• Aucun résultat trouvé

R ÉPONSE ÉCO - ÉTHOLOGIQUE DES GRANDS SINGES ET AUTRES MAMMIFÈRES À L ' EXPLOITATION FORESTIÈRE SÉLECTIVE

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "R ÉPONSE ÉCO - ÉTHOLOGIQUE DES GRANDS SINGES ET AUTRES MAMMIFÈRES À L ' EXPLOITATION FORESTIÈRE SÉLECTIVE "

Copied!
162
0
0

Texte intégral

(1)

R ÉPONSE ÉCO - ÉTHOLOGIQUE DES GRANDS SINGES ET AUTRES MAMMIFÈRES À L ' EXPLOITATION FORESTIÈRE SÉLECTIVE

AU C AMEROUN

E CO - ETHOLOGICAL RESPONSE OF GREAT APES AND OTHER RAINFOREST MAMMALS TO

SELECTIVE LOGGING IN C AMEROON

E RIC ARNHEM

(2)
(3)

R ÉPONSE ÉCO - ÉTHOLOGIQUE DES GRANDS SINGES ET AUTRES MAMMIFÈRES À L ' EXPLOITATION FORESTIÈRE

SÉLECTIVE AU C AMEROUN

E CO - ETHOLOGICAL RESPONSE OF GREAT APES AND OTHER RAINFOREST MAMMALS TO SELECTIVE LOGGING IN C AMEROON

par

Eric ARNHEM

Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en Sciences Université Libre de Bruxelles

Bruxelles, Juin 2008.

(4)

Promoteur:

Prof.Dr Martine VERCAUTEREN, Université Libre de Bruxelles (ULB).

Co-promoteur:

Prof.Dr Linda VAN ELSACKER, Société Royale de Zoologie d'Anvers (SRZA), Projet Grands Singes (PGS).

Photographies de couverture:

Chimpanzé commun Pan t. troglodytes © 2006 Jean-François Gillet

Gorille des plaines occidentales G. g. gorilla © 2006 Jean-François Gillet

Céphalophe à dos jaune Cephalophus sylvicultor © 2006 Jean-François Gillet

Éléphant des forêts Loxodonta africana cyclotis © 2006 Jean-François Gillet

Cette thèse de doctorat a été subsidiée par:

Fonds pour la Formation à la Recherche dans l’Industrie et dans l’Agriculture - Bourse de doctorat, Mme M.-J. Simoens, Bruxelles, Belgique.

Fondation Léopold III pour l'Exploration et la Conservation de la Nature, 2002 & 2004, Prof. J. Van Goethem, Bruxelles, Belgique.

Fonds pour Favoriser les Recherches Scientifiques en Afrique, 2002 & 2006, Prof. J. Rammeloo, Bruxelles, Belgique.

Fondation Léon & Henri Frédéricq 2006; Académie Royale de Belgique, Bruxelles, Belgique.

F.N.R.S. - Bourse pour brefs séjours à l'étranger, 2004 & 2006, Mme M.-J.

Simoens, Bruxelles, Belgique.

Fondation David & Alice Van Buuren 2007, Baron Jaumotte, Bruxelles,

Belgique.

(5)

En mémoire de

Dedicated to the memory of

Roger ARNHEM

(6)
(7)

1

T ABLE DES M ATIÈRES

REMERCIEMENTS... 5

AVANT-PROPOS... 9

LISTE DES ACRONYMES ... 13

CHAPITRE 1: INTRODUCTION GÉNÉRALE. ... 17

I. C ONTEXTE GÉNÉRAL ... 17

A. La biodiversité des forêts tropicales en péril ... 17

B. De l'importance de l'exploitation forestière en Afrique Centrale... 18

C. Vers une gestion forestière responsable... 19

II. I MPACT DE L ' EXPLOITATION FORESTIÈRE SUR LA FAUNE ... 21

A. Effets à court terme sur la faune ... 23

B. Conséquences à long terme sur la faune et vulnérabilité spécifique ... 28

III. Z ONE D ' ÉTUDE ... 31

IV. O BJECTIFS DE L ' ÉTUDE ... 34

CHAPTER 2: SELECTIVE LOGGING, HABITAT QUALITY AND HOME RANGE USE BY SYMPATRIC GORILLAS AND CHIMPANZEES: A CASE STUDY FROM AN ACTIVE LOGGING CONCESSION IN SOUTHEAST CAMEROON... 41

I. A BSTRACT ... 41

II. I NTRODUCTION ... 42

III. M ATERIAL AND METHODS ... 43

A. Study site ... 43

B. Great apes surveys ... 46

C. Vegetation surveys ... 47

D. Fruit availability... 47

IV. R ESULTS ... 48

A. Great apes nest densities and logging ... 48

B. Vegetation structure and nesting habitat selection ... 51

C. Fruit availability, logging and great apes nest densities... 51

V. D ISCUSSION ... 53

VI. A CKNOWLEDGMENTS ... 56

(8)

2

CHAPTER 3: HOW DO LARGE MAMMALS RESPOND TO LOGGING DISTURBANCES IN

SOUTHEAST CAMEROON?... 63

I. A BSTRACT ... 63

II. I NTRODUCTION ... 64

III. M ATERIAL AND METHODS ... 65

A. Study area ... 65

B. Wildlife surveys... 66

C. Statistical analyses ... 68

IV. R ESULTS ... 69

A. Human activities ... 69

B. Wildlife encounter rates before, during and after logging... 70

C. Comparisons between species ... 71

D. Post logging trends... 72

V. D ISCUSSION ... 73

VI. A CKNOWLEDGMENTS ... 76

CHAPTER 4: DETERMINANTS OF GREAT APES' DISTRIBUTION UNDER EMERGENT LOGGING DISTURBANCES... 81

I. A BSTRACT ... 81

II. I NTRODUCTION ... 82

III. M ATERIAL AND METHODS ... 83

A. Study site ... 83

B. Species data ... 83

C. Environmental descriptors ... 84

D. Habitat suitability modelling ... 87

E. Model evaluation ... 88

IV. R ESULTS ... 88

A. Gorillas... 88

B. Chimpanzees... 90

V. D ISCUSSION ... 91

VI. A CKNOWLEDGMENTS ... 93

CHAPTER 5: TRENDS IN GREAT APES ABUNDANCES IN AN ACTIVE LOGGING CONCESSION IN CAMEROON. ... 99

I. I NTRODUCTION ... 99

II. M ATERIAL AND METHODS ... 99

III. R ESULTS ... 100

IV. D ISCUSSION ... 104

V. A CKNOWLEDGMENTS ... 105

(9)

3

CHAPITRE 6: DISCUSSION ET CONCLUSIONS GÉNÉRALES. ... 109

I. D ISCUSSION DES RÉSULTATS ... 110

II. P ERSPECTIVES POUR LES RECHERCHES FUTURES ... 116

CHAPITRE 7: RECOMMANDATIONS POUR UNE GESTION RESPONSABLE DES FORÊTS DE PRODUCTION. ... 119

I. I MPORTANCE DES Z ONES -R EFUGE POUR PALLIER LES EFFETS DIRECTS DE L ' EXPLOITATION FORESTIÈRE ... 120

A. Une délimitation des assiettes de coupe en bandes étroites ... 121

B. Maintenir les zones ripicoles en série de conservation... 124

C. Identification des zones d'intérêt pour la biodiversité... 124

D. Favoriser un grand nombre de petites zones de protection... 125

II. A SSURER LA PROTECTION DE LA FAUNE DANS LES FORÊTS DE PRODUCTION POUR PALLIER LES EFFETS INDIRECTS DE L ' EXPLOITATION FORESTIÈRE ... 125

A. Responsabiliser le secteur privé sur son rôle en matière de gestion de la faune ... 126

B. Mettre en place des programmes de suivi régulier des populations animales et des menaces potentielles... 127

C. Favoriser le multi-usage et le suivi multilatéral ... 127

SUMMARY ... 129

RÉSUMÉ ... 133

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 137

(10)
(11)

5

R EMERCIEMENTS

Je me souviens vaguement avoir décidé, il y a de cela déjà une bonne quinzaine d'années, de devenir biologiste. J'étais particulièrement attiré par l'étude des primates dans leur milieu naturel. A cette époque, cela me semblait être un bon compromis entre mes désirs d'explorer le Monde, ma soif de connaissances, mon admiration pour la Nature et la nette sensation que mon devoir était de veiller à sa préservation. Le rêve a pris corps et est devenu une aventure au bout de laquelle se dessinait un objectif concret: une thèse dont les conclusions contribueraient à la conservation des grands singes! Comme toute aventure, celle-ci a été jalonnée d'étapes où la motivation et le mérite sont mis à l'épreuve. Je n'aurais sans doute jamais pu arriver à la fin de ce parcours sans le soutien d'un certain nombre de personnes que je souhaite ici remercier du fond du cœur.

