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Article pp.5-16 du Vol.19 n°105 (2001)

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Texte intégral

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Jean-Marie CHARON Rémy RIEFFEL

A l’heure où l’on s’interroge avec curiosité et empressement sur le rôle des technologies de l’information et de la communication et plus particulièrement sur l’impact de l’internet sur notre vie quotidienne ; à l’heure où se multiplient les discours plus ou moins alarmistes à propos de l’influence de l’image, et notamment de la télévision sur nos sociétés, il n’est peut-être pas totalement inutile de se pencher, un instant, sur le sort de la presse écrite, souvent reléguée au second plan des préoccupations actuelles. La situation de cette dernière est pour le moins paradoxale : alors que les professionnels du secteur (éditeurs, responsables de marketing, etc.) tentent d’améliorer le contenu de leurs journaux, de séduire un nouveau lectorat, de perfectionner le système de distribution de la presse dans notre pays et réfléchissent à son avenir face à la concurrence de l’information en ligne, les chercheurs spécialisés dans l’étude des médias semblent, très curieusement, peu empressés d’étudier l’évolution récente de ce secteur du paysage médiatique.

Cette situation est d’autant plus étonnante que les premiers travaux menés en France sur les médias ont porté sur la presse et ont suscité, dès les années 1950, un important courant de recherche portant sur l’histoire de la presse et sur l’analyse de son contenu. Force est de constater que depuis quelques décennies, ce domaine d’études a été quelque peu négligé, en particulier par les chercheurs en information et en communication. Si l’on excepte en effet certaines analyses portant sur les mutations technologiques de la presse

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durant les années 1980 ou encore les travaux des historiens (Pierre Albert, André-Jean Tudesq, Gilles Feyel, Marc Martin, etc.) et ceux de quelques sémiologues (Eliseo Veron, Maurice Mouillaud, Jean-François Tétu, etc.), rares sont ceux qui se sont attachés ces derniers temps à décrypter l’évolution récente des grands titres de presse ou les transformations économiques et culturelles dont le secteur est l’objet. On dispose certes de quelques synthèses à ce sujet (par exemple, les ouvrages de Jean-Marie Charon1, de Daniel Junqua2, de Patrick Le Floch et Nathalie Sonnac3, de Nadine Toussaint-Desmoulins4), mais peu de travaux récents sur un journal ou sur un groupe de presse en particulier (on mentionnera toutefois le livre de Patrick Eveno sur Le Monde5).

Faut-il imputer ce relatif manque d’intérêt à l’égard de la presse d’aujourd’hui à la fascination éprouvée par les chercheurs devant la montée en puissance des technologies liées à l’audiovisuel et à l’informatique qui se prête davantage à des débats véhéments et dont les enjeux dépassent le simple cadre de la recherche académique ? Convient-il d’incriminer le manque de curiosité des spécialistes de l’étude des médias pour un domaine perçu comme plus traditionnel et donc institutionnellement moins valorisant, ou encore de relever la relative faiblesse des réseaux internationaux de recherche en la matière et la difficulté des comparaisons d’un pays à l’autre ? Sans doute toutes ces explications constituent-elles un faisceau de raisons qui concourent à ce sentiment de relative timidité des travaux en la matière.

Devant un tel constat, il nous est apparu opportun de combler en partie le retard ou du moins de relancer le mouvement en procédant à une sorte d’état des lieux de la recherche sur la presse contemporaine. Plutôt que de focaliser l’attention sur la situation de la presse quotidienne dont on sait qu’elle a traversé une période de turbulence (notamment en ce qui concerne les quotidiens nationaux), nous avons préféré privilégier ici un secteur quasiment vierge de toute étude d’envergure, celui de la presse magazine. Plusieurs raisons expliquent ce parti pris :

1. CHARON, 1991, 1996, 1999.

2. JUNQUA, 1999.

3. LE FLOCH, SONNAC, 2000.

4. TOUSSAINT-DESMMOULINS, 1996, 2001.

5. EVENO, 1996, 2001.

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– d’abord l’importance quantitative de ce secteur de la presse en France.

