer de cette syphilidedans mes
recherches, est cette phrase de M. Rollet (1) :« Les plaques
muqueuses
de la langue sont quelque-fois constituées par de simples taches érythémateuses,
lisses, entourées de leur
muqueuse
normale, avec ses papilles plusou moins
saillantes. Cette saillie des pa-pilles fait paraître la plaque érythémateuse déprimée. » Par la
forme même
de la phrase citée, on peut voir que,dans
lapenséede
hauteur, cette lésion rentre dansle
groupe
des plaquesmuqueuses. Nous
n'insisteronsl) Article cité p. 26".
—
S-
donc
pas sur cette syphilide,que nous
aurionsmême
complètement
passée soussilence, si la phrase en ques-tion n’était
venue
attirer notre attentionde
ce côté.PLAQUES MUQUEUSES.
De toutes les syphilides
que nous
rencontrerons surla langue, la plaque
muqueuse
est debeaucoup
la plus fréquente. C’est au point,nous
l’avons dit,que
quel- ques auteurs ont confondu sous cenom
toutes lesma-
nifestations de la 2° période.
Dans
le relevé déjà citédes observations de
M.
Lailler, j’ai trouvéque
sur 40 cas de lésions syphilitiques de la langue, 35 consistaient enplaques
muqueuses,
ainsi répartis :Hommes
18Femmes
14Enfant (syphilis héréditaire) 1
Nous
rapprocherons de ces chiffresceux
qui ont étédonnés
par M. Bassereau, qui, sur 130hommes
atteints de plaquesmuqueuses,
a constaté qu’elles siégeaient\8 fois sur la langue.
De leur côté,
MM.
Bavasse et Deville ont noté 6 pla- quesmuqueuses
de la langue, sur 180femmes
atteintes de ces lésions.Je ferai
remarquer
icique,deceque
jen’aitrouvéqu’un
seul cas chez
un
enfant;on
nedoitpasen
inférerque
cetteforme
est rare à cet âge ; au contraire.La
cause en estdansce
faitquelesobservations ont été recueilliesdansun
serviced’adultes.
On
connaît eneffetlagrande
fréquence des plaquesmuqueuses
descommissures, du
gosier et aussi delà langue à cet âge, fréquence qui s’expliqueparun
desmodes
les plus habituels de transmission de la syphilisde
la nourrice à l’enfant, le sein atteint de pla-ques muqueuses.
Le
siège le plus ordinaire est la face dorsale et lesbords de la langue; on les voit souventaussi àla pointe, plus
rarement
à la face inférieure. Cette différence de siègeamène
aussiune
différencedans
laforme
etdans
l’aspect des plaques. Celle qu’on rencontre le plus sou- vent est celle qui a été décrite sous le
nom
de plaque opaline. Sur le dos de lalangue, elle est caractérisée parune
saillie assezpeu
considérable au-dessus de lamu- queuse
saine, recouverte d’un léger enduit d’un blanc bleuâtre, presque transparent, opalin,comparé
heureu-sement
au produit d’une cautérisation légère au nitrate d’argent.La forme
de la plaque est plusou moins
régu- lièrement arrondieou
ovale, etl’on peut voir à laloupe, sous lacouche
épithéliale et fibrineuse quiforme une
sorte de fausse
membrane,
les papilles de lamuqueuse
plus saillantes qu’à l’état
normal
et constituant à elles seules le relief de la plaquemuqueuse. A un
degré plus avancé, qui n’estque
l’exagération de l’état précédent,on
peut voir la plaque faireune
sailliebeaucoup
plus considérable et constituer de véritables plaques végé- tantes : cependant jamaison
ne rencontredans
cette région ces plaquesénormes en
clioux-fleursque
l’onrencontre
dans
certains cas à la vulve et à lamarge
de l’anus.Souvent
dans ces cas l’aspect grisâtreet pseudo-mem-
braneux
a disparu et on ne le retrouveque
sur lesbords de la lésion.En
revancheon
y rencontre quelquefois des exulcérations qui rapprochent cetteforme
d’une dernière, laforme
ulcéreuse. Les formesque nous
—
10—
avons décrites jusqu’à présent diffèrent sensiblement
du
type primitifdes plaquesmuqueuses.
