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Au contraire, ceux qui ont connu l'époque du casque facultatif se disent souvent gênés par le port devenu obligatoire en compétition

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Academic year: 2022

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Sport et Vie N°113

Titre: Pour ou contre le casque à vélo?

La question du casque à vélo est l'une des plus compliquées qui soient. Tout le monde reconnaît son importance vitale. Et pourtant, beaucoup de cyclistes rechignent encore à le porter.

Le choix de porter ou non son casque à vélo semble très lié à la

"culture" dans le sens que lui donnait Edouard Herriot (1872-1957):

"ce qui reste dans l'esprit quand on a tout oublié". Ainsi les jeunes compétiteurs cyclistes mettent leur casque machinalement. Comme ils bouclent aussi la ceinture de leur cardiofréquencemètre. Sans même y penser. Ces comportements sont tellement ancrés dans les habitudes qu'ils leur paraissent naturels. Au contraire, ceux qui ont connu l'époque du casque facultatif se disent souvent gênés par le port devenu obligatoire en compétition. On observe aussi ce genre de hiatus chez des quadras ou des quinquagénaires ayant couru sur la route quand le VTT n'existait pas encore, avant de venir à la compétition en tout- terrain où le port du casque a toujours été un réflexe plus naturel.

Ceux-là mettront sans problème le casque pour une sortie VTT. Mais ils l'oublient lorsqu'ils s'entraînent sur la route. On voit aussi des cyclistes qui portent le casque à l'entraînement mais pas pour leurs déplacements urbains ou les promenades avec leurs enfants (... qu'ils obligent pourtant à le porter). Bref, il apparaît qu'on se situe là juste à la frontière entre des contraintes librement acceptées pour cause de sécurité et des notions de confort dont on s'aperçoit

qu'elles varient énormément d'une personne à l'autre, et même d'une situation à l'autre pour la même personne. Quant aux coureurs

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professionnels sur route, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ne donnent pas toujours le bon exemple. Avant la mort d'Andreï Kivilev survenue le 12 mars 2003 pendant la course Paris-Nice, de nombreux cyclistes professionnels refusaient de se protéger la tête. Ou alors sommairement. On se souvient de Jacky Durand par exemple qui

persistait à porter un obsolète et inefficace casque à boudins. Après Kivilev, le port du casque à coque rigide est devenu obligatoire.

Mais, par défi ou par inconscience, certains pros roulaient alors avec la jugulaire non attachée. Puis pendant plusieurs années, ils

enlevaient leur casque dans la dernière ascension d'une étape de montagne avec arrivée au sommet (ce qui était autorisé par le

règlement). Raison invoquée? Il faisait vraiment trop chaud sous le couvercle. Dans le même temps, les vététistes, qui roulaient pourtant dans des conditions bien pires du point de vue de la thermorégulation (côtes très raides, poussiéreuses, faible vitesse d'ascension donc faible ventilation et importante surchauffe corporelle) semblaient ne pas souffrir des mêmes désagréments. En 1997, Emmanuel Magnien,

routier professionnel, termine troisième du Roc d'Azur VTT après

avoir, en violation du règlement de course, jeté son casque au bout de quelques kilomètres! Ce jour-là, les 6000 autres participants du Roc avaient roulé casqués, sans problème. Magnien avait été le seul à en être incommodé. Quant on parlait de culture... Aujourd'hui encore, les cyclistes routiers professionnels font de la résistance au port du casque. En stage (où ils sont souvent filmés pour des émissions sportives ou des DVD et jouent donc les rôles de modèles pour leurs fans), ils roulent la plupart du temps sans casque. Un exemple entre mille. Le mardi 9 décembre 2008, l'émission Tout le sport consacre un reportage au coureur Franck Bouyer. On le voit rouler avec un ami qui,

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comme lui, ne porte qu'un bonnet. À l'heure de la banalisation du port du casque, les cyclistes les plus médiatiques véhiculent à la moindre occasion le message opposé. Est-ce bien "professionnel"? D'autant qu'un haut niveau de pratique n'empêche pas l'accident; les vitesses atteintes par les pros ainsi que le fait qu'ils sont souvent entourés d'autres véhicules rapides rendent même l'accident potentiellement plus dangereux pour eux. Les pros gagneraient à surfer plus souvent sur le site "www.jeporte1casque.com"où les vététistes professionnels Cédric et Cécile Ravanel (team Lapierre International), malgré leur statut d'enfants terribles du VTT x-country, disent actuellement tout le bien qu'ils pensent de cet accessoire.

