• Aucun résultat trouvé

CNEP et traumatisme

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "CNEP et traumatisme"

Copied!
2
0
0

Texte intégral

(1)

2 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XII - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2016

CAS CLINIQUE

CNEP et traumatisme

PNES and trauma: a case report

A. Gras*, C. Behr**, D. Mastelli*, P. Vidailhet*, É. Hirsch**

Dans plus de 70 % des cas, les crises non épileptiques psycho- gènes (CNEP) sont associées à des comorbidités psychiatriques, notamment l’état de stress post-traumatique (ESPT) [35 à 49 % des patients] (1). Le diagnostic et le traitement de ces comorbi- dités (qui sont parfois des facteurs étiologiques) sont essentiels dans la prise en soins des CNEP et justifient une collaboration étroite entre neurologues et psychiatres dès la phase diagnos- tique et jusqu’à la phase thérapeutique.

C a s c l i n i q u e

G.T. est un patient de 22 ans originaire d’Arménie, résidant en France depuis 9 mois, demandeur d’asile politique. Il consulte en neurologie pour des crises “convulsives” évoluant depuis 2012, avec une fréquence d’environ 3 à 4 crises par semaine.

Les crises se déroulent ainsi : “Sensation de chaleur rétrosternale ascendante, sensation de déjà-vu, puis chute à terre sans perte de connaissance (mais avec une impossibilité de parler), mouve- ments cloniques au sol, puis asthénie postcritique.” La crise dure plus de 10 minutes, et le patient garde les yeux fermés. Il n’y a ni antécédent psychiatrique personnel ou familial, ni antécédent familial d’épilepsie. Les crises ont souvent lieu en présence d’un tiers, mais le patient rapporte 3 crises durant lesquelles il était seul. Il n’y a pas de crise nocturne. Le patient ne parvient pas à se remémorer sa première crise. L’enregistrement vidéo-EEG de 24 heures est sans particularité.

À l’anamnèse, le patient rapporte que les crises ont débuté peu de temps après un événement traumatique. En 2012, alors qu’il effectue son service militaire, il est accusé de vol. En pleine nuit, il est réveillé, accompagné dans une salle où il est interrogé et

* Service de psychiatrie I, unité de liaison et consultations externes, hôpitaux universitaires de Strasbourg.

** Service de neurologie, unité d’épileptologie, hôpitaux universitaires de Strasbourg.

torturé par un officier. Durant ces tortures, des aiguilles métal- liques sont insérées dans son thorax. Il perd connaissance et est hospitalisé le lendemain. Il subit une thoracotomie pour retirer une partie des aiguilles. Après avoir porté plainte, il fuit l’Arménie pour se réfugier en Ukraine chez son oncle, puis en France afin de pouvoir y recevoir des soins. Il est en effet réopéré pour retirer les aiguilles restantes. Suite à cette opération, les crises disparaissent pendant 3 mois, puis reprennent à une fréquence plurihebdomadaire.

À l’entretien psychiatrique, on retrouve un ESPT caractérisé par des cauchemars post-traumatiques, des reviviscences diurnes (“le visage de l’officier”), un isolement social, une hypervigilance anxieuse, une irritabilité, des affects de honte (“quand les gens me regardent, j’ai peur qu’ils devinent ce qu’il m’est arrivé”). En interrogeant minutieusement la chronologie des symptômes, on constate que les crises sont systématiquement précédées de pensées intrusives post-traumatiques, qui déclenchent une détresse psychique puis une crise convulsive.

D i s c u s s i o n

Plusieurs éléments cliniques permettent d’évoquer des CNEP plutôt que des crises d’épilepsie : la durée longue des crises (> 10 minutes), les yeux fermés durant la crise, l’antécédent de perte de connaissance durant le traumatisme, la difficulté à décrire une crise parmi l’ensemble (la première crise), la comor- bidité avec l’ESPT (1, 2). Cette situation illustre le lien entre ESPT et CNEP, à travers un mécanisme dissociatif commun (3).