Nous
n’avons,en
effet, parlé nidu
bourrelet circon- férenciel, nide la dépression centraleque
l’on rencontre sur les autresmuqueuses
et en particulieraux
lèvres etaux
joues; cela tient, je pense, à la texture essentielle-ment
papillairede
la langue.Quant
au suintementfétide, la langue, toujours en
mouvement
et sans cesse balayée par la salive, les boissons et les aliments,ne
le présente pas àun
degré aussiprononcé que
les autres partiesdu
corps ;cependant nous devons
direque
l’ha- leinedes individusatteints de plaquesmuqueuses
de lalangue est toujours plus
ou moins
désagréable.En
outre des plaques saillantes, le dosde la langueestsouvent le siège de fissures plus
ou moins
profondes, à bords calleux, blanchâtres, taillés à pic, dont le fond, parfoisdifficile à apercevoir, àmoins
d'écarter lesbords avec les doigts, est tantôt sain, tantôt ulcéré. Toutes ces lésions sont plusou moins
douloureuses et gênent lamastication. Les boissons et les aliments
chauds
sont surtout difficilementsupportés.Il
nous
reste à décrire laforme
ulcéreuseque
l’on retrouve plusfréquemment
sur les bords de la langueet
généralement
dans tous les pointsoù
siègeune
cause habituelle d’irritation. Ainsi, au niveau d’une dentcariée, déformée, cassée
ou
faisant saillie vers la cavité buccale;aux deux
extrémités d’un espaceoù
les dentsmanquent;
enfin chez certainsfumeurs
qui placent tou- jours le tuyau de leur pipedans
lemême
endroit,on
trouve des ulcérations plusou moins
largeset profondes dont les bords saillants légèrementindurés, sont recou- verts de la pellicule blanchâtre caractéristique de laIl
~
plaque
muqueuse
et dont le fond est rougeâtre et sai-gnant
facilement. Plus souvent il est rempli par celte espèce de détritus blanchâtre à aspectpseudo-membra- neux
qu’on retrouve dans presque toutes les ulcérations de labouche
et qui en rend quelquefois le diagnostic sidifficile.
Parfois le
bord
de la langue estcomme
festonné parune
sériede plaquesmuqueuses
présentantune
ulcéra- tionou
tout oumoins une
dépression profonde an niveau de la saillie dechaque
dent.Nous
verrons dansune
autre partie de ce travailcombien
la stomatitemer-
curielle
complique
souventcet état, à tel point qu’il est quelquefois bien difficile de faire la partde lasyphilis et celledu mercure
dans la production de la lésion.Il est enfin
un
dernier caractère qui sépare lesplaquesmuqueuses
de la langue de celles des autres organes, caractère tirédu mode
dedéveloppement
et de la durée de la lésion.On
saitque
laplaquemuqueuse
est l’un des premierssymptômes
de la période secondaire de la syphilis. Pos- térieur à la roséole et à la tuméfaction ganglionnaire généralisée, il estcontemporain
de la syphilidepapu-
leuse avec laquelle il aun
degré de parenté dont l'étudesi intéressante
ne
rentre pasdans
le cadreque nous nous sommes
tracé.Comme
cette syphilide, la plaquemuqueuse
survient vers le troisième mois. Il csi vra qu’ellene
disparaît d’ordinaireque beaucoup
plus tardet qu'elle récidive plus
fréquemment.
Quant,aux
plaquesde
la langue, bien qu’on puisse les voirapparaître àune époque
assez rapprochée d.u début de lasjphilis, enmême temps
qu’une roséole par exemple, elles peuvent se développer àune
période bien plus éloignée, dix-huitSaison.
—
12—
mois
àdeux
ans par exemple.Eu
outre elles sontbeaucoup
plus rebelles au traitement. Ellesne
cèdent jamais au traitement interne seul, quelque prolongéqu’il soit; les cautérisations locales sont indispensables.
Souvent
même
le nitrate d’argent est insuffisant, l’on doit avoir recours à des cautérisations répétées à l’aidedu
nitrate acide de mercure, excellentmoyen employé
avec
beaucoup de
succèsdans
le service deM. Hardy.
Gomme
dans les autres régions, les plaquesmuqueuses peuvent
se transformer en végétations, bienque
les cas en soient très-rares.Dans
le traitéde
la syphilis de M. Bazin (1)nous
trouvons lamention
suivante : M.Lagneau
a citéun
casoù
on trouvait des végéta- tions sur la langue.Nous-même,
cette année,nous en
avons observéune
fois sur lalangue à la suite de plaquesmuqueuses
de cet organe. » D’autre part,on
litdans Rayer
(2) : «On
a quelquefois observé à la surface de lalangue et dans le gosier des végétations dont la nature
est souvent restée indéterminée. »
Je ne ferai
que mentionner
les plaquespseudo-mem-
braneuses bien décrites sous le
nom
dediphthérie syphi- litique par M.Aimé
Martin (3). Elles sont aussi rares à la langue qu’elles sont fréquentesaux
lèvres et à lavulve. Il
me
suffira de citerune
observationque
je trouve dans la thèsedeM.
