L'APPLICATION
DE L'ENTOMOLOGIE
A LA MÉDECINE LÉGALE
PAR LES PROFESSEURS
WYATT JOHNSTON
etGEORGE VILLENEUVE DE MONTRÉAL
Extrait de L'UNION MEDICALE DV CANADA
MONTRÉAL
EUSÈBE SENÉCAL &
CIE,IMPETMEUES-ÉDITEUIÎS
20 rue Saint-Vincent 1897
L'APPLICATION
DE L'ENTOMOLOGIE
A LA MÉDECINE LÉGALE
PAR LES PROFESSEURS
WYATT JOHNSTON
etGEORGE VILLENEUVE DE MONTRÉAL
Extrait de L'UNION MEDICALE DV CANADA
MONTRÉAL
EUSÈBE SENÉCAL &
CIE,IMPKIMEURS-ÉD1TEUKS
20 rue Saint-Vincent 1897
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http://www.archive.org/details/lapplicationdeleOOjohn
L'APPLICATION DE L'ENTOMOLOGIE A LA MEDECINE LÉGALE. (0
Parlesprofesseurs
WYA.TT JOHNSTON
(?) etGEORGE VILLENEUVE
(3). de Montréal.Les
remarquables résultats des études deMégnin
(4) sur la faune des cadavres a faitentrer l'entomologie dans la pratique usuellede la médecine légale, nul expert ne peut maintenant l'ignorer. Il est possible maintenant de reconnaître depuiscombien
detemps un
cadavre a été exposéet de fixerapproximativement
la datedu
décès, en étudiant la faune animale qui s'est développée dans ce cadavre. C'est aMégnin
seulque
revient l'honneur d'avoirécrit cechapitre spécial de la médecine légale et d'avoir ouvert cette nouvellesourcede preuvemédico-légale, quoique Bergeret(5) avantlui eut tenté detirerquelques applications pratiques del'entomologie basées surles connais- sances incomplèteset les fausses notions qui avaient cours de son temps.La
publication de la
Faune
des cadavres deMégnin
a contribuébeaucoup
àvulga- riser lesujet, quoique la division des différentes phases de la putréfaction en huit périodes, au lieu de la division plus simple en quatre périodes, soit plus compliquée et plusdifficileàcomprendre.Depuis 1878, Brouardel (6) et ses collègues, à la
morgue
de Paris,ont eu recoursaux
bons officesdeM.
Mégnin,pour une
quinzaine de foisau
moins, et mis ses connaissances à contribution.Les
résultats obtenus ontdonné
la plus entière satisfaction. Il est arrivé très souventque
l'exactitudedesescon- clusions, tiréesseulement de l'examen de quelquesdébrishumains
etde quelques insectes, a été vérifiée parlesdéveloppements subséquents de l'affaire. Quelque-foisle mystèrequi entourait la trouvaille, n'a jamais été éclairci, maisil n'est pas arrivé
une
seule fois que les résultats de l'enquête aientprouvé que
les conclusionsdeMégnin
fussent erronées.M.
Brouardel (7) rapporte lefaitsuivant quitient absolumentdu
merveil leux. Il futnommé pour examiner
lecadavre d'un enfant de huitans,trouvé dansune
caisseà savon; lecorps était momifié.On
luidemandait
despécifier l'époque à laquelleremontait lamort.M.
Brouardel sefitadjoindre M.Mégnin.(1) Ludevantl'AssociationMédicaledu Canada, août 1896,etpublié en anglaisdansle
Montréal Médical Journal,livraison du moisd'août 1897.
(2) Université McGill (3) UniversitéLaval.
(4) Mégnin(P
;. Lafaune des cadavres, Paris 189i, Gazette HebdomadairedeMédecine
etdeChirurgie, 20juillet 1893 ;Lafaune destombeaux 1887.
(5) Annales d'Hygiènepubliqueetde Méd. l'égale, 1855, tomeiv.
,p.404.
(6) Lamortsubite, 1894, p. 99;L'infanticide, 189C,p. 141
(7) L'infanticidepage 143.
