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Gestion des forêts tempérées, changement climatique et biodiversité

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01622973

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01622973

Submitted on 24 Oct 2017

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Gestion des forêts tempérées, changement climatique et biodiversité

Jean-Luc Dupouey

To cite this version:

Jean-Luc Dupouey. Gestion des forêts tempérées, changement climatique et biodiversité. Les mé- canismes d’adaptation de la biodiversité aux changements climatiques et leurs limites, Academie des Sciences, 157 p., 2017, Rapports, ouvrages, avis et recommandations de l’Académie des sciences.

�hal-01622973�

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Dupouey J.L., 2017, Gestion des forêts tempérées, changement climatique et biodiversité, In Lavorel S., Lebreton J.D., Le Maho Y., « Les mécanismes d’adaptation de la biodiversité aux changements climatiques et leurs limites ». Rapport de l’Académie des Sciences. Fiche 5.4, 139-142. Le texte ci-dessous est une version initiale de la fiche.

  Fiche 5.4   

Gestion des forêts tempérées, changement climatique et biodiversité   

Jean‐Luc Dupouey   

Nous avons distingué trois types d'interactions entre la biodiversité et l'adaptation des forêts au changement climatique : (i) l'adaptation de la sylviculture en vue du maintien des services rendus par la forêt, en

particulier la production de bois, aura des conséquences indirectes sur la biodiversité; (ii) la biodiversité pourra en partie aider à l'adaptation des forêts; (iii) les modèles pour le siècle à venir et, de façon moins tranchée, les observations de la dynamique récente des écosystèmes forestiers tempérés montrent que le changement climatique, s'il n'est pas contenu, aura des impacts directs importants sur la biodiversité forestière. Quelle mesure d'adaptation faut-il prendre pour la protéger ?

1. L'adaptation de la sylviculture va impacter indirectement la biodiversité

En forêt gérée, les sylviculteurs vont prendre, en faveur des peuplements arborés, des mesures qui impacteront indirectement mais significativement la biodiversité associée (Berry et al. 2008; Riou-Nivert 2015). Ces choix concernent la composition, la structure et la dynamique des peuplements.

Concernant le choix des essences, la minimisation des risques va pousser à augmenter la part des essences à croissance rapide, principalement des résineux, dans les peuplements, mais aussi à favoriser les peuplements d'essences mélangées par rapport aux monocultures. Les essences choisies seront de mieux en mieux

adaptées aux contraintes environnementales locales (sécheresse, fertilité minérale). Contrainte ou volontaire, la régression des plantations d'essences allochtones dans des stations inadaptées, telles que l'épicéa ou le mélèze en stations séchardes de plaine va s'accélérer. Le chêne pédonculé fait déjà l'objet d'une "chasse" en faveur du chêne sessile, plus résistant à la sécheresse. Les essais d'introduction d'espèces exotiques vont sans doute reprendre, après un long sommeil.

Ces changements d'essences auront des impacts sur la biodiversité associée, puisque la plupart des espèces de l'écosystème dépendent directement ou indirectement de la nature des arbres qui constituent la strate arborescente. Celle-ci contrôle le niveau de lumière qui pénètre sous la canopée, la quantité et la qualité de la matière organique (feuilles ou racines) qui revient au sol chaque année, la dynamique de l'eau dans le sol, la quantité et la qualité de la nourriture des herbivores, les cortèges de symbiotes, mutualistes, champignons parasites et insectes ravageurs. Le risque d'introduction d'espèces envahissantes augmentera avec le nombre d'essences allochtones introduites.

Une sylviculture plus "dynamique", visant en particulier à une diminution de l'indice foliaire des

peuplements afin de réduire la consommation en eau, conduira à une augmentation du niveau de lumière au sol et à des sécheresses édaphiques plus limitées, impactant de nombreuses espèces. Il est aussi envisagé un raccourcissement des cycles de production (durée des révolutions). Celui-ci tronquera encore plus

qu'aujourd'hui les phases de sénescence, déjà quasiment absentes. Or, ces phases sont celles de plus grande richesse pour les guildes d'espèces liées à la décomposition de la matière organique, au bois mort et aux cavités, aux gros bois, qui sont à l'origine de micro-habitats variés. Le raccourcissement des cycles peut aussi entraîner une acidification des sols, sur les substrats les plus pauvres qui modifiera la biodiversité.

Les mesures concernant la qualité des sols auront aussi des effets indirects sur la biodiversité : préservation, en évitant le tassement, et, surtout, amélioration par amendement et fertilisation. On a montré que le

chaulage des sols forestiers modifiait significativement la composition des communautés végétales et

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microbiennes. En région méditerranéenne, la gestion préventive des incendies de forêt impactera la biodiversité, par exemple par l'enlèvement du sous-bois.