Faut-il rappeler que nous sommes l’un des pays au monde qui produit le plus grand nombre de titres de presse magazine (on notera d’ailleurs à ce sujet qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de comptabilisation fiable, puisque les chiffres oscillent, selon les sources de référence, entre 1 300 et 4 000 titres) et que les Français sont parmi les plus gros lecteurs de magazines en Europe (1 354 exemplaires achetés pour 1 000 habitants) ? Ces considérations d’ordre sociologique montrent, s’il en était besoin, l’urgence qu’il y a de mieux connaître, non seulement cet acteur essentiel du paysage médiatique actuel, mais aussi les motivations et le comportement du public français à l’égard des magazines offerts sur le marché ;

– ensuite le poids économique de la presse magazine dans les stratégies de concentration et d’internationalisation auxquelles est soumise la presse écrite depuis un certain nombre d’années. On rappellera simplement que six firmes (Hachette, Prisma Presse, Emap, Havas-Vivendi-Universal, Les publications de la Vie Catholique et Bayard Presse) détiennent à elles seules 75 % des parts du marché de la presse magazine en France. Enjeu économique et financier de premier plan, la presse magazine est, en outre, un support privilégié pour la publicité, en raison de l’étendue et de la diversité du public qu’elle est en mesure de toucher ;

– enfin son importance en matière culturelle. L’on sait, depuis les travaux de Gabriel Tarde, que le presse peut être un formidable instrument d’intégration sociale, qu’elle favorise donc dans certaines circonstances l’émergence de formes de sociabilité et la constitution d’un lien social : or, en ce domaine, la richesse de l’offre de presse magazine dans notre pays n’est-elle pas le signe de sa probable influence sur la diversité des opinions qui circulent dans une société telle que la nôtre ? Vecteur de divertissement et de culture, les magazines diffusent des discours, des représentations, des idées qu’il convient de mieux saisir afin d’en évaluer la portée par rapport au discours télévisuel par exemple.

La notion de magazine est d’ailleurs quelque peu vague et mérite avant toutes choses d’être définie. Comme le rappelle Gilles Feyel dans ce numéro, ce type de presse, aux contours relativement flous, est né en Angleterre au XVIIIe siècle et devient au XIXe siècle tout à la fois un recueil encyclopédique au contenu diversifié et un périodique illustré. Le magazine, au sens moderne du terme, se développe véritablement à l’extrême fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Ses caractéristiques quelque peu imprécises ne l’empêcheront pas de connaître un succès grandissant tout au

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long du XXe siècle. Les raisons d’un tel essor paraissent assez évidentes : elles sont à la fois techniques et sociales. Les magazines ont en effet bénéficié du développement de l’offset et de l’héliogravure, ainsi que l’illustration photographique en similigravure, apte à séduire un lectorat attiré par le visuel. Ils ont ensuite su être en phase avec l’évolution récente des modes de vie, de la société des loisirs et proposer des périodiques spécialisés en fonction de l’âge, du sexe, du statut social, etc. C’est en ce sens que la presse magazine peut être de qualifiée de presse « moderne ».

Le magazine s’apparente donc désormais, pour reprendre la définition de Jean-Marie Charon, à une publication périodique, s’adressant au grand public, illustrée et imprimée sur un papier de qualité, vendue en kiosque ou par abonnement. La nomenclature officielle, telle qu’elle est proposée par le SJTIC, découpe aujourd’hui le secteur de la presse écrite en fonction de trois critères principaux : la nature du produit, la périodicité de la parution et l’aire géographique de diffusion. Dans cette optique, la presse magazine grand public se distingue assez nettement de la presse spécialisée, de la presse nationale et de la presse quotidienne régionale. Bien que les frontières entre ces différentes catégories ne soient pas totalement étanches, on peut raisonnablement estimer que le secteur de la presse magazine, en lui-même très hétérogène et très diversifié, est toutefois globalement circonscrit.