Martelière (4) etdont
j’extrais le passage suivant :Il s’agit d’un enfant présentant des lésions syphili- tiques
nombreuses
(psoriasis, coryza, ulcérations de la(1) Leçons sur lasyphilis et les syphilides, p.266.
(2) Traitédes maladies de la peau, t. II, p. 423.
(3) De la dvphthérite de la valve, considérée
comme
accident de la syphilis secondaii'e. Unionmédicale, 1861.(4) Thèse. Paris, 1854.
—
I?»-
lèvre et de ni narine gauche). «
On
trouve encore, ditM.
Martelière, sur lamuqueuse
de la lèvre supérieure,une
large plaque grise,un peu
élevée au-dessus de lamuqueuse
et très-adhérente,non
ulcérée. Il en existe de plus petites surles bords et la pointe de la langue et lesbords libres des arcades dentaires. Elles dépassent de toute leur épaisseur la
muqueuse
qui ne présente pas de traces d’inflammation.Dans
tous ces points elles sont lisses et leur surface reste intacte.Les jours suivants la
muqueuse
de la langue rougit autour des plaques dont les bords se soulèvent et se détachenten même temps que
le centre éprouveune
destruction progressive. »Dans
l’ordre de succession des syphilidesnous
ne rencontrons plusque
trois formes qui représentent surla langue le
groupe
des syphilides tardives; ce sont les syphilides tuberculeuses ; les syphilides ulcéreuses elune
dernièreforme que
je n'ai trouvée décrite nulle part, et à laquelle je donnerai provisoirement lenom
de lésions tardives intermédiaires.SYPH1LIDE TUBERCULEUSE.
Les
tubercules secondaires de la languene
sont pasune
lésioncommune. Mentionnés
assezbrièvement
dansles thèses de
MM.
Julliard et Buzenet, ils sont pourtantmoins
raresque
l’absence dedocuments
sur leurcompte semble
le faire croire. Si en effeton compulse
les obser- vations publiées sous lenom
degommes
de la langue,onpeut,
en
cherchantbien,en
trouverquelques-unes quine
sont autresque
des cas de tubercules.C’est ce qui
m’engage
à publierdans
son entierune
—
14—
observation
que
j’ai recueillie l’année dernièredans
le service de M. Hardy. Bienque
je n’aie paspu
suivre lemalade
jusqu’à entière guérison, cette observation pré- sente presque toutes les phases dedéveloppement du
tubercule de la langue, en
même temps
qu’ellenous montre
sa coïncidence parfaite avec des lésions identi- quesdu système
cutané.Observation Jre
.
Syplulide tuberculo-ulcéreusemaligne précoce.
—
Tubercules dela langue0... (Édouard), lithographe, entre le 20 juin au no 47 de
la salle Saint Jean.
Ce garçon, âgé de 22 ans, dit n’avoirjamais été malade antérieurement. 11 n’a eu ni gourmes, ni glandes au cou. 11
prétend avoir eu, dans sa jeunesse, une taie sur les yeux, mais on n’en retrouve aucune trace.
11 y a deux mois et demi, il est entré à l'hôpital
du
Midi pour un chancre que l’on a traité par des cautérisations et des applications de vin aromatique. Apparition d’une roséole au bout de huit jours de séjour. Il sort parce qu’il ne veut pas prendre de mercure.Quatre ou cinq semaines après, il voit survenir des
bou
-
tons sur tout son corps. Il va consulter un pharmacien qui lui dit qu’il
aune
petite vérole, et lui faitprendre de la bour- rache et du sirop de capillaire. L’éruption ne faisant ques’accroitre, il se fait traiter pendant
un
mois, sans plus de succès, parun
médecin homœopathe.Depuis six semaines il s’est aperçu qu’il lui venait sur les
jambes des croûtessous lesquelles seformait du pus en assez grande abondance, et dont ii soutirait beaucoup jusqu’au
moment
où le pus se faisaitjour au dehors.Alopécie abondante depuis un mois. Pas de mal de gorge.
Le malade a des habitudes de plaisir; il se fatigue beau-
coup. Suivant son expression, il fait la noce; mais, depuis six semaines, il s’est rangé.
Etat actuel.
—
Habitus général affaibli. Face pâle ané- mique. Traits tirés enmême
temps que légèrement bouffis.Toute la surface
du
corps est couverte de tubercules dis- séminés, dont le diamètre varie de 3 millimètres à 1 centi- mètre; il font une saillie de 1/2 à 1 millimètre au-dessus de la peau saine; mais leur surface est plane et d’une couleur rouge-brun cara ctéristique.