Celui-ci, après avoir étudié la succession des
mouches
et des larves dont on retrouvait les débris,a affirmé que l'enfant avait étémis dansla caisse àune
époque oùlesmouches
n'avaient pas encorecommencé
leur évolution, c'est-à- dire dansladernièrequinzaine defévrier, et que, depuis cemoment,
il s'était passédeux
hiversetun
été.La
mère, qui était inculpée, était atteinte de phtisie pulmonaire; sesentant mourir,elleavoua
qu'elle avait misl'enfantdang la boîtele 23 févrierde l'annéeprécédente.Cependant, ces résultats brillants nesontpas sansdangers.
Des
imitateurs deMegnin
pourraientse livrer àdes déductions spéculatives,ne reposant pas sur des connaissances solides, carseulun
entomologiste de premier ordre peutmener
cesexpertises àbonne
fin.Ou
bien onpourraitêtretentéd'employerlesdonnées de
Megnin
dansdes pays ou sous des climatsoù
elles ne pourraient recevoir leur application.Nous
avonsdonc
penséqu'avant detirerdesétudesdeMegnin
des déductions applicablesau Canada, ilserait utilede faire quelques observations comparatives, afin de rechercher jusqu'à quel point les données recueillies sur la faune des cadavres, en France, pourraient s'appliquer enCanada.
Ilest vraimentregrettable, dansl'intérêt de lascience,
que M. Megnin
n'ait pas donné, enmême temps
queles principesgénéraux
de l'entomologie et les applicationsmédico-légales qu'ilen afaites, lesnombreuses
observations d'oùila tiré ces déductions.
Nous
pourrions ainsinous rendreun compte
plusexact des degrés dans lesvariations des dates d'apparition, qu'il a rencontrésdansdes expériencesfaites sous des conditions déterminées.Pour
plus de commodité,nous
avonsarrangé, sous forme de tableau, l'époque d'apparitionque M. Megnin
assigne, dansles travaux que nous avons mentionnés,aux
différentes espèces entomologiquesqui envahissent le cadavre; quoique, naturellement, il failleaccorder
une
certaine latitudepour
les variations quipeuvent
se présenter.Nous
no désirons pasattribuer àM.Megnin,
personnellement,la i*osponsabilité de ce tableau.L'applicationde l'entomologie à lamédecine légale repose sur ceprincipe
que
les produits des différentes périodes de laputréfaction attirent certaines espècesde fauneeten repoussentd'autres.Lesdifférentes périodes quicorrespondent à
chaque
espèce peuvent être résumées dela façon suivante ainsi que ledémontre
le tableau.Lorsque
lecadavreestencoreàl'état frais, il attire leslarves des diptères (Musca, Curto- nevra et Calliphora).
Lorsque
la putréfactioncommence
à se faire sentir, arrivent lesmouches
à viande Lucilia et Sarcophaga.Un
peu plus tard, à lapériode de formation des acidesgras,le cadavreestenvahi pardes Coléoptèresdu
genre Dermesteset desLépidoptèresdu
genre Aglossa (nous n'avonsjamais rencontré cette dernière espèce dans nos observations canadiennes, quoiqu'elle paraisse être trèscommune
en France).Peu
après,ilse développeune
véri- table fermentation caséïque qui appelle laPyophila
des Diptèreset laNecrobia des Coléoptères. Arrive ensuite lapériodede fermentationammoniacale com-
posite, sous l'influence de laquelle se produit
une
liquéfaction noirâtre des matières animalesetdont lesémanationsattirentune
sériedetravailleursappar-tenant
aux
Coléoptères (Necrophorus, Silpha, Hister et Saprinus), ainsiqu'aux Diptères (Ophyra, Thyreophora,Phora
et Lonchea').La
période suivante est celle oùles tissussubissentde la momification etsontenvahis par les Acariens, dontlesdébriset lesexcréments
se déposent sousforme
de poussière. Subsé-quemment,
àmesure que
les tissus sedessèchent, apparaît une seconde génér- ation d'Agiossa avecaussi le Dermestes Tineolaet les Coléoptères Attagenuset Anthrenus. Finalement,quand
il nereste plusdu
cadavreque
les téguments desséchés,deux
formes de coléoptères apparaissentpour
les ronger, cesont le Tenebrio et le Ptinus.Dans
le cas de cadavres inhumés, la fauneestbeaucoup moins
variée, elle consisteraitsimplement dans lePhora
etYOphyra
des Diptères et \ePhilonthus et leRhizophagus
des Coléoptères avecceux
des Diptères qui ontpu
envahir lecadavre avant son inhumation.