(Intertitre) Le bureau des peurs

Nous avons dit que les notions de confort étaient éminemment

personnelles. La perception du risque l'est tout autant. Ainsi on craint plus le sida (800 morts par an en France) que le tabac (qui, lui, coûte annuellement la vie à 60.000 personnes); on craint plus l'avion (876 morts dans l'aviation civile en 2008 dans le monde) que la voiture (plus de 4274 morts rien qu'en France). Dans un autre

domaine, on se représente souvent le VTT comme un sport plus dangereux que le vélo de route alors que les chutes, certes plus nombreuses, sont généralement moins graves du fait d'une moindre dureté des revêtements et de l'absence d'autres véhicules dans les parages.

Ainsi, le risque perçu est systématiquement déformé, amplifié ou minimisé en fonction du vécu de la personne. On doit aussi faire la distinction entre risque subi et risque consenti. Prenons l'exemple

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d'un trialiste VTT qui fait une démonstration de saut au-delà d'une série de sujets couchés sur le sol. Au moment du vol, ceux-là auront bien plus peur que le trialiste lui-même. Car le sentiment de ne rien pouvoir faire aiguise la perception du danger alors que celle-ci

s'amenuise généralement lorsqu'on est en mouvement, selon le principe bien connu: "l'action inhibe l'émotion". Dans certaines situations, il arrive que la peur elle-même interfère avec la notion de risque en augmentant du même coup la probabilité d'un comportement inapproprié.

Dans l'exemple précédent, un cobaye apeuré pourrait se recroqueviller au moment du passage du trialiste. Ce faisant, il accrocherait la roue du vélo... et patatras! Ainsi la peur ne protège pas toujours du

danger. Appliquons ce raisonnement au port du casque. Le voilà

doublement recommandé. Car en plus d'offrir une protection matérielle, il diminuerait la peur et augmente les chances de se maîtriser en situation dangereuse.

(Intertitre) Plus spectaculaire sera la chute

La dimension plus ou moins spectaculaire de certains accidents

influence également la perception du risque. Ainsi, une chute émaillée de nombreuses cabrioles ou glissades paraît plus dangereuse qu'une autre arrêtée net. Or la réalité est globalement inverse. Lors d'une chute où le pilote est stoppé net, ce dernier absorbe intégralement l'énergie de l'impact et souvent ne la supporte pas. L'accident qui a coûté la vie au pilote brésilien Ayrton Senna sur le circuit d'Imola en 1994 reste ainsi dans toutes les mémoires, notamment par la

brièveté du choc entre le bolide lancé à plus de 200 km/h et le mur de béton à la sortie du sinistre virage de Tamburello. C'est d'ailleurs

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pour cette raison qu'on a conçu des ceintures de sécurité à

arrachement progressif ou des cordes d'escalade élastiques en lieu et place des ceintures rigides (qui enfonçaient la cage thoracique) ou des cordes en chanvre (qui "cassaient" l'alpiniste ou qui parfois cassaient elles-mêmes!) De façon générale, on peut dire que les

torsions et les déformations spectaculaires sont moins dangereuses que la rigidité. Le principe s'applique aussi aux casques. Ainsi, un

casque an acier protègerait nettement moins bien des chocs que les actuelles coques de mousse déformable. En dépit de toutes les

impressions que l'on peut avoir sur l'estimation de leur solidité respective.

