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DIÉGANE DIOUF BASSIROU SOUGOUFARA - MARC NEYRA - DIDIER LESUEUR

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POLITIOUES ET INSTITUTIONS

LE REBOISEMENT AU SÉNÉGAL:

BILAN DES RÉALISATIONS DE 1993 À 1998

DIÉGANE DIOUF· BASSIROU SOUGOUFARA - MARC NEYRA - DIDIER LESUEUR

Le Sénégal traverse une crise écologique profonde due aux rigueurs climatiques, aux déficits pluviométriques répétés et surtout à des pratiques inadaptées de gestion des ressources natu- relles. La superficie dégradée entre 1981et 1990 est estimée à 80 000 ha/an (Plan d'Action fores- tier du Sénégal, 1993). Le rétablissement de l'équilibre des écosystèmes naturels constitue un enjeu majeur pour ce pays dont le développement économique et social repose en priorité sur l'utilisation du potentiel agro-sylvo-pastoral. C'est ainsi que l'option politique en matière envi- ronnementale privilégie le reboisement comme stratégie de lutte contre la désertification et la pauvreté.

D'importants programmes de reboisement ont été mis en œuvre avec le concours de partenaires multiples. Cependant, les superficies reboisées et mises en défens n'arrivent pas à compenser celles qui sont dégradées. Devant le constat du manque de résultats significatifs par rapport au capital investi par les programmes antérieurs, il s'est avéré souhaitable de redéfinir la politique forestière. Ce fut le cas en 1993 avec le Plan d'Action forestier du Sénégal qui repose sur les trois principes directeurs suivants: l'implication et la responsabilisation des populations dans la gestion conservatoire des ressources naturelles de leurs terroirs, la décentralisation de la plani- fication forestière et l'intégration de la foresterie dans le développement rural.

Notre travail fait le bilan des actions de reboisement de 1993 à 1998 en termes de réalisations,

à la lumière de l'analyse du contexte biophysique, socio-économique et institutionnel. En guise de conclusion, après avoir tiré les enseignements consentis à la mise en œuvre des actions et identifié les contraintes liées àl'exécution des programmes, nous ferons quelques suggestions en vue d'améliorer la situation actuelle.

Les données présentées dans ce travail proviennent de la synthèse des réalisations mentionnées dans les rapports d'activités de la Direction des Eaux, Forêts, Chasses et Conservation des Sols, entre 1993 et 1998. Elles ont été complétées par des enquêtes de terrain auprès des dix Inspec- tions régionales des Eaux et Forêts et de 43 Organisations non gouvernementales intervenant dans la gestion des ressources naturelles et de l'environnement au Sénégal.

CONTEXTE BIOPHYSIQUE

Le Sénégal est situé entre 12°30' N et 16°30' N de latitude et entre 11°30' W et 17°30' W de longitude. Les superficies occupées par les forêts et les plantations sont estimées à 40 % (FAO, 1995). Les superficies des formations végétales varient considérablement du nord au sud en rapport avec le gradient pluviométrique. Sur la base des caractéristiques climatiques, édaphiques

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et f1oristiques, le pays est subdivisé en six grandes zones éco-géographiques, relativement homo- gènes du point de vue des potentialités et des problèmes liés à la gestion des ressources natu- relles (figure 1, ci-dessous).

La Vallée du fleuve Sénégal appartient à l'écosystème aride (100 à 400 mm de pluies par an).

C'est un ensemble de plaines alluviales et de hautes terres sableuses de dix à quinze kilomètres de large en moyenne qui s'étend le long de la rive gauche du fleuve Sénégal. Cette zone est aujourd'hui agressée par le pâturage, les feux de brousse et le défrichement, créant ainsi de vastes plages de mortalité de la strate arbustive et appauvrissant les pâturages. Les formations naturelles qui ont survécu aux sécheresses successives subissent davantage de pression de la part des populations par l'exploitation aux fins de combustibles domestiques et l'aménagement de nouveaux périmètres hydro-agricoles.

