Réforme du gage des stocks : de l'attraction à l'attractivité
Manuella Bourassin, Agrégé des facultés de droit, professeur à l'université Paris Ouest
Nanterre La Défense, directeur du Centre de droit civil des affaires et du contentieux économique
En vue de faciliter l'octroi de crédit aux entreprises, l'ordonnance du 29 janvier 2016
contrecarre la force d'attraction du gage spécial des stocks en reconnaissant aux parties la liberté de conclure un gage de droit commun. Elle conforte en revanche l'attractivité du gage des stocks en maintenant dans le Code de commerce des règles protectrices des gagistes et en rapprochant son régime des règles souples, simples et efficaces du Code civil.
Ord. n° 2016-56, 29 janv. 2016, relative au gage des stocks : JO 30 janv. 2016
1. L’ordonnance n° 2016-56 du 29 janvier 2016 réforme profondément la portée et le régime du gage spécial des stocks. La genèse de ce texte remonte aux assises du financement et de l’investissement des entreprises du 15 septembre 2014, au cours desquelles le Président de la République avait annoncé que la Médiation du crédit aux entreprises allait travailler avec les banques à l’élaboration d’un nouvel instrument de financement de la trésorerie des PME fondé sur les stocks, en s’inspirant du modèle allemand. Outre-Rhin, la pratique du financement à court terme adossé à des actifs est très développée. Elle consiste, pour les établissements de crédit, à financer le besoin en fonds de roulement associé aux stocks, en prenant une garantie sur ces derniers, surtout lorsqu’ils sont facilement valorisables,
contrôlables et « vendables ».
En France, le procédé n’est guère répandu, alors que l’amélioration du financement des entreprises a inspiré la réforme des sûretés il y a dix ans déjà et qu’à cette fin, l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 a considérablement assoupli le gage de droit commun et créé un gage sur stocks sans dépossession, propre aux relations entre professionnels1. Deux raisons ont été avancées pour expliquer le recours néanmoins limité au financement et aux garanties sur stocks. D’une part, le gage régi par les articles L. 527-1 et suivants du Code de commerce présenterait des rigidités lors de sa constitution (mentions obligatoires et publicité dans un délai de quinze jours, à peine de nullité), pendant son existence (strict encadrement des sanctions de la perte de valeur des stocks), et en cas de réalisation (prohibition du pacte commissoire), rigidités qui ont pu sembler rédhibitoires aux établissements de crédit et sociétés de financement bénéficiaires, au point de s’en détourner et de lui préférer le gage de droit commun. D’autre part, la Cour de cassation a invalidé en 2013 l’application des dispositions générales du Code civil relatives au gage de choses fongibles sans
dépossession, en conférant au gage spécial des stocks une portée impérative.
Pour lever ces barrières, le Gouvernement a déposé, en janvier 2015, un amendement au projet de loi Macron visant à l’autoriser à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour modifier le régime du gage des stocks. Le Parlement a adopté cet amendement et permis au Gouvernement de « rapprocher le régime applicable au gage des stocks défini au chapitre VII du titre II du livre V du Code de commerce du régime de droit commun du gage de meubles corporels défini au chapitre II du sous-titre II du titre II du livre IV du Code civil, pour le clarifier et rendre possible le pacte commissoire et le gage avec ou sans dépossession, en vue de favoriser le financement des entreprises sur stocks » (L. n°
2015-990, 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques,
art. 240, 1°).