FAUNE DES CADAVRES EXPOSÉS A
L'AIR (1)(COMPILÉ
D'APRÈSMÉGNIN
)PÉRIODES
FAUNE
DESCADAVRES INHUMÉS
avant
l'inhumation(D)
Calliphora, * Cyrtoiieura(
(D)
Orpnyra, *Phora après l'inhumation
«! (c) PhiJontes*Khozophagus
(T) Achorutes, Templetonia
Nous
avonsmarqué du
signe (*) lesgenres que
nous
avons rencontrés dans nos observations.La
listesuivante, quirenferme toutesles espècesmentionnées par Mégnin, nous aété fourniegracieusement parM.
F. H. Chittendene,du
bureaud'ento- mologie de Washington. Lesespècestrouvéespar nousetqui n'apparaissent pas dans la liste de Mégnin, sont placées entre guillemets [ ]. Celles qui sont précédées de la lettreA
appartiennent àl'Amériquedu Nord
; de lalettre E,à l'Europe, lalettreC
indiqueque
lesespèces qu'elle précède sontcosmopolites etsontcommunes
à l'Amériquedu Nord
.Diptera.
— C Musca
domestica,Musca
carnaria= E
Sarcophaga carnaria,G
Cyrtonenrastabulans,G
Calliphora vomitoria,G
[C. erythrocephala,~\G
Lucilia cœsar,E
Sarcophagacarnaria,E
S. arvensis,E
8. laticrus,G
Piophila caseiG
P.petasionis,E Anthomyia
vicina (espècesinconnues),E
Thyreophoracynophila,E
T. furcata,E
T. anthropophaga,G Ophyra
leucostoma,E
O. cadaverina Pyrellia cadaverina,E
Lonchea nigrimana,G Phora
aterrima.Coleoptera. — C
Dermesteslardarius,G
D.frischii,G
D.undulatus,G
Necro- bia=
Ernatus ruficollis,G
U. cœruleiis,=
violacens.G
Necrophora Ifossor),inter-ritptus,
G
N. humator,G
[silpha littoralis)=
Asboluslittoralis,G
S. obscura,A
[$*noviboracensis~\.
G
Hister cadaverinus,A
H. fœdatus,G
Saprinus rotundatus,A
\_S.assimilis~\,G
attagenuspellio,C
Anthrenusmuseorum,G
Tenebrio molitor,G
T.obscura-!,G
Ptnu-i brunneui,G
Philonthus ebeninus,G
[P. politus~\,G
Rhizo- p/iagusparallelocollis,G
\_Omosita colon,A Trox
unistriatus~\.Lepidoptera. — E
Aglossa piiiguinalis,G
A. cuprealis,G
Tiaeola bisellielaG
T. pjellionella.Acaui.
— E Uropoda
nummularia,~E Trachynotus cadaverinus,G
Tyroglyphus spinipes, T. siro,G
T. longior, EGlyciphagus spinipes,E
67. cursor,E
Serrator amphibius,E
S. necrojphagus.Thysanura. — E
Achorutes armatus,E
Templetonianitida.Ilestintéressantde constater parce tableaule
nombre
restreint d'espèces del'ordre diptère, coléoptère,acarienetlépidoptèrequel'onrencontreenFrance;
en pratique,l'identification devientdonc relativement facile.