La zone sylvo-pastorale correspond au nord du pays et couvre essentiellement la région de Louga excepté le département de Kébémer. Cette zone d'élevage extensif transhumant est carac- térisée par la faiblesse et l'irrégularité des pluies (200 à 400 mm). Les surcharges animales, l'émondage abusif par les éleveurs, les feux de brousse et la surexploitation occasionnent la dégradation du potentiel ligneux.

La zone du bassin arachidier est subdivisée en centre nord bassin arachidier (régions adminis- tratives de Thiès et Diourbel et le département de Kébémer dans la région de Louga) et sud bassin arachidier (régions administratives de Fatick et Kaolack). La pluviométrie moyenne est comprise entre 400 et 800 mm par an. La zone est caractérisée par la forte extension du front agricole au détriment des réserves sylvo-pastorales. Elle est également marquée par l'appauvris- sement continuel des sols, surtout dans les parties septentrionale et centrale (Kébémer, Diourbel

FIGURE 1

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DIFFtRENTES ZONES tCO-GtOGRAPHIQUES DU StNtGAL

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Politiques et Institutions

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et Thiès). Pour les régions de Fatick et Kaolack, l'augmentation du taux de salinité affecte de plus en plus les sols du bassin inférieur du Sine et du Saloum.

La zone des Niayes occupe une bande large d'environ 10 km, longeant le littoral, de Dakar à l'embouchure du fleuve Sénégal. Cette zone se singularise du reste du pays par un climat sub- canarien et des nappes phréatiques peu profondes. Cependant, les sécheresses successives ont entraîné une baisse de la nappe phréatique et l'augmentation progressive du taux de salinité. La zone est affectée par des vents forts et relativement constants. Elle est caractérisée par une succession de dunes et de dépressions. Ces dernières constituent un milieu idéal pour les cultures maraîchères et fruitières. Le problème crucial de la zone demeure la protection des dépressions par la stabilisation des dunes côtières.

La zone du Sénégal oriental correspond à la région administrative de Tambacounda. Elle se carac- térise par une végétation de type soudano-sahélien et des sols peu profonds sur cuirasse latéri- tique.À l'exception de sa partie septentrionale, cette zone bénéficie d'une pluviométrie supérieure à 700 mm. C'est principalement une zone d'élevage et de culture, mais c'est aussi la principale région d'exploitation forestière, fournissant la majeure partie du combustible ligneux consommé par les agglomérations urbaines de l'Ouest du pays. L'exploitation forestière, les défrichements, les feux de brousse et les pratiques pastorales destructrices ont entraîné une dégradation accé- lérée de la végétation et des sols, notamment le long des voies de communication et des vallées.

La zone forestière Sud se distingue du reste du pays par une plus importante pluviométrie (supé- rieure à 1 000 mm) et une végétation plus dense. Elle se subdivise en trois sous-zones distinctes:

la Basse Casamance (région de Ziguinchor), la Moyenne Casamance (département de Sédhiou) et la Haute Casamance (départements de Kolda et Vélingara). Dans cette zone, la végétation subit une dégradation de plus en plus importante, sous l'effet de l'intensification des coupes et des feux de brousse. L'exploitation forestière commerciale perturbe fortement les systèmes de produc- tion. L'augmentation du taux de salinité et l'acidité des rizières ont systématiquement entraîné le défrichement des palmeraies par les populations, à la recherche de nouvelles terres.

SYNTH~SEDES RÉALISATIONS

Pour chaque zone éco-géographique, des programmes spécifiques de conservation et restauration des ressources naturelles ont été mis en œuvre. Les différentes opérations concernent les produc- tions de plants et les plantations. Ces dernières sont réalisées en plein ou sous forme de plan- tations linéaires à raison de 1 ha pour 2 km. Des actions de conservation et de restauration des sols ont été également réalisées.

Les plants sont le plus souvent produits à partir de graines dans des sachets plastiques ou à partir de drageons ou de tiges. Cette technique est couramment utilisée pour la multiplication en masse d'espèces ornementales.