(Intertitre) Cela se passe aussi dans la tête

Lorsqu'on s'intéresse à la perception du risque, il faut distinguer la part de risque objectif et celle qui résulte plutôt d'une construction de l'esprit. Et cela dépend d'abord du contexte. Rouler à 20km/h en vélo sur une route large paraît lent alors que la même vitesse sur un sentier étroit en VTT semble rapide. Le constat vaut également en escalade. Une même difficulté objective suscitera davantage

d'appréhension si la voie est "gazeuse" (avec une grande sensation de vide en dessous de soi) alors qu'elle ne poserait aucun problème dans le cadre d'un entraînement en salle. Le vécu joue lui aussi un rôle essentiel. Ainsi les expériences "nociceptives" (génératrices de

douleurs) laissent habituellement des séquelles qui vont de la légère appréhension au moment de revivre une situation similaire jusqu'à des blocages complets dès lors qu'un élément -même futile- rappelle

l'ancien traumatisme. Le type de réponse dépend très fort de la

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capacité que l'on aura à analyser lucidement les circonstances de l'accident. Le plus tôt possible, il faut rationaliser et mettre des mots sur ce qui s'est réellement passé pour ne pas laisser à

l'imagination le temps de prendre le relais. C'est la raison pour laquelle on a pris l'habitude de mettre si rapidement en place des cellules d'aide psychologique après des catastrophes. On vise à éviter le syndrome de stress post-traumatique (1). Puis il faut tenir compte des inclinations personnelles. Certaines personnes sont naturellement

plus casse-cou que d'autres. L'ambition intervient également. Plus l'objectif est difficile à atteindre et plus grande sera la tentation du risque. Dans le même ordre d'idées, on ne peut pas éluder la

question des habiletés. Que celles-ci soient naturelles ou le fruit d'un apprentissage, il est sûr qu'elles interviennent de façon

déterminante pour se tirer d'un mauvais pas. Un sportif doté d'une bonne détente et ayant pratiqué la gymnastique prend peu de risques en tentant un salto avant. Mais on ne conseillerait à personne de tenter le geste à sa première leçon de fitness. Enfin, certaines choses

échappent à l'entendement. Par exemple, il arrive qu'un vététiste bloque parfois sur un obstacle alors qu'il en maîtrise d'autres objectivement plus difficiles. C'est même assez fréquent dans les sauts. Il suffit qu'une bosse soit légèrement différente de celles qu'il saute habituellement; soit parce que la rampe d'appel est un peu plus raide; soit que la bosse de réception ne soit visible qu'au

dernier moment; ou encore parce qu'elle se caractérise par des arêtes marquées... Notre coureur aborde alors l'obstacle avec une

appréhension tout à fait disproportionnée. Pour résoudre le problème, il suffit de mettre une planche entre l'appel et la réception. Cela passe tout seul! On la retire... De nouveau le blocage! Ainsi le

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simple fait de ne plus jouir de la même sécurité empêche de reproduire un geste pourtant parfaitement maîtrisé. On retrouve cette situation dans les cirques pour les numéros d'acrobatie réalisés avec ou sans filet. En escalade aussi. D'ailleurs, dans ce sport, on ne retient que les performances réalisées en tête de cordée. A l'inverse, il arrive qu'un apprenti-grimpeur, pourtant dûment assuré, fasse l'expérience du vide et régresse complètement jusqu'à un stade de perception

syncrétique où la peur l'emporte sur tout le reste. Pour lui, le monde devient flou. Il n'entend plus rien et cesse de ce fait d'être

réceptif aux conseils. Dans toutes ces situations, le risque subjectif l'emporte sur le risque objectif et lorsqu'on se livre à une petite analyse, on doit inclure cette dimension psychologique qui nous freine parfois en appelant à la conscience toutes sortes de scénarios plus ou moins probables selon lesquels les choses pourraient mal se passer.

(Intertitre) L'intrépidité au pouvoir

On le voit, la situation est déjà bien compliquée. Cela empire encore si l'on prend en compte la dimension ontogénétique de la frayeur.

Ainsi les tout-jeunes enfants envisagent à peine la notion de risque.

Les adolescents aussi ont souvent un seuil de perception nettement plus élevé que celui des adultes. Surtout les garçons (2). On remarque cela dans la pratique du sport avec plus d'audace d'un côté et plus de sagesse de l'autre. Cela se retrouve aussi dans d'autres

comportements. Ainsi les adolescents s'inquiètent moins que les

adultes des conséquences du tabagisme, de la drogue, de l'alcool, des excès alimentaires, des excès de vitesse ou des chutes. Deux raisons principales expliquent leur intrépidité. D'abord ces jeunes gens n'ont

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pas le souvenir inhibant d'expériences antérieures malheureuses.