Il faut avoir bien présent àl'esprit
que
les observations deMègnin
n'ont été prisesque
surdes cadavres humains. C'estun
fait dignederemarque
que deconstater l'absencedans ce tableau de certaines espèces qui s'attaquent àla chair des animaux,des oiseaux etdes reptiles. soit qu'ils n'apparaissent pas dansla liste de Mégnin, soient qu'ils ne s'attaquent au cadavrehumain que
longtempsaprèsladernièreescouade mentionnéeparl'éminententomologiste.Les insectesnécrophores, parexemple,qui s'attaquentaugibier,aprèsquelquesjoursd'exposition, n'envahissent le cadavre
humain
qu'après plusieurs mois.De
sorteque, à notreidée, lesopinions basées sur des expériencesfaitessur lachair desanimaux, des
chevaux
par exemple, misesen conti'adictionaveccelles de .M.Mégnin, ont
peu
de valeur pratique ; ce qu'il faut plutôtcesont des expériences faites sur des restes humains, d'après des dates précises et sous conditions météorologiquesnotéesavec soin. C'est dans cette idéeque
nous avons fait certaines observations dont nousparlerons bientôt, et d'autres qui ne sont pas encore terminées.Nous
avonscommencé
nos étudesily
a2 ans.Aucune
observationque nous
sachionsn'a encore été publiée,sur cesujet,aux
Etats-Unis,ou au
Canada.(Avec lagracieusepermission du Montréal Médical Journal.)
8
Afin de
comparer
les résultats sous les différents climats,nous avon&
recherché quelle étaitlatempérature
moyenne du
sol etde l'airde Montréal,Greenwich
etParis. (Les observations parisiennes ont été prisesàune profon.deur
un peu
différentede celle desautres).La
différencedelatempérature en été est beaucoupmoins
considérable qu'on ne pourraitle croire; celapourraitexpliquerla concordance générale de nosrésultats avec ceux de Mégnin.Les
particularitésdu
climatdu Canada
sontun
hiverlonget froid, pendant lequel laterre est couverte d'une épaisse(Aveclagracieusepermission duMontréal Médical Journal)
etle30septembre,estde 65àMontréaletde 53àParis.
La
températuremoyenne
de l'étéestun peu
plus élevée àMontréalqu'à Paris.La
proportionde l'humi- dité, enété,est de 72à Montréal etde 71 à Paris.La
fauneque nous
avonsétudiée provient desenvirons de Montréal..#.
TEMPERATIJIîEDli l'air °FAIIH.
MOYENNHS MENSUICLLKS
TEMPÉRATURE DU SOL
»FARHENHEIT MOYENNES MENSUELLES
Montréa Paris Green- wich
Montréal à 40 pouces
Paris à 40 pouces
ureen- wich à 38 pouces
Mont-
réal à I
pouce
Paris à 2 pouces
Green- wich
à 1
pouce
Janvier
10
les 12 qui restent sont rares sur ce continent.
Par
contre,nous avonsrencontré deux espèces qu'ilne mentionnepas, ce sont les insectesTrox
et Omosita, qui sont rares en France, quoiqu'appartenantau
genre Sarcophaga.Nous
avons rencontréconstamment
les diptères de la première et de la seconde périodes,sur les cadavresexposéspendant
lasaisonchaude
; toutau
contraire,nous
neles avons pastrouvéspendant
l'hiver, àmoins que
les corps eussentété gardés à l'intérieurdes maisonspendant quelquesjours. L'exception suivante vaut lapeined'être notée.Le
cadavre d'un aliéné échappé d'un asile le 22(Aveclagracieusepermission du Montréal MédicalJournal.)