Entre 1993 et 1998, 46,S millions de plants, toutes espèces confondues, ont été produits, soit en moyenne 7,75 millions de plants par an. Le tableau 1 (p. 230) donne la liste des différentes espèces produites. Depuis 1993, la production nationale a fortement diminué passant de 10,7 à 5,8 millions de plants. Elle est assurée à 65 % par les régions du Nord du pays (Thiès, Louga, Dakar et Saint-Louis). Elle reste par contre très faible (4 %) dans chacune des régions de Ziguin- chor et de Tambacounda.

Pour augmenter les chances de reprise des plants après transplantation, ils sont généralement élevés en pépinière pendant 3 à 4 mois. L'essentiel de la production de plants est assuré par

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TABLEAU1 Liste des essences produites en pépinières

Essences forestières Essences forestières (suite) Essences fruitières

Acacia aulacocarpa E/aeis guineensls Mani/kara zapota

Acacia auriculiformis Daniel/ia ogea Carica papaya

Acacia bivenosa Daniel/ia oliveri Cocas nucifera

Acacia crassicarpa Diaspyras mespi/ifarmis Citrusspp.

Acacia halasericea Eucalyptus camaldulensis Mangifera indica

Acacia /aeta Eupharbia ba/samifera Passif/araspp.

Acacia mangium Faidherbia a/bida Psidium guajava

Acacia mellifera Gliricidia sepium Terminalia catapa

Acacia ni/atica Gme/ina arborea

Essences fruitières-forestières Acacia tartilisvar. raddiana Guaiacum officinale

Acacia sc/erosperma Halarrhena f/aribunda Adansania digitata

Acacia senegal Hura crepitons Anacardium accidenta/e

Acacia seyal Khaya senega/ensis Balanites aegyptiaca

Acacia sieberiana Lannea micracarpa Barassus aethiapium

Acacia trachycarpa Lawsania inermis Carapa pracera

Acacia tumida Leucaena /eucacepha/a Dia/ium guineense

Afzelia africana Maytenus senega/ensis Detarium senega/ensis

A/bizia /ebbeck Me/a/euca /eucadendra Saba senega/ensis

Anageissus /eicarpus Maringa a/eifera Parkia big/obasa

Aphania senega/ensis Parkinsania acu/eata Tamarindus indica

Azadirachta indica Phoenix dacty/ifera Ziziphus mauritiana

Bauhinia rufescens Prasapis africana

Essences ornementales Bombax castatum Prasapis chi/ensis

Caesa/pinia ferrea Pras apis ju/if/ara Baugainvil/easpp.

Cajanus cajan Pteracarpus erinaceus Caesa/pinia pu/cherima

Ca/atrapis pracera Pteracarpus /ucens Cardia mixa

Cassio siamea Rhizaphara racemasa Cardia senega/ensis

Cassio sieberiana Sesbania grandif/ara De/anix regia

Casuarina equisetifo/ia Tectana grandis Hibiscusspp.

Ce/tis integrifo/ia Termina/ia manta/y Hura crepitons

Mi/icia regia Termina/ia superba Sapindus sapanaria

Cleradondransp. Vetivera nigritiana

Cola cardifa/ia Butyraspermum parkii

Cola nitida Crescentia cujete

les pepinieres en regle (figure 2, p. 231). Cependant, nous constatons une multiplication des pépinières villageoises et communautaires comme des pépinières individuelles.

Afin de répondre aux multiples demandes en bois-énergie, bois de service, agroforesterie, etc., la production de plants est dominée par les espèces forestières (figure 3, p. 231). Ces dernières, en réponse aux attentes des populations en matière de bénéfice immédiat à tirer, sont essen- tiellement des espèces exotiques à croissance rapide comme Prosopis juliflora, Eucalyptus camal- dulensis, Casuarina equisetifolia.