Reste à savoir comment analyser ce secteur. Quelle démarche faut-il privilégier pour rendre compte de la richesse et de la diversité de la presse magazine en France ? Il est possible, idéalement, d’établir une sorte de boîte à outils ou de repérage méthodologique susceptibles de servir à dresser un état des lieux du secteur. Plusieurs angles d’approche peuvent, semble-t-il, être utilisés avec plus ou moins d’efficacité :

– d’abord, une approche globale, s’appuyant sur l’analyse de la logique industrielle, des stratégies économiques des grands groupes de communication, des rapports de force qui s’instaurent entre eux au niveau national aussi bien qu’international. Une telle perspective permet sans aucun doute de mieux saisir le positionnement de chaque titre, la complexité du système de concurrence existant actuellement sur ce marché dont l’internationalisation est de plus en plus évidente ;

– ensuite, une approche centrée sur les conditions de production de l’information véhiculée par les magazines en fonction des particularités de chaque grande catégorie de presse magazine (magazines féminins,

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économiques, de télévision, « people », etc.). On songe ici à l’observation des pratiques professionnelles des journalistes, du fonctionnement des rédactions et des critères de sélection de l’information, mais aussi à l’analyse de la gestion interne des magazines, des méthodes d’étude mises en œuvre pour appréhender l’audience ;

– puis, une approche du contenu et de la mise en forme du produit lui-même.

L’étude de l’évolution des thèmes traités par la presse magazine au cours de ces dernières décennies apporterait probablement nombre de renseignements intéressants sur l’adéquation ou non de ces magazines avec ce qu’on appelle d’un terme un peu vague « l’air du temps » et les variations des centres d’intérêt des Français. Sans oublier, évidemment, les transformations de la mise en scène de l’information : place de l’image, évolution de la titraille, rapport à la publicité, etc. ;

– enfin, une approche de la réception de la presse magazine, dépassant le simple cadre des études d’audience et s’attachant, comme c’est le cas pour la télévision, à mieux comprendre le comportement du destinataire des messages. Certains groupes de presse ont certes développé le secteur des études, lesquelles se fondent notamment sur des méthodes empruntées aux sciences humaines et sociales (sémiologie, psychologie sociale, sociologie, etc.), mais le décryptage des interprétations données aux articles lus par le récepteur, l’analyse de la relation s’instaurant entre l’encodage et le décodage des messages, de la constitution de ce que l’on appelle « les communautés d’interprétation » demeurent encore en France un domaine partiellement inexploré.

Loin de s’opposer, ces différentes approches se complètent pour offrir un panorama relativement exhaustif du fonctionnement de ce secteur, encore largement inexploré. Car, et c’est là que le bât blesse, on ne dispose, pour le moment, que de quelques travaux ponctuels qui ne sauraient épuiser le sujet.

Ce numéro de Réseaux souhaite donc apporter une première pierre à la constitution d’un champ de recherche faiblement défriché. On remarquera à ce sujet, que des pans entiers en sont encore absents. L’étude, par exemple, des conditions de production de l’information, n’a pas donné lieu pour l’instant à une véritable recherche, même si un certain nombre de mémoires soutenus par des étudiants dans différentes universités ont abordé le sujet.

L’étude de la réception de la presse et, plus particulièrement, de la presse magazine, est tout aussi délaissée : on n’en trouvera pas non plus mention dans ce dossier.

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De manière générale, la recherche française sur la presse magazine privilégie, semble-t-il, (si l’on fait encore une fois abstraction de l’histoire de la presse) l’analyse de la logique industrielle et économique, d’une part, celle du contenu et de la mise en scène de l’information, d’autre part. Ce dont témoignent les articles proposés dans ce numéro qui n’a pas pour ambition de présenter un tour d’horizon complet de la situation de la presse magazine, mais plutôt d’ouvrir quelques perspectives, de combler partiellement certaines lacunes et – pourquoi pas ? – de susciter quelques vocations de recherche. Il est donc à considérer comme une sorte d’état des lieux provisoire, une ébauche de questionnements à vocation programmatique.