11
Une
déductionqui n'estpas mentionnée par Mégnin, maisqui nousa été d'une utilité pratique considérable, c'estque
lorsque l'on trouve des pupes de diptèresvides, on peut direque la durée de l'exposition n"a pas étémoindre
d'unmois
; tandisque
l'absence de pupes vides indiqueque
l'exposition neremonte
pasà plus d'un mois, pendant letemps
chaud.Nos
observations sontabsolument semblablesà celle de Mégnin,quant
à l'ordre de succession. Ainsi, lorsque les acariensexistaient, nous avons trouvé la preuveque
les genres Bilpha etHister les avaient précédés.Nous
n'avons rencontré legenre Pyophila que lorsque lasaponificationdu
cadavreétait très avancée.Les
Dermestesexistaient avantlapériode de saponification, mais pasau
début de la décomposition. Les genres Calliphora et Lucilia sont les insectesque nous avonsrencontrés jusqu'à la findu
premier mois, dans des casoù
lesdates ontpu
être établies d'une manière certaine.Nous
n'avons pas trouvé le genre Lucilia danslescasoù
l'exposition n'avait duréque
quelques jours.Nous
n'avonsjamais rencontré les genres Attagenus, Anthrenus, Tenebrio etPtinus,maiscomme,
dansaucune de nosobservations,l'expositiondescadavres n'avaitatteint lapériode d'invasion de ces insectes,mentionnée par Mégnin,leur absenceconfirme larègle générale établiepar lui.Dans un
casoù la durée de l'exposition, établied'une manière certaine, avait étéde 5 semaines, les osdu
crâne étaient à nu. les claviculescomplètement
dépouillées des parties molles et désarticulées, ces insectesn'ont pas été rencontrés.La
disproportion deladécompositiondesdifférentes partiesdu
corps, dansce cas, était absolu-ment
remarquable, carles organesabdominaux
étaientsibien conservés,qu'il a été possible de fairedesrecherches chimiquespour
l'arsenic.Chaque
foisqu'il a été possible de lefaire, nous avons élevéles larvesafindepouvoirdéterminer exactementle
temps
nécessaireaune
évolution complète.La
durée d'uncycle n'ajamais été moindreque
celle donnée par Mégnin. Ila étéextrêmement
difficiled'obtenir plusdedeux
générations.Malheureusement
le
pamphlet
publiédepuis par le bureau d'entomologie deWashington
n'avait pas encore paru lors de nos premières observations, et nous n'avonspu
leur appliquer lesexcellents conseils qu'ildonne
sur l'entomologie pratique.Dans une
affaire où l'undenous
(1) avait été appelécomme
expert,l'étude de lafaunefournit des renseignements précieux àla justice.Dans
les premiers joursdemai
1895, on trouva le cadavre d'un inconnu, le crâne percé parun
trou de balle,dansun
endroit désert.Le
cadavre avait subi en entierlatrans- formation en gras de cadavre ou adipocire, et dans plusieurs endroits, les os•étaientmisà nu.
Le
corps et ses vêtements fourmillaient de petites larves?blanches,
que
l'on reconnut à leurssauts caractéristiques, appartenirà l'espèce Pyophilacasei,cequifut vérifié]>arl'évolutionsubséquente deceslarvesDe
plus, le cadavre et lesvêtements étaientlittéralement couverts de grosses larves de diptèreset de pupesvidesque
nous nepûmes
identifier exactement. Il n'y avaitpas d'acariensni decoléoptères.La
théorie émise par la police étaitque
(1) Le docteur Villeneuve.
12
cetindividu avait été assassiné pendant l'hiverdans
une
maison située près de l'endroit où fut trouvé ce cadavre.La
présence en sigrand nombre
de dip- tères renversacomplètement
cette théorieenfaisantremonter
la date del'ex- positiondu
cadavreaux
jours chauds de l'étéou
de l'automne précédents.Lancées surcette piste, les recherches aboutirent à faire identifier le cadavre
comme
celui d'un inconnuqui avaitétévu danscevoisinage,pendantlesrécoltes etqui avaitsur luiun
revolver.Subséquemment
on trouva un revolver près de l'endroit oùavaitreposéle cadavre, cequidonna
raison à l'opinion émise toutd'abord parl'expert qu'ilagissait d'un casde suicide.Dans
lemois de février 1895, on apportaàl'un de nous (1)le cadavred'un enfant nouveau-né qui avaitété trouvé sousun
plancher d'unechambre
debain située directementau-dessus de lacuisine.On
fit enmême temps
rapport que,si lesdépositions des témoins étaientvraies, lecadavre de l'enfant devait avoir, étéplacéàl'endroitoù on l'avaittrouvé,cinqsemaines auparavant.
