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Glottopolitique et autogestion langagière en situation de minoration linguistique : le cas des locuteurs du berbère et du kurde

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Academic year: 2022

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Revue de sociolinguistique en ligne 

36 | 2022

Glottopolitiques engagées et solidaires : contextes, idéologies, histoire

Glottopolitique et autogestion langagière en situation de minoration linguistique : le cas des locuteurs du berbère et du kurde

Glottopolitics and language self-management in a situation of linguistic minorization: the case of Berber and Kurdish speakers

Salih Akin

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/glottopol/724 DOI : 10.4000/glottopol.724

ISSN : 1769-7425 Éditeur

Presses universitaires de Rouen et du Havre Référence électronique

Salih Akin, « Glottopolitique et autogestion langagière en situation de minoration linguistique : le cas des locuteurs du berbère et du kurde », Glottopol [En ligne], 36 | 2022, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 11 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/glottopol/724 ; DOI : https://doi.org/

10.4000/glottopol.724

Glottopol

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GLOTTOPOL

Revue de sociolinguistique en ligne n°36 – janvier 2022

Glottopolitiques engagées et solidaires : contextes, idéologies, histoire

SOMMAIRE

Émilie Lebreton, Fabienne Leconte, Coraline Pradeau : Introduction.

Salih Akin : Glottopolitique et autogestion langagière en situation de minoration linguistique : le cas des locuteurs du berbère et du kurde.

Marija Apostolović : L’enseignement/apprentissage du romani en Serbie : entre micro-actes glottopolitiques et reconfiguration des politiques officielles à l’école.

Papa Alioune Ndao et Moussa Diène : Écriture en wolof, pratiques glottopolitiques et stratégies de normalisation langagière.

Mokhtar Boughanem et Hassiba Benaldi : Les stratégies glottopolitiques de quelques auteurs algériens d’expression française : quels positionnements face aux langues ?

Michel Narcisse Ntedondjeu : Traduction, communication et diversité linguistique dans trois communautés de pratiques religieuses au Cameroun.

Philippe Blanchet, Christian Bergeron et Mylène Lebon-Eyquem : Étude exploratoire d’expériences de glottophobie en Provence réalisée auprès d’étudiants et d’étudiantes de l’université d’Aix- Marseille.

Moisés Abad Gervacio : Une action glottopolitique peut-elle en cacher une autre ? Le choix professionnel des enseignants mexicains de FLE.

Hélène Yèche : De Budyšin (Allemagne, RDA, RFA) à Serbin (USA). Vers une glottopolitique

« engagée » de l’espace sorabe ?

Anne-Christel Zeiter : Transmettre le français à des requérants d’asile ou le patois à des enfants d’Évolène : l’engagement en glottopolitique, entre redistribution et reconnaissance.

Lou Bouhamidi : L’assistance au récit d’asile ou l’engagement par la conformité. Un exemple de médiation glottopolitique.

Maxime Maréchal : Engagements institutionnels. Enjeux glottopolitiques de l’interprétation dans les instances décisionnaires de l’asile en France.

Marie Veniard : « Ne pas parler à la place des premiers concernés » : questionnements méthodologiques autour de la variation dialogique d’un impératif langagier dans le milieu des militants pour les droits des étrangers en France.

Coraline Pradeau : Actions glottopolitiques pour les oubliés des politiques linguistiques et éducatives : accueil et formation des personnes exilées et sans-papiers

Fabienne Leconte : Entre inspirations et contraintes administratives : des glottopolitiques à destination des mineurs isolés.

Valeria Villa-Perez et Sandra Tomc : La glottopolitique en (inter)action. Sur les microactes conversationnels des agents d’une communauté d’apprentissage.

Compte-rendus de lecture

Par Lou Bouhamidi : Pradeau Coraline, 2021, Politiques linguistiques d’immigration et didactique du français.

Regards croisés sur la France, la Belgique, la Suisse et le Québec, Presses Sorbonne Nouvelle, Paris, 311 pages, ISBN : 978-2-37906-061-8.

Par Coraline Pradeau : Carmen Alén Garabato & Henri Boyer, 2020, Le marché et la langue occitane au vingt- et-unième siècle : microactes glottopolitiques et substitution, Limoges, Lambert-Lucas, 140 p.

Par Christine Perego : Villa-Perez Valeria (dir.), 2021, Minorations en chansons : approches sociolinguistiques, Louvain-la-Neuve, EME éditions, 222 p.

Par Valeria Villa-Perez : Ploog Katja, Calinon Anne-Sophie et Thamin Nathalie, (dirs), 2020, Mobilité et Histoire et émergence d’un concept en sociolinguistique, Paris, L’Harmattan, coll. « Espaces discursifs », 352 p.

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GLOTTOPOLITIQUE ET AUTOGESTION LANGAGIÈRE EN SITUATION DE MINORATION LINGUISTIQUE : LE CAS DES

LOCUTEURS DU BERBÈRE ET DU KURDE

Salih AKIN EA 7474 Dylis, Université de Rouen

L’objet de notre article est d’étudier les actions glottopolitiques entreprises par des locuteurs de deux langues minorées. Les deux langues choisies pour cette étude, le berbère et le kurde, partagent de nombreuses caractéristiques communes. Parlées par des communautés linguistiques réparties sur plusieurs pays, le berbère et le kurde connaissent une fragmentation linguistique et la minoration. Exception faite de quelques instituts d’émergence récente et aux pouvoirs limités, le berbère et le kurde n’ont pas disposé d’institutions nationales qui pourraient prendre en charge les principaux domaines d’intervention glottopolitique tels que la standardisation, l’élaboration d’une littératie, d’une graphie, la terminologie, la néologie, la documentation, etc. Dans ces conditions défavorables dans lesquelles évoluent ces langues, la réalisation de ces tâches incombe souvent aux locuteurs et aux professionnels de langues (écrivains, journalistes, militants linguistes, etc.) conduits à élaborer des stratégies et des moyens d’intervention glottopolitiques sur leurs langues.

Dans cette étude, nous proposons d’analyser de façon contrastive les actions glottopolitiques pensées et façonnées par les locuteurs en tant qu’agents glottopolitiques, dans une perspective d’autogestion langagière. À la suite de Marcellesi et Guespin (1986), nous entendons par autogestion langagière la prise en charge collective du devenir des langues par les locuteurs eux-mêmes. Si le concept a émergé d’abord comme un projet de sensibilisation et d’association des locuteurs aux processus de prise de décision dans la gestion des langues et des pratiques langagières, il nous semble particulièrement approprié dans le contexte des langues minorées.

Dans un premier temps, nous contextualiserons la situation linguistique et sociolinguistique du berbère et du kurde. Dans un second temps, nous analyserons les actions glottopolitiques élaborées et mises en œuvre par leurs locuteurs dans les différents domaines se rapportant à la planification linguistique.

