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Prise en charge des asthmatiques au temps du covid-19

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 13 mai 2020

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PRISE EN CHARGE DES ASTHMATIQUES AU TEMPS DU COVID-19

C’est aujourd’hui une question récur- rente qui témoigne de l’inquiétude actuelle de nombre de personnes asthmatiques : comment distinguer les signes liés au Covid-19 avec ceux d’une crise d’asthme ? Une inquiétude d’autant plus compréhen- sible que nombre d’informations erronées continuent ici ou là de circuler quant aux meilleures conduites thérapeutiques à ternir pour soigner son asthme, qu’il s’agisse de traitements de fond ou de ceux de la crise. C’est dire, ici, l’importance pratique des mises au point que vient de faire l’Association Asthme & Allergies 1 en ras- semblant les recommandations de plusieurs structures référentes de la pneumologie et de l’allergologie (Société de pneumologie de langue française, Société pédiatrique de pneumologie et allergologie, Société fran- çaise d’allergologie, Fédération française d’allergologie).

On sait que dans le cas de l’asthme, les symptômes les plus courants sont l’essouf- flement, les difficultés à respirer et la toux.

En principe, ces symptômes sont rapide- ment soulagés par l’inhalation d’un bron- chodilatateur. En aucun cas, l’asthme n’a pour symptômes une fièvre, des maux de tête, une perte du goût ou de l’odorat, une fatigue très importante – ce qui est fré- quemment observé chez les personnes souffrant du Covid-19.

Autre question pratique :2 quelle dif- férence entre l’anosmie brutale en cas d’infection Covid-19 et la perte d’odorat

des rhinites allergiques ? La perte ou dimi- nution de l’odorat avec obstruction nasale en cas d’allergie est bien connue et reconnue par les patients allergiques habitués à leurs symptômes. Or, l’anosmie et l’agueusie sans obstruction nasale n’existent pas dans l’allergie - et peuvent donc signifier qu’on a contracté le Covid-19.

En cas de doute, il est recommandé de rechercher l’existence ou l’absence d’obs- truction à l’interrogatoire (en vidéo-con- sultation, on peut, si besoin

faire un test avec un miroir positionné horizontalement sous les narines, la présence de buée en expirant par le nez établissant que l’obstruction n’est pas totale). Pour les

pneumologues et allergologues : « L’équa- tion à retenir est : agueusie/anosmie sans obstruction = Covid-19 »

On sait que les infections liées aux virus à tropisme respiratoire (rhinovirus, virus respiratoire syncitial, virus grippaux…) constituent la principale cause d’exacer- bation de l’asthme – et qu’elles peuvent être associées à des épisodes respiratoires sévères chez les patients asthmatiques.

Plusieurs mécanismes physiopathologiques ont été mis en avant pour expliquer cette susceptibilité aux infections virales des asthmatiques. On sait aussi que l’émer- gence puis la progression de la pandémie Covid-19 liée au coronavirus SARS-CoV-2 est caractérisée, dans ses formes sévères, par des pneumonies graves pouvant conduire à un syndrome de détresse respi- ratoire aigu potentiellement mortel ; un phénomène faisant redouter un risque accru de formes graves chez les personnes asthmatiques.

Le tropisme respiratoire des coronavirus est connu : cer- tains d’entre eux ont déjà été impliqués ces dernières années dans des épidémies de pneu- mopathies sévères comme le SARS (Severe Acute Respira- tory Syndrome) ou le MERS (Middle East Respiratory Syn- drome).

« Dans une revue générale publiée en 2018, avant l’ap- parition du SARS-CoV-2, la prévalence d’identification d’un coronavirus dans les pré lèvements respiratoires au cours d’une exacerbation d’asthme varie entre 8,4 %

chez l’enfant et 20,8 % chez l’adulte ce qui place cette famille de virus au deuxième rang des virus identifiés chez l’adulte derrière les rhinovirus et au quatrième rang chez l’enfant après les rhinovirus, le VRS et les entérovirus », rappelle-t-on auprès de la Société de pneumologie de langue française (SPLF).