Au Sénégal, la pluviométrie est le facteur déterminant pour les activités de mise en terre des plants. Le maximum pluviométrique se situe généralement en août, mois au cours duquel sont réalisées la plupart des plantations. Par ailleurs, dans la zone du Fleuve, les actions de reboise- ment sont de plus en plus intégrées aux activités de développement rural par la création de

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FIGURE 2

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Polltlqun et Institutions

RÉPARTITION DE LA PRODUCTION DE PLANTS PAR TYPE DE PÉPINIÈRES

Individuelles 17%

Scolaires 1%

FIGURE3

FIGURE4

RÉPARTITION DE LA PRODUCTION DE PLANTS PAR CATÉGORIES D'ESPÈCES

Ornementales 6%

Fruitières- Forestières

9%

Forestières 77%

RÉPARTITION DES SUPERFICIES PLANTÉES PAR TYPE DE PLANTATIONS

Plantations de regarnis Plantations linèaires 3%

10D/O

Distribution individuelle de plants

220/0

Conservation et restauration des sols 300/0

brise-vent, haies vives, et la mise en place de parcelles de ligniculture intensive surtout avec les plantations de contre-saison dans les périmètres irrigués. La densité moyenne de plantations est de 400 tiges par ha. Entre 1993 et 1998, l'essentiel des plantations a été effectué en plein ou pour la conservation et la restauration des sols (figure 4. ci-dessus). Durant cette période, 28 900 ha de plantations en plein ont été réalisés, soit une moyenne de 4 800 ha par an.

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Paradoxalement, bien que la moitié du matériel végétal soit produite par les plantations en régie, celles-ci ne représentent que 9% des plantations en plein (figure 5, ci-dessous). Durant la même période, près de 17 000 km de plantations linéaires ont été réalisés, soit en moyenne 2 800 km par an. Pour ce type de plantations, le secteur d'intervention touchant l'agriculture (haies vives, brise-vent, plantations de délimitation) domine nettement les plantations de gestion du terroir, notamment les interventions visant l'amélioration des rendements (figure 6, ci-dessous).

Les plantations de conservation et de restauration des sols surtout localisées au niveau des écosystèmes dégradés (zone sylvo-pastorale et Nord Bassin arachidier) sont dominées par les activités de mise en défens (figure 7, p. 233).

L'analyse de la répartition des plantations par structure d'encadrement montre la prédominance des projets de développement forestier. À l'inverse, la participation des Organisations non gouvernementales dans les opérations de reboisement est très faible, de l'ordre de 5% (figure 8, P.233). Cependant, entre 1993 et 1998, l'impact des projets de développement forestier, en termes de superficies plantées, a diminué de près de 60 %. Globalement, durant cette période, l'effort national de reboisement a connu une nette régression. Quel que soit le type de planta- tion, la plupart des superficies plantées sont localisées dans le Nord Bassin arachidier, en parti- culier dans la région de Thiès.

FIGURE5 RÉPARTITION DES PLANTATIONS EN PLEIN PAR TYPE D'INTERVENTION

Vergers 26%

Régie 9%

Individuelles 28%

Villageoises/

communautaires 37 %

FIGURE6 RÉPARTITION DES PLANTATIONS LINÉAIRES PAR TYPE D'INTERVENTION

Cadastre 7%

82 %

23 2 Rev. For. Fr. UV . 3-2002

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FIGURE7

\ Polltlques et Instltutlons

RÉPARTITION DES ACTIONS DE CONSERVATION ET RESTAURATION DES SOLS PAR TYPE D'INTERVENTION

Régénération 20%

Fourrage 00/0

Défens 61%

FIGURE8 RÉPARTITION DES SUPERFICIES PLANTÉES

PAR STRUCTURE D'ENCADREMENT

Organisations non gouvernementales

S%

Projets de développement forestier

SB%

Inspections régionales des Eaux et Forêts

37%

Le taux de réussite des plantations varie considérablement d'une région à l'autre. L'inégale répartition des pluies du nord au sud, l'existence d'une frange maritime et la présence de types de sols variés influencent le taux de survie des plants. De plus, le fort taux d'émigration noté dans certaines zones (Sénégal oriental, Ferlo) n'est pas non plus pour favoriser le développe- ment de la foresterie rurale.