En effet, les CNEP sont classés par la CIM-10 dans la catégorie des “troubles dissociatifs” (4), et le DSM-5 note que l’ESPT peut être accompagné de symptômes dissociatifs (5). On peut dès lors émettre l’hypothèse suivante : l’événement traumatique a déclenché un niveau de stress élevé qui a enclenché un méca- nisme dissociatif – considéré par de nombreux auteurs comme un mécanisme de défense (6). Par la suite, ce mécanisme de

Mots-clés

Crises non épileptiques psychogènes - CNEP - Psychotraumatisme - État de stress post-traumatique - Dissociation

Keywords

Psychogenic non epileptic seizures - PNES - Trauma - Post-traumatic stress disorder - Dissociation

(2)

La Lettre du Psychiatre • Vol. XII - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2016 | 3

CAS CLINIQUE

défense perdure et s’autonomise, de sorte que la réactivation de niveaux élevés de stress par les reviviscences de l’ESPT continue d’engendrer des phénomènes dissociatifs sous forme de CNEP. Il est également frappant de constater que l’ablation des aiguilles a entraîné une disparition temporaire des CNEP. On peut faire le parallèle entre ces corps étrangers physiques et le “corps étranger interne” (ou intrapsychique) qui constitue la marque psychique

1. Hingray C, Biberon J, El-Hage W, de Toffol B. Psychogenic non-epileptic seizures (PNES). Rev Neurol (Paris) 2016;172(4-5):263-9.

2. LaFrance WC, Baker GA, Duncan R, Goldstein LH, Reuber M. Minimum requirements for the diagnosis of psychogenic nonepileptic seizures: a staged approach: a report from the International League Against Epilepsy Nonepileptic Seizures Task Force. Epilepsia 2013;54(11):2005-18.

3. Brown RJ, Reuber M. Psychological and psychiatric aspects of psychogenic non-epileptic seizures (PNES): A systematic review. Clin Psychol Rev 2016;45:157-82.

4. Organisation mondiale de la santé. CIM-10/ICD-10.Classi- fication internationale des troubles mentaux et des troubles du comportement. Descriptions cliniques et directives pour le diagnostic (OMS Genève). Paris: Masson, 1992 : 328 p.

5. American Psychiatric Association. Diagnostic and Statis- tical Manual of Mental Disorders. 5th ed. Washington DC, USA: American Psychiatric Publishing, 2013.

6. Kédia M. La dissociation : un concept central dans la compréhension du traumatisme. L’Évolution Psychiatrique 2009;74(4):487-96.

7. Lebigot F. Traiter les traumatismes psychiques. Clinique et prise en charge (3e éd.). Paris: Dunod, 2016 : 256 p.

Références bibliographiques

du traumatisme dans la théorie psychanalytique (7). Ainsi, après une phase de psychoéducation sur les CNEP, la prise en soins de ce patient passera nécessairement par un traitement spécifique de l’ESPT, psychothérapeutique (par exemple, eye movement desensitization and reprocessing [EMDR], thérapie comportemen- tale et cognitive [TCC], etc.) et médicamenteux (par exemple, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine). ■

A. Gras déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

Les autres auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

Références

Documents relatifs

d’urgence, et à l’opposé, si un enfant fait toujours des crises longues, de plus de 15 minutes, autant ne pas attendre 5 minutes pour administrer le traitement d’urgence.

Ce numéro spécial de la Revue Tunisienne de Géographie propose d’examiner les crises socio- politiques et sanitaires des deux dernières décennies qui ont affecté la

Parce qu’elles se déroulent dans un contexte institutionnel, politique, social, économique et international particulier, les crises sanitaires sont amplifiées par les

Le Pacte Mondial sur les Migrations, dont les négociations ont été lancées dans la foulée du sommet de l’ONU sur la « crise des réfugiés » en septembre 2016,

La participation est ouverte à tou.te.s et

D’une part, les contributions portées dans cette section interrogeront les crises multiples qui traversent l’Etat – migrants, terrorisme, guerres et l’ensemble des

Publics en questions est une publication issue du programme de recherche Faire public (2012-2016) conduit par le Centre de Recherches sur les médiations (CREM), EA 4476, Université

• Vidéo 4 : rupture de contact, elle a senti quelque chose au ventre « ça monte », des automatismes moteurs (mâchonne, prononce des mots), frissons, confusion (c’est