Des
étrangers avaientremarqué
quelaservante de lamaison, quel'onsupposait être lamère
de cetenfant, avait présentéun développement
abdominal suspect, quoiquela maîtressede la maison aitdéclaré àl'enquête qu'elle n'avait rien remarqué.Après
la nuit en question, cette rotondité disparut tout à coup, et lesmanières de lajeune fille parurentsingulières etétrangespendant lesquelques jourssui- vants.Une compagne
decetteservante,qui partageaitsachambre,
ditque,cettemême
nuit, l'inculpée était alléedans lachambre
debain,en disantqu'elleallaitchanger de bas, et qu'elle étaitrevenue couverte desang.
Un
mois plus tard, desdrapsdu
lit et des sous-vêtements de la servante, présentant des taches considérables de sang, furent saisispar la police. Mal- heureusement,un examen
vaginal convenablene fut pasfait lorsde l'enquête ;mais
nous apprîmessubséquemment
qu'uneespècedesage-femme
avaitexaminé
lajeune fille àla
demande du
coronerMcMahon
etqu'elleavait trouvé lessignes d'une grossesse récente. Quoi qu'il en soit, il paraissait établinon
seulementque
laservante avait été enceinte, mais qu'elle avait réellemont accouchée à l'époque mentionnée. Il restaitseulementà établir l'identité de l'enfant.Le
cadavreétaitdansun
étatde décomposition trèsavancée,et fourmillait d'insectes et de larves de Dennestes lardarius, de larves et de pupes, dont quelques-unesétaient vides, de Calliphora erythrocephala; quelquesmouches
adultes s'envolèrentà l'ouverturede la boîte qui avait renfermé le cadavre depuis quelques heures.Le
cadavre exhalait une forte odeur de vieux:fromage,et sasurface était criblée de trous creusés parles insectes Pas de tracesd'acariens au microscope. L'état avancé de putréfaction rendit impos-
sible toute constatationquantàlacausa delamort. Les
poumons,
quoiqu'ottïant quelquessignesque
l'enfant avait respiré, étaient tropdécomposés pour
per- mettre de conclure positivement.Le
cadavre ne présentait pasdemarques
de violence graves, lesseules qui pussent être appréciables sousles circonstances.L'enfant était
venu
aumonde
entre le8e mois et le termenormal
de lagros- sesse, iln'y avait pasde preuvequ'il eût reçu dessoins.(I) LedocteurWyatlJohiiston.
13
Ici, nous avons
une
anomalie bien étrange: les dépositions positives des témoins nemisaientpasremonter
lamort
àplus de5semaines, tandisque
d'aprèsMégnin,
laseule autorité surlesujet, le cadavre ne pouvait arriveren l'état oùil aété trouvé en
moins
de trois mois.Une
telle abondance d'insectes Calli-phora
nese rencontre pasnon
plus habituellement au printemps.Quant
à nouspersonnellement, nous n'avons jamaisvu un
cadavre dans cet état, aprèsun
mois seulement d'exposition.D'un
autre côté la situationdu
cadavre, entredeux
planchers, au-dessusd'unecuisine, était de nature à hâterledessèchementdu
cadavre, si favorableaux
Dermestes.Nous
avons alors fait quelques expé- riences; des insectes de dermestes mis en présence de cadavres d'enfants nou-veau
nés, ne les ontpas touchés pendant le premier moiset ne lesont envahis qu'àlafindu
deuxième, etencore ce résultatminimum
n'apu
être obtenuque
dansun
atmosphèresec.Nous
avons cru quelaprésencedes acides gras con- tenudansl'enduitsébacé aurait bienpu
hâter leschoses, mais, d'aprèsnos expé- riences, la présence de cesacidesn'apasparu
avoir d'action notable.La
contradiction entrel'expertise médicaleet les dépositions des témoins futremai'quée à l'enquêteet,'lorsdu