Dans
le dos, le centre des tubercules est un peu déprimé, légèrement exulcéré et recouvert, dans certains points, de squames blanches et minces.Aux
bras on trouve mélangées avec les lésions que nous venons de décrire des croûtes saillantes d’un vert foncé, et sous lesquelles on trouve du pus accumulé.Aux
jambes, sur certains points, ces croûtes ont disparu, laissant à leur place des ulcérations profondes taillées à pic et à fond fongueuxet saignant facilement.
Dans certains points
du
dos, on voit autourdes tubercules non ulcérés des groupes de petites papules quicommencent
à se recouvrir d’une légère squame, et qui, par leur disposi- tion, rappellent cette forme qui a été décrite sous le
nom
desyphilide en étoiles ou en corymbcs.
Dans certains points, le tubercule central a disparu sans ulcération et en laissant à sa place une dépression cicatri- cielle entourée d’un rebord large, saillant, d’un rouge som-
bre, maigre de jambon, et couvert, dans certains points, de squames légères.
Depuis six ou sept semaines, le malade s’est aperçu qu’il avait quelque chose à la langue et à la lèvre inférieure. Ces lésions sont parfaitement indolentes, et il ne s’en est aperçu que parce que le matin sa langue était sèche et collait à son palais.
Sur la face dorsale de la langue, vers sa partie médiane, on trouve quatre ou cinq ulcérations arrondies de 1/2 centi-
mètre environ, isolées les unes des autres, reposant sur un fond légèrement induré et limitées par un rebord un peu saillant et d’un rouge plus sombre que le reste de la langue.
—
16Le fond de l’ulcérationest d’un gris jaunâtre et à demi com-
blé parune matière pultacéede
même
couleur.Cette lésionparaît tout à fait analogue aux tubercules ul- cérés
du
restedu
corps.On
trouve enfin, à la lèvre supé- rieure, une lésion quimarque
bien la transitiondu
tubercule cutané au tuberculemuqueux. En
elfet, dans la partie muqueuse, on voitcomme*àlalangue, une ulcérationgrisâtre entourée d’un bourrelet circonférenciel induré, tandis que, dans les points où la lésion déborde du côtédela peau, l’ul- cération se recouvre d’une croûte noirâtre etsaillante.Ganglions post-cervicaux et inguinaux nombreux.
Ceux
de la région sous-maxillaire et du plancher de la bouche ne sont pas plus développés qu’à l’ordinaire.Le malade
fume
la cigarette, environ 2 sous de tabac par jour; mais ilfume
beaucoup moins depuis que la maladies’est aggravée. Salivation pendant lesommeil, mais peu con- sidérable.
La
constitution affaiblie du maladeempêche
qu’on lemette aussitôt au traitement mercuriel. Il prend du vin de quinquina etii est soumis à
un
régime réparateur.En même
temps que les forces reviennent, quelques-unesdes ulcéra- tions s’améliorent : les croûtes tombent, mais on voit sur- venir de nouveaux tubercules.
Vers le 1er juillet, il
commence
à prendre deux pilules de Sédillot par jour. Amélioration considérable et très-rapide dela syphilide cutanée. L’état de lalangue se modifie beau- coup plus lentement; cependant les ulcérations ont beau- coup diminué d’étendue; elles se présentent sous la forme d’un petit cul-de-sac à bords froncés et encore durs, et dont on n’aperçoitle fond qu’en étalant lamuqueuse
de lalangue avec les doigts.Tel est l’état
du
malade vers le 15 août, époque où ilquitte le service. 11 n’a pasétérevu depuis.
Je serai bref sur la description
du
tubercule de lalangue, car il présente
une
évolution tout à faitsem-
blable à celle des tubercules des autres parties
du
corps.
17
—
Débutant par
une
papule à base large, aplatie, quel- quefoisdéprimée
à son centre,on
sent au toucherque
l'induration fait corps avec toute l’épaisseur de la
mu-
queuse,
mais
qu’elle est tout à fait indépendante de lacouche
musculaire sous-jacente.On
peut en rencontrer sur la langueun
certainnombre,
mais ils restent tou- jours isolés les uns des autres, soit qu’ils restent à l’étatde tubercules simples, soit qu’ils prennent la
forme
ul- cérée. Jene
les ai jamais vus s’étendre en largeur de plus d’un centimètre, et les ulcérationsque
j’ai obser- vées n’ont jamais pris cettemarche
serpigineuse, etmême phagédénique que
l’on rencontre quelquefois surla
peau
, et surtoutaux
extrémités inférieures.L’induration de la base s’étend quelquefois
un peu
en largeur, jamais en profondeur.Le bord
est d’un rouge brun, et offreun
aspect presquephlegmoneux
dans certains cas.Le
fond est plusou moins
fongueux, sai-gnant facilement, et rempli de ce détritus pultacé dont
nous
avons déjàparlé à propos des plaquesmuqueuses.
