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Introduction du numéro spécial « Transferts culturels et

littéraires entre les pays de la francophonie et l’Iran »

Akram Ayati Université d’Ispahan

Datant de près de quatre siècles, l’histoire des relations entre l’Iran et les pays francophones se caractérise par sa grande richesse et sa remarquable longévité. Si la présence des missionnaires français en Iran remonte au Moyen-Age, c’est à partir du XVIIe siècle que les Français commencent à se familiariser avec l’Iran à travers les récits de voyage de Tavernier et de Chardin et la première traduction en français du Golestân (Jardin des Roses) signée, en 1634, par le poète Sa‘dī. Près de deux siècles plus tard, la fondation de Dâr-ol-Fonoun, premier établissement d’études supérieures, en 1851, marque l’essor de la francophonie en Iran.

La poésie persane avec ses génies créateurs tels Sa‘dī, Jâmi, Khayyâm, Attâr, Rûmī et Ferdowsi, a largement inspiré les grands poètes et écrivains français, de Montesquieu à Voltaire en passant par Gautier, Hugo, Gide et Aragon. Javad Hadidi est l’un des chercheurs qui a beaucoup écrit sur les relations littéraires entre la France et l’Iran. Il a donné à son premier ouvrage composé de dix-sept articles, le titre de l’article d’Henri Montherlant intitulé Les portes de l’eau (1942). Celui-ci parlait en effet de sa dette envers les maîtres de l’Iran en énonçant qu’« Il reste que je ne saurais imaginer un moment poétique de ma vie qui ne soit un peu tributaire du génie persan » (Montherlant 14).

Pourtant cette influence est loin d’être unilatérale : l’impact de la littérature française sur la littéraire persane est également bien réel aussi bien dans le domaine du théâtre que du roman et de la poésie moderne. En effet, comme évoque Esfaindyar Daneshvar, « n’ayant jamais été colonisé, l’Iran érige l’Hexagone, sa langue et sa modernité/modernisation en modèle référentiel et d’inspiration » (5)

Dans ce contexte, la traduction a joué un rôle central comme espace de dialogue entre l’Iran et les pays francophones. La réception des œuvres des écrivains français a surtout pris l’essor dans les années 40-50, dû au contexte sociopolitique à l’époque (Sharifi 8) et grâce à l’ampleur des traductions effectuées. Si le goût du lectorat iranien a beaucoup changé depuis lors, l’accueil et la diffusion des œuvres françaises n’ont pas cessé de croître. De nos jours, les lecteurs iraniens se passionnent pour les œuvres de Le Clézio, de

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Patrick Modiano, de Christian Bobin, d’Anna Gavalda et de beaucoup d’autres écrivains contemporains. N’oublions pas également la genèse d’une nouvelle génération des écrivains iraniens francophones qui rayonnent en France. Après Sadeq Hédayat, Bozorg Alavi, Houshang Golshiri, et tant d’autres, une deuxième génération regroupant des écrivains, tels Réza Ghâssemi, Goli Taraghi, Nahal Tajadod, Chahdortt Djavann se fait connaître en France. Ces auteurs iraniens d’expression française ont donné naissance à une nouvelle littérature dite « franco-persane ». Cette appellation réside d’une part dans « l’hybridité stylistique et technique des œuvres » (Daneshvar), mais aussi dans « l’impact socioculturel d’un nouveau cadre de vie en France pour ces auteurs iraniens ayant acquis depuis la nationalité française » (Ibid.).

Il est évident que la langue française prend le relais et devient l’un des maillons de la chaîne des échanges littéraires et culturels entre l’Iran et les pays francophones. De là, l’enseignement du FLE dans les universités iraniennes et les instituts de langue est le garant de la survie et du développement de la francophonie en Iran.

Ainsi, ce numéro spécial d’Alternative Francophone cherche à explorer les diverses facettes des échanges, passés et présents, entre l’Iran et les pays de la francophonie et cela dans les domaines de la littérature, des arts et des sciences humaines. Cinq articles examinent le sujet sous des angles différents et élargissent ainsi notre vision dans ce domaine.

Se concentrant sur l’art théâtral, le premier article examine la manière de la circulation du savoir socio-culturel entre l’Iran et la France à travers l’étude de l’art théâtral. Mojgan Mahdavi Zadeh essaie de montrer à travers l’étude des pièces de théâtre françaises mises en scène par Ali Raffi, dramaturge et metteur en scène iranien, l’impact culturel et artistique de la représentation des pièces théâtrales européennes sur l’esprit du peuple iranien. Disciple de Bernard Dort et suivant le culte du beau et l’esthétisme classique, Ali Raffi a mis en cause les conventions théâtrales désuètes en Iran et y a germer la conception du théâtre et de la mise en scène.

Farzaneh Karimian et Atyieh Arabi étudient grâce à une approche comparée et intertextuelle, les caractéristiques de l’écriture minimaliste chez deux précurseurs francophone et iranien de cette esthétique, à savoir Beckett et Sâdéghi. Dans leur article intitulé « Précurseurs d’une esthétique minimaliste : Samuel Beckett et Bahram Sâdeghi : Cas d’une interférence ou d’un échange? », après avoir exploré les diverses facettes de l’écriture minimaliste, les auteurs s’intéressent tout d’abord à la situation sociopolitique

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qui a mené les deux écrivains, chacun dans un milieu différent, à revendiquer un renouvellement de la forme de l’écriture. Cherchant ensuite, les affinités et les correspondances entre le style minimaliste de ces deux écrivains, elles font l’hypothèse que la lecture de l’écrivain français a eu un effet sur Bahrâm Sâdéghi eu égard à l’emploi de procédés d’écriture similaires.