Mes premiers remerciements s'adressent tout naturellement à ma promotrice, Martine Vercauteren, qui m'a permis d'introduire un sujet de thèse pour le moins original au sein du Service d'Anthropologie et de Génétique Humaine. Je lui serai toujours reconnaissant d'avoir cru en moi, en mes capacités et en mes ambitions. Elle m'a accompagné durant la majorité de mon parcours scientifique, façonnant le biologiste que je suis devenu. Son soutien, académique et moral, a été la pierre angulaire de ce travail. Bien que je ne le reconnaisse pas toujours tout de suite, ses remarques perspicaces ont permis de considérablement améliorer cette thèse de doctorat.

Many thanks as well to Linda van Elsacker who has given me the opportunity to join P ROJET G RANDS S INGES (PGS) and acted as my co-supervisor.

Merci aux membres de mon Comité d'Accompagnement, Serge Aron et Yves

Roisin, pour le suivi rigoureux de ce doctorat et pour la confiance qu'ils m'ont accordé

tout au long de celui-ci. Merci également aux membres du jury: Serge Aron, Jean-Louis

Deneubourg ainsi qu'Yves Roisin qui le préside. I would also like to express my

gratitude to Dr Caroline Tutin who accepted to serve on my thesis committee as

external member. Her exceptional work for primate conservation has inspired this

research work.

(12)

6

Deux personnes ont participé de près à la réalisation de cette thèse de doctorat.

Régine Vercauteren Drubbel a suivi mon travail depuis le début au prix de plusieurs longues soirées passées à relire les versions parfois scabreuses de mes premières productions. My sincere thanks go also to Jef Dupain to whom I owe my first experience in Africa. Jef gave me the opportunity to be one of the first student of PGS and has initiated my career of field primatologist.

Ce travail n'aurait pas été possible sans la collaboration de la société P ALLISCO et l'ouverture d'esprit de son directeur Michel Rougeron. Au cours de mes missions de terrain au Cameroun, j'ai aimablement été accueilli sur le site industriel de Mindourou par Loïc Douaud et son épouse Blandine Roux-Douaud. J'ai aussi pu bénéficier de l'aide précieuse de Fousséni "Richard" Fétéké, aménagiste de P ALLISCO , qui malgré son emploi du temps chargé ne m'a (encore) jamais mis à la porte de son bureau. Je souhaite également remercier Vincent Pelé pour l'intérêt qu'il a porté à cette étude.

Après plusieurs semaines passées en forêt, la bonne humeur de Frédéric Viroux, ce compatriote perdu en pleine brousse, a toujours été un réel plaisir.

La prise de données sur le terrain est un travail d'équipe. Je remercie vivement mes assistants locaux sans qui ce travail aurait été impossible. Ils m'ont été d'une aide précieuse et le temps passé avec eux a été d'une valeur inestimable pour moi. Les boussoliers: Amadou Ahidjo de Ayos et Freddy "Gullit" Ndameyong de Medjoh; les layonneurs: Aimé, Romial, Jean-Pierre, Axel et Dieudonné du village de Barreko; enfin, les pygmés Baka qui m'ont enseigné tellement sur leur forêt: Gérard, Joseph, Luc, Louma et Arnaud. Djoko! *

De nombreuses autres personnes ont contribué à l'amélioration de cette thèse, parmi lesquelles: Céline Devos, Cécile Néel, Nicolas Titeux, Patrick Guislain et Julien Phillipart. Céline et moi avons un parcours parallèle depuis de nombreuses années.

J'espère qu'il en sera ainsi encore longtemps. Je suis heureux que mon destin se soit croisé plusieurs fois avec celui de Cécile jusqu'à aboutir à mon installation dans la pièce d'à côté. Je profite aussi de l'occasion pour la remercier d'avoir apporté de la Joy dans ma vie. Il y a une personne qui est apparue en fin de thèse et qui m'a ouvert la porte des modélisations spatiales: Nicolas Titeux. Je lui suis reconnaissant pour sa disponibilité et pour sa précieuse contribution à une partie de ce travail. J'espère que notre collaboration se poursuivra dans le futur. Patrick Guislain has had a significant

* Merci!

(13)

7 input into this work. His sense of humour and his scientific skills make him a great character who will always leave me in admiration. Thanks, my dear, for putting so much efforts into the improvement of my humble research! Julien Phillipart m'a aidé à formuler des recommandations cohérentes et réalistes sur la base des résultats de ce travail.

During a brief visit at the Max Planck Institute in Leipzig, Hjalmar Keül, Angelique Todd and Peter Walsh have been of a great help to give a new orientation to my work.

Merci à Marc Vandenhaute pour son agréable accueil lors de mes passages à Yaoundé. Gracias también a Fátima! I am grateful to Isra Deblauwe and my colleagues at PGS: Raymonde, Marius, Stéphane, Manfred and Thomas. Marius Gilbert a participé aux premiers pas de ce travail. Jean-Louis Slachmuylder s'est montré d'une aide considérable pour démêler certains nœuds statistiques desquels je n'aurais pu m'en sortir seul.

Jean-François Gillet m'a aimablement autorisé à faire usage de ses photographies d'animaux observés au Nord-Congo.

Merci également à Charles Susanne, co-directeur du Service d'Anthropologie et de Génétique Humaine, et à Claude Monnier.

Je souhaite vivement remercier les institutions qui ont subsidié cette thèse, notamment les Fonds pour la Formation à la Recherche dans l’Industrie et dans l’Agriculture (F.R.I.A. - Mme M.-J. Simoens) auprès desquels j'ai obtenu une bourse de doctorat. Mes remerciements vont aussi à la Fondation Léopold III pour l'Exploration et la Conservation de la Nature (Prof. J. Van Goethem), aux Fonds pour Favoriser les Recherches Scientifiques en Afrique (Prof. J. Rammeloo), à la Fondation Léon & Henri Frédéricq, à l'Académie Royale de Belgique, au Fonds National de Recherches Scientifiques (F.N.R.S. - Mme M.-J. Simoens), ainsi qu'à la Fondation David & Alice Van Buuren (Baron Jaumotte).

Je suis également reconnaissant vis-à-vis du Gouvernement de la République du Cameroun, et plus particulièrement du Ministère des Eaux et Forêts (MINEF), du Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) et du Ministère de la Recherche Scientifique et de l'Industrie (MINRESI) pour m'avoir autorisé à effectuer ces recherches sur le territoire camerounais.

J'ai aussi l'extraordinaire chance d'avoir à mes côtés des amis qui, eux aussi,

doivent être contents de l'aboutissement de cette thèse. Je les remercie pour tous ces

(14)

8

moments passés ensemble et pour la quantité, et la qualité, des discussions nocturnes que nous avons eues à propos de ce travail. Merci de votre amitié sincère (sans ordre précis): Mehdi, Sand, Seb, Mu, Fred, Diane, Ol, Ofir, Cécile, Seb, Hélène, Jo, Emilie, Jeff, Martini, Raffaella, Richardson, Kasso, Luc, Marielle, David, Gilles, Lorenzo, Caroline, Ludy, Greg, Céline, Patrick, Nicholas, Juliano, Barbara, Clint, Sophie, Isa, Laura, Kike.