La
lésion avec laquelle le tuberculede
la langue a leplus de points de ressemblance à cette période, est l’accident primitifde la syphilis,le chancre induré.
Nous
verrons, dans le chapitre suivant, quels sont les carac- tères qui servent à l’en distinguer.
Que
le tubercule soit resté à l’état simple,ou
qu’il se soit ulcéré, il laisse toujours après luiune
cicatrice qui le différencie de la plaquemuqueuse, mais
cicatricepeu
profonde, étoilée,non
rétractile et n’entamant ja- mais les parties sous-jacentes,comme
dans lesgommes
ou dans
les diverses autres ulcérations qu’on rencontre sur la langue.-
1S-
SYPHILIDE ULCÉREUSE.
On
trouve encore, chez les syphilitiques, des ulcéra- tions de la langue, qui n’ont paspour
point de départun
tubercule. Les observationsque
j’aicompulsées
n’in- diquent pas de lésion initiale, et jene
l’ai pasnon
plus trouvéedans
les casque
j’aipu
observer parmoi-même;
néanmoins, nous devons
penser, par analogie avec ce qui se passepour
les svphilides ulcéreuses de la peau,que
le point de départ a étéune
pustule. Maiscomme
ces lésions sont indolentes, les
malades ne
s’en aper- çoiventque
par hasard,ou
bien à causede
lagêne
presquemécanique
de la mastication. Alors la pustule,élément
très-transitoire, a disparupour
faire place àune
ulcération. Cependant, M. Julliard prétend que,dans
ces cas, l’ulcération est primitive sans être pré- cédée d’aucune lésion élémentaire.Ces ulcérations ont plus de tendance à s’étendre, à prendre la
forme
serpigineuse,que
celles qui sont con- sécutivesaux
tubercules.Comme
ces dernières, ellesne
donnent
pas lieu àun
retentissement ganglionnaire tres-considérable. Elles sont indolentes et coïncident souvent avecune
syphilide pustulo-crustacée,ou
ulcé- reusedu tégument
externe ; cependant on peut les ren- contrer sans autre manifestation syphilitique actuelle.C’est dans ces cas
que
le diagnostic devient difficile, etque
la nature de la lésion apu
quelquefois êtremé-
connue.Nous
verrons cependant qu'il est presque tou- jours possible d’arriver àun
diagnostic exact, tant à l’aide decommémoratifs, que
parune
considérationminutieuse des caractères spéciaux de l’ulcération.
La
cicatrice de la syphilide ulcéreuse de la langue a—
19beaucoup
d’analogie avec celle de la syphilide tubercu- leuse; elle n’en diffère guèreque
par l’étendue souvent plus considérable qu’elle occupe.LÉSIONS TARDIVES INTERMÉDIAIRES.
J'ai cru devoir réunir sous ce
nom
certaines modifi-cations qu’on voit survenir dans l’état de la
muqueuse
linguale, chez certains syphilitiques, à
une
période sou- vent très-avancée de la maladie : elles coïncident avec des lésions secondaires tardives, quelquefoismême
avec des lésions tertiaires.Cet état constitue
un
aspect induré et déchiqueté dela
muqueuse, du
dos et des bords de la langue.On y remarque
des fissures plus oumoins
profondes, dontles bords durs sont formés par les papilles hypertro- phiées et érigées. D’autres fois, la langue est
comme
sillonnée par des traînées cicatricielles, blanchâtres, tandis
que
les autres parties,où
les papilles sont sail- lantes, sont d’unrouge
vif, d’un aspect framboisé.On
ne rencontre pas de faussesmembranes,
ni cet aspect laiteux, opalin,que
présentent les plaquesmuqueuses,
même quand
elles sont anciennes. D’ordinaire,une grande
partie de la langue est prise.On
no trouve pasnon
plus d’ulcérations.Peut-être l’action
du
tabac exerce t-elleune
influence sur la productionde
ces lésions, car tous lesmalades
chez lesquels je les ai rencontrées fumaient plusou
moins.Néanmoins,
la cessation de leur habitude était loinde
suffirepour
les faire disparaître; etcomme,
d’un autre côté, je ne les ai rencontrées
que
chez dessyphilitiques, je
me
crois enmesure
de pouvoir af-firmer leur nature syphilitique.
Malheureusement,
ici, la considérationdu
traitement ne pourranous
venir en aide, et l’aphorisme si souvent employé, et il faut le dire si souvent utile en syphilio- graphie : «Naturam morborum
ostendunt curationes, » est ici en défaut, car ces lésions sontéminemment
re-belles au
mercure
et à l’iodure de potassium, soit sé- parés, soit associés.Cependant
le biiodure demercure
ioduré (formule de Gibert) est lemédicament
quim’a semblé
avoir le plus d’action. Il doit toujours être ac-compagné
d’applications localesde
nitrate d’argent,ou simplement
de glycérine, si l’état d’irrifation de lamu-
queuse est trop intense.