Pour la SPLF, on pouvait donc raison- nablement redouter que la situation épi- démiologique actuelle s’accompagne d’un

risque d’infection à Covid-19 plus important chez les per- sonnes asthmatiques – risque associé à une augmentation des formes sévères. « Or curieu- sement, dans les premières publications que ce soit en Chine, en Italie ou aux USA, les patients asthmatiques paraissent sous représentés surtout si l’on considère la prévalence de l’asthme estimée entre 7 et 10 % selon les pays, observe-t-elle. Ces données sont corroborées par les premiers retours d’expérience des centres du réseau CRISALIS 3 qui participent, au titre des services de pneumologie et soins intensifs respiratoires, à la première ligne de la lutte contre l’épidémie en France. »

Ces premières données devront être confirmées à grande échelle. Mais d’ores et déjà, deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette observation paradoxale. La première est l’éventuelle sous-estimation de l’asthme chez les patients infectés par le Covid-19 (et ce d’autant que les comorbidités respiratoires sont souvent mentionnées globalement sans que l’asthme fasse l’objet d’une attention spécifique). La seconde se focalise sur les traitements de fond de l’asthme et leur possible impact sur la diminution du risque d’infection ou de développement des symptômes.

Pour sa part, la SPLF a d’ores et déjà émis des recommandations de prise en charge des patients asthmatiques en période d’épidémie Covid-19. Et ce en soulignant trois points essentiels : la nécessité de ne pas interrompre les traitements de fond en cours notamment les corticoïdes inhalés ; la possibilité d’initier un traitement par biothérapie si le non contrôle et la sévérité de l’asthme le justifient, l’utilisation sans retard d’une corticothérapie systémique pour le traitement d’une exacerbation de l’asthme.

Toutes les sociétés savantes sont ici unanimes : les corticoïdes inhalés, pierre JEAN-YVES NAU

jeanyves.nau@gmail.com

LES CORTICOÏDES INHALÉS DOIVENT IMPÉRATIVEMENT ÊTRE POURSUIVIS AVANCÉE THÉRAPEUTIQUE

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ACTUALITÉ

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angulaire du traitement de fond de l’asthme, doivent impérativement être poursuivis.

Tout patient asthmatique ayant un traite- ment de fond par corticoïdes inhalés doit le maintenir, même en période de pandémie au Covid-19. Tous les traitements de fond de l’asthme doivent être maintenus pendant la période de l’épidémie et adaptés pour que l’asthme soit parfaitement contrôlé – et tout particulièrement le traitement de fond par corticoïdes inhalés. « La cortico- thérapie orale au long cours doit, elle aussi, être maintenue à la dose minimale efficace pour contrôler l’asthme et doit être poursuivie si elle est nécessaire pour conserver un bon contrôle de l’asthme.

Pour sa part, la Fédération française d’allergologie souhaite rassurer les asthma- tiques sur le fait que « l’asthme n’est pas un facteur de risque de développer des formes plus sévères de COVID-19 les

1 https://asthme-allergies.org/

2 Lavaud S COVID-19 ou asthme : comment savoir ? Com- ment agir ? – Medscape – 25 avril 2020.

3 Constitué de centres regroupant des professionnels experts de l’asthme sévère, CRISALIS œuvre pour la concrétisation de projets nationaux et internationaux dans le domaine de l’asthme sévère ainsi que pour la constitu- tion d’un maillage territorial fort entre les différents intervenants de la prise en charge des patients. Pour plus d’informations sur CRISALIS : www.crisalis-network.org conduisant en réanimation, si l’asthme est

bien contrôlé notamment par les corticoïdes inhalés ».

L’information de la survenue d’une infection Covid-19 est désormais recensée dans les cohortes nationales françaises incluant des asthmatiques. D’autre part, un protocole de recherche clinique multi- centrique (visant à étudier le rôle protec- teur de la corticothérapie inhalée dans les pneumopathies à Covid-19 nécessitant une hospitalisation hors services de réani- mation – protocole INHASCO) va très prochainement débuter à l’initiative du Pr Camille Taillé (AP-HP, Hôpital Bichat).

« Si les données actuellement disponibles ne démontrent pas une augmentation du risque d’infection à Covid-19 ou de formes sévères chez l’asthmatique, il convient de rester prudent et de poursuivre les recher- ches pour vérifier ces premières observa-

tions et les expliquer, souligne la SPLF.

Elles ne doivent pas retarder le recours aux soins des patients asthmatiques en cas d’apparition de symptômes respiratoires ne répondant pas au traitement sympto- matique habituel. Plus que jamais les mesures de prévention, mesures barrières et de confinement doivent être strictement appliquées chez les asthmatiques comme dans la population générale. »

LA PANDÉMIE VUE DU BLOC OPÉRATOIRE : SITUATION AU 25 MARS

Fin février. Le premier cas avait été diagnostiqué au Tessin, le nord de l’Italie flambait. Le discours des autorités fédérales était encore rassurant : les foyers étaient circonscrits et les patients infectés isolés. Et il y eu le premier cas en Valais. Il se portait bien, la chaîne de contagion était identifiée, il n’y avait pas de soucis à se faire nous disait-on. Par la suite, le nombre de cas a inexorablement augmenté, surtout au Tessin.

Le 13 mars a été annoncée la fermeture des écoles. Beaucoup de gens, amis ou collègues, n’avaient pas encore compris l’ampleur de la situation. Ce petit virus n’était pas plus offensif que celui de la grippe disait-on. Mais à peine quelques jours plus tard, le lundi

16 mars, le bloc opératoire commençait à réduire l’activité élective, puis tout est allé très vite parce que le mercredi de la même semaine toute activité ambulatoire et élective était suspendue dans l’ensemble de la Suisse. Il ne restait plus que les opérations urgentes, qui avaient bizarrement disparu, nous n’avons pas compris où étaient passées toutes les appen- dicites et cholécystites que nous opérions jusque-là de jour comme de nuit – mais d’ailleurs où étaient les patients –, les urgences étaient vides, tout était suspendu, irréel.

Les couloirs étaient déserts suite à l’interdiction des visites. Nous nous sommes vite habitués à la présence de la protection civile, aux circuits spécifiquement dédiés aux patients Covid, aux distances de sécurité. Par la suite l’armée est arrivée pour installer un poste médical avancé. Se serrer les mains, s’embrasser, n’étaient plus à l’ordre du jour.

Nous avons pris acte des mesures destinées à l’accueil des patients Covid intubés. Notre service d’anesthésie fusionnait en partie avec celui des soins intensifs, la moitié du bloc opératoire et la salle de réveil seraient destinées à accueillir des patients intubés. Il s’agissait donc, en moins d’une semaine, de réorganiser les espaces, d’équiper ces postes de ventilateurs, de former les équipes à leurs nouvelles tâches.

Et l’angoisse s’est emparée des équipes. L’inquiétude première est allée aux patients, ces hommes et ces femmes que nous souhaitions pouvoir prendre en charge le mieux possible. Les images catastrophiques venant d’Italie n’ont pas aidé à calmer les soignants. Puis il y a eu la peur du changement, notre routine était complètement chamboulée, nous allions changer notre affectation, travailler de concert avec les soins intensifs.

Nous allions devoir gérer des décès, peut-être beaucoup. Les gens avaient peur pour leur santé, leur vie surtout, et celles de leurs proches. Les masques étaient rationnés. Les droits des soignants avec la suspension provisoire de la loi sur le travail semblaient bafoués.

Nos vacances ont été annulées, et nos pourcentages balayés. Nous devions être appelables en tout temps. Toutes ces mesures ont généré une peur panique et des réactions parfois inquiétantes de la part de certains soignants.

À tout ceci se surajoutait l’inconnu concernant la durée de cette situation.

Nous avons aussi assisté à un formidable élan de solidarité entre les soignants. Finies les guerres de clocher, les gens se sont serrés les coudes (au sens figuré) et se sont concentrés sur la prise en charge des patients. L’ennemi était commun, c’était cette maladie qui causait des graves dommages aux

patients que nous voulions tous soigner au mieux.

Durant cette période, j’ai souvent eu en tête le souvenir du film « le désert des Tartares » (V. Zurlini, 1976), dans lequel les soldats d’un poste avancé attendent l’invasion de leur ennemi, qui ne survient qu’en toute fin de film. Comme des soldats cachés dans les tranchées, nous avons eu la chance de pouvoir nous préparer pour la guerre, puis, le ventre noué, nous avons attendu les premiers patients, qui sont effectivement arrivés, sauf que (malheureusement) le film ne s’est pas terminé. Il s’est plutôt transformé en une mauvaise série dont le nombre d’épisodes n’est pas encore connu…

En si peu de temps, nos vies avaient complètement changé. Le passé semblait à des années lumières. Le futur s’était dilaté et n’existait plus parce qu’il n’était plus possible de s’y projeter.

Au fond, il ne restait plus qu’à vivre le moment présent. Se concentrer sur les beaux moments en famille, la nature qui se réveillait, la solidarité entre collègues, et essayer de se raisonner pour juguler l’angoisse qui nous tenaillait.

Et surtout, comme toujours, revenir à l’essence de notre métier : mettre les patients au centre de nos préoccupations et leur donner les meilleurs soins possibles.

CARTE BLANCHE

Dr. Annouk Perret Morisoli

Service d’anesthésie Hôpital du Valais

annouk.perret-morisoli@hopitalvs.ch

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