D'aussi loin que je m'en souvienne, ma famille m'a toujours soutenu dans mes choix aussi bizarres soient-ils. M'man, merci pour ton appui inconditionnel et pour avoir toujours cru en moi (et pour les corrections d'orthographe aussi!). Padre, avec tes histoires racontées devant la mappemonde illuminée du grenier, tu m'as donné le goût pour l'exploration de ces contrées lointaines. Tu dois maintenant en accepter les conséquences! Je suis heureux d'avoir à mes côtés mes deux frères, Mike et Nanou, dont je suis extrêmement fier. Muchas gracias a mi familia política por vuestro apoyo a lo largo de estos años.

Mon épouse, Cecilia, est certainement celle qui m'a donné la force de terminer cette thèse. Ya sabes cuanto te quiero.

Enfin, ce travail est dédié à la mémoire de Roger Arnhem, un homme d'exception, dont la combativité et le sens de l'aventure sont à jamais inscrits en moi. Roger, je regrette de ne pas avoir eu l'opportunité de passer plus de temps avec toi quand tu étais toujours là. J'espère qu'aujourd'hui, j'aurai pu te rendre aussi fier de moi que je le suis de toi. Je suis tes pas …!

… et merci à tous ceux qui ont participé à ce travail et que j’ai malencontreusement oublié de citer!

Eric

Yaoundé, juin 2008.

(15)

9

A VANT - PROPOS

Tout a commencé près d'un petit village en plein milieu de la forêt tropicale camerounaise. Le P ROJET G RANDS S INGES (S OCIÉTÉ R OYALE DE Z OOLOGIE D 'A NVERS ) vivait ses premiers jours et nous avions établi une station de recherche sur les gorilles et les chimpanzés au bord d'une piste que les grumiers arpentaient dans un chahut chaotique, soufflant toujours plus de poussière rouge sur notre camp déjà si précaire.

Avec quelques étudiants, nous inventoriions la faune présente dans notre zone d'étude,

réalisions des relevés botaniques, étudiions la socio-écologie des grands singes et

suivions les traces de nos cousins simiens, toujours dans l'espoir d'une rencontre qui

aurait ensuite donné lieu à un repas de fête le soir au coin du feu (Spaghettis-Corned

Beef). En ce temps, je m'étonnais qu'à quelques centaines de mètres de la piste, à

l'intérieur de la forêt, la nature semblait prendre si avidement ses droits et que la faune

y vivait presque ignorante de ce raffut qui pourtant lui était de mauvais augure. Etant

responsable de la maintenance de cette modeste station de recherche, je décidai un

beau jour d'ouvrir un réseau de layons qui quadrilleraient la zone de recherche. Pour

que l'opération fût la plus courte et a priori la moins néfaste possible pour les résidents

de cette petite réserve, j'employais une bonne poignée de gars du village qui, répartis

sur un front, dégageaient les nouveaux layons à grands coups de machette. En à

peine quelques jours, l'opération fût bouclée et notre station retrouvait son calme. Son

calme, mais pas ses gorilles! Ils avaient tous disparu! Durant le mois qui suivît cette

opération, nous n'en trouvâmes pas la moindre trace. Ils avaient bel et bien fui de notre

réserve suite à notre incursion massive. Seuls étaient restés les chimpanzés qui, quant

à eux, n'avaient pas bougé d'un pouce de leur territoire habituel. Frustré que mes

intentions de ne pas déranger la faune ne se soient pas vues accomplies, je me posais

la question de savoir où étaient partis les gorilles pendant que nous perturbions leur

domaine. Pourquoi étaient-ils partis alors que les chimpanzés, eux, étaient restés? Et

surtout, si les gorilles ont vu leur domaine restreint par seulement une vingtaine de

personnes pendant quelques jours, que se passe-t-il quand une équipe d'abattage

occupe une parcelle d'exploitation pendant plus de six mois? La curiosité nous menant

parfois loin de notre point de départ, ce doctorat s'est construit autour de ces questions

nées aux abords d'une piste forestière du Sud-est Cameroun …

(16)

10

Ce travail rassemble les données collectées au cours de quatre missions de terrain dans la forêt de Makalaya (Sud-est Cameroun), avec pour objectif d'y recenser la faune durant les opérations d'extraction d'essences précieuses. En février 2003, une convention de collaboration a été signée entre la société P ALLISCO et le C ENTRE POUR LA R ECHERCHE ET LA C ONSERVATION (CRC) de la S OCIÉTÉ R OYALE DE Z OOLOGIE D 'A NVERS (SRZA). La SRZA est active au Cameroun depuis 2001 au travers d'un projet intégré de conservation in situ et de développement: le P ROJET G RANDS S INGES

(PGS). Ce projet vise une gestion participative de la faune par les communautés locales au travers d'activités de recherches scientifiques sur l'écologie des grands singes. Sous l'égide de cette convention, un partenariat a ensuite été établi entre l'U NIVERSITÉ L IBRE DE B RUXELLES (Institution académique d'origine), le PGS (Institution d'encadrement sur le terrain), et la société forestière P ALLISCO . La présente étude de doctorat entre dans le cadre de ce partenariat tripartite. P ALLISCO soutient la réalisation de cette étude via l'autorisation d'accès aux concessions qui lui sont attribuées et la mise à disposition des données relatives à l'exploitation forestière.

Cette thèse de doctorat est subdivisée en quatre sections principales: une introduction générale au sujet (Chapitre 1), plusieurs chapitres rapportant les résultats de mes recherches (Chapitres 2-5), une discussion finale synthétisant les résultats principaux de ce travail (Chapitre 6), et un dernier chapitre proposant des recommandations concrètes destinées à l'industrie forestière afin de préserver la biodiversité faunique dans les concessions forestières du Cameroun (Chapitre 7).

La presque totalité des chapitres présentés dans cette thèse a été écrite sous forme d'articles scientifiques, en anglais, et conformément à la structure exigée par le journal scientifique auquel ils ont été ou seront soumis. Ces chapitres peuvent donc être lus séparément. Des répétitions dans les sections d'introduction et de méthodologie des différentes publications sont dès lors inévitables. Dans les chapitres de cette thèse, différents sous-ensembles de données récoltées sur le terrain ou différentes méthodes d'analyse ont été utilisés en fonction des objectifs et questions de recherche de la publication concernée. A l'heure de la rédaction de cette thèse, deux chapitres ont été acceptés pour publication dans, respectivement, une revue scientifique de primatologie (Chapitre 2) et un journal de biologie de conservation (Chapitre 3).

Une part importante de mon travail au cours de ce doctorat inclut la diffusion des

résultats de mes recherches auprès de la communauté scientifique. Ces résultats ont

(17)

11 été présentés lors de réunions scientifiques sous forme de poster (Xth Benelux Congress of Zoology, Leiden, Novembre 2003) et d'exposés oraux: V Congreso de la Asociación Primatológica Española (Valencia, Septembre 2003); XVIº Colloque de la Société Francophone de Primatologie (Bruxelles, Octobre 2003); VI Congreso de la Asociación Primatológica Española (Madrid, Septembre 2007); XVIIIº Colloque de la Société Francophone de Primatologie (Besançon, Octobre 2005); XXIst Congress of the International Primatological Society (Entebbe, June 2006). Tout au long de cette thèse, l'avancée de mes recherches a été exposée lors des réunions semestrielles du Belgian Group for Primatology et du Groupe de contact Inter-universitaire

"Primatologie" sous l'égide du F.N.R.S. J'ai aussi été invité à donner un séminaire à l'Université d'Oxford Brookes dans le cadre du Master en Conservation des Primates (Oxford, Novembre 2006).

Ce travail scientifique a été primé à deux reprises: en 2003, par la Société

Francophone de Primatologie (SFDP) et, en 2006, par la Société Internationale de

Primatologie (IPS).