Voici,
du
reste, quelques observations quim’ont
paru concluantes à ce sujet :Observation II.
Le
nommé
, âgé de 22 ans, a eu il y sept ansun
chan-cre induré avecphymosis; entrédans le service
du M.
Puclie,il a été opéréde son phymosis, maisn’afaitaucun traitement interne.
Quatre mois après il voit se développer une roséole et une éruption
dénommée
eczéma syphilitique,, parM.
Huguier, qui lui fait prendre de la liqueur deVan
Swieten pendant deux mois et demi. Il sortde l’hôpital tout àfait guéri.Trois ans plus tard, il rendre au Midi pour des chancres phagédéniquesquidurent environquatre mois. Pas detraite-
ment
antisyphilitique, pas d’inoculation des chancres. Le malade prétend avoir eu une nouvelle roséole, mais légère, pendant son second séjour à l’hôpital. Quinze àdix-huitmoisplus tard, il voit apparaître des plaques
muqueuses
sur lalangue.
En même
temps, le voile du palais est en partie dé-21
huit par une ulcération dont on trouve encore la trace. Le traitement aconsisté encautérisation
.
Actuellementlemaladese plaint de douleursintenses dans
le coude gauche et le poignetdu
même
côté.A
droite, le bi- ceps est contracturé. L’articulationdu
coude en arrière pré- sente une tuméfaction fongueuse.La langue, très-volumineuse et généralementindurée, pré- sente
un
aspect déchiqueté et couturé tout spécial. Les dents s’impriment profondément dans son tissu. Elle offre, sur toute sa surface et sur ses bords, des fissures profondes séparées par des saillies très-considérables formées par les papilles du derme qui sont hypertrophiées et rouges,ün
ne rencontre nulle part ni ulcération nifausses membranes.Les
mouvements
de lalangue donnent lieu à une cuisson assez légère et plutôt à dela gène qu’à de la douleur.Le malade a beaucoup
fumé
à une certaine époque, mais nefume
plusdu
tout.Traitement: siropdeGibert, 2 cuilleréespar jour; glycérine sur lalangue, fumigationssur lalangue et vin de quinquina.
9 mars. Grande amélioration dans l’état de la langue, les tissures sont moins profondes.
On
continue le traitement.Le
31, le malade sort débarrassé de son arthralgie, mais l’amélioration notée sur la langue n’a pas continué. Elle est moins volumineuse et moins dure qu’à l’entrée, mais les saillies papillaires et les fissures sont toujours dans lemême
élat.
Dans
cette observationnous voyons
les lésions de lalangue coïncider avec des accidents tertiaires,
tumeurs
fongueuses articulairesqui disparaissent sousl’influencedu
traitement, tandis qu’elles persistentaprèsun sem-
blant d’amélioration; il est bien difficile de les rapporter àune
autre causeque
la syphilis, car desdeux
autres qu’on pourrait invoquer, lemercure
n’a été prisque
très-peu
detemps
et àune époque
très-éloignée, et sansque
des accidents aient été notésdu
côté de la bouche, etdepuis
longtemps
lemalade ne
fait plus usagedu
tabacà fumer. Il eût été intéressant de savoir si les plaques
muqueuses de
la langue notées audébut de
la maladie ont disparucomplètement ou
ont persisté, et si elles n’ont pas été le point de départde
l’affection actuelle dont le début n’apu
êtreexactement
déterminé;mais
le
malade
n’apu donner
desrenseignements
précis à cet égard.bans
lesdeux
observations suivantes prisesdans
le service de M. Lailler parmon
excellent collègueLan-
drieux,on
voit les lésionsde
la langue coïncider avec des syphilides secondaires tardives.Observation III (résumée .
Syphilide ulcéreuse.
—
Hypertrophie papillairede lalangue.Des (Valentin), âgé de 30 ans, glaeeur de papier, entre à l’hôpital Saint-Louis, le22octobre 1807.
Il habite Paris depuis dix-sept ans, a fait quelques excès alcooliques.
Aucune
manifestation diathésique antérieure.Tremblement assez prononcé. N'emploie que l’oxyde de zinc pour son travail.
Ila eu,ilya sept ans, un chancresurlefourreaudelaverge.
On
trouve encore la cicatrice aujourd'hui, mais sansindura-tion. Traité à l’hôpital du Midi par
M.