Le troisième article intitulé « L’Islamisme, le temps et la femme dans Je viens d’ailleurs de Chahdortt Djavann » se concentre sur la place de la langue française dans l’œuvre de Djavann, écrivaine iranienne francophone. Cette langue est le véhicule d’expression et de transmission des idées et des expériences vécues, et aussi le médium de la création littéraire. Zakaria Nini met en effet en question le rôle de la francophonie dans la transmission du message à un destinataire hors des frontières nationales et langagières. L’auteur explique ensuite comment la littérature représente pour Djavann un moyen privilégié pour s’exprimer et pour traduire ses désillusions en tant que femme suite aux bouleversements politiques, sociaux et culturels dans l’Iran postrévolutionnaire. L’auteur conclut en reprenant les propos de Shahnaz Salami selon lesquels : « les écrivains de l’immigration, qui évoluent entre plusieurs langues, plusieurs pays, plusieurs histoires, semblent au contraire occuper des espaces qui se situent aux marges des communautés nationales sur le “tranchant de la déterriorialisation”, constituent ainsi un espace transnational identitaire qui ne se réfère à aucun territoire spécifique et interdit toute conception unifiée de la culture, faisant ainsi de la littérature un lieu de rencontre des différentes cultures qui la traversent » (68).

Safoura Tork Ladani nous plonge dans l’imaginaire de deux voyageurs francophones, Pierre Loti et Nicolas Bouvier lors de leur visite à Ispahan. Adoptant une approche géocritique, l’auteur tente, à travers les descriptions de ces deux écrivains-voyageurs, de transcrire leur mentalité. Surnommée « moitié du monde », la ville d’Ispahan a toujours été représentée selon les stéréotypes de « l’Orient merveilleux » comme une ville féérique et magique qui offre toutes ses beautés aux visiteurs. En examinant les diverses images représentées dans ces deux récits de voyage, Tork Ladani analyse les diverses modalités de la dialectique entre le même et l’autre chez Loti et Bouvier, en tenant compte du décalage temporel des deux voyages et de la situation sociale du pays.

Enfin, le dernier article de ce numéro est consacré à la question de l’enseignement du français en Iran, qui s’avère être un canal important permettant le transfert littéraire et culturel entre l’Iran et les pays francophones. Débarrassée des pratiques traditionnelles, la didactique du FLE en Iran essaie de se dynamiser par l’emploi des technologies de l’information et

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la communication (TIC). Étant donné que l’introduction de la classe inversée en tant qu’innovation pédagogique exige une contextualisation par rapport aux besoins du public visé, cet article intitulé « Enjeux de la contextualisation de la classe inversée chez les apprenants du FLE en Iran » examine les facteurs contextuels et éducatifs qui influent davantage sur l’application contextualisée de la classe inversée dans le cours du FLE en Iran ainsi que les façons de mettre en place cette démarche dans les cours de langue. Cette étude minutieuse montre bien que malgré la reconnaissance de la part des enseignants de l’apport des TIC, mais faute des formations et de moyens nécessaires, la mise en œuvre de ces innovations pédagogiques se heurte à des difficultés réelles. Les auteurs insistent également sur la résistance de la culture éducative traditionnelle en ce qui concerne l’application des nouveaux outils pédagogiques, dont la classe inversée.

Les études minutieuses de ce numéro portant sur plusieurs aspects des transferts littéraires et culturels entre les pays de la francophonie et l’Iran confirment en effet que l’enrichissement et l’évolution de la sphère littéraire et artistique de tout pays reposent non pas sur l’uniformisation revendiquée par la mondialisation, mais justement sur la diversité culturelle et linguistique. Cet enjeu constitue l’une des priorités de la francophonie selon l’Organisation internationale de la Francophonie pour atteindre un développement durable, car « la Francophonie est l’avant-garde de la pluralité des modèles de développement » (360) comme le souligne Dominique Wolton. Étant donné que « le monde aujourd’hui plus ouvert grâce aux moyens de communication modernes est aussi plus cruel, plus compétitif voire ségrégationniste » (Laulan et Oillo 6), la protection du multilinguisme et le dialogue interculturel demeurent essentiels.

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5 Bibliographie

Daneshvar, Esfaindyar. La littérature transculturelle franco-persane. Une évolution littéraire depuis les années 80. Brill Rodopi, 2018.

Hadidi, Javad. Les portes de l’eau. Presses Universitaire d’Iran, 1997.

Laulan, Anne-Marie, and Didier Oillo. « Présentation générale : La Francophonie, fer de lance de la bataille pour la diversité des expressions culturelles ». Francophonie et mondialisation, CNRS Éditions, 2008, pp. 5-9. Montherlant, Henry de. L’éventail de fer. Flammarion, 1944.

Salami, Shahnaz. «La littérature des écrivains et poètes iraniens immigrés en France et en Allemagne. Naissance d’une écriture du hors-lieu», Hommes & Migrations, vol. 1312, no 4, 2015, pp. 59-68. Open Edition, doi:10.4000/hommesmigrations.3494.

Wolton, Dominique. « Un atout pour l’autre mondialisation ». Francophonie et mondialisation no 40, Hermès, 2004.

Références

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