DISCUSSION

La prédominance des pepinieres en regle dans la production des plants s'explique par leur capacité de production plus conséquente et également par les soins particuliers apportés aux plants en pépinière. Cette tendance ne reflète tout de même pas la volonté de l'administration forestière qui, selon l'orientation politique du Plan d'Action forestier du Sénégal, préconise la responsabilisation des populations comme base de gestion conservatoire des ressources fores- tières. Le caractère marginal de la production des pépinières scolaires pourrait s'expliquer par le fait Que les élèves sont en vacances au moment de la mise en place des plants. L'objectif d'éveiller les capacités de gestion des ressources naturelles chez les élèves est néanmoins atteint.

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Les difficultés d'approvisionnement en intrants (semences de qualité, gaines, petit matériel de pépinière) rendent aléatoire la production de plants au niveau des pépinières villageoises et communautaires comme dans les pépinières individuelles. La qualité ou la disponibilité de l'eau dans la plupart des localités du Centre du pays constituent un handicap pour la mise en place et le fonctionnement de pépinières villageoises.

Globalement, la régression de la production d~ plants et des plantations s'explique en partie par la faiblesse des moyens mis à la disposition des Inspections régionales des Eaux et Forêts (iREF) pour effectuer les plantations en régie lorsque les projets de développement forestier arrivent à terme. La restriction du Fonds forestier national, en d'autres termes le désengagement de l'État et des bailleurs de fonds, ne permet pas, comme par le passé, d'assurer une main-d'œuvre suFfi- sante pour le bon fonctionnement des pépinières en régie. Cet état de fait a pour principale conséquence l'abandon des plantations en régie. Elle se traduit par un transfert progressif des actions de reboisement vers les populations et les collectivités locales comme le montre ('essor des plantations villageoises et des plantations de vergers (FAO, 1997). De plus, le transfert des compétences aux collectivités locales, dépourvues de moyens financiers conséquents, ne favorise pas non plus des actions d'envergure dans ce domaine. Le calendrier cultural surchargé du paysan fait que les opérations de reboisement sont souvent reléguées au second plan. En outre, les problèmes liés au mode d'appropriation et de gestion foncières font que, souvent, les sols affectés au reboisement sont toujours les plus pauvres et les espèces ont du mal à s'adapter quelle que soit leur rusticité (Lynch, 1998).

La régression de l'effort national de reboisement semble également être liée aux mutations conceptuelles et stratégiques intervenues au sein de la plupart des projets de développement forestier à forte composante de reboisement. La plupart des projets sont arrivés à terme et mettent l'accent sur l'approche gestion de terroir en plantant des superficies modestes pour en même temps développer d'autres activités intéressant les besoins immédiats des populations. En effet, jusqu'ici les projets de développement forestier assurent l'essentiel des plantations. Il est vrai que l'approche participative est née d'un constat d'insuffisance des réalisations par rapport au capital investi et de la non-pérennité des projets (Wells et Brandon, 1993). L'engouement conscient et sincère des populations permet certes de maintenir les actions, comme le montre l'essor des plantations économiquement rentables (vergers, plantations individuelles). Néan- moins, ces actions sont dérisoires par rapport au rythme actuel du déboisement.

Cette baisse de l'effort national de reboisement depuis 1993 est cependant à relativiser du fait que l'approche participative, dans un souci de définir des programmes raisonnables, à la hauteur des moyens des populations, privilégie la concertation avec ces dernières. Cette stratégie impli- quant et responsabilisant les populations permet de garantir la réussite et la pérennité des actions (Lutz et Young, 1992). Ainsi, la production de plants répond aux besoins des populations et la plupart des plants produits sont effectivement distribués et mis en terre comme le montre le développement de plantations villageoises, communautaires et des vergers.

La majeure partie des plantations a été réalisée dans le bassin arachidier et dans la zone des Niayes, essentiellement sous forme de plantations en régie et de bois de village. En fait, la spécialisation de certaines régions sur des technologies agroforestières particulières (petites superficies) et l'aridité de plusieurs zones expliquent en partie les faibles réalisations souvent constatées dans diverses localités. Le centre et le nord du Bassin arachidier (régions de Thiès et Diourbel) sont fortement affectés par les conséquences de la monoculture de l'arachide qui a l'in- convénient majeur de mettre à nu le sol après les prélèvements de la récolte. Les réalisations exceptionnelles notées dans ces deux régions constituent une alternative pour la réhabilitation des terres dégradées en rapport avec le souci des agriculteurs pour l'amélioration de la fertilité des sols. Dans la zone sylvo-pastorale comme dans la vallée du fleuve Sénégal, la pluviométrie