Cullerier qui lui faitprendre de la liqueur deVan
Swioteu et de l’induré de potassium.Une
roséole se développe pendant sonséjour à l'hôpital.Un
an après, apparition d’une syphilide erustacée ulcé- reuse (iodure de potassium', dont on retrouve encore aujour- d’hui la cicatrice.Récidiveen 1860, traitée à Saint-Louis par
M.
Lailler, par l’iodure depotassium et la teinture d’iode à l’intérieur.Gué-
rison complète.
Depuis deux mois, nouvelle éruption identique; santé géné-
rale, très-bonne.
A
la langue, surlaboni latéral gauche, ou observe un as- pectlégèrement granuleux, framboisé de la muqueuse. Lessaillies sont séparées par des tissures assez profondes.
L’épithélium quirépondàces points,présente un1efletlégè-
rement opalin blanchâtre.
Même
aspect sur le côté latéral droit delalangue.Jamais audiredu
maladeiln'a eu d’angine.Seulement quelques plaques muqueuses aux lèvres, lors de son second séjour au Midi. Ce malade fume très peu et
dansunepipe àlong tuyau qu’il place surle côtélatéraldroit de la cavité buccale.
Pas de céphalée, pas du douleursr humatismales, pas d’ex- ostoses.
Traitement : iodure de potassium, 1
gramme;
bains sul-fureux; teinture d’iode entopique; macér. : quinquina.
14 novembre. Le malade quitte l’hôpitalsur sademande.
Les ulcérations sont presque complètement cicatrisées.
Il n’est
malheureusement
plus faitaucune mention
de l’étatde la languependant
le traitement et à la sortiedu
malade,mais
il est bien probable que,comme dans
l’observation précédente, cet état est resté station- naire.
Observation IV (résumée).
Chancredatant d’un an.
—
Syphilide ulcéreuse récidivée.—
Fissures dela langue.D
, 35 ans, jardinier, entré à Saint-Louis le 8 jan - vier 1867.Il ya eu
un
chancre de la rainure qui mit trois semaines à se cicatriser et dont on voit encore la trace.En
juilletdernier séjour de six mois dans le service deM.
Bazin pour une syphilide ulcéreuse (sirop de Gibcrt).Aujourd’hui, récidivedel’éruption cutanée. Surlaface dor- sale de la langue, onvoitdesfissures en assezgrand
nombre
:quelques-unes sont asrez profondes. Les unes ont une direc-
-
24-
tion antéro-postérieure suivant l'axe de l’organe, les autres ss dirigentlatéralementvers les bords.
Le peu
de détailsdonnés
sur l’étatde
la langue, sur sa cploration , sur la durée de la lésion, laissent icidans le doute si
on
aeuaffaire àune
lésion tardive inter- médiaireou seulement
à des plaquesmuqueuses
avec fissurescomme on
en rencontre souvent sur la langue, surtoutquand on
se rappelleque
les plaquesmuqueuses
de cet organepeuvent
survenir àune
période très- avancée de la syphilis, et qu’elles sont alors très-re- belles. Cependant,comme
il n’est fait, àaucune époque
de la maladie,mention
de plaquesmuqueuses dans
les autres endroitsoù
ces productions serencontrentd’ordi- naire, j’ai penséque
cette observation pouvait êtremise
à cette place, tout en émettant la réserveque
je viens de faire.Enfin
dans une
observationque
je trouvedans
lemé- moire
surlestumeurs
syphilitiquesde la languedeM.
G.Lagneau
(1) après des antécédentsun peu
confus,mais où
l’on distingue cependant la présence d’accidents syphilitiques, je trouve la description suivante :« L’extrémité dela langue est rouge, tuméfiée,
mame-
lonnée,
nullement
ulcérée,mais
recouverte de papillessemblant
hypertrophiée. »Ces lignes étaient écrites
quand
j’ai rencontrédans
levolume nouvellement
parude
la pathologie internede M.
Jaccoud et d’aprèsWunderlich une
description de la glossite chronique quiserapprochebeaucoup
deslésions dont je viens de parler. Il s’exprime ainsi :(1) Mémoires de la Société de médecine de Paris. In Gazette hebdomadaire
, t. VI, 18ù9.
«
Une
induration limitée caractérise la glossite chro- nique d’emblée. Elle est produite par le frottement des dents léséesou
déviées et siège alors sur les bords laté- raux,ou
bien elle succède à des ulcérations patholo- giques, et elle occupefréquemment, dans
ce cas, larégionsupérieure de l’organe.
Au
niveaude
l’induration, dont la saillie est toujourspeu marquée,
lamuqueuse
est souvent rétractée
en
rayonscomme
le tissu cicatri- ciel....La
glossite chronique partiellene produitque
desdou- leurs etune
certainegêne
dans lesmouvements
de l’organe.La
glossite disséquante est caractérisée par dessillons profonds qui pénètrent dans l’épaisseur de la
langue et semblent la diviser en plusieurs faisceaux.