Deux précisions terminologiques s’imposent à ce stade. Comme nous allons le voir, les deux langues se répartissent en plusieurs variétés et sont parlées dans plusieurs pays. Dans cette étude, nous adoptons pour simplifier l’appellation berbère pour désigner toutes les variétés berbères, qu’il s’agisse du kabyle, du tamazighe, de l’amazighe, du chleuh et du touareg. De la même façon, nous utiliserons l’appellation kurde pour désigner les différentes variétés de cette langue comme le kurmanji, le bahdini, le sorani, le zazaki et le gorani, etc. Par ailleurs, notre étude de l’autogestion langagière sera limitée, dans la situation du kurde, à celui entrepris pour

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le kurmanji parlé en Turquie. Ce choix s’explique par plusieurs facteurs : dialecte parlé par plus de 65 % des Kurdes, le kurmanji est en même temps celui qui ne bénéficie d’aucun statut officiel. Comme nous le verrons, il s’agit également de la variété dont l’immense majorité des locuteurs, répartis en Turquie, a subi l’une des politiques linguistiques les plus répressives, qui s’est traduite par l’interdiction de son usage écrit, et parfois oral, jusqu’aux années 1990.

La situation linguistique et sociolinguistique du berbère et du kurde

Nous allons présenter dans cette section la situation linguistique et sociolinguistique des deux langues. Un trait caractéristique des langues est leur fragmentation en plusieurs variétés et leur statut variable selon les États où elles sont parlées.

Des langues fragmentées dans leurs structures linguistiques

Le berbère et ses différentes variétés forment une branche de la famille des langues chamito- sémitiques. Le kurde se situe dans le groupe indo-iranien de la famille des langues indo- européennes. Les deux langues renferment plusieurs variétés et n’ont pas donné naissance à une langue standard et unifiée.

Ainsi, la base de données Glottolog recense 27 variétés berbères (tamazight en berbère) qui se déclinent sous plusieurs appellations selon les pays et les régions où elles sont parlées1. On se limitera à mentionner trois variétés dominantes : le kabyle (taqbaylit, Algérie), le chleuh (tachelhit, Sud du Maroc) et le touareg (tamacheq, Sahara-Sahel). Le nombre de berbérophones est difficile à évaluer en l’absence de recensements linguistiques fiables. D’après S. Chaker (2004), il existerait entre 22 et 25 millions de locuteurs berbérophones, dont environ 11 millions se trouvent au Maroc et 9 millions en Algérie. À cette population s’ajoute une communauté d’environ 1 000 000 et 1 500 000 locuteurs berbérophones en France (Caubet et alii, 2002).

Il en va de même pour les variétés kurdes parlées par des locuteurs dont on estime le nombre à plus de 30 millions (Sheyholislami, 2012). Ces variétés sont généralement réparties au sein de trois groupes. Le groupe septentrional comprend deux dialectes majeurs : le kurmanji (parlé par les Kurdes de Turquie, de la Syrie orientale, de l’Iran occidental et du Caucase, ainsi que par des Kurdes de la diaspora) et le bahdini, parlé dans la région de Bahdinan au Kurdistan irakien. Le groupe central inclut trois dialectes : le sorani parlé par les Kurdes d’Irak vivant dans les localités d’Erbil, Kirkouk, Soulaimania, le mukri parlé en Iran, au sud du lac d’Ourmia, le sinei, parlé dans la province iranienne du Kurdestân. Le groupe méridional (Windfuhr, 2009) est constitué de nombreux dialectes hétérogènes dont les plus significatifs sont le kermanshahi, le lori, le sanjabi, le kalhori parlés dans la province iranienne du Kermânshah. À ces trois groupes, certains chercheurs ajoutent un quatrième, constitué du zazaki et du gorani, appelé aussi le hawramani (Hassanpour, 1992) et parlés respectivement dans la région est et sud-est de la Turquie et dans la province iranienne du Kermânshah.

Les deux langues connaissent donc une forte fragmentation due à la fois aux conditions sociopolitiques, à l’éparpillement des locuteurs sur plusieurs pays et à l’absence d’une autorité centrale. Des langues pendant longtemps non enseignées, marquées par l’oralité, dévalorisées et stigmatisées ont connu un développement fragmentaire qui se manifeste à plusieurs niveaux.

Fragmentation tout d’abord au niveau de la structure des langues constituées de plusieurs dialectes, comme nous venons de le voir. Fragmentation aussi au niveau de la codification des sons. Différents alphabets sont en usage, largement déterminés par les alphabets des États où les langues sont parlées : les alphabets arabe, latin, cyrillique pour le kurde ; arabe, latin et tifinagh pour le berbère. Fragmentation enfin au niveau des structures linguistiques. Comme on

1 https://glottolog.org

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peut s’y attendre, les incidences des langues dominantes tant au niveau lexical et phonologique que morphosyntaxique sont nombreuses (voir Akin, 2013 ; Dorleijn, 1996 ; Haig, 1998 ; Matras, 1992-1993 pour le kurde ; Boukous, 2010 ; Chaker, 2004 pour le berbère).

Un statut précaire et variable des langues

Parallèlement à la fragmentation des structures linguistiques des langues et à la dispersion des communautés de parole sur plusieurs pays, les deux langues se distinguent aussi par leur statut précaire et variable dans le temps et dans l’espace. Ainsi, après des décennies de politiques d’interdiction, le berbère a acquis en 2002 le statut de « langue nationale » et en 2016 celui de « langue officielle » en Algérie. Il bénéficie également du statut de « langue officielle » depuis 2011 au Maroc. Pour sa part, le touareg bénéficie du statut de « langue nationale » au Niger et Mali depuis les indépendances de ces pays. En revanche, aucun statut n’est accordé aux variétés berbères en Mauritanie, en Tunisie et en Egypte, où il existe des communautés berbères plus ou moins importantes.

La situation du kurde est similaire à celle du berbère. Après avoir longtemps été dépourvu de toute reconnaissance, le kurde jouit d’un statut de langue officielle en Irak. Cette reconnaissance est intervenue à la suite du renversement, en 2003, du régime de Saddam Hussein et de l’adoption, en 2005, d’une nouvelle Constitution, qui a consacré l’arabe et le kurde comme les deux langues officielles du pays. En Syrie et en Iran, le kurde ne bénéficie d’aucune reconnaissance officielle. Cependant, depuis la guerre civile qui sévit en Syrie depuis 2011, une grande partie de la région kurde en Syrie est contrôlée et auto-administrée par des organisations kurdes. La langue kurde a été introduite dans le système scolaire et universitaire, l’apprentissage de la langue est également possible au sein d’associations culturelles. En Turquie, le kurde a subi les politiques les plus répressives en ce qui concerne ses usages parlés et écrits ainsi que son enseignement et son utilisation dans le discours écrit. Il n’est pas inapproprié, ici, de parler d’un cas exemplaire de langue victime d’une tentative d’ethnocide linguistique, ou de glottophagie (Calvet, 1974). Des moyens juridiques, politiques, économiques, linguistiques et sociaux ont été utilisés pour éloigner la langue des sphères socioculturelles dans lesquelles elle devrait normalement se développer, pour interdire son utilisation dans les espaces de communication publics et privés, et ainsi empêcher sa transmission intergénérationnelle. Après avoir été longtemps frappé d’interdit dans ce pays, le kurde a bénéficié dans les années 2000 d’une évolution positive de la politique linguistique turque, qui s’est traduite notamment par la levée d’une série d’interdictions sur l’usage oral et écrit du kurde dans les sphères privées et publiques2, la possibilité d’attribution des prénoms, la création des chaires de langue et littérature kurdes et de la chaine de télévision TRT6 qui émet des émissions en kurde.

Les lieux et domaines de l’autogestion langagière

Après cette rapide présentation sociolinguistique, nous allons maintenant examiner les lieux et les domaines d’autogestion langagière. Une attention particulière sera portée aux lieux et aux acteurs impliqués dans la défense et dans la promotion des langues et aux formes et aux domaines des actions glottopolitiques.

2 Un décret-loi n° 2932 relatif aux publications en d’autres langues que le turc en date du 22 octobre 1983 instituait le turc « comme la langue maternelle des citoyens turcs » et interdisait aux citoyens « d’utiliser comme langue maternelle d’autres langues que le turc et de se livrer à toute activité visant à la diffusion de ces langues ».

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La communauté linguistique et la diaspora

Deux lieux émergent comme espaces de mobilisation et d’autogestion en faveur des langues minorées. Le premier lieu est bien entendu circonscrit dans la communauté linguistique3, qui lui sert historiquement de support territorial. Le second lieu se constitue comme conséquence de l’éparpillement des locuteurs en dehors de leurs territoires d’origine, donnant naissance à la formation des communautés diasporiques.

Selon Balibar (1985), la communauté linguistique est l’espace socioculturel dans lequel la langue comme « institution sociale » est non seulement le médium principal de communication, mais aussi le marqueur le plus saillant de l’identité des locuteurs. Dans le cas du berbère et du kurde, la communauté linguistique se caractérise par des situations de contacts de langues et par le statut asymétrique des langues en présence. L’inégalité des ressources allouées aux langues a pour conséquence d’immerger les locuteurs des langues minorées dans les langues et cultures dominantes. Les communautés linguistiques berbérophones et kurdophones, bien que réparties sur plusieurs pays, font apparaitre une continuité territoriale comme espace de mobilisation.

La diaspora comme espace de mobilisation en dehors des territoires d’origine est celle qui est sans doute la plus remarquable en ce qui concerne l’autogestion langagière. Les diasporas berbère et kurde sont bien implantées en Europe. Pour la diaspora berbère, les pays concernés sont principalement la France, les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne et l’Italie. Les estimations font état d’une population d’environ quatre millions de personnes4.

La mobilisation kurde en diaspora a commencé d’abord dans les années 1930, en Syrie sous mandat français. Un groupe d’intellectuels et d’activistes regroupés à Damas autour des frères Bédir-Khan a œuvré à la réforme du dialecte kurmanji du kurde (Tejel-Gorgas, 2006). Les conditions sociopolitiques dans les différentes parties du Kurdistan ont ensuite conduit des milliers de Kurdes sur les chemins de l’exil, aboutissant à la constitution d’une diaspora dont les membres sont répartis essentiellement en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Grande- Bretagne et dans les pays scandinaves. Selon Grojean, il s’agit de la plus grande diaspora apatride au monde et le groupe le plus actif en Europe sur le plan politique (2011 : 182). Les estimations du nombre des membres de la diaspora kurde s’élèvent à 2,5 millions (Pauwels, 2019), dont près de 75 % est formée de Kurdes de Turquie.

Les diasporas berbère et kurde en Europe ont joué un rôle déterminant au début de l’autogestion langagière dans les années 1970 et 1980. Alors qu’aucune des langues n’était encore reconnue dans leurs pays d’origine, et que les recherches sur les langues étaient mal vues, sinon interdites, comme dans le cas du kurde en Turquie, les diasporas ont offert aux réfugiés berbères et kurdes des ressources matérielles, des expertises scientifiques et des libertés d’action en faveur de leur langue. Pour beaucoup de réfugiés politiques, la diaspora est devenue un lieu de transformation de la lutte politique en combat pour la langue et la culture minorées.

Les domaines des actions glottopolitiques

La présentation des lieux et des formes de l’autogestion langagière montre des locuteurs engagés à la fois sur le plan individuel et collectif, au sein de leur communauté linguistique comme en diaspora. Nous allons maintenant aborder les domaines linguistiques dans lesquels l’autogestion langagière se manifeste. Comme on le sait, les actions glottopolitiques couvrent les interventions micro et macro sociolinguistiques. Elles peuvent aller des interactions quotidiennes et des représentations linguistiques produites par des locuteurs ou des associations de défense et de promotion des langues minorées aux interventions des différentes instances

3 Pour une discussion du concept « communauté linguistique », voir Bretegnier (1999 : 51-53).

4 Déclaration du Congrès mondial amazigh à l’occasion du Forum permanant des peuples autochtones, New York, 18-24 mai 2009.

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gouvernementales, des commissions de terminologie, des académies de langues. Dans le cadre de cette étude, nous proposons d’illustrer ces actions en tant qu’elles relèvent d’une autogestion langagière dans les différents domaines liés à la planification linguistique. Il n’est pas de notre propos de sous-estimer le rôle des pratiques langagières et des représentations linguistiques dans le devenir des langues minorées, car elles sont souvent de nature à légitimer l’absence ou l’octroi d’un statut aux langues minorées. Par exemple, malgré une politique d’ouverture envers le kurde dans les années 2000 en Turquie, le vice-premier ministre turc Bülent Arinç a déclaré, en 2012, face aux revendications d’une éducation en langue maternelle kurde, qu’« il ne peut y avoir d’éducation en kurde, parce que le kurde n’est pas une langue de civilisation »5. Les représentations linguistiques tout comme les jugements épilinguistiques relèvent donc bien des actions glottopolitiques, que Haarmann (1990) avait considérées comme une troisième dimension de la planification linguistique. Venant compléter les activités de planification du statut et du corpus, ces actions, qu’il définit comme la « planification du prestige » sont destinées à « créer un contexte psychologique favorable, ce qui est crucial pour le succès à long terme des activités de planification linguistique ». Elles visent à influencer la façon dont une langue est perçue par les locuteurs et la considération qui lui est accordée.

L’intérêt que nous portons à l’examen des actions glottopolitiques liées à la planification linguistique en contexte de minoration se justifie par notre volonté de mettre au jour les stratégies façonnées par les locuteurs dans les domaines de planification du corpus et du statut.