Ensuite, ils sentent bien que la situation est pour eux moins périlleuse qu'elle ne l'est pour les adultes. Plus on est jeune, mieux on récupère. C'est encore le cas face aux autres agressions. On se remet assez facilement d'une grosse cuite à 18 ans. À l'inverse les personnes âgées subissent plus fortement les conséquences des mêmes écarts, tant du fait d'une maladie causée par l'accumulation des excès (par exemple on devient obèse) que des difficultés croissantes de l'organisme à guérir des lésions. La perte de masse musculaire ou de densité osseuse rend ainsi la chute beaucoup plus problématique à mesure que l'on avance en âge et donc on a naturellement tendance à mieux accepter, voire à rechercher les protections de tous ordres.

Néanmoins ces tendances générales peuvent être contrecarrées par les facteurs culturels. Ainsi avons-nous vu que les cyclistes les plus âgés rechignent parfois à porter le casque. Ils ont vécu dans un

environnement moins dangereux (circulation automobile moins dense) et leurs représentations peinent à suivre les évolutions de la société.

Ainsi roulent-ils parfois à basse vitesse, sans casque et en zigzaguant sur des routes à circulation dense, c'est-à-dire des situations objectivement périlleuses, sans se soucier le moins du monde de leur propre sécurité.

(Intertitre) Le théorème de la tête nue

Trapèze sans filet, escalade en solo, vélo, roller, kayak, patinage sans casque, est-ce bien raisonnable? Les adeptes de la pratique non- protégée n'ont pas le droit à l'erreur et savent qu'ils doivent s'en prendre surtout à eux-mêmes s'ils se ratent. Cette prise de risque

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élève la vigilance et la concentration. Patrick Edlinger, réputé pour ses solos en escalade dans les années quatre-vingts, disait que la peur l'aidait à se concentrer à fond sur les passages-clés.

Agir avec moins voire pas de protection du tout permettrait donc un gain en sécurité active (celle qui découle des actes propres) par le biais d'une vigilance accrue. Prenons un exemple à la fois plus proche et moins glamour. Gilles Goetghebuer (rédacteur en chef de Sport et Vie qui est lui-même toujours sportif et toujours en vie) se déplace à vélo en ville sans casque et sur une vieille bécane avec le sentiment rassurant que les réactions approximatives de l'engin (notamment en raison de patins de freins changés très irrégulièrement) l'obligent à modérer sa vitesse, à anticiper les obstacles, à adoucir ses

trajectoires. Est-ce tout à fait idiot? Peut-être pas. On sait que la vitesse est un facteur important de gravité des accidents. Or un vélo

"old school" est plus lent qu'un vélo moderne. Le refus d'outils à la pointe de la technologie (comme les freins à disques ou les

amortisseurs) incite lui aussi à la prudence. Ne serait-ce que pour préserver un certain confort de conduite. Quant au fait de ne pas porter son casque, il pourrait induire un sentiment de vulnérabilité qui participerait à sa manière à l'adoption d'une conduite plus sûre:

regarder à l'approche d'un carrefour, tendre fort le bras pour indiquer un changement de direction, surveiller les portières des voitures garées le long du trottoir. On peut comprendre cela et même s'en inspirer. En ce qui me concerne par exemple, je n'utilise pas de carte de fidélité pour mes achats. Je préfère me modérer en

permanence. Néanmoins cette démarche de "non-protection-pour-plus-de- vigilance" a ses limites! Efficace quand le danger ne dépend que de soi-même, elle devient inopérante face aux événements imprévisibles:

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gibier qui saute sous les roues du vélo, voiture folle, ou dans

d'autres contextes, une corde qui lâche dans un exercice de trapèze, une prise qui casse en escalade, un patineur qui tombe devant soi.