2. La biodiversité peut aider à l'adaptation des forêts

Là encore, c'est d'abord au niveau des peuplements arborés que l'intérêt de la diversité pour l'adaptation des forêts est perçu par le monde forestier. Le mélange d'essences est une assurance partielle face au changement climatique, car il accroît les chances qu'une partie du peuplement puisse supporter les conditions futures. Il facilite donc le maintien de l'état forestier là où les monocultures pourraient amener, suite à des

dépérissements, la disparition de la forêt sur de plus grandes surfaces et pour de plus longues périodes. Le mélange d'essences peut surtout jouer un rôle synergique positif sur certains services écosystémiques. La productivité a été régulièrement observée comme plus élevée en mélange que dans les cultures pures. Mais l'ampleur de cet effet, lié surtout à la diminution de la compétition intra-spécifique, dépend fortement de la nature des espèces mises en jeu et est modulée par la fertilité des stations, la sylviculture et les régimes de perturbation. La résistance aux attaques d'insectes ou aux champignons pathogènes peut être accrue en mélange car la colonisation des arbres hôtes est ralentie, les arbres cibles étant plus dispersés et masqués par les autres espèces, et parce que la diversité des arbres augmente la probabilité de développement des

parasites et ennemis naturels des ravageurs et pathogènes (Landmann et al. 2008).

L'exploration de la diversité génétique des arbres aidera à l'adaptation des forêts : variabilité génétique intra- spécifique, en vue d'identifier des provenances mieux adaptées à des climats nouveaux, mais aussi test du potentiel de nouvelles espèces introduites, issues de climats plus chauds. Le cèdre de l'Atlas par exemple est déjà en progression en France. En raison des risques que font peser ces introductions sur d'autres

composantes de la biodiversité forestière, et de nombreux échecs antérieurs, elles ne pourront se faire qu'avec circonspection.

Les connaissances sur le rôle des autres composantes de la biodiversité forestière dans l'adaptation au changement climatique sont beaucoup plus fragmentaires. On en reste en général pour l'instant à la notion de bon état de fonctionnement de l'écosystème, qui garantirait une meilleure adaptation. Cela inclut entre autres la présence d'un cortège adéquat de symbiotes et d'espèces mutualistes, ou d'espèces impliquées dans les cycles des éléments minéraux. Mais pour la plupart des autres espèces, on ne connaît pas leur rôle dans les flux biogéochimiques des écosystèmes, si ce rôle est signifiant ou non, quel réseau d'interactions biotiques elles entretiennent et si ce réseau à un rôle dans les services que fournit la forêt. On est obligé de transposer au milieu forestier, sans les avoir encore vérifiées, les connaissances, elles-mêmes encore fragiles, acquises dans les formations herbacées basses, telles que la relation entre diversité des communautés microbiennes du sol et stabilité des cycles biogéochimiques.

3. Il faut mettre en place des mesures d'adaptation ciblées en faveur de la biodiversité forestière La première action est de diminuer les pressions non liées au changement climatique, souvent beaucoup plus fortes que le changement climatique et qui fragilisent les espèces ou aggravent leur réponse au changement climatique. La plus importante de ces pressions est la diminution de la taille et de la qualité, souvent accompagnée de la fragmentation, des habitats favorables aux espèces.

On a montré, chez les plantes au moins, que les espèces les plus strictement liées à la forêt ont souvent des capacités de dispersion très faibles. Elles ne pourront que difficilement migrer sous la pression du

changement climatique. Il faut donc mettre en place des actions pour conserver ces espèces, sur place dans la limite de leur plasticité écologique et en assurant leur capacité d'évolution et, surtout, pour les aider à se déplacer dans les territoires.

Des actions locales d'adaptation sont envisageables pour retarder les effets du changement climatique. Le maintien de couverts continus et fermés, en limitant les changements microclimatiques au sein des

peuplements (plus froids et plus humides), retardera un temps les effets des changements du macroclimat sur

les espèces des sous-bois et du sol.

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Il faudra donc favoriser le déplacement de certaines espèces, au sein de paysages souvent très anthropisés, en améliorant ou en restaurant la connectivité entre massifs forestiers et, à l'intérieur des massifs, entre micro- habitats favorables (Sordello et al. 2014). Cette connectivité permettrait aux espèces de coloniser les nouveaux habitats offerts par le changement climatique, au nord et en altitude, et faciliterait le maintien de flux de gènes adéquats entre populations en cas de morcellement, dans les marges sud par exemple.

