228 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 26 janvier 2011 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 26 janvier 2011 0 Le cancer hépatocellulaire (CHC) est
malheureusement trop souvent consi
déré comme une évolution naturelle des hépatopathies chroniques, ce qui en
gendre une attitude attentiste et défaitiste.
S’il est vrai que sa mortalité est quasi iden
tique à son incidence en Suisse,1 les pro
grès de sa prise en charge devraient en
courager un changement d’attitude envers les personnes potentiellement concernées.2
épidémiologie
Le CHC touche chaque année en Suisse environ 500 personnes dont 50% ont plus de 70 ans. Les hommes sont trois fois plus souvent touchés que les femmes. Il s’agit d’une tumeur survenant dans L 85% des cas sur une cirrhose. En Valais, pour la pé
riode 19972001, 115 hommes et 35 fem
mes sont décédés de CHC ou de cancer biliaire intrahépatique. Chez l’homme, la mor
talité est de 16,5/100 000 soit près du dou
ble du taux suisse 8,9/100 000 (chez la femme 3,5 et 2,5/100 000 respectivement).
Ceci classe le Valais parmi les premiers rangs européens.1
facteurs de risque
et dépistage
Le facteur de risque principal est la pré
sence d’une cirrhose (alcoolique, virale HCV et HBV, biliaire primitive, liée à l’hémochro
matose) avec une incidence annuelle de 38% de CHC.2
Lors d’hépatite B, en l’absence de cirrho
se, une charge virale élevée et une inflam
mation hépatique active chronique sont éga
lement associées à un risque qui est plus élevé dans les populations d’Asie et d’Afri
que (rôle favorisant de l’aflatoxine B), en cas d’anamnèse familiale positive pour un CHC et lors d’exposition à des cofacteurs (alcool, VIH).
Une diminution de la mortalité passe par la prévention primaire (diminution de la con
sommation d’alcool constatée en Suisse et en Valais), des campagnes de vaccination (hépatite B) et une prévention de l’exposi
tion au virus de l’hépatite C qui, avec 80%
d’infections chroniques évoluant vers la cir
rhose dans 20% des cas, est une cause d’augmentation du CHC. L’association NASH (Non-alcoholic steatohepatis), diabète, obé sité et CHC est également discutée.
Un programme de dépistage (tableau 1) devrait être proposé aux personnes à ris
que telles que décrites cidessus. L’ultrason, effectué tous les six mois, a une sensibilité de 5680% et une spécificité supérieure à 95%.2 L’aspect classique du CHC est un nodule hypoéchogène, cependant il peut aussi être mixte, iso ou hyperéchogène.
Le dosage de l’alpha fœtoprotéine (AFP) n’est pas recommandé étant donné une sensibi
lité d’environ 60%, une spécificité de 80%
et une valeur prédictive positive de 41,5%
pour une population où la prévalence du CHC est de 5%.2
diagnostic
Le diagnostic peut être posé sans histo
logie chez un patient cirrhotique en pré
sence d’un nodule L 1 cm présentant une hypervascularisation en phase artérielle et un wash-out en phase veineuse ou tardive (figure 1) lors d’un examen dynamique (CT
scan quatre phases : natif, artériel, veineux et tardif ou IRM avec administration de pro
duit de contraste, voire ultrason avec con
traste).2
Si le premier examen ne permet pas de poser un diagnostic, un deuxième examen
avec une autre modalité dynamique doit être effectué.
Si les deux examens sont nonconclusifs (rares CHC hypovasculaires, surtout si leur taille est l 2 cm) ou en l’absence de cir
rhose, une preuve histologique sera de
mandée.
Le taux d’AFP peut être élevé aussi en cas de cholangiocarcinome intrahépatique et de cancer colorectal métastatique, rai
son pour laquelle cet examen n’est plus de
mandé 2 (précédemment un nodule L 2 cm avec cirrhose et AFP L 200 ng/ml était ac
cepté comme diagnostic de CHC).3
traitement
Plusieurs systèmes de classification du CHC sont disponibles.4 Le système du Bar
celona clinic liver cancer (BCLC) study group est le plus utilisé actuellement.2 Il tient compte du stade tumoral, de la fonction hé
patique et du status fonctionnel. Dans la prise de décision, l’estimation de l’espé
rance de vie du patient doit bien sûr être in
tégrée. Le tableau 2 résume la prise en charge des patients et leur devenir. L’algo
Hépatocarcinome : que doit savoir le praticien ?
Quadrimed 2011
S. Anchisi
Dr Sandro Anchisi Département d’oncologie RSV – CHCVs
Hôpital de Sion
Avenue Grand-Champsec 80 1950 Sion
sandro.anchisi@hopitalvs.ch
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 228-9
Figure 1. Image d’un cancer hépatocellulaire lors d’un examen par scanner quatre phases
Scanner quatre phases : natif, artérielle, veineuse ou portale et tardive.