(18)
(19)

13

L ISTE DES ACRONYMES

AAC Assiette Annuelle de Coupe (parcelle annuelle d'abattage) AAC Annual Allowable Cut (logging block)

CRC Centre for Research and Conservation (voir SRZA) EGV Ecogeographical variables

ENFA Ecological Niche Factor Analysis ER Encounter Rate

FAI Fruit Availability Index FMU Forest Management Unit FSC Forest Stewartship Council GIS Geographic Information System HS Habitat Suitability

MER Mean Encounter Rate

MINEF Ministère de l'Environnement et des Forêts (aujourd'hui MINFOF) MINFOF Ministère des Forêts et de la Faune.

MINRESI Ministère de la Recherche Scientifique et de l'Industrie NDE Nest density estimates

NGO Non Governmental Organisation

OLB Origine et Légalité du Bois (Certification)

ONG Organisation Non Gouvernementale (voir aussi NGO) PGS Projet Grands Singes

RDC République Démocratique du Congo

RZSA Royal Zoological Society of Antwerp (voir SRZA) SRZA Société Royale de Zoologie d'Anvers

UFA Unité Forestière d'Aménagement (voir aussi FMU)

(20)
(21)

Introduction générale

Ma ilamed wer isisten?

Qu'apprend celui qui ne questionne pas?

Proverbe touareg

(22)
(23)

General introduction

17

Chapitre 1: Introduction générale.

I. C ONTEXTE GÉNÉRAL

A. L A BIODIVERSITÉ DES FORÊTS TROPICALES EN PÉRIL

On estime à environ 10 millions (de 2 à 100.10 6 ) le nombre total d'espèces vivant à l'heure actuelle sur notre planète, alors que seules 1,5 millions d'espèces ont jusqu'à présent été décrites (May et al., 1995). Cette biodiversité trouve son apogée dans les forêts tropicales, ce qui en fait l'écosystème terrestre le plus riche sur Terre (Wilson, 1995; Pimm & Raven, 2000; Bikié et al., 2000b). Selon certaines estimations, les forêts tropicales abriteraient plus de la moitié des espèces terrestres connues et présenteraient un taux important d'endémisme (Myers et al., 2000). Recouvrant près de 2 millions de km 2 , les forêts du bassin congolais représentent, après la forêt amazonienne, le deuxième plus grand massif forestier continu au monde, soit 12% du couvert forestier tropical mondial (Mayaux et al., 1998; Minnemeyer, 2002). Dans cette région d'Afrique, environ 5% des vertébrés et plus de ¾ des plantes seraient considérés comme menacés ou en danger réel d'extinction (IUCN Red-list statistics, 2006).

Le grand nombre d'extinction d'espèces, ayant cours à l'heure actuelle dans le monde, a touché de nombreuses familles de plantes et d'animaux, parmi lesquels de nombreux mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles et arthropodes (Baillie et al., 2004). Bien plus que le nombre absolu total d'extinctions, c'est le taux d'extinction incroyablement élevé, atteignant près d'un millier d'espèces par décennie, qui inquiète les spécialistes (Pimm & Raven, 2000). Parce que ce taux est beaucoup plus rapide que lors des cinq grandes extinctions massives précédentes, les événements actuels d'extinction d'espèces sont reconnus comme la Sixième Grande Extinction de l'histoire de notre planète. Nombre de ces extinctions sont directement liées aux activités humaines et notamment à la destruction de la forêt tropicale (Cowlishaw & Dunbar, 2000; Pimm & Raven, 2000; Baillie et al., 2004). La destruction/fragmentation des forêts naturelles et la chasse à outrance apparaissent donc comme des menaces majeures pour la biodiversité mondiale (Myers et al., 2000; Pimm & Raven, 2000;

Baillie et al., 2004). Pour contrer ces menaces, un réseau de réserves protégées par

un statut légal a été établi dans certaines portions intactes de l'écosystème afin de les

conserver et les préserver des influences anthropiques. A l'heure actuelle, ces aires

(24)

Chapter 1

18

protégées recouvrent environ 12% des continents (CBD, 2006; Mulongoy & Chape, 2008). Cependant, il est reconnu que même si l'entièreté des zones de "haute biodiversité" était effectivement protégée, l'extinction d'au moins 20% des espèces serait inéluctable (Myers et al., 2000; Pimm & Raven, 2000). Par ailleurs, elles s'avèrent le plus souvent insuffisantes pour conserver la biodiversité au sens large (Myers et al., 2000). Si les efforts de conservation restent concentrés uniquement sur les aires protégées, les populations de certaines espèces resteront isolées sans aucune possibilité de flux génétiques, ce qui amènerait à long terme à l’extinction de l'espèce. Il est dès lors crucial pour l'avenir des forêts tropicales, de diversifier les stratégies de conservation et de préserver l'écosystème sur des zones plus vastes et à vocations diverses.

B. D E L ' IMPORTANCE DE L ' EXPLOITATION FORESTIÈRE EN A FRIQUE C ENTRALE Les forêts du Bassin du Congo s'étendent sur les six pays d'Afrique Centrale: le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine (RCA) et la République Démocratique du Congo (RDC). A l'heure actuelle, approximativement 40% des forêts équatoriales d'Afrique Centrale sont catégorisées comme forêts de production et, sont exploitées -ou le seront dans un futur proche- (Minnemeyer, 2002). L'exploitation forestière a été une activité économique majeure pour ces pays durant les quatre dernières décennies et le secteur forestier continue à considérablement se développer depuis les années 80' (Curran & Tshombe, 2001;

Ruiz Pérez et al., 2005). De ces six pays d'Afrique centrale, le Cameroun et le Gabon se placent parmi les cinq plus importants pays exportateurs de bois tropical au monde (Bikié et al., 2000b). L'industrie forestière y est un pilier de l'économie et le secteur forestier contribue respectivement à 11% et 4% du Produit Intérieur Brut (PIB) pour les Etats camerounais et gabonais (Timber Trade Action Plan, 2008). Le développement de ces pays dépend donc de l'industrie forestière au travers des opportunités d'emplois qu'elle crée et des taxes versées par les sociétés d'exploitation à l'Etat et/ou aux communautés locales.

Avec un secteur aussi lucratif et un potentiel ligneux recouvrant encore plus d'un

tiers des forêts équatoriales, force est de constater que l'exploitation des forêts du

Bassin du Congo va probablement gagner en ampleur dans les décennies à venir

(Ruiz Pérez et al., 2005). Parce que les concessions forestières recouvrent une portion

importante des forêts du Bassin du Congo, le futur de cet écosystème pourrait bel et

bien dépendre de la manière dont les sociétés d'exploitation forestière gèrent leurs

(25)

General introduction

19 concessions (Minnemeyer, 2002). Il est donc nécessaire à l'heure actuelle de se doter d'arguments scientifiques et d'outils législatifs/économiques permettant de promouvoir une gestion rationnelle et responsable des forêts tropicales de production. Cet objectif ne peut cependant être atteint que si nous consentons à octroyer aux forêts de production une valeur biologique en plus d'une valeur économique. Cette approche est d’autant plus justifiée que dans la sous-région, la presque totalité des aires protégées sont encerclées par les forêts à vocation de production.

C. V ERS UNE GESTION FORESTIÈRE RESPONSABLE

En Afrique Centrale, le taux annuel de déforestation varie entre 0,2 et 0,7% de la surface totale du couvert forestier (Bikié et al., 2000b; Wilkie & Laporte, 2001;

Minnemeyer, 2002). Avec un taux annuel d'approximativement 0,6%, le Cameroun présente le deuxième taux de déforestation le plus élevé de la région, après la RDC (Bikié et al., 2000b). La cause première de ce phénomène est la conversion des massifs forestiers en zones agricoles. Si l'exploitation forestière peut être indirectement à l'origine d'un processus de déforestation, elle n'en est pas forcément le synonyme dans cette région d'Afrique (Cowlishaw & Dunbar, 2000; Bikié et al., 2000b).