Tous ces imprévus font regretter le manque de protection! Et puis il faut songer à la casse. En cyclisme, des tels accidents sont

susceptibles de se produire aussi bien sur les anciens vélos que sur les récents. Demandez son avis à Richard Virenque, victime d'un bris de fourche en fibre de carbone qui lui valut 32 points de suture sur le visage en août 2006 alors qu'il n'avait jamais connu ce problème durant sa carrière professionnelle. Idem pour d'autres pièces

(manivelles, cadre cintre) qui se briseront plutôt du fait de l'usure sur les anciens vélos, et plutôt du fait du "sur-allègement" sur les récents. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle l'UCI a réglementé le poids minimum des vélos de route de compétition (6,8kg actuellement). Or pour toutes les chutes sur la tête, le port du casque est vital. Dans le magazine La France Cycliste (de la

Fédération Française de Cyclisme) on a longtemps pu lire ce message:

"Le casque, en compétition c'est obligatoire, à l'entraînement c'est vital".

(Intertitre) On fait "comme si"

En outre, utiliser du matériel vétuste pour augmenter sa vigilance paraît incompatible avec les notions de performance qui impliquent au contraire de bénéficier de toutes les améliorations possibles. Et pas besoin pour cela d'être coureur professionnel. Dès qu'on roule en groupe, l'instinct de compétition naît d'une façon ou d'une autre.

Ainsi, la plupart des cyclosportifs sont tentés de s'équiper comme les

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coureurs de l'élite. Il suffit de regarder le prix et le poids moyens de leurs montures pour s'en convaincre! On frôle des limites

dangereuses dans ce domaine et, actuellement, de nombreux

périphériques sont vendus avec des avertissements relatifs au poids du pilote à ne pas dépasser pour une utilisation sans risque. En VTT il est également préconisé de changer certains cintres carbone tous les ans ou systématiquement en cas de chute. De plus, à l'inverse du

roseau de La Fontaine, des matériaux comme le carbone "rompent mais ne plient point". Pire encore: ils cassent en produisant des pointes acérées très dangereuses. Le matériel moderne est certes performant mais agressif. Pour toutes ces bonnes raisons, le choix de rouler sans casque reste à notre avis relativement hasardeux. N'en déplaise au rédacteur en chef. Et cela devient de l'inconscience lorsqu'on se déplace en groupe. Car même en étant extrêmement vigilant, on subit parfois les erreurs de ceux qui le sont moins, par exemple lors d'écarts intempestifs, des freinages tardifs d'un coureur crispé ou inattentif, ou en cas de chute devant soi d'un autre qui n'a pu éviter un nid de poule et mille autres choses encore. Les statistiques des morts sur la route indiquent que plus de la moitié des tués ne le sont pas de leur faute mais de celle d'un chauffard. De plus, rouler sans casque en groupe dans une sortie organisée, c'est faire preuve

d'égoïsme car cela peut mettre en cause la responsabilité de

l'organisateur en cas d'accident, même si ce dernier a "fortement conseillé" le port du casque sur ses bulletins d'inscription. Dans ces circonstances, le port du casque s'inscrit parmi les attitudes

responsables et citoyennes. D'autant que l'attention est une chose fluctuante. On oublie parfois la présence d'un radar entre le panneau l'annonçant et ledit radar. Alors rester concentré trois heures durant

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sur un vélo! On n'y croit pas trop. Conclusion: la société moderne, de plus en plus mécanisée, impose comme une évidence le port du casque pour tous les sports dont la pratique se déroule au contact du trafic routier, synonyme d'importants risques objectifs (cyclisme, VTT,

roller, ski à roulettes, voire parapente ou randonnée à cheval). Mais ces protections matérielles ne dispensent d'aucune autre mesure de sécurité. En cela, la pratique sportive renvoie aux mêmes fondements qui régissent la vie en société. On peut choisir de se protéger de tous les aléas de la vie. On peut aussi accepter la part de risque et prendre en charge le maximum de sécurité active. Cette seconde

démarche me paraît même plus saine et plus valorisante car elle

replace l'effort permanent au cœur de la recherche de sécurité. Mais le meilleur système consiste à associer les deux c'est-à-dire se

protéger et agir conjointement sans prendre de risque inutile (4). En toute occasion, on devrait se comporter "comme si" une voiture (ou un sanglier sauvage) pouvait surgir pour vous couper la route; "comme si"

le matériel (trop usé ou trop nouveau) pouvait lâcher à tout moment et enfin "comme si" on ne portait pas de casque. Alors qu'on en porte un!