Entre massifs, à l'échelle des paysages, il s'agit de mettre en place des trames "vertes", connectant les massifs entre eux, par des zones forestières en continuité ou, au minimum, des réseaux de haies ou des zones agro- forestières. La continuité temporelle doit être prise en compte, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, en utilisant comme source de dispersion au sein des trames des forêts anciennes, ayant déjà connu une longue continuité de l'état boisé. Les effets de ces trames seront très fortement espèce-dépendants. On ne sait encore que très mal à quelles espèces elles profiteront vraiment, car on connaît tout aussi mal les modalités de la dispersion de la plupart des espèces forestières. Certaines espèces ubiquistes ou même envahissantes pourraient en bénéficier plus que des espèces forestières plus rares.

Il faut assurer la cohérence spatiale des zones de conservation (Natura 2000, réserves, coeurs de parc...), à connecter entre elles et, surtout, mieux répartir dans le territoire (voir figure). On observe aujourd'hui une plus forte densité de réserves dans le nord-est et le sud-est de la France, et une densité plus faible dans l'ouest, là où les déplacements devront pourtant être les plus rapides et où les continuités forestières sont les plus faibles.

A l'extrême, on envisage le déplacement artificiel des espèces (migration assistée). Il est possible pour les arbres et a déjà été pratiqué à large échelle et depuis plusieurs siècles via les plantations forestières. Pour toutes les autres espèces de l'écosystème, c'est une action coûteuse, au résultat souvent aléatoire et ne pouvant concerner qu'un faible nombre de taxons.

En intra-massif, les forestiers mettent progressivement en place des trames de vieux bois (îlots de vieillissement et de sénescence, réserves biologiques) afin de pallier au manque de stades âgés et de bois morts induit par la sylviculture. Ces trames seront utiles dans le cadre du changement climatique, en particulier s'il y a dynamisation de la sylviculture.

Conclusions

Pour les écosystèmes forestiers, l'adaptation de la forêt au changement climatique se focalise sur les arbres, et peu sur la biodiversité associée :

. le rôle des espèces associées, à part lorsqu'elles interagissent directement avec l'arbre (parasites,

symbiotes...) ou sont strictement nécessaires au maintien des cycles biogéochimiques de base (décomposition de la litière), est quasiment inconnu, voire négligé. A fortiori, leur intérêt pour l'adaptation au changement climatique n'est pas connu.

. les impacts indirects des mesures d'adaptation de la forêt au changement climatique sur la biodiversité sont aujourd'hui peu pris en compte dans les recommandations sylvicoles.

. seule la mise en place d'actions favorisant le déplacement des espèces a réellement démarré, avec la mise en place des trames vertes. Malheureusement, leur rôle écologique exact est incertain.

Ces problèmes reflètent en partie les dilemmes à résoudre entre certains aspects de la gestion des

peuplements et le maintien de la biodiversité associée. Ils témoignent aussi du besoin de connaissances sur la modélisation de la présence/absence et de la migration des espèces, de modèles de communautés capables de reconstruire de façon réaliste les assemblages d'espèces, qui prennent en compte la physiologie et la

génétique des espèces, quasiment inconnues pour la plupart aujourd'hui.

Dans ce contexte, les réseaux d'observations joueront un rôle crucial pour la mise en évidence des impacts du

changement climatique et des effets des mesures d'adaptation sur la biodiversité.

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Vitesse attendue de déplacement de l'optimum thermique des espèces sous l'effet du changement climatique (scénario modéré) au cours du XXI

e

siècle et emplacement des réserves biologiques forestières (source : ONF et RNF) et cœurs de parcs nationaux. Là où la contrainte de déplacement sera la plus forte (ouest de la France), le réseau de réserves est actuellement le moins dense (Dupouey J.L. & Badeau V., non publié).

Références bibliographiques

Berry P., Paterson J., Cabeza M., Dubuis A., Guisan A., Jäättelä L., Kühn I., Midgley G., Musche M., Piper J., Wilson E., 2008, MACIS. Minimisation of and Adaptation to Climate change Impacts on biodiverSity.

Deliverables 2.2 and 2.3: Meta-analysis of adaptation and mitigation measures across the EU25 and their impacts and recommendations how negative impacts can be avoided, 320 p.

Landmann G., Dreyer E., Landeau S., 2008, Forêts mélangées : quels scénarios pour l'avenir ?, Ateliers REGEFOR 2007, Revue forestière française, n°2, 303 p.

Riou-Nivert P., 2015, Adaptation au changement climatique et gestion forestière, In L'arbre et la forêt à l'épreuve d'un climat qui change, ONERC, La documentation française, Paris, 77-107.

Sordello R., Herard K., Coste S., Conruyt-Rogeon G., Touroult J., 2014, Le changement climatique et les réseaux écologiques. Point sur la connaissance et pistes de développement. MnHn, Service du patrimoine naturel. 178 p.

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Jean-Luc Dupouey, Directeur de Recherche

UMR Écologie et Écophysiologie forestières, INRA, Nancy

jean-luc.dupouey@inra.fr

Références

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