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\ Politiques et Institutions

souvent déficitaire et irrégulière constitue la principale entrave à l'exécution correcte des campagnes nationales de reboisement. De plus, sur le plan sociologique, ces deux zones, plus que la zone du Sénégal oriental, sont tributaires d'une longue tradition d'émigration vers l'Europe, qui pose un problème de main-d'œuvre. Les réalisations dans la zone Sud sont essentiellement sous forme de vergers et de plantations individuelles. Cependant, l'insécurité que connaît la région serait en partie à l'origine de l'évolution régressive des réalisations dans cette zone.

CONCLUSIONS

Le taux annuel de reboisement au Sénégal, entre 1993 et 1998, est d'environ 14 000 ha. Il est nettement inférieur au taux de défrichement estimé à 80 000 ha/an, et est loin de compenser le rythme de disparition des formations forestières. De plus, durant cette période, l'effort national de reboisement a connu une régression généralisée. La superficie des plantations, estimée à

112 000 ha (FAO, 1995), représente moins de 2 % des superficies des formations ligneuses. La situation actuelle du secteur forestier du Sénégal découle de plusieurs causes qui peuvent se résumer en contraintes d'ordres économique, méthodologique, technique et institutionnel.

Il est regrettable de constater la faiblesse des interventions des partenaires du Service forestier (Centres d'Expansion rurale polyvalents, ONG, Collectivités locales) dans l'effort national de reboisement et de production de plants. Les projets de développement forestier assurent 58 % des réalisations entre 1993 et 1998. Cependant, les superficies plantées ont diminué de 60 % durant cette période. C'est ainsi que la régression généralisée constatée dans l'effort national de reboisement peut être corrélée à la disparition de plusieurs projets de développement fores- tier à forte composante de reboisement. Cette régression semble être également liée aux muta- tions conceptuelles et stratégiques intervenues au sein de certains projets de développement forestier qui, en adoptant l'approche participative, ont entraîné une plus grande démocratisation des décisions en matière d'aménagement et de gestion des ressources naturelles. Par consé- quent, la baisse de l'effort national de reboisement est à relativiser du fait que l'approche parti- cipative, qui privilégie la concertation avec les populations, est obligatoire pour la pérennisation des actions. Mais elle ne permet pas d'importantes réalisations en raison de la faible demande en plants des populations locales. Ces dernières, confrontées à des problèmes de survie, sont du reste conscientes de la nécessité de reboiser, mais plus préoccupées par la satisfaction de besoins immédiats.

Suite à l'analyse de ces différentes contraintes, la réussite des actions de reboisement et de protection des ressources naturelles appelle les suggestions suivantes :

• Au plan économique: la politique de désengagement aussi bien de l'État que des bailleurs de fonds a trouvé en l'approche participative une source de légitimation. Mais il ne faudrait pas s'y tromper; l'évidence et la rapidité de la dégradation des ressources naturelles et de l'environne- ment sont telles que le lent processus de maturation de l'approche elle-même, et d'appropria- tion durable qu'en feront les populations, requiert le rétablissement des crédits de reboisement.

• Au plan méthodologique: une plus grande mise en valeur des acquis de la recherche dans la conduite des opérations sylvicoles, ainsi qu'une référence soutenue aux plans nationaux et régio- naux d'aménagement du territoire permettraient d'assurer une meilleure réussite des actions de reboisement.

• Au plan technique : la promotion de l'agroforesterie permettrait de contourner les contraintes foncières (rareté et pauvreté des terres affectées au reboisement) et celles qui sont liées au

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\ DIËGANE DIOUf - BASSIROU SOUGOUfARA - MARC NEYRA . DIDIER LESUEUR

calendrier cultural surchargé du paysan, tout en renforçant les capacités productives des terres et en limitant les défrichements en rapport avec l'agriculture extensive.