Jean-Paul Stephan

(Professeur agrégé d'EPS - triple champion du monde VTT en catégorie Masters)

Encadré 1

Les rois de la réchappe

Plus on prend de risques, plus on doit se protéger. Un pilote de F1 risque la mort à chaque tournant. Mais tout est prévu pour qu'il survive à une sortie de piste: l'habitacle, le circuit, les

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infrastructures... Dans ce genre de sport où la vitesse oblige à faire surtout confiance aux équipements de sécurité, les habiletés du pilote en cas de pépin ne sont pas primordiales (même s'il doit être capable de s'extirper rapidement de son habitacle en cas d'accident). En

revanche, dans les sports à "vitesse humaine" comme le cyclisme ou le kayak, les "habiletés de réchappe" (que l'on peut définir comme des gestes que le sportif réalise en situation dangereuse pour éviter la chute ou minimiser ses conséquences) deviennent essentielles. Ainsi, dans un virage abordé trop vite, un cycliste chevronné sera capable de faire chasser sa roue arrière pour replacer le vélo dans l'axe de sortie du virage. Même chose pour un cycliste qui s'aperçoit qu'il va toucher la roue arrière de celui qui le précède. Il faut qu'il ait le réflexe de "forcer" sur cette roue pour conserver son équilibre plutôt que de se lancer dans une manœuvre désespérée d'évitement qui risque de l'envoyer au sol beaucoup plus sûrement! Un cycliste en mauvaise posture saura aussi comment décaler rapidement une chaussure pour prendre furtivement appui sur un pied. Un vététiste qui passe par- dessus son vélo rentrera la tête avant d'effectuer une roulade, comme le ferait un judoka. Un kayakiste qui chavire pratiquera

l'esquimautage pour se remettre d'aplomb. Un bicrosseur trouvera (presque) toujours le moyen de se rééquilibrer à l'atterrissage d'un saut trop court ou mal négocié. De manière générale, l'apprentissage des habiletés risquées doit aller de pair avec celui des habiletés de réchappe (3). D'ailleurs certains mouvements de gymnastique sont nés de réchappes finalement très réussies! Cela prête aussi à des

démonstrations fantastiques. Rappelez-vous l'exploit extraordinaire de Lance Armstrong lors du Tour 2003, jouant les vététistes dans un champ pour éviter d'être entraîné dans la chute de Beloki juste devant lui.

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Bibliographie:

(1) Cyrulnik (Boris) Autobiographie d'un épouvantail, Odile Jacob 2008.

(2) Sender (Éléna), Le cerveau des ados décrypté in Sciences et Avenir N° 739 septembre 2008.

(3) Stéphan (Jean-Paul) VTT Rouler plus vite, Désiris, 2008

(4) On retrouve cette dimension d'activation optimale tant chez les théoriciens de l'auto-organisation qui mettent en avant les effets possiblement bénéfiques des crises (voir Morin Edgar Le paradigme perdu, Seuil 1973 ou Atlan Henri Entre le cristal et la fumée Seuil 1979), que chez les théoriciens de la motivation qui mettent en

évidence un continuum allant de la passivité à la panique en passant par la détermination (voir Nuttin Joseph Théorie de la motivation humaine PUF 1985, Durand Marc L'enfant et le sport PUF 1987, Thill Edgar Motivation et stratégies de motivation en milieu sportif, PUF 1989), chez les théoriciens de l'enseignement qui montrent que pour apprendre le sujet doit être en "conflit" avec la tâche (voir Allal Linda et Cardinet Jean l'évaluation formative dans un enseignement différencié P Lang, Berne 1978 et le concept de "décalage optimal tâche – sujet" ou Doise Willem et Mugny Gabriel Le développement

social de l'intelligence, Paris InterÉditions 1981, ou encore Meirieu Philippe Apprendre…oui mais comment, ESF 1987).

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