L’épithélium et des débris d’aliments s’accumulent
dans
ces plis et
y
produisent des gerçures et des crevasses souvent fort douloureuses. » M. Jaccoud ajoute qu’il avu deux
cas de glossite chronique chez des individus qui avaient souffert d’une syphilis rebelle traitée autrefois par les mercuriaux. Maispour
lui, ces accidents, qui peuvent bien avoir eu la syphilispour
point de départ, sont définitifs, ce n’estplusune
maladie,c’estune
diffor-mité sur laquelle le traitement antisyphilitique n’a plus
aucune
prise. Jene
serais pas très-éloigné d’accepter celte conclusion : cependant, dans les observations,que
j’ai rapportées, les lésions de la langue coïncidaient toujours avec des manifestations syphilitiques très-évi- dentes, et il
ne
m’est pas encore tout à faitdémontré
que
le traitement parl’iodure de potassium soit complè-tement
inefficace, surtout si on l’associe au biiodurede
mercure.
DIAGNOSTIC DE CES SYPHILIDES ENTRE ELLES ET AVECLES AUTRES AFFECTIONS SYPHILITIQUES DE LA LANGUE.
Il ne serajamais bien difficile de distinguer les
unes
des autres les différentesformes que nous venons de
décrire, et
nous sommes
entrés dans des détails suffi-sants
pour
ne plusnous
y arrêter;mais
il existe quel- ques manifestations des autres périodes de la syphilis, quipeuvent
siéger sur la langue, et qui, dans certains cas, se rapprochent tellement de l'aspect des syphilides, qu’il est utile d’insister sur leurs signes différentiels.Chancre induré.
—
L’accident primitifde la syphilispeut,
aux
diverses périodes de sondéveloppement,
êtreconfondu
soit avec les plaquesmuqueuses,
soit avecles syphilides tuberculeuses et ulcéreuses.
Le
chancre induré se distinguera facilementde
laplaque
muqueuse
ulcérée par l’induration spéciale etsouvent très considérable
que
présente sa hasedans
lamuqueuse
iinguale , ses bords d’un rougefranchement
inflammatoire, la profondeur de l’ulcération, l’épaisseur delà faussemembrane
qui la recouvre, et lesbourgeons
charnus qu’ony
rencontrequand
le chancre esten
voie de réparation; les ganglionsnombreux,
indolents etvo- lumineux
de la région sous-maxillaire;
en
outre, lechancre est le plus souvent unique.
Dans
la plaquemuqueuse,
point d’induration,ou seulement un bord un peu
calleux, le fond étant tou- joursmou;
le contour, plus régulierque dans
lechan-
cre, est toujours recouvert d’un pellicule blanchâtre;
Lulcération, toujours superficielle, est plutôt
une
sim- ple érosion de l’épithélium, etn’entame
pas ledermpv
Cependant, il est certains cas de plaques
muqueuses
des bords de la langue, entretenus parune
dent cariée,ou
par le tuyau de la pipe, qui présententune
indura- tion plus grande,une
ulcération plus profonde. Mais on n’aurajamais les ganglionsvolumineux
et durs qui ac-compagnent
le chancre, et on sera le plus souvent tiréd’embarras par la coïncidence, soit de plaques
mu-
queuses dans d'autres régions, soit d’autres accidents syphilitiques de la période secondaire (syphilides papu- leuses et
même
tuberculeuses et ulcéreuses).Le
chancrelui-même
peut se transformer en plaquesmuqueuses.
Alors le diagnostic devient presqueimpos-
sible et n’a plus
grande
raison d’être. Cependant, voici les caractères assignés par M. Buzenet à cette transfor-mation
:i°
Le
disque violacé et roséde
la circonférence ; 2° L’état encore granuleux et ulcéré de la partie cen- trale;3°
La
présence d’une pellicule qui se développe de lacirconférence au centre ;
4°
Dans
quelques cas le liséré déchiqueté;o°
La
coloration violacée de la circonférence.Il n’y a pas
que
la plaquemuqueuse
qui puisse être prisepour un
chancre.Le
tubercule ulcéré présente avec lui des analogies bien plus grandes encore. Simême on
n’avaitpour
se guiderque
l’examen de la lésionde
la langue,on
serait souvent obligé de sus-pendre
son diagnostic.En
effet,dans un
cascomme
dans l’autre,
on
trouveune
ulcération plusou moins
profonde, à bords saillants et durs, à fond bourgeon- nant,
ou
recouvert d’une formationpseudo-membra-
neuse. Cependant, l’indurationdu
chancre est toujoursSaison. 3