procès,elleeut pourrésultatl'acquittement del'inculpée.Dans
cetteaffaire, lescirconstances étaient certainement en con- tradiction aveclesthéories de Mégnin, maisla matérialité des faits n'a jamais été établie de manièreà écarter tout doute.Dans une
autre affaire, le cadavre d'une vieillefemme,
dansun
étatde décompositiontrès avancée, avec transformation des tissus en adipocire, fut trouvé dansun champ,
au mois d'août 1895.Les téguments
exposés étaient parcheminés et lesquelettede l'extrémité supérieuredu
cadavre étaitdépouillé en certainsendroits.Autant
qu'il a été possible de l'établir, l'expositiondu
cadavreremontait au milieu d'avril, c'est-à-dire qu'elle durait depuis plus de quatremois.Le
cadavre était envahi par les Diptères Calliphora erythroce- phala, Lucilia cœsar et Pyophila casei, les Coléoptères Silpha noviboracensis, Omosita colon, Hister fœdatus,Trox
unistriatuset Saprinusassimilis.En
plus, ily
avait, sur certaines partiesdu
corps,un grand nombre
d'acariens qui n'ont paspu
être identifiés parfaitement par les experts que nous avons consultés, maisqui incontestablement appartenaientau
genre Tyroglyphus.Les
constatations, dans ce cas,sontabsolumentceque
l'ondevait s'attendre àtrouverd'aprèslesthéoriesde Mégnin,quant aux
insectes présents, quoiqu'ils soient apparus àune époque beaucoup
plusavancéeque celleque
leur assigne Mégnin.La
présencededeux
espècesnon
mentionnées parlui,Trox
etOmosita, n'infirmepas l'exactitudede sesdires, carcesespècessonttrès rares en Europe.La méthode
deMégnin
de calculerl'intervalle entreles périodes d'aprèslenombre
d'insectes et laproportion des maies etdes femelles, paraît avoirune
fondationmoins
solide,quoique ce soitune
des premièresméthode employée
parlui, caril estimpossibledesavoir d'une manière certaine quelest lenombre
d'insectesqui ont primitivement envahile cadavre.
Nos
observationspour
les cadavresinhumés
serésument
àquelquesexamens
pour
desfins médico-légales etne sont pas asseznombreuses pour
avoir une valeurquelconqueau
pointdevue
de lastatistique.Nous
avons trouvé cons-14
tamraentle Philonthus politus, mais nous n'avons jamais rencontré le Bizo- phagus. Lesautres espèces étaientexcessivement rares, exceptédansles cas
où
lescadavres avaientété exposés durant quelquesjours, pendantlesjourschauds, et qui, ainsiqu'on devait s'y attendre, dans ces cas là, présentaient
un nombre
considérablede diptères, principalement del'espèce Calliphora.
Le Dr Murray
Motter a fait, à Washington, D.C,
de très intéressantes observationssur descadavres inhumés, qui seront publiées bientôt etqui nous ontétécommuniquées
privément. Elles tendent à établir que la faune des cadavresinhumés
àWashington
estbeaucoup
plus variée etbeaucoup
plusnombreuse que
l'on pourrait s'y attendre d'aprèsles rapports deMégnin pour
cequi regarde la France. L'importance decomparer
les résultatsdansdifférents endroitsestconsidérableetnous
osons émettre l'idéeque
la températuredu
sol fournirademeilleurs renseignements surceque
nouspouvons
attendre,que
ceuxquisont fournisparles conditions atmosphériques de température et de climat, tantpour
les cadavresinhumés que pour
les cadavres exposés.Conclusions: Ilparaîtétabli
que
desobservationsetdesexpériencesdevraient être faitesdans chaque localitéavantque
les connaissances actuellesenentomo-
logiepuissent être appliquéesgénéralementà la médecine légale.