L'exploitation forestière industrielle peut s'illustrer sous forme d'exploitation

sélective mono- ou polycyclique de quelques essences précieuses, jusqu'à la coupe à

blanc de massifs forestiers entiers (Davies et al., 2001). Dans les pays du Bassin du

Congo, l'extraction du bois y est sélective et de faible intensité en raison des coûts de

transport des grumes relativement élevés dans la région (Struhsaker, 1997; Davies et

al., 2001; Ruiz Pérez et al., 2005). En ce sens, les pratiques forestières africaines

diffèrent considérablement de celles prévalant en zone tempérée où les coupes à

blancs sont de mises (Marsh et al., 1987). Deux essences, l'okoumé Aucoumea

klaineana et le sapelli Entandrophragma cylindricum, y dominent le marché avec près

de 60% de la totalité du volume de bois exporté (Ruiz Pérez et al., 2005). Un petit

nombre d'arbres est généralement extrait par unité de surface (0,7-2 pieds/hectare)

(White, 1992; Bikié et al., 2000b; Ruiz Pérez et al., 2005). Les dommages causés par

l'exploitation sélective des essences précieuses n'affectent dès lors qu'environ 10% de

la couverture végétale dans les concessions forestières (White, 1994b; Ruiz Pérez et

al., 2005). En réalité, l'exploitation forestière telle qu'elle est pratiquée en Afrique

Centrale contribue à la secondarisation des forêts climaciques (Cowlishaw & Dunbar,

2000; Bikié et al., 2000a). Elle serait responsable d'une dégradation et d'un

(26)

Chapter 1

20

appauvrissement de l'écosystème forestier dans son ensemble plutôt que d'une destruction réelle de celui-ci (Struhsaker, 1997; Bikié et al., 2000b; Minnemeyer, 2002).

Sous la pression internationale, plusieurs pays d'Afrique Centrale se sont dotés d’une nouvelle législation visant l’exploitation durable de la ressource ligneuse (Ruiz Pérez et al., 2005). En 1994, le Cameroun est le premier à faire le pas dans la sous- région (MINEF, 1994). Ce nouveau cadre légal implique notamment l’attribution de vastes concessions forestières, ou Unités Forestières d'Aménagement (UFA), à des sociétés privées à condition que celles-ci soumettent un plan d'aménagement pour un cycle de rotation de 30 ans (Ruiz Pérez et al., 2005). Ce plan d'aménagement doit être approuvé par le ministère de tutelle, et doit prendre en compte toutes les composantes de l’écosystème forestier outre la ressource ligneuse proprement dite, tel que l’aspect social des activités menées, la protection de l’habitat et, bien sûr, la protection de la faune. D'un point de vue pratique, les concessions allouées sont divisées en six blocs quinquennaux équivolumes renfermant une quantité exploitable de bois similaire dans chaque bloc. Ces blocs quinquennaux sont ensuite subdivisés en cinq parcelles d'abattage de même surface. Ces parcelles équisurfaces sont les assiettes annuelles de coupe (AAC). Trente assiettes de coupe seront donc exploitées tout au long de la période d'attribution de l'UFA et ce, au rythme d'une AAC par année. Ce système, dit polycyclique, a pour objectif d'assurer le potentiel ligneux des concessions pour plusieurs cycles d'exploitation et l'intégrité de l'habitat pour les décennies à venir (MINEF, 1994). Les plans d'aménagement des UFAs sont révisables tous les cinq ans lors de la planification des opérations d'extraction dans un nouveau bloc quinquennal.

Cette révision offre la possibilité d'adapter l'aménagement des concessions en fonction de l'expérience acquise au cours de l'exploitation. Ces plans d'aménagement représentent donc un instrument essentiel pour la gestion des UFAs. Les étapes principales d'un aménagement typique s'échelonnent comme suit: 1) la cartographie des zones d'abattage et l'inventaire des essences d'intérêt, 2) la planification et construction du réseau de voirie forestière, 3) l'abattage des pieds inventoriés, 4) le transport des grumes vers un site de transformation, et éventuellement 5) des opérations d'enrichissement de l'écosystème (Marsh et al., 1987).

En complément à l'outil législatif, il existe des incitants économiques visant une

gestion respectueuse de l'environnement. En ce sens, l'écocertification des forêts de

production (OLB, PEFC, ISO 14001, FSC, etc.) est fréquemment considérée comme

un outil efficace car elle représente un encouragement important pour l'implication des

opérateurs économiques dans les problématiques de conservation et de gestion

(27)

General introduction

21 durable des forêts, et qu'elle les récompense en ce sens (Bennett, 2001; Donovan, 2001; Ruiz Pérez et al., 2005; Schulte-Herbrüggen & Davies, 2006). L'écocertification vise principalement les marchés de consommateurs sensibilisés aux problématiques de l'environnement. Elle va au-delà des exigences légales en élevant encore un peu plus les standards d'exploitation. Bien que pour l’instant, elle ne s'adresse qu'à quelques opérateurs pionniers en Afrique Centrale, il s’agit d’un outil puissant présentant un grand potentiel, notamment pour la préservation de la biodiversité dans les forêts de production.

Grâce à la sensibilisation et à la transparence du secteur forestier qui découle de ce nouveau cadre législatif et de l'écocertification, les sociétés d'exploitation forestière, traditionnellement très fermées, s’ouvrent timidement au monde extérieur pour s’associer à divers partenaires afin de gérer durablement les concessions qui leur sont attribuées. Le contexte actuel offre donc une nouvelle opportunité pour l’étude de cet écosystème complexe tel qu’il prévaut sur la majorité de son étendue, et non plus à l'intérieur des frontières protégées des réserves et parcs nationaux.

Alors que l'étendue de forêt concédée à l'exploitation de la ressource ligneuse atteint approximativement ¾ du territoire forestier national au Cameroun, il a été estimé qu'environ 2% (~3500 km²) des forêts camerounaises sont effectivement soumis chaque année à des activités d'extraction d'essences précieuses à l'échelle industrielle (Bikié et al., 2000b: données de 1998-99). Il semblerait néanmoins que certaines de ces zones exposées aux perturbations conservent toujours des populations animales abondantes après exploitation (Dupain et al., 2004). Dans les perspectives actuelles de collaboration entre le secteur privé et les ONGs de conservation, les universités et autres institutions, il s'avère possible d'étudier l'impact de l'exploitation forestière sur les populations animales, et ce de manière longitudinale tout au long des activités d'exploitation.

II. I MPACT DE L ' EXPLOITATION FORESTIÈRE SUR LA FAUNE

L'impact de l'exploitation forestière sur la faune a été principalement étudié sur deux groupes taxonomiques: les primates et le superordre des ongulés (White, 1994a; Davies et al., 2001; Plumptre & Johns, 2001). Ces deux groupes ont fait l'objet d'une attention particulière pour plusieurs raisons. D'une part, ces taxa constituent la majeure portion de la biomasse mammalienne des forêts équatoriales africaines;

l'éléphant des forêts Loxodonta africana cyclotis pouvant représenter à lui seul plus de

(28)

Chapter 1

22

la moitié de celle-ci (White, 1994a; Plumptre & Johns, 2001). Ces animaux ont donc un rôle écologique fondamental à jouer dans la structure et la composition des forêts équatoriales africaines (Struhsaker, 1997; Plumptre & Johns, 2001). D'autre part, les primates et les artiodactyles sont parmi les mammifères les plus menacés d'extinction (IUCN Red-list statistics, 2006). Constituant la grande et moyenne faune des forêts, ils sont susceptibles d'être plus vulnérables aux diverses activités humaines dans leur habitat (Davies et al., 2001; Plumptre & Johns, 2001). De nombreuses espèces au sein de ces groupes représentent une source de protéines importante pour les populations humaines des forêts du Bassin du Congo et sont donc régulièrement chassées (Wilkie et al., 2001; Delvingt et al., 2002). Pour cette étude de doctorat, nous nous sommes dès lors focalisés sur neuf espèces emblématiques de la sous-région appartenant à ces deux groupes taxonomiques. Sont concernés deux hominidés (le gorille des plaines occidentales G. g. gorilla et le chimpanzé commun Pan t. troglodytes), un pachyderme (l'éléphant des forêts Loxodonta africana cyclotis), un suidé (le potamochère Potamochoerus porcus) et cinq bovidés de taille corporelle différente (le sitatunga Tragelaphus spekei, le céphalophe à dos jaune Cephalophus sylvicultor, le céphalophe bai C. dorsalis, le céphalophe de Peters C. callipygus et le céphalophe bleu C. monticola).