Ultrason tous les six mois Nodule l 1 cm Nodule L 1 cm Suivi à trois mois Investigation par un afin de s’assurer examen radio- de son absence logique dynamique d’évolution après
deux ans
Tableau 1. Surveillance d’une per- sonne à risque
(Adapté de réf.2).
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Implications pratiques
Un dépistage par ultrason tous les six mois devrait être proposé en cas de cirrhose ou dans certaines situations à risque lors d’HBV
Lors de cirrhose, le diagnostic repose sur une imagerie dynamique avec un aspect carac- téristique d’hypervascularisation artérielle et de wash-out portal
Des traitements bien codifiés (chirurgie, radiologie interventionnelle, sunitinib) permet- tent une amélioration de la survie chez les patients en bon état général avec une cirrhose compensée
Le défi essentiel est de convaincre les médecins de l’utilité d’identifier les situations à risque et de l’intérêt majeur pour le patient cirrhotique d’une prise en charge précoce E
E E
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Bibliographie
1 De Weck D, et al. Le cancer en Valais 1989-2000.
www.ovs.ch/publications_rapports_RT_fr.htm 2 ** Bruix J, Sherman M. Management of hepatocellu- lar carcinoma : An update. Hepatology 2010, epub ahead of print. www.aasld.org/practiceguidelines/Pages/Sortable PracticeGuidelinesAlpha.aspx
3 Pache I, et al. Prise en charge du carcinome hépato- cellulaire en 2010. Rev Med Suisse 2010;6:198-202. http://
titan.medhyg.ch/mh/formation/article.php3?sid=34659 4 Tempia-Caliera AA, et al. Le carcinome hépatocellu- laire : une approche multidisciplinaire. Rev Med Suisse 2005;1:1621-9. http://titan.medhyg.ch/mh/formation/
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5 Becker CD, et al. Thermoablation percutanée de tu- meurs hépatiques par radiofréquence. Med Hyg 2001;
59:282. http://titan.medhyg.ch/mh/formation/article.php3?
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6 Lesurtel M, et al. Place de la chimio-embolisation dans le traitement du carcinome hépatocellulaire non résé- cable. Med Hyg 2003;61:1074. http://titan.medhyg.ch/mh/
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7 Llovet J, et al. Sorafenib in advanced hepatocellular carcinoma. N Engl J Med 2008;359:378-90.
8 Peck-Radosavljevic M, et al. Consensus on the cur- rent use of sorafenib for the treatment of hepatocellular carcinoma. Eur J Gastroenterol Hepatol 2010;22:391-8.
* à lire
** à lire absolument
rithme de prise en charge insiste sur les ca
ractéristiques des patients pour lesquels le traitement offre les meilleurs résultats au sein de chaque catégorie.
Stade 0 Stades A-C Stade D
IP 0 IP 0-2 IP L 2
Child A Child-Pugh A, B Child-Pugh C
• Très précoce • Précoce (A) • Intermédiaire (B) • Avancé (C) • Terminal
• Un nodule • Un nodule ou trois nodules l 3 cm • Multifocal • Invasion portale
l 2 cm • IP 0 • IP 0 • Atteinte extrahépatique
• IP 0-2
Sélection du traitement selon :
Un nodule Trois nodules l 3 cm
• Pression • Hypertension portale
portale et • Bilirubine augmentée
bilirubine
• Pas de comorbidités • Comorbidités • Chimio-embolisation trans- • Sorafénib 7 Traitement des normales
• Transplantation : • Ablation par radiofréquence artérielle 6 (non-indiquée • Child-Pulgh A symptômes
• Résection :
5%-15% des cas (RFA 5) ou alcoolisation si thrombose portale • (Child-Pulgh B ? 8) 5% des cas
• Critères de Milan (ok si l 2 cm ou 3 cm si RFA) complète, flux hépatofuge,
(1 nodule l 5 cm - anastomose porto-
3 nodules l 3 cm) systémique)
Survie à 5 ans : Survie à 5 ans : Survie à 5 ans : 50-70% Survie à 2 ans : 20-60% Survie médiane : 10,7 mois Survie médiane :
70% environ 60% (RFA meilleure) (OR : 0,53 par rapport au bras (7,9 placebo) l 3 mois
contrôle 2)
Traitements à visée curative Traitements palliatifs
IP : index performance, reflète l’impact général du cancer sur la personne. Il s’agit d’un facteur pronostique valable dans presque tous les modèles de prise en charge du cancer ; IP 2 : patient présentant des symptômes liés au cancer avec un repos nécessaire à moins de 50% du temps de veille ; OR : odd ratio.
Tableau 2. Cancer hépatocellulaire (Adapté de réf.2).
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