Le premier article de ce dossier s’inscrit tout naturellement dans une perspective historique. Gilles Feyel replace le succès actuel des magazines en France dans l’histoire de leur évolution depuis le XVIIIe siècle jusqu'à nos jours, en montrant notamment l’importance du début de ce siècle et de la période de l’entre-deux guerres et en décrivant l’essor de ce type de presse au cours de ces dernières décennies.

L’approche globale est ici illustrée par l’article de Nathalie Sonnac, à dominante économique, qui essaie de présenter les caractéristiques du produit de presse magazine en s’attachant à décrire ses spécificités du point de vue de l’offre (notamment la sous-traitance, la segmentation, la distribution) et de la demande (du côté des publicitaires et des lecteurs). A la jonction de l’approche globale et de l’analyse de contenu, Jean-Marie Charon définit l’originalité de la presse magazine et ce qui en fait sa modernité : l’importance du visuel (traitement de la photo, de l’illustration et du dessin) la souplesse manifestée dans la créativité et dans le lancement de nouvelles formules, le rôle du contrat de lecture établi entre chaque magazine et son lectorat, la quête d’un positionnement international ainsi que la valorisation de certains concepts éditoriaux fondée sur l’idée d’entreprises-réseaux.

Du côté de l’approche sémiologique, l’étude du contrat énonciatif de trois magazines de télévision à laquelle procède Jamil Dakhlia permet de se rendre compte que chaque titre propose à son lectorat une relation particulière qui le conduit simultanément à exercer une fonction de prescription et de divertissement. Certains magazines semblent en fait diffuser des valeurs proches de ce que l’on peut appeler une forme de culture populaire. S’interrogeant, quant à eux, sur l’expérience éphémère de

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Bagatelle, magazine féminin d’un genre inédit lancé au début des années 1990, Béatrice Damian et Guillaume Soulez décryptent un nouveau type de discours sur la féminité et sur la sexualité en procédant, entre autres choses, à l’analyse de l’organisation énonciative du discours féminin véhiculé par ce magazine.

L’étude d’Estelle Bardelot, centrée sur le renouvellement de la presse masculine en France se situe à l’articulation de l’analyse de contenu et de l’analyse sociologique, puisqu’elle repère les différents facteurs internes et externes au milieu qui ont favorisé son essor durant ces dernières années, tout en pointant les difficultés de positionnement de ce type de presse qui, contrairement à certains magazines d’inspiration féministe, n’a rien de militant.

Ces quelques éclairages sont loin, on s’en doute, d’épuiser le sujet et invitent plutôt à poursuivre le travail de recherche en multipliant les études de cas, quitte à élargir également l’investigation à l’observation des pratiques professionnelles et des procédures de réception. Sans doute conviendrait-il aussi de procéder à davantage de comparaisons internationales ou du moins de s’intéresser aux différentes déclinaisons de certains titres français à l’étranger. Le champ d’études est, en tout cas, avec la publication de ce numéro, désormais entrouvert.

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ALBERT P. (1998), La presse française, Paris, La Documentation française.

BONVOISIN-SMARA M., MAIGNIEN M. (1996), La presse féminine, Paris, PUF, Que sais-je ?

CHARON J.-M. (1991), La presse en France de 1945 à nos jours, Paris, Le Seuil,

« Points ».

CHARON J.-M. (1996), La presse quotidienne, Paris, La Découverte, « Repères ».

CHARON J.-M. (1999), La presse magazine, Paris, La Découverte, « Repères ».

EVENO P. (1996), Le Monde 1944-1995, Histoire d’une entreprise de presse, Paris, Le Monde Editions.

EVENO P. (2001), Le journal Le Monde, une histoire d’indépendance, Paris, Odile Jacob.

JUNQUA D. (1999), La presse, le citoyen et l’argent, Paris, Gallimard, « Folio ».

LE FLOCH P., SONNAC N. (2000), Economie de la presse, Paris, La Découverte.

TOUSSAINT-DESMOUINS N. (1996), L’économie des médias, Paris, PUF, Que sais-je ?

Références

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