D'un point de vue chronologique, l'impact de l'exploitation forestière sur la faune s'étale dans le temps et peut être subdivisé en plusieurs étapes majeures. Dans une situation initiale préalable à l'exploitation, postulons que l'habitat forestier est libre d'influences humaines et que la composition de la guilde des espèces résulte des qualités intrinsèques de l'habitat et de phénomènes écologiques complexes. Un changement radical intervient lors de l'introduction des activités humaines industrielles dans l'habitat, et se poursuit tout au long des opérations d'extraction des essences.

Les activités mécanisées, et la présence même des équipes d'abattage, peuvent avoir des effets immédiats sur les populations animales qui y résident (Marsh et al., 1987;

Plumptre & Reynolds, 1994; Johns, 1997; White & Tutin, 2001). Ces opérations

d'abattage et d'extraction des essences sont relativement de courte durée et affectent

une surface limitée dans l'espace. Il en résultera une altération de l'habitat avec une

modification de sa composition végétale et/ou de sa structure (White, 1994b). Les

changements de paramètres environnementaux survenant en raison des activités

humaines et les adaptations dont ont dû faire preuve les populations animales pour

résister à ces changements peuvent avoir des conséquences s'étalant sur une longue

période après la fin des opérations. Une distinction peut donc être faite entre les effets

(29)

General introduction

23 de l'exploitation forestière opérant à court terme pendant et peu de temps après l'exploitation des parcelles d'abattage, et les conséquences que chacun de ces effets peut avoir à plus long terme pour la faune. Tous deux constituent l'impact de l'exploitation forestière sélective sur les populations animales et sur leur habitat.

Par ailleurs, l'exploitation forestière peut avoir un impact direct ou indirect sur la faune. D'une part, elle affecte directement les populations animales par l'intermédiaire d'une ou plusieurs composantes biotiques ou abiotiques de l'habitat qui seraient altérées ou modifiées par l'exploitation des essences (Cowlishaw & Dunbar, 2000; Fimbel et al., 2001). Il peut s'agir, entre autres, de l'altération de la structure de la forêt, de la modification de la disponibilité des ressources alimentaires, de l'interruption des mouvements naturels de populations et flux migratoires, etc. D'autre part, l'impact indirect sur la faune, ou impact secondaire, se manifeste principalement au travers d'une accessibilité accrue à des zones de forêt préalablement vierges d'activités humaines (Wilkie et al., 1992). Celle-ci donne lieu à l’augmentation des pressions anthropiques annexes telles que la chasse commerciale de viande de brousse et la conversion des terres pour l'agriculture, dont les effets sur les animaux sont généralement plus néfastes que l'exploitation sélective per se (Wilkie et al., 1992;

Cowlishaw & Dunbar, 2000; Wilkie et al., 2001; Fimbel et al., 2001; Delvingt et al., 2002).

Dans les paragraphes qui suivent, je synthétiserai brièvement les connaissances actuelles des effets directs et indirects, à court comme à plus long terme, de l'exploitation forestière sélective sur les primates et les ongulés.

A. E FFETS À COURT TERME SUR LA FAUNE

Lors de l'introduction d'activités humaines dans des portions de forêts

préalablement exemptes d'activités humaines intensives, la faune est confrontée aux

opérations mécanisées d'abattage des essences précieuses et de transport des

grumes, à la présence du personnel des chantiers et à la modification soudaine de

l'habitat. Face à ces perturbations, les populations animales n'ont d'autre choix que de

fuir les zones en exploitation en se réfugiant vers des zones moins exposées, ou de

rester sur place en s'adaptant à ces dernières (Cowlishaw & Dunbar, 2000). Le choix

d'une émigration hors des zones affectées, et la durée de celle-ci, dépendra de

caractéristiques intrinsèques des espèces concernées (structure sociale, régime

alimentaire, territorialité, taille corporelle, etc.) et des conditions socio-

environnementales s'imposant aux populations touchées (agencement des territoires,

(30)

Chapter 1

24

densité locale de groupes sociaux, barrières naturelles, etc.). Qu'il y ait émigration ou non, des adaptations seront nécessaires afin de contrecarrer la réduction de la taille et/ou de la qualité de l'habitat. Dans chacun de ces cas, deux stratégies sont possibles:

soit réduire la sélectivité des ressources alimentaires et les coûts relatifs de fourragement au détriment de la qualité de celles-ci, soit augmenter le temps et/ou la distance de fourragement tout en accusant une augmentation importante des coûts énergétiques. Les réponses des espèces aux perturbations de l'habitat concrétisent, en terme d'adaptations écologiques et comportementales, les effets immédiats de l'exploitation forestière sur la faune.

Etant donné que de nombreuses réponses éco-éthologiques spécifiques trouvent leur origine dans le choix d'un déplacement ou non, une meilleure compréhension des principes sous-jacents à ce dernier est essentielle pour déterminer les actions pertinentes de conservation à mener (Johns, 1997; White & Tutin, 2001).

Malheureusement, notre connaissance des effets de l'exploitation, tels qu'ils prévalent pendant les opérations d'extraction, reste très fragmentaire (mais voir: Marsh et al., 1987; Johns, 1997; White & Tutin, 2001). Prétendre que les espèces territoriales se maintiennent dans leurs territoires originels, même quand elles sont exposées aux opérations d'extraction, et que les espèces moins territoriales les fuiraient, serait un raccourci grossier (Cowlishaw & Dunbar, 2000). Il a été observé que des espèces territoriales pouvaient abandonner temporairement ou même définitivement leurs territoires, mais qu'il existait néanmoins une variabilité intraspécifique importante (Cowlishaw & Dunbar, 2000). Le choix d'une émigration temporaire en dehors des zones exploitées ne dépendrait donc pas seulement des niveaux de territorialité mais impliquerait aussi de nombreux autres facteurs, lesquels pourraient autant dépendre des caractéristiques spécifiques à l'espèce que du contexte socio-environnemental local (White & Tutin, 2001).

Un modèle proposé par Marsh & Wilson (1981) illustre bien la complexité des

réponses spécifiques face aux perturbations humaines de l'habitat (Fig. 1). Ce modèle

explique les variations de densité de deux espèces de primates suite à l'exploitation

d'une parcelle forestière en Asie du Sud-est. Il nous apprend que les densités de

gibbons (Hylobates lar) restent, dans un premier temps, inchangées dans les forêts

mises en exploitation. La population décline ensuite graduellement pendant quelques

années et ne retrouvent sa densité initiale que plusieurs décennies ou générations

après la fin des activités d'abattage. L'exploitation forestière n'impose donc

vraisemblablement pas d'effets immédiats sur les densités locales de cette espèce, et

(31)

General introduction

25 son impact ne se ferait ressentir qu'à plus long terme. Au contraire, les populations de langurs (Presbytis spp.) peuvent brusquement chuter dès le début de l'exploitation suggérant une émigration temporaire de plusieurs groupes sociaux -mais pas de tous- pendant l'exploitation. Ce déclin abrupt est suivi d'une période de récupération très courte où les densités recouvrent des niveaux proches des valeurs initiales. La rapidité de recouvrement suite à cette émigration temporaire suggère une recolonisation des forêts exploitées par les groupes qui s'en étaient éloignés plutôt qu'un véritable accroissement de population dans ces forêts. Cette émigration temporaire est ensuite suivie d'un véritable déclin d'abondance traduisant un impact négatif de l'exploitation forestière à moyen et plus long terme sur la population.

