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Dix ans d'histoire sociale

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Academic year: 2022

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(1)

Bernard DANDOIS

Dix ans d'histoire sociale en Belgique (1960-1969)

Extrait de

LE MOUVEMENT SOCIAL

N " 7 1 - A v r i l - J u i n 1 9 7 0

LES ÉDITIONS OUVRIÈRES

1 2 , A v e n u e S œ u r - R o s a l i e , P A R I S ( 1 3 ° ) C.C.P. 1360-14

Abonnement a n n u e l : 30 F. pour la France

: 36 F. pour l'étranger

(2)

Dix ans d'histoire sociale en Belgique (1960-1969)

Durant l'hiver 1960-1961, éclatait u n e grève qui marqua un tournant dans l'histoire n o n seulement du m o u v e m e n t ouvrier, mais aussi d a n s la politique belge ; cette grève fut u n tournant pour la théorie et la pratique du socialisme dans la m e s u r e où les problèmes acquirent plus d'intensité et forcèrent de n o m b r e u x militants à penser le socialisme

et sa doctrine.

Il n'est pas dans notre p r o p o s d'analyser ces événements, ni de retracer l'histoire d'une grève qui a d o n n é naissance à de n o m b r e u x ouvrages ; la plupart ont déjà été signalés dans cette revue (1).

Cependant, il faut signaler u n fait important : depuis u n e dizaine d'années, les ouvrages sur l'histoire du socialisme et du m o u v e m e n t ouvrier sont plus nombreux, et les historiens disposent ainsi d'un plus grand nombre d'instruments de travail.

C'est pourquoi nous avons c h o i s i l'année 1960 c o m m e point de départ d'un bilan intitulé : dix ans d'histoire sociale en Belgique (2).

A u c u n ouvrage n'a encore remplacé, depuis 1906, les deux vo- lumes de l'Histoire de la démocratie et du socialisme, publiés par

Louis Bertrand, mais nous d i s p o s o n s maintenant en langue néerlan- daise de deux ouvrages bien d o c u m e n t é s . L'un est le fruit des patientes r e c h e r c h e s du regretté historien du socialisme en Belgique, Julien K u y p e r s (3) : cet ouvrage fourmille de notes intéressantes appuyées sur des documents que l'auteur a pu consulter ; l'autre est le résultat du travail entrepris par u n e é q u i p e d'historiens, sous la direction du professeur J. Dhondt, de l'université de Gand (4). Et lorsque l'on connaît les difficultés du travail e n équipe, l'on se rend m i e u x c o m p t e e n c o r e du succès de l'entreprise. Cette publication c o m p r e n d v i n g t

(1) Notes de lecture par Madeleine Rébérioux, in Le Mouvement social, 1968, n" 62, pp. 121-124.

(2) Nous ne citerons pas les mémoires de licence (travaux effectués par les étudiants pour l'obtention du diplôme de fin d'études universitaires) pour deux raisons : d'abord, ils sont peu aisément consultables et, d'autre part, ils font généralement l'objet d'un article dans l'une ou l'autre revue lorsqu'ils ont une certaine valeur scientifique. De même, nous ne citerons pas les publications anarchistes qui sont reprises dans le Bulletin publié dans cette revue par J. Maitron.

(3) KuYPBHS J., Bergop ; Antwerpen, Ontwikkeling, 1962 (2» éd.).

par Bernard DANDOIS.

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84 B . D A N D O I S

f a s c i c u l e s abondamment illustrés ; elle se termine par une bibliogra- p h i e rassemblée par L. Bâlthazar. Par la m ê m e occasion, signalons quelques travaux bibliographiques sur la question, parus dans diverses r e v u e s (5).

Les d e u x entreprises — diverses par leur forme et par leur conte- n u — ont c e c i en c o m m u n : elles relient toutes deux l'éveil de la c o n s c i e n c e du prolétariat dans notre pays à la naissance de la cons- c i e n c e du peuple flamand. Faut-il rappeler au lecteur étranger les q u e s t i o n s linguistiques de notre pays, le fait qu'au siècle dernier toute l'administration rédigeait ses rapports en langue française ? Même

lorsque les é v é n e m e n t s signalés se déroulaient en pays flamand, les a g e n t s de l'administration du p a y s flamand rédigeaient leurs c o m p t e s r e n d u s en langue française ! Ce fut une des revendications du socia- l i s m e que de permettre au peuple flamand de s'exprimer dans la langue qu'il utilisait tous les jours.

Sans énumérer tous les ouvrages généraux, nous nous permettons d e les citer en note p o u r d o n n e r au lecteur des indications de la p r o d u c t i o n historique dans ce d o m a i n e (6).

La Révolution française bouscula certaines habitudes ancrées dans les corporations ; l'an III connut des grèves parmi les mineurs de V e d r i n qui se révoltèrent sans succès contre la cherté des « subsis- t a n c e s » et contre le paiement en assignats : ce problème est étudié par Bayer-Lothe qui répond également, de façon intéressante, à un article publié en 1930 par P. B o n e n f a n t dans la revue Namurcum. Le professeur Bonenfant pensait que les « c e s s o n s » ou m a r c h a n d s blatiers à cheval étaient des réformateurs sociaux qui luttaