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Retrouvée morte (six heures plus tard) dans la salle de surveillance des urgences

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674 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 19 mars 2014

actualité, info

Retrouvée morte (six heures plus tard) dans la salle de surveillance des urgences

Une série américaine oserait-elle ce scénario à très haut risque ? On peut le découvrir à la lecture du rapport officiel de l’enquête ad- ministrative ouverte après une affaire hors du commun : la mort, le 15 février, d’une femme de 61 ans dans la salle d’attente de surveillance du Service des urgences de l’Hôpital Cochin ; un établissement réputé de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Cette femme avait été retrouvée morte – inopinément et par une aide-soi- gnante (AS). Elle était seule, assise dans un fauteuil. Il était 23 heures. Transportée par les sapeurs-pompiers, elle y avait été admise à 16h30. «Mort inopinée» dira le service de presse de l’AP-HP.

Treize jours après les faits, la direction gé- nérale de l’AP-HP a rendu public le rapport de l’enquête qu’elle avait demandée à ses services.1 Cette enquête a été menée par le

«Bureau d’Enquête-Analyse du Groupe Hos- pitalier Hôpitaux Universitaires Paris Centre».

Elle a été réalisée entre le jeudi 20 et le mer- credi 26 février. Cette femme avait déjà été admise aux mêmes urgences. C’était en avril 2012 et son état avait alors été suivi d’une hospitalisation. Le document n’apporte aucune précision quant aux raisons de cette hospitalisation.

Le 15 février, cette femme est amenée à 16h30 par les pompiers «probablement ap- pelés par son aide-ménagère». Le motif de l’appel était «une blessure au pied par un morceau de verre». «Lors de l’accueil admi- nistratif, on pose à la patiente un bracelet d’identification. Elle est vue par l’infirmière d’orientation et d’accueil (IOA) à 16h48 (dix- huit minu tes après son arrivée). Les do- cuments concernant l’hospitalisation précé- dente n’étaient pas accessibles au SAU au moment de l’événement» indique le rapport.

Ce même rapport note que l’Hôpital Co- chin a mis en place depuis 2008 le logiciel

«Médiweb» qui donne accès aux comptes rendus d’hospitalisation et d’examens com- plémentaires par imagerie. Cinq ans plus tard, tous les services de cet établissement n’ont toutefois pas encore adopté cette pra- tique. En toute hypothèse, «cette informa- tion n’aurait été recherchée que lors de la prise en charge médicale de la patiente».

Qui plus est «seul un médecin aurait pu y avoir accès».

Un peu avant 17 heures, une infirmière

note le motif de consultation «plaie du pied droit» ainsi que «des commentaires». Elle consigne également les signes vitaux de cette patiente (température, pression arté- rielle, fréquence cardiaque).

«Compte tenu des informations recueillies, la "priorité 3" lui est attribuée et une infir- mière souhaite pouvoir surveiller cette pa- tiente. «Elle la place dans un fauteuil de la zone d’attente couchée, devant les brancards, peut-on lire dans le rapport. Cette zone, si- tuée en face de son poste, est extrêmement

passante puisque c’est le lieu d’entrée dans la zone de soins.»

Ce même rapport détaille ensuite ce qu’il nomme le «déroulement de l’événement».

«A 21h00, transmission par l’infirmière à sa collègue de nuit des informations, con- cernant d’une part les patients de la zone couchée et d’autre part les patients de la salle d’attente à revoir. A cette occasion, cette dernière visualise les patients. Une AS prenant son poste mentionne qu’elle a aussi vu cette patiente, couchée dans son fauteuil et cons ciente.

A 21h18, une AS qui terminait son service passe devant la patiente qui était vivante et mobilisait le drap la recouvrant. A un ho- raire indéterminé (que nous supposons être entre 21h20 et 21h50), une interne prenant en charge un patient couché sur un bran- card, situé derrière la patiente, la voit endor- mie et respirant. Elle ne constate pas de signes anormaux. Entre 21h30 et 22h00, le cadre de nuit, à l’occasion de son tour de plate-forme, visualise cette patiente semblant dormir, et vivante.

Entre 21h30 et 21h40, un senior charge une externe du début de l’examen de cette patiente. L’infirmier de la salle de décho- cage, qui allait chercher les documents d’ad- mission d’un patient sur l’imprimante, lui

conseille de la chercher en salle d’attente et dans la salle d’attente couchée ainsi que de- vant la salle de radiologie ou à l’extérieur du bâtiment où certains patients vont fumer.

L’externe appelle donc la patiente dans ces différentes zones et ne la trouve pas.

L’interne, chargée depuis 14h00 des pa- tients admis en salle de déchocage, prend le dossier du patient suivant, trié 3 également.

L’externe lui rapporte ne pas avoir trouvé la patiente. L’interne lui conseille d’aller aussi appeler dans la partie la plus externe de la salle d’attente (proche de la sortie) : sans résultat. Elle prend alors le dossier de cette patiente et donne le sien à l’externe dans un souci de rapidité d’exécution. Elle poursuit la recherche par appel et conclut à l’absence de la patiente au moment où un nouveau patient, jeune, en arrêt respiratoire, est con-

duit directement par l’infirmière d’orienta- tion et d’accueil en salle de déchocage. L’in- firmière prête main-forte pour les soins de ce patient.

L’interne avant de rentrer en salle de dé- chocage a donné le dossier au senior, méde- cin régulateur-trieur, en lui précisant que la patiente ne répond pas aux appels. La pa- tiente est considérée comme sortie sans avis médical, ce qui est compatible avec le motif de passage aux urgences.

L’ensemble des éléments, appuyés par la vérification des images de vidéosurveil- lance de la salle d’attente, montre que la pa- tiente n’est pas sortie de la salle d’accueil des urgences.

Entre 21h40 et 22h00, une AS est passée plusieurs fois devant la patiente et n’a rien remarqué d’anormal. A 23h00, cette même AS constate que la patiente est blanche, l’installe rapidement dans le bureau de l’IOA et appelle un senior qui constate le décès et le prononce à 23h10. Le senior ne tente donc pas de manœuvres réanimatrices. L’examen qu’il pratique ne montre pas de signes évi- dents de la cause du décès.

La patiente était entourée de quatre per- sonnes dont aucune n’a fait spontanément mention d’une demande ou d’une plainte de cette dernière.»

point de vue

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 19 mars 2014 675

Ce Point de vue reprend un texte initialement publié sur le site Slate.fr

Bibliographie

1 Ce document est disponible à l’adresse suivante : http://presse.aphp.fr/deces-dune-patiente-a-lhopital- cochin-ap-hp-publication-des-conclusions-de-lenquete- des-recommandations/

Le rapport détaille encore les éléments de dysfonctionnement pouvant expliquer pour- quoi cette femme a été laissée à elle-même durant six heures dans ce service d’urgence (logiciel «Urqual» de localisation non utilisé, mauvaise visualisation des fiches papier des patients, communication verbale entre les différents intervenants «peu privilégiée», nouvelles procédures «insuffisamment inté- riorisée» par l’ensemble des praticiens).

Ce même rapport ne fournit aucun élé- ment sur les causes de la mort de cette femme de 61 ans. Une seule mention est dans le rapport apportée par les Prs Loïc Capron, Pierre Carli et Bruno Rion. Ces trois spécialistes réputés expliquent ne pouvoir évoquer qu’une hypothèse : «Mort subite présumée d’origine cardiaque. Diagnostic retenu après analyse du dossier médical et scanner post mortem, à défaut d’autopsie refusée par les proches.»

Pour sa part, avant même les conclusions de l’enquête, Martin Hirsch, nouveau direc- teur général de l’AP-HP avait publiquement déclaré qu’en toute hypothèse cette femme

«ne pouvait pas être sauvée». Pourquoi n’a- t-on pas pratiqué d’autopsie médico-légale aux fins de rechercher les causes exactes de la mort ? «Il s’agissait d’une mort inopinée et cette mesure n’a pas semblé nécessaire»

répond-on à la direction de l’AP-HP.

«Voici donc une jeune sexagénaire, venue aux urgences de Cochin pour une petite blessure au pied, à qui on pose un bracelet pour l’identifier et qui meurt assise, six heures plus tard, sans bruit et sans plainte, à côté de quatre personnes et en face du box infir- mier, résume le Dr William Lowenstein, interniste, ancien responsable des urgences de Laennec et praticien de l’AP-HP, aujour- d’hui président de SOS Addictions. Ce n’est que lorsque la blancheur cadavérique intri- gue une AS que le décès est constaté. On ne veut pas connaître les causes de la mort. La direction de l’AP-HP ne sait pas ce qui s’est exactement passé mais assure qu’il n’y a pas eu de faute. Ce n’est ni crédible ni rassurant.»

A l’heure où nous écrivons ces lignes, un mois après la mort, la justice annonce son intention d’obtenir la manifestation de la vérité.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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