Figure 1: Effets hypothétiques de l'exploitation forestière sur deux espèces de primates asiatiques. Source: Marsh, Johns & Ayres, 1987.

Pour ces deux espèces, la proportion d'activités quotidiennes, telles que le

nourrissage et les déplacements, a fortement diminué suite aux opérations forestières,

au profit du temps passé au repos (Johns, 1986). Ces auteurs expliquent que

l'émigration temporaire des langurs en dehors des zones perturbées aurait été rendue

possible grâce à leur capacité à passer à un régime alimentaire plus opportuniste, le

cas échéant un régime folivore (Johns, 1986; Marsh et al., 1987; Johns, 1997). Au

contraire, les gibbons auraient maintenu un régime principalement frugivore qui,

associé à certaines contraintes territoriales, a contribué à générer une période de

stress se traduisant ultérieurement par la diminution de la densité de population (Johns,

1986; Marsh et al., 1987; Johns, 1997). Les variations de densités locales causées par

(32)

Chapter 1

26

l'introduction d'activités humaines dans l'habitat résultent donc de deux mécanismes distincts pour ces deux espèces.

Bien que conçu pour expliquer les variations d'abondances de deux primates asiatiques exposés à des perturbations anthropiques, ce modèle pourrait être également valable pour d'autres primates dans des régions différentes, et même éventuellement pour des espèces appartenant à d'autres groupes taxonomiques. Dans la Réserve de la Lopé, au Gabon, White & Tutin (2001) ont effectué un suivi des abondances relatives des gorilles et des chimpanzés dans plusieurs sites exploités, y compris un site en cours d'exploitation. Ils y ont observé que l'abondance des nids de nuit des chimpanzés avait décliné rapidement suite au commencement d'opérations d'exploitation, et qu'au contraire, celle des gorilles était restée inchangée. L'hypothèse territoriale était donc fortement contrariée dans ce cas. Parce que les gorilles vivent dans des groupes sociaux cohésifs, qu'ils ne sont pas territoriaux au sens strict du terme, et que les rencontres intergroupes sont fortement ritualisées, il est relativement facile pour eux de s'affranchir des activités humaines en émigrant vers des zones où d'autres groupes coexistent déjà. Par opposition, les membres d'une communauté de chimpanzés forment des sous-groupes et risquent de sérieux conflits si ceux-ci pénètrent dans les territoires des communautés voisines. Etant donné que les individus sont moins capables d'éviter les zones exploitées, c'est la communauté entière qui risque de devoir se déplacer, donnant lieu à des rivalités territoriales pouvant avoir des conséquences létales (Goodall, 1986). Les auteurs soulignent néanmoins que des réponses de cette ampleur dépendraient de l'échelle des perturbations (White & Tutin, 2001). En Ouganda, où la taille des parcelles d'abattage couvre typiquement la moitié d'un territoire moyen de chimpanzés, d'autres équipes ont observé que leur densité restait stable (Plumptre & Reynolds, 1994; Hashimoto, 1995; Struhsaker, 1997). A la Lopé, au contraire, une communauté entière de chimpanzés a vraisemblablement été forcée de se déplacer en dehors de son territoire malgré les risques que cela présuppose. D'autre part, alors que les gorilles des plaines occidentales ont une préférence pour construire leurs nids de nuit dans les forêts secondaires denses où la couverture herbacée est abondante, l'exploitation sélective ne semble pas avoir donné lieu à une augmentation de densité de cette espèce dans ce site d'étude (White, 1994a;

Tutin & Fernandez, 1984).

Les effets immédiats de l'exploitation forestière sur les éléphants sont peu

connus mais, en règle générale, cette espèce migratrice a tendance à éviter la

présence humaine, et donc les zones villageoises et les routes forestières (Barnes et

(33)

General introduction

27 al., 1991). Il serait donc raisonnable de supposer qu'au moment où les activités humaines sont à leur comble, les éléphants éviteraient aisément les forêts en exploitation et fourrageraient dans des zones moins exposées.

En ce qui concerne les effets immédiats de l'exploitation forestière sur les céphalophes et autres artiodactyles, Struhsacker (1997) rapporte que plusieurs espèces, notamment les céphalophes bleus (Cephalophus monticola) et les céphalophes rouges (C. spp.), pourraient fuir les alentours des perturbations. En effet, cet auteur a observé que l'abondance des céphalophes était la plus basse dans les parcelles en cours d'exploitation ainsi que dans les parcelles adjacentes, ce qui suggère un mouvement d'émigration en réaction à la présence humaine vers des zones-refuge (Struhsaker, 1997). Peu de données sont disponibles sur les effets des perturbations de l'habitat sur les potamochères. Cette espèce étant relativement flexible sur le plan alimentaire et capable de s'adapter à de nombreux types de végétation (White, 1994a; Davies et al., 2001), l'exploitation forestière ne devrait pas avoir d'impact immédiat sur les potamochères. Les effets indirects de cette dernière, notamment la chasse, auraient un effet beaucoup plus significatif sur les densités de cette espèce (Davies et al., 2001).

D'autres réponses écologiques et/ou comportementales associées à l'émergence d'activités humaines ont été observées chez différentes espèces. Elles découleraient des modifications de l'habitat ou des mouvements de population. Une liste non exhaustive de ces effets comprend la modification des limites territoriales (Cowlishaw

& Dunbar, 2000), un assouplissement de comportement territorial (Johns, 1986;

Plumptre & Johns, 2001), des changements de la taille des groupes sociaux (Johns, 1986; Struhsaker, 1997; Cowlishaw & Dunbar, 2000), des changements de densité des groupes (Struhsaker, 1997), une modification de la structure sociale vers une structure de type fission-fusion (Struhsaker, 1997), une conversion vers un régime alimentaire plus folivore (Johns, 1986; Cowlishaw & Dunbar, 2000; Davies et al., 2001; Plumptre &

Johns, 2001), des ajustements du temps consenti au repos ou au fourragement (Johns, 1986; Johns & Skorupa, 1987; Cowlishaw & Dunbar, 2000), etc.

En conclusion, ce sont la flexibilité éco-éthologique des espèces et l'adéquation

de leurs réponses pour pallier les perturbations de l'habitat qui détermineront la viabilité

à plus long terme des populations animales dans les forêts de production. Les effets

immédiats de l'exploitation forestière pouvant avoir des conséquences à plus long

terme, une orientation cruciale à poursuivre en matière de gestion responsable serait

(34)

Chapter 1

28

d'adapter les techniques d'exploitation afin de diminuer autant que possible les effets à court terme sur les populations animales exposées (Johns & Skorupa, 1987;

Struhsaker, 1997).

B. C ONSÉQUENCES À LONG TERME SUR LA FAUNE ET VULNÉRABILITÉ SPÉCIFIQUE

Les effets à long terme de la modification de l'habitat sur les populations de primates relèvent de mécanismes complexes et semblent être largement dépendants du type et de l'intensité des perturbations de l'habitat. L'extraction sélective et mécanisée altère la structure et la composition floristique de l'habitat (Chapman &

Chapman, 1997). La réponse des primates et des ongulés face à l'exploitation forestière sélective et à d'autres formes de perturbations modérées de l'habitat, pourrait donc être principalement une réaction aux changements de la distribution et de l’abondance des différentes sources alimentaires (Cowlishaw & Dunbar, 2000; Davies et al., 2001; Plumptre & Johns, 2001). En période de pénurie en fruits, les primates frugivores réduisent la quantité de fruits dans leur régime alimentaire ou migrent vers des zones où ils peuvent maintenir cette alimentation sélective. Certains groupes sociaux semblent aussi capables de se séparer en plusieurs sous-groupes, quand les ressources alimentaires se font rares, afin de réduire la compétition intragroupe (Johns, 1997). Ces mécanismes naturels permettant d'absorber les variations temporelles de la qualité de l'habitat semblent être aussi mis à contribution lorsque l'habitat est modifié.

La capacité des espèces à utiliser les forêts secondaires paraît donc être un facteur particulièrement déterminant pour s'adapter à l'altération de l'habitat – fût-elle induite par les activités humaines ou non (Cowlishaw & Dunbar, 2000). Ceci est particulièrement important quand les perturbations anthropiques reproduisent des processus naturels, comme c'est le cas de l'exploitation forestière sélective.

Dans une étude tentant d'identifier les traits socio-écologiques pouvant prédire la

persistance des primates en forêts exploitées, Johns & Skorupa (1987) ont comparé

des "taux de survie" (abondance en forêt perturbée vs. en forêt primaire) de plusieurs

espèces autour du globe. Leur analyse n'a pas détecté d'association significative avec

la taille corporelle ou la diversité alimentaire mais ces auteurs ont néanmoins souligné

que les taux de survie augmentaient avec le taux de folivorie et diminuaient avec une

propension à la frugivorie. La grande et moyenne faune seraient globalement les plus

vulnérables, mais la taille corporelle à elle seule serait un pauvre indicateur de la

réponse de la faune face aux perturbations (Johns & Skorupa, 1987; Plumptre & Johns,

(35)

General introduction

29 2001). Plus récemment, Harcourt (1998) a réexaminé le problème en contrôlant les effets des variations intraspécifiques et de la phylogénie chez les primates. Il n'a, quant à lui, trouvé aucun effet du type de régime alimentaire ou de taille corporelle, mais a pu mettre en évidence que les espèces les plus prédisposées à survivre dans les habitats perturbés avaient de plus petits domaines vitaux. Cette étude confirme les conclusions antérieures de Skorupa (1986) qui suggérait que les espèces dépendant de ressources alimentaires rares et dispersées dans l'habitat étaient les plus vulnérables aux perturbations de celui-ci. Ces traits sont généralement associés avec de grands territoires, des groupes sociaux de grande taille et un pourcentage important de fruits ou de graines dans l'alimentation. Parce que l'exploitation forestière affecte probablement plus la disponibilité des fruits plutôt que des feuilles, les espèces frugivores s'adapteraient moins bien à l'exploitation forestière que les espèces plus folivores ou insectivores (Skorupa, 1986; Johns & Skorupa, 1987). Toutefois, si les essences exploitées ne représentent pas une source importante dans l'alimentation des espèces, la plupart des primates pourraient survivre dans les forêts exploitées (Struhsaker, 1997). Si, par ailleurs, l'exploitation augmente la disponibilité de certaines ressources alimentaires recherchées, alors elle pourrait même avoir des effets positifs sur les abondances animales (Oates, 1996; Struhsaker, 1997; Plumptre & Johns, 2001). Le facteur principal affectant la propension d'une espèce à survivre dans les forêts exploitées serait leur capacité à changer la proportion relative de différentes sources de nourriture dans leur régime alimentaire, et plus spécifiquement d'inclure les jeunes feuilles en l'absence de fruits (Meijaard et al., 2005). Les espèces opportunistes seraient donc moins vulnérables que les espèces spécialistes, occupant une niche écologique étroite (Johns & Skorupa, 1987; Marsh et al., 1987; Plumptre & Johns, 2001). En conclusion, un domaine vital peu étendu et une flexibilité alimentaire élevée caricatureraient les caractéristiques éco-éthologiques favorisant la survie d'une espèce à long terme dans les habitats perturbés.

Parmi les effets indirects de l'exploitation forestière qui interviennent à court et plus long terme, la chasse est une menace majeure pour la faune. Dans de nombreux cas, elle affecte la faune de manière beaucoup plus significative que l'exploitation forestière elle-même (Muchaal & Ngandjui, 1999; Wilkie et al., 1992; Wilkie et al., 2001;

Bennett, 2001; Meijaard et al., 2005). Ceci a amené certains auteurs à parler de

problème de "défaunation" plutôt que de déforestation dans les forêts tropicales de

production (Wilkie et al., 2001). Des liens étroits existent en effet entre l'exploitation

forestière, la chasse et la commercialisation du gibier. La chasse dans les forêts de

(36)

Chapter 1

30

production résulte principalement de l'ouverture des routes forestières et de l'établissement des camps d'ouvriers nécessitant un apport en protéines quotidien (Wilkie et al., 1992; Robinson & Bennett, 1999). De nombreux auteurs ont mis en évidence le fait que les routes, ouvertes et entretenues par les sociétés d'exploitation, intensifiaient la chasse et le commerce de viande de brousse (Fa et al., 1995; Oates, 1996; Struhsaker, 1997; Wilkie et al., 2000; Auzel & Wilkie, 2000; Wilkie et al., 2001).

Elles rendent accessibles de nouvelles zones de chasse précédemment trop éloignées des villages et contribuent à diminuer considérablement les coûts de transport du gibier vers les marchés urbains. Une fois qu’elle est stimulée par la demande locale, la chasse autrefois de subsistance se transforme donc en une activité commerciale exerçant une pression excessive sur les populations animales. Auzel & Wilkie (2000) ont estimé, par exemple, que dans un camp d'exploitation en République du Congo où résident environ 650 personnes, le prélèvement annuel de gibier atteignait 8 250 animaux, soit 123,5 tonnes de viande de brousse. Une telle pression sur la faune a, de toute évidence, un impact négatif sur les populations animales, et cause un déclin des densités et des bouleversements écologiques importants. Les différences spécifiques de vulnérabilité à la pression de chasse semblent liées à une variété de facteurs incluant le taux de reproduction, la mobilité (c'est-à-dire l'exposition aux pièges et aux chasseurs eux-mêmes) et le risque de prédation (Hart, 2001). La grande et la moyenne faune sont particulièrement ciblées, notamment les céphalophes et toutes les espèces de primates. A long terme, la viabilité de ces groupes taxonomiques serait donc considérablement mise à mal dans les forêts de production d'Afrique Centrale.

D'un point de vue scientifique, il serait intéressant de pouvoir dissocier les effets

de la chasse de ceux de l'exploitation forestière au sens strict, afin de pouvoir émettre

des recommandations spécifiques et agir sur chacune de ces activités humaines en

fonction des urgences. En l'absence de chasse commerciale, les habitats modérément

perturbés par les activités humaines continueraient à héberger de nombreuses

espèces à des densités viables, et ce durant plusieurs générations après la fin des

opérations d'extraction. Il semble donc que des formes modernes d'exploitation

forestière, exécutées de manière responsable, soient compatibles avec la préservation

de la biodiversité. Elles pourraient même être favorables à celle-ci à condition que les

pressions de chasse n'accompagnent pas les perturbations de l'habitat et que

certaines mesures soient prises pour réduire l'impact négatif de cette activité sur

l'écosystème (Chapman & Lambert, 2000; Johns & Skorupa, 1987). Étant donné que

les forêts tropicales à vocation de production couvrent une plus grande surface que les

Références

Documents relatifs

Les Diprionidae sont une petite famille d'environ 11 genres et 125 espèces et comprennent un certain nombre d'importants défoliateurs forestiers.. Ils se trouvent

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

• Toute la production des feuillus et des peupliers hybrides, des plants à racines nues et des plants issus de boutures ou..

L’acheteur s’acquitte du paiement de la totalité du prix et des taxes, auprès du comptable compétent, dans les 20 jours suivant l’émission de la facture, par chèque

Puisque les premières analyses ont été faites à la fin du mois de septembre, les suivantes seront également faites à la même période pour pouvoir comparer

Utilisation de quelques espèces spécialistes même nombre de sites, mais presque 2 fois plus d’espèces..

- et la progression des essences secondaires au dépens de l’essence principale, les études touchèrent à d’autres méthodes, par exemple la futaie issue de semis et non de

Au cours des dernières années, les peuple- ments de la FEP ont été le siège d’expériences liées à la biotechnologie et à la génétique des arbres, aux pratiques forestières