Considérés comme les deux piliers du domaine de la glottopolitique (Haugen, 1983 ; Calvet, 1996 ; Hornberger, 2006), ces deux domaines sont généralement pris en charge par des acteurs étatiques et nécessitent des moyens et cadres institutionnels, financiers et parfois coercitifs.

Dans bien des cas, bien que les locuteurs des langues minorées ne disposent pas de ces moyens et cadres institutionnels, ils tentent de mettre en place des actions glottopolitiques pour différentes finalités telles que la standardisation, l’élaboration d’une littératie, d’une graphie, la terminologie, la néologie, etc.

La planification du corpus

Contrairement à la grille d’analyse classique, qui interroge dans un premier temps les actions visant la planification du statut, compte tenu des particularités de la situation sociolinguistique du berbère et du kurde, nous commencerons par répertorier les actions dans le domaine de la planification du corpus. Nous verrons dans un deuxième temps comment ces actions pourraient se répercuter sur la planification du statut. La planification du corpus concerne toutes les interventions glottopolitiques sur la forme des langues et consiste généralement à les doter d’une orthographe, d’une grammaire et d’un lexique.

− La notation des sons et le développement de la littératie

L’orthographe en tant que système de règles concernant l’écriture d’une langue revêt une importance tout particulière s’agissant des langues longtemps caractérisées par l’oralité. Cette importance vaut non seulement pour les besoins d’enseignement et d’apprentissage des langues, mais aussi pour le développement de la littératie et d’une littérature. Dans le cas du berbère et du kurde, l’élaboration d’une orthographe s’est concrétisée en plusieurs alphabets. La répartition des communautés berbère et kurde en plusieurs États conduit les locuteurs à mettre au point des alphabets d’une part en tenant compte des alphabets de ces États et d’autre part en s’inscrivant dans un processus d’individuation.

5 CNN Turk, le 07/02/2012

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− Le choix d’un alphabet comme moyen d’individuation linguistique

Si l’on ne prend pas en compte l’alphabet lybique, le premier système d’écriture berbère attesté en Libye antique et de nature principalement consonantique (Camps et alii, 1996), le berbère s’écrit actuellement en trois alphabets distincts : arabe, latin et tifinagh.

L’usage de l’alphabet arabe par les Berbères intervient à la suite de la conquête arabe et de l’islamisation de l’Afrique du nord. Tous les royaumes islamo-berbères du Moyen Âge ont utilisé l’alphabet arabe pour noter le berbère (Chaker, 1996). Cet alphabet a été approprié par l’élite religieuse qui avait le monopole de l’écriture (El Khatir, 2005) et constitue ainsi le support des premières traces d’écriture en langue berbère à partir de la conquête arabo- musulmane : traités juridiques, textes scientifiques et théologiques rédigés en langue berbère et adaptation du Coran en berbère. Les règles de notation du berbère en caractères arabes ont été mises au point par Mohamed Chafik, académicien au Maroc et véritable doyen du mouvement berbère (Pouessel, 2008). Si l’usage de l’alphabet arabe pour transcrire le berbère est attesté à différents degrés dans le monde berbérophone, il reste surtout en usage chez les auteurs berbères de la région chleuh, dans le sud marocain (ibid.).

Mais un alphabet n’est pas qu’un système d’écriture, il est aussi un marqueur identitaire, un système sémiotique qui manifeste des appartenances culturelles. Dans le contexte de l’affirmation de l’identité berbère, l’alphabet arabe utilisé en Algérie et au Maroc symbolise pour beaucoup de militants berbères la langue arabe « imposée et exogène », « l’ethnisation de l’Islam » (ibid.), ainsi que la politique d’arabisation à laquelle elle servirait de support. Dès lors, les militants berbères, malgré des ressemblances structurales entre le berbère et l’arabe du fait de leur appartenance au groupe de langues chamito-sémitiques, vont essayer de distancier les deux langues (Sini, 2016 : 151) en introduisant l’alphabet latin et l’alphabet tifinagh.

Bien que les caractères latins aient été principalement introduits au Maghreb par la conquête française, à travers les textes berbères recueillis par les missionnaires, militaires et chercheurs occidentaux (Pouessel, 2008), la forme de l’alphabet berbère latin a été fixé par le linguiste et militant Mouloud Mammeri dans les années 1960. Cet alphabet, qui a fait l’objet d’un réaménagement en 1982 par le linguiste Salem Chaker, professeur de berbère à l’Inalco, comporte 23 lettres latines standard et 10 lettres supplémentaires.

Aujourd’hui, les caractères latins sont généralisés en Kabylie, présents au Maroc et dominants dans l’ensemble de la recherche universitaire à l’étranger, en Kabylie et dans certains milieux associatifs marocains (Abrous, 1995). Cet alphabet qui peut, selon Salem Chaker, devenir un moyen d’unification des différentes variétés berbères, a permis dans le même temps de fixer tout un pan de la tradition orale kabyle et a contribué au travail sur la langue en élaborant des grammaires et dictionnaires (Pouessel, 2008). Mais le véritable enjeu de l’alphabet latin réside dans le symbole qu’il représente aux yeux de nombreux militants berbères : les caractères latins résonnent avec la modernité, au sens de reconnaissance par les grandes langues internationales. Selon Sini, l’alphabet latin permet aux militants berbères « de marquer leur adhésion à la sphère de civilisation euro-occidentale, dont l’expansion planétaire s’accompagne de celle des outils de la grammatisation contemporaine que sont l’espagnol, le français ou l’anglais » (2016 : 146).

La réémergence de l’alphabet tifinagh, un vieil alphabet berbère, semble s’inscrire dans le même mouvement d’individuation et de volonté de démarquage identitaire par rapport à l’arabe et à l’Islam. C’est à partir des années 1970, à l’initiative d’un groupe militant kabyle basé à Paris, au sein de l’Académie berbère, que l’alphabet tifinagh est fixé dans une version fortement modernisée, pour la notation usuelle du berbère (Chaker, 1996 : 90). Cette écriture, composée pour partie de signes traditionnels et pour partie de signes inventés, se diffuse rapidement non seulement en Kabylie, mais aussi dans toutes les autres régions berbérophones, dans la presse comme dans l’enseignement (Maroc, domaine touareg) et dans les milieux militants et

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populaires. De telle sorte que les caractères tifinaghs acquièrent un caractère officiel au Maroc en 2003 en vue de la retranscription et l’enseignement officiels de la langue berbère.

Le succès du tifinagh s’explique par le repositionnement identitaire qu’il opère dans le contexte berbère. Perçue comme « autochtone » et « authentique », cette écriture participe de la construction d’une identité berbère indépendante de tout attachement religieux. Selon Chaker, elle présente « le double avantage de marquer l’appartenance historique incontestable de la langue berbère au monde de l’écriture et d’assurer la discrimination maximale par rapport aux cultures environnantes puisque cet alphabet est spécifique aux Berbères » (2004).

L’alphabet tifinagh joue un rôle glottopolitique déterminant dans la prise de conscience identitaire et dans la mobilisation pour la réhabilitation de la berbérité au point où les caractères tifinagh se confondront avec la langue berbère, dans la conscience des militants et sympathisants de la revendication berbère. Cependant, Chaker note que, malgré le symbole identitaire qu’il représente et son adoption par décision, en 2003, de l’Institut Royal pour la Culture Amazigh comme alphabet officiel du berbère au Maroc, l’alphabet tifinagh reste limité dans les usages, car tous les départements de Langue et Culture amazighes dans les universités utilisent la graphie latine (2018).

− L’élaboration et la diffusion d’un alphabet en exil

Comme dans le contexte berbère, c’est par le travail collectif des agents glottopolitiques que la notation des sons du kurde a été codifiée. Après le démembrement de l’empire ottoman, les militants kurdes, qui n’ont obtenu aucun statut politique pour leur communauté répartie dans des États-nations construits au lendemain de la première guerre mondiale, trouvent dans les travaux sur leur langue un moyen de poursuivre leur combat sur le plan culturel et politique. La codification de la notation apparait pour eux comme une priorité pour laquelle ils se sont mobilisés.

Jusqu’aux années 1930, le kurde s’écrivait exclusivement en alphabet arabe adapté à ses particularités phonétiques, notamment avec l’ajout des signes diacritiques pour la notation des voyelles. C’est dans les différentes variantes de cet alphabet que les premières œuvres littéraires en kurde ont été produites, comme en témoignent les œuvres de Feqê Teyran (15e siècle), Ehmed Mele Batê (15e s.), Meleyê Cizîrê (16e s.), Ehmedê Xanî (17e s.). Bien qu’un essai de latinisation ait été entrepris en 1927, par deux groupes d’intellectuels, l’un réfugié en URSS et l’autre en Irak, puis, en 1933, par le militant et lexicographe kurde Tawfik Wahbi, c’est en Syrie sous mandat français qu’a été élaboré un alphabet latin adapté aux particularités phonétiques du kurde kurmandji (Akin, 2006). C’est un groupe d’intellectuels kurdes originaires de Turquie et exilé en Syrie qui entreprend des travaux de latinisation. Il s’agit de l’émir Djeladet Bédir- Khan, aidé par ses frères Sureya et Kamiran et de quelques autres collaborateurs, dont des Français comme Roger Lescot, Pierre Rondot ou Thomas Bois. Leurs travaux aboutissent à la publication en 1931 d’un alphabet latin, présenté et diffusé dans les colonnes de la revue Hawar [Secours] publiée à Damas. L’alphabet comprend 31 caractères, dont 8 voyelles et 23 consonnes.

Les motivations qui conduisent les locuteurs à cette élaboration sont d’ordre utilitaire et identitaire. Utilitaire, car le nouvel alphabet est très proche de l’alphabet turc latin qui a été adopté en 1928. Or, le dialecte choisi comme base du nouvel alphabet est le kurmanji, parlé majoritairement par les Kurdes de Turquie. Ceux-ci sont par ailleurs scolarisés en turc, l’enseignement et les publications en kurde étant strictement interdits à l’époque en Turquie.

Les auteurs du nouvel alphabet trouvent dans l’alphabet turc latin un moyen d’accès et de diffusion du nouvel alphabet kurde, destiné en premier lieu aux kurmanjiphones. Au niveau des projections identitaires, les caractères latins représentent aux yeux des locuteurs la modernité et offrent de nombreux avantages : les échanges avec l’Europe et avec un nombre très important

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de pays utilisant l’alphabet latin seront facilités, la possibilité d’employer le matériel technique (imprimerie, machines à écrire, installations téléphoniques, etc.) créé sur la base de l’alphabet latin permettra une meilleure diffusion du kurde, etc. Mais ces aspects techniques semblent mineurs par rapport à la signification culturelle associée à l’usage de l’alphabet latin :

« Évidemment, nous les Kurdes aussi nous aspirons à nous moderniser, l’adoption de l’alphabet latin est une de ses preuves » (Hawar, n°1, p.10, 1932). Ainsi, l’emploi de l’alphabet latin apparait-il comme un choix politique d’ouverture vers les valeurs universelles que cet alphabet est censé représenter.

L’alphabet élaboré en exil, dans un milieu très restreint d’intellectuels et de militants a connu une belle fortune, devenant l’outil de travail de la plupart des lettrés kurdes appartenant au kurmanji. Avant d’être repris dans la plupart des publications en kurmanji, l’alphabet a été utilisé pour d’autres périodiques et ouvrages édités en Syrie, dont les revues Ronahî [Clarté]

(1942-1944) et Roja Nû [Le Jour Nouveau], 1943-1946), édité à Beyrouth. Il a donné naissance à une production littéraire qui ne cesse de se développer et s’est imposé comme le seul moyen d’écriture en kurmanji.

Une autre expérience de notation du kurde a été menée en 1946 en Arménie par l’écrivain et chercheur kurde Heciyê Cindî, donnant naissance à un alphabet cyrillique, constitué de 40 caractères. Bien que cet alphabet ait servi à la publication de nombreux livres, dictionnaires, manuels en kurmanji dans les anciennes républiques de l’Union soviétique, il n’est plus en usage de nos jours.

− L’élaboration des grammaires dans une perspective normative

L’initiative individuelle domine également l’élaboration des grammaires. Dans le domaine berbère, on note l’entreprise de Said Boulifa, instituteur. Kabyle, et premier diplômé du brevet de langue kabyle créé en 1885 à l’École normale supérieure de Bouzaréat, à Alger, il publie une Méthode de langue kabyle en 1913 (Chaker, 1991 : 46). Au-delà de la description grammaticale qu’elle fournit, la Méthode contient aussi des réflexions ethno-historiques qui s’apparentent à une « défense et illustration de la langue kabyle » (op. cit. : 17). Ainsi que le dit Sini (2015),

« en écrivant sa Méthode de langue kabyle directement en kabyle et avec les caractères communément appelés latins actuellement dans le milieu berbérisant, S. Boulifa venait […]

d’offrir aux Kabyles de sa génération ainsi qu’aux futurs militants kabyles la preuve que, comme le français et l’arabe, « le berbère ça s’écrit ». La grammaire est donc aussi un moyen d’exhiber l’écriture d’une langue. Cependant, le précurseur de la grammaire berbère est Mouloud Mammeri, qui a rédigé un Précis de grammaire berbère en 1988. Linguiste, anthropologue, écrivain, militant de la cause berbère, Mammeri a produit un grand nombre de recherches sur le berbère. L’activité grammatisante et berbérisante de M. Mammeri servira de base aux jeunes générations d’auteurs kabyles. Parallèlement à ces deux œuvres fondatrices basées sur l’initiative individuelle, d’autres descriptions grammaticales voient le jour, souvent issues de thèses de doctorats (Naït-Zerrad, 1995 ; Sadiqi, 1997). Au niveau institutionnel, c’est l’Institut Royal de la Culture Amazigh (IRCAM), où s’élabore, dans un objectif d’unification des parlers amazighs marocains, une grammaire fruit d’un collectif de chercheurs.

De la même façon, l’élaboration des grammaires kurdes est le fait de militants et activistes.

[Si l’on ne prend pas en compte les descriptions faites par les missionnaires et orientalistes (Garzoni, 1787 ; Rhea, 1869 ; Soane, 1919 ; Jardine, 1922 ; Béidar, 1926), les bases de la première grammaire de référence ont été jetées à Damas, par Djeladet Bédir-Khan, qui écrit en 1934 Bingehên Gramera Kurmandji [Fondements de la grammaire du Kurmandji]. Ce travail sera repris par Roger Lescot, qui publiera une version revue et augmentée en 1970 à Paris. Alors que la première grammaire est rédigée en dehors des territoires kurdes, en exil, l’ouverture démocratique en Turquie dans les années 1960 se répercute favorablement sur les recherches.

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C’est à Kemal Badilli, juriste de formation et député, qu’on doit la première grammaire du kurmanji publiée en Turquie. Le mouvement engagé se poursuit dans les années suivantes, avec la publication d’une grammaire en 1978 par K.K. Kurdo, qui occupe un poste de professeur de langue et littérature kurdes à l’université de Leningrad. Dans les années 1990, deux grammaires sont publiées par des réfugiés politiques vivant en Europe. Il s’agit de M. Ciwan (1992) et de S. Biçuk (1997) qui publient respectivement leur grammaire en Suède et en Allemagne.

− La confection des dictionnaires dans une démarche patrimoniale

L’élaboration des dictionnaires et lexiques spécialisés s’inscrit également dans une volonté de promotion de la langue. Dans le contexte berbère et kurde, elle relève tout d’abord d’une démarche patrimoniale entreprise par des agents glottopolitiques, dans le but de sauvegarder et documenter le lexique de leur langue. Les besoins grandissants des locuteurs en mots nouveaux dans les différents domaines comme le vocabulaire informatique, journalistique, juridique, etc.

conduisent ensuite les militants à spécialiser leurs dictionnaires en même temps qu’à recourir à la néologie.

Ainsi, de nombreux enseignants, universitaires, écrivains berbères confectionnent les premiers dictionnaires bilingues, où le français sert souvent de langue cible et de référence.

Leur activité s’appuie sur de nombreux dictionnaires bilingues français-berbère publiés auparavant (Brosselard & Ahmed, 1844 ; Creusat, 1873 ; Foucauld, 1951 ; Huyghe, 1902- 1903 ; Olivier, 1878). On peut notamment citer les travaux de Saïd ben Mohammed-Akli Cid Kaoui sur le berbère touareg (1894, 1900). Un groupe de militants réunis autour de Mouloud Mammeri publie en 1980 à Paris un dictionnaire nommé L’Amawal [le mot], qui constitue le premier lexique en tamazight à puiser dans toutes les variantes algériennes. Le dictionnaire qui contient dans le même temps 1941 néologismes se veut une réponse à un besoin pratique, à des lacunes au niveau des termes abstraits, comblées par le passé par des emprunts. Dans le même temps, la standardisation des variétés berbères devient une préoccupation majeure des militants, comme dans l’entreprise de de M. Chafik dont le Dictionnaire arabe-berbère (1990), représente le premier travail lexicographique à visée normative (Ameur, 2009). Dans les trente dernières années, la lexicographie berbère connait un essor considérable favorisé par l’engagement des chercheurs qui publient une vingtaine de dictionnaires et de lexiques spécialisés (Chahbari 2018 : 106). Signe du développement de la lexicographie berbère et de la volonté de prouver les potentialités de cette langue à se décrire elle-même et ainsi de construire un métalangage dictionnairique, un premier dictionnaire monolingue voit le jour à travers une thèse de doctorat (Sghir, 2014).

Par ailleurs, les institutions berbères émergentes apportent leur contribution à cette entreprise lexicographique. C’est notamment le cas de l’IRCAM, dont le centre d’aménagement linguistique publie un dictionnaire bilingue français-amazigh en 2005 et un autre destiné au vocabulaire journalistique en 2009. L’IRCAM met aussi en ligne son Dictionnaire général de la langue amazighe pour donner une plus large diffusion à ses travaux6. Enfin, le Haut- commissariat à l’Amazighité, fondé en 1995 en Algérie dans l’objectif de réhabiliter l’amazighité et de promouvoir la langue amazighe, publie deux dictionnaires thématiques (Haddadou, 2003 ; Benramdane, 2010).

La description du lexique du kurde suit le même type de mouvement qui vient d’être décrit.

L’engagement de nombreux chercheurs, écrivains, poètes, politiques, militants, philosophes kurdes traduit une prise en charge collective de la description lexicographique. Cet investissement, qui débute dans les années 1950, se manifeste d’abord dans deux lieux où des recherches sur la langue kurde peuvent être menées ; il s’agit de Moscou, où deux dictionnaires

6 https://tal.ircam.ma/dglai/lexieam.php

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sont publiés (Bakaev, 1957 ; Farizov, 1957) et de l’Irak, où un dictionnaire est édité à Bagdad (Cigerxwin, 1962). Alors que l’Irak et l’URSS donnent une impulsion décisive à l’essor de la lexicographie kurde, d’autres lieux commencent à émerger avec le développement et la diffusion internationale des dictionnaires, mais aussi avec l’ouverture démocratique qui s’engage dans les années 1960 en Turquie. C’est ainsi que le poète, écrivain et philosophe M.

Anter publie en 1967 un premier dictionnaire kurde à Istanbul. Après l’intermède démocratique qu’a connu la Turquie à la suite du coup d’État militaire du 12 septembre 1980, l’activité lexicographique reprend dans ce pays avec la parution de deux dictionnaires dans les années 1990 (Izoli, 1992 ; Tori, 1999). Dans le même temps, la diaspora kurde apporte sa contribution à travers l’édition de nombreux dictionnaires (Zilan, 1989 ; Rizgar, 1993 ; Aydogan et alii, 2006). Enfin, l’Institut kurde d’Istanbul et l’Institut kurde de Paris publient chacun un dictionnaire (Farqîn, 2005 ; Nezan, 2017). Parallèlement à l’édition des dictionnaires, un groupe de travail nommé Le Séminaire Kurmanji fondé en 1987 à Paris tient des réunions biannuelles en Europe sur les différents aspects du lexique et procède à la collecte, à l’archivage et à la diffusion du vocabulaire (Akin & Araz, 2018 ; Araz, 2020).

Quelle(s) possibilité(s) d’aménagement du statut pour les locuteurs des langues minorées ? Nous venons de voir que, dans les deux contextes de minoration, les agents glottopolitiques tentent de fixer les règles de notation de leur langue, de démontrer la capacité de leur langue à expliquer les règles qui la gouvernent et à exprimer le monde à travers la richesse de leur lexique. Le seul fait de normer une langue dans une grammaire permet de la synthétiser, le seul fait d’enregistrer les termes dans un dictionnaire permet d’étendre et de diffuser le vocabulaire disponible. Ces activités de codification vont de pair avec des actions glottopolitiques qui visent à l’aménagement du statut. Il est en effet illusoire de penser qu’on pourrait codifier le corpus d’une langue sans en faire un médium de communication au sein d’une communauté de parole et sans lui octroyer un statut et une reconnaissance officielle. Les interventions glottopolitiques sur le corpus vont donc au-delà d’une simple démarche de doter ces langues d’un système de notation, d’une grammaire et d’un lexique. Ce sont les actions glottopolitiques pour la reconnaissance et l’officialisation du berbère et du kurde que nous proposons de décrire dans la section suivante.

− Un engagement collectif des locuteurs à la recherche de statut

La planification du statut porte sur les fonctions sociétales de la langue et consiste à déterminer le statut conféré à une langue, qu’il soit constitutionnel, législatif, réglementaire ou autre. Selon Kloss, la planification du corpus est affaire de spécialistes de la langue, celle du statut est plutôt une prérogative des « politiciens et bureaucrates » (1969). Nous avons vu que dans le cas du berbère et du kurde, ce sont les acteurs glottopolitiques qui ont pris en charge la codification du corpus ; les instances glottopolitiques émergentes comme l’IRCAM, le HCA ou les instituts kurdes en Turquie ou à l’étranger étant elles-mêmes constituées, pour une large part, de militants et activistes de ces deux langues. Comment ces acteurs glottopolitiques œuvrent-ils pour la reconnaissance officielle de leur langue ? L’engagement collectif des locuteurs se concrétise au sein de mouvements associatif, politique et culturel qui font de la reconnaissance de la langue le principal argument de la mobilisation.

− Le berbère : du statut de langue minorée à celui de langue nationale et officielle

Dans le contexte berbère, les revendications pour la reconnaissance de la langue sont relayées au sein du Mouvement culturel amazigh (MCA) et du Mouvement culturel berbère

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(MCB). Ils constituent sans doute les pôles de regroupement glottopolitique berbère les plus importants, respectivement au Maroc et en Algérie.

Le MCA nait dans la seconde moitié des années soixante, à l’initiative de l’Association marocaine de recherches et d’échanges culturels (AMREC) et s’appuie sur un tissu de douze sections locales (Feliu, 2004). Il milite pour « l’officialisation de l’amazighité du Maroc et d’Algérie et de la langue amazighe et la reconnaissance officielle de l’amazighité de l’identité marocaine et nord-africaine » (ibid.). Plusieurs initiatives sont entreprises par le mouvement.

La première est la publication de la Charte de la langue et la culture amazighes, connue sous le nom de Charte d’Agadir, signée en août 1991. Cette Charte se présente comme une somme de revendications impératives et non négociables qui portent toutes sur l’amazighe : reconnaissance constitutionnelle du caractère national de la langue amazighe ; introduction de la langue et la culture amazighes dans les divers champs d’activités culturelles et éducatives ; introduction de l’amazighe dans les programmes de recherche scientifique et dans les médias écrits et audiovisuels. Alors que la Charte a permis de porter les revendications sur la scène publique et donné lieu à la création de nombreuses associations, y compris dans les petites villes et les villages, le mouvement connait une phase d’internationalisation. Le MCA se saisit des instances internationales et use du concept d’autochtonie (population autochtone ; peuples autochtones, groupes autochtones minorisés) comme enjeu de revendication. Lors de la conférence internationale sur les Droits de l’Homme organisée par les Nations Unies du 14 au 25 juin 1993 à Vienne, il remet aux participants le Mémorandum sur les Droits linguistiques et culturels qu’il a élaboré le 28 mai 1993. Cette internationalisation débouche sur la création en 1995 du Congrès Mondial Amazigh : une organisation internationale non gouvernementale indépendante des États et des partis politiques, qui se donne pour but la promotion des droits linguistiques et culturels amazighs. En 2000, Mohammed Chafik, l’une des grandes figures du mouvement culturel berbère, publie Le manifeste berbère, signé par deux cent trente-neuf personnalités (universitaires, écrivains, artistes, industriels, cadres). Le manifeste se présente comme le « fruit de frustrations des intellectuels et associations amazighes » et expose des revendications visant la reconnaissance du berbère comme langue nationale et officielle, l’enseignement du berbère et l’arrêt immédiat de l’arabisation touchant les régions des Amazighs (Tissot, 2011 : 48). Ce militantisme tant au Maroc qu’à l’étranger finit par déboucher d’une part sur la création de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) en juillet 2001, qui intègre une partie des militants qui œuvrent au sein du MCA et qui forme la part officielle de la revendication amazighe au Maroc. D’autre part, il obtient la reconnaissance de l’amazighe comme langue nationale en juillet 2011.

Le MCB est le fruit des dynamiques sociopolitiques générées par le « printemps berbère » du début des années 1980 (Mahé, 2001). Le mouvement émerge en réaction à l’interdiction d’une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle, le 20 avril 1980, à l’Université de Tizi Ouzou. Les étudiants avaient saisi l’occasion de la publication d’un recueil de Mammeri, Poèmes kabyles anciens, à Paris en 1980, pour l’inviter à leur université. Manifestations, grèves et pétitions illustrent les réactions qui se focalisent rapidement sur une opposition à l’arabisation et l’expression de l’amazighité. Le mouvement prend une épaisseur sociale et organise d’innombrables marches. Des banderoles écrites en trois langues (française, arabe et berbère) diffusent des mots d’ordre et slogans : « Pas d’Algérie sans tamazight », « tamazight langue nationale et officielle » (Sini, 2015). En réponse au mouvement, l’État algérien crée en avril 1995 le Haut-Commissariat à l’Amazighité, chargé de « la réhabilitation et la promotion de l’amazighité, en tant que l’un des fondements de l’identité nationale » et de « l’introduction de la langue amazighe dans le système de l’enseignement et de la communication » (ibid.).

Le mouvement, légitimé et renforcé par cette reconnaissance de la langue et identité berbères, accentue sa pression après l’assassinat du chanteur et militant amazighe Matoub Lounès en 1998. Une nouvelle vague de manifestations a lieu, portant à nouveau les

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revendications sur la reconnaissance de la langue berbère. Le mouvement organise plusieurs marches pacifiques et élabore à El-Kseur, près de Béjaïa, une plate-forme de quinze points dont le huitième réitère la revendication du statut de langue nationale et officielle au berbère (Sini, 2015). Cette revendication sera satisfaite en deux temps : en avril 2002, le Parlement algérien reconnait le berbère comme langue nationale à côté de l’arabe et en 2016, l’article 3bis de la Constitution consacre le berbère comme langue officielle.

Ces processus de reconnaissance politique du berbère et l’institutionnalisation de son statut en Algérie et au Maroc n’ont certes pas mis un terme aux mécanismes sociopolitiques de minoration. Mais force est de constater qu’ils se traduisent favorablement dans le domaine de l’enseignement. Le nombre d’écoles et de classes ouvertes pour l’enseignement du berbère ne cesse d’augmenter, comme le nombre d’élèves qui suivent cet enseignement au Maroc, où l’option politique serait même celle de l’enseignement de l’amazighe à tous les Marocains (Abrous, 2013). Parallèlement, l’on assiste à une berbérisation rapide et généralisée de l’environnement signalétique, au choix de plus en plus massif pour l’écrit public du tifinagh, à une volonté de normalisation et de modernisation de la langue pour en faire un outil de communication (Tissot, 2011 : 46). Le même optimisme est observé en Algérie. Selon S.

Chaker, l’enseignement du berbère dans les établissements publics à partir de 1995, assuré essentiellement par des enseignants qui étaient parallèlement des acteurs et militants du monde associatif, a consolidé la position du berbère et la diffusion de son écrit en Kabylie (2004). Le berbère pourrait ainsi consolider son statut de langue enseignée pour accéder à celui de langue d’enseignement.

− Une mobilisation massive sans incidence sur le statut au kurde

Dans le contexte kurde, comparés au mouvement berbère, les mouvements en faveur de la langue apparaissent plus tardivement. Cela s’explique peut-être par la présence de nombreux partis politiques et organisations de jeunesse qui ont milité pour la mise en place d’une autonomie culturelle ou d’un État kurde indépendant (Akin, 1996, 2019).

Les actions glottopolitiques en faveur de l’octroi d’un statut au kurde naissent dans les années 2000 en Turquie, à la faveur de la levée des interdits sur son usage. Le mouvement s’est constitué tout d’abord autour de Tevgera Zimanê Perwerdahîya Kurdî [Mouvement pour l’enseignement de la langue kurde]. Une pétition lancée en 2010 a réuni plus d’un million de signatures et a été remise à l’Assemblée nationale turque7. Cette revendication a été reprise par l’association Kurdî Der [Association pour la langue kurde], qui a lancé une autre pétition en 2013 pour l’enseignement en langue maternelle dans les écoles. Une autre pétition a été lancée en 2014 pour la restitution des toponymes kurdes, turquisés après l’avènement de la République de Turquie en 1923 sur les ruines de l’empire ottoman (Akin, 2017). Sur le plan institutionnel, deux instances glottopolitiques ont vu le jour, l’Institut kurde d’Istanbul en 1992 et la Fondation Mésopotamie en 2013. Alors que le premier, dissous en 2016 par décision du gouvernement turc dans le cadre de sa politique répressive qui frappe les partis et organisations kurdes, visait la promotion de la langue kurde en Turquie, le second a pour objectif de promouvoir des recherches sur le kurde et de mettre en place une université plurilingue à Diyarbakir, capitale officieuse du Kurdistan turc. Plus récemment, deux autres mouvements ont vu le jour, Platforma Zimanê Kurdî [Plateforme de la langue kurde] en 2018 et Hereketê Zimanê kurdî [Mouvement pour la langue kurde] en 2020.

À la différence du mouvement berbère, les actions glottopolitiques n’ont pas encore débouché sur une reconnaissance du kurde en Turquie. On peut certes noter que les interdits

7 « ‘Anadilde Eğitim’ İçin 1 Milyon İmza Meclis’te » [Un million de signatures à l’Assemblée pour l’enseignement en langue maternelle], Bianet.org, 25/02/2011

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sur l’usage oral et écrit de la langue ont été levés, que des cours privés peuvent être donnés au sein d’associations et qu’une expérience pilote de l’enseignement du kurde comme langue optionnelle est menée dans le système éducatif turc depuis 2012 (Akin & Araz, 2014).

Cependant, le kurde ne bénéficie toujours d’aucune reconnaissance comme langue nationale, encore moins comme langue officielle. Par ailleurs, une répression politique s’abat sur la société civile et le mouvement kurde en Turquie depuis la tentative du coup d’État militaire de 2016.

Conséquences de cette répression, la stigmatisation des locuteurs du kurde a pris ces dernières années la forme de violences verbales et physiques8. De nombreux cas de violence, rapportés par les médias turcs, vont des attaques physiques au lynchage9 des locuteurs pour la simple raison d’avoir parlé en kurde dans les grandes métropoles turques10. Dans ce contexte de répression politique et de discrimination, les actions glottopolitiques du mouvement kurde ne semblent pas infléchir la politique linguistique de l’État turc, qui persiste à imposer aux locuteurs kurdes une assimilation complète à la langue et à la culture turques à plus ou moins longue échéance. Ironie de l’histoire, lors d’un discours qu’il avait prononcé en présence des membres de la communauté turque en Allemagne en 2008, M. Erdogan, alors premier ministre, avait incité les travailleurs turcs à maintenir leur langue et leur culture dans leur pays d’accueil et qualifié l’assimilation de « crime contre l’humanité ».

Éléments de conclusion

L’étude des deux situations montre que les formes, les domaines et les finalités des actions glottopolitiques partagent de nombreuses caractéristiques communes. Les intenses actions recensées dans le domaine du développement de systèmes de notation, de confection de grammaires et de dictionnaires par les locuteurs contribuent dans le même temps à la revitalisation et à la documentation linguistique des deux langues. Les actions entreprises dans le domaine de l’aménagement de statut se manifestent sous la forme d’un engagement collectif dans lequel s’impliquent également des militants qui ont contribué à la planification du corpus.

L’ensemble des actions glottopolitiques analysées montre comment elles s’inscrivent dans une autogestion langagière pensée et façonnée par les locuteurs eux-mêmes en tant qu’acteurs glottopolitiques. Même si ces actions ne peuvent pas s’appuyer sur des autorités centrales, des pouvoirs coercitifs, et ne produisent pas les mêmes résultats que dans le cas des interventions étatiques, elles permettent de poser la possibilité d’une autogestion langagière en tant que l’un des fondements de la glottopolitique.

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8 « 74 yaşındaki Ekrem Yaşlı, Kürtçe konuştuğu için saldırıya uğradı » ‘Ekrem Yaşlı, âgé de 74 ans, a été agressé du fait qu’il a parlé en kurde’, Birgün, le 16.10.2019

9 « Kürtçe konuştuğu için linç edilen genç yaşamını yitirdi » ‘Le jeune qui avait été lynché du fait qu’il avait parlé en kurde est décédé’, Artigerçek, le 13.10.2019

10 « Kürtçe konuşan baba silahlı saldırıda öldürüldü, oğlu yaralı » ‘Le père qui a parlé en kurde a été tué lors d’une agression armée, son fils est blessé’, Diken, le 23/12/2018

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