• Au plan institutionnel: une collaboration étroite et une concertation régulière entre tous les acteurs du développement rural (foresterie, agriculture, élevage, etc.) s'imposent. Ces actions visent une meilleure harmonisation des approches et des systèmes de suivi et d'évaluation des programmes de gestion conservatoire des ressources naturelles.

Diégane DIOUF Département de Biologie végétale

UNIVERSITË CA DIOP BP 5005

et

Laboratoire de Microbiologie des Sols IRD

BP1386 DAKAR (SËNËGAL) (diegane.diouf@ird.sn)

Marc NEYRA

Laboratoire de Microbiologie des Sols IRD

BP1386 DAKAR (SËNËGAL) (marc.neyra@ird.sn)

Bassirou SOUGOUFARA Laboratoire de Microbiologie des Sols

IRD BP1386

et

DIRECTION DES EAUX, FDRËTS. CHASSES ET DE LA CONSERVATION DES SOLS

BP1831 DAKAR (SËNËGAL)

Didier LESUEUR Laboratoire de Microbiologie des Sols

IRD et

Programme Arbres et Plantations CIRAD·Forêt

BP1386 DAKAR (SËNËGAL) (Didier.Lesueur@ird.sn)

Rev. for. Fr. UV .3-2002

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LE REBOISEmENT AU S~N~GAL : BILAN DESR~ALlSATIONS DE 1993A199B (Rhumé]

Au Sénégal, la sécheresse et la désertification ont entraîné la réduction des espaces propices aux activités agricoles et pastorales. Le reboisement apparaît de plus en plus comme une alternative pouvant permettre de garantir àla fois une production soutenue et une gestion conservatoire durable des ressources naturelles.

Cependant, la production de plants au Sénégal, toutes espèces confondues, a presque régressé de moitié entre 1993 et 1998 et reste dominée par les espèces forestières (77 % des productions). Les espèces exotiques à croissance rapide sont les plus demandées par les populations locales.

Durant cette période, la surface annuellement plantée, évaluée à 14 000 ha, est nettement inférieure à la surface déboisée estimée à 80 000 ha/an. Les plantations en plein représentent l'essentiel des réalisations de ces dernières années et sont principalement villageoises et communautaires.

L'effort national de reboisement est en baisse constante et les superficies plantées ont diminué de 38 %.

Cette situation est en grande partie liée àla récession économique et àla régression de près de 60 % des réalisations des projets de développement forestier qui assurent plus de 58% des superficies plantées.

La situation actuelle du secteur forestier découle de contraintes d'ordre économique, méthodologique, tech- nique et institutionnel qui sont discutées dans cet article.

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DIËGANE DIOUF - BASSIROU SOUGOUFARA • MARC NEYRA - DIDIER LESUEUR

REFORE5TRTION IN SENEGRL - RN RSSEssmENT OF EFFORTS FRom 1993 TD 1998 (Ab!Jt/"lIct)

ln Senegal, drought and desert creep have reduced the land that can be used for farming and grazing. Refo·

restation is becoming increasingly an alternative that allows both for sizeable production and sustainable, protective management of natural resources. However, seedling production in Senegal, taking ail species together, dropped by nearly 50 % between 1993 and 1998, with forest species prevailing (77 %). The greatest demand from local populations is for fast-growing foreign species.

Over this period, the annual surface area planted is estimated at 14,000 ha, Le., markedly less than the area deforested which is estimated to be 80,000 ha/per annum. Fully·planted stands are the core activity of the last few years and are mainly planted by villages and communities.

National reforestation efforts are continually decreasing and the surface areas planted have dropped by 38 %. This situation arises largely from the economic recession and a nearly 60 % decrease in forest deve·

lopment projects that account for some 58 % of surface areas planted.

The current situation facing the forestry sector arises from the economic, methodological, technical and insti·

tutional constraints that are discussed in this article.

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Rev. For. Fr. lIV - 3-2002

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Diouf D., Sougoufara B., Neyra Marc, Lesueur Didier. (2002).

Le reboisement au Sénégal : bilan des réalisations de 1993 à 1998.

Revue Forestière Française, 3, 227-238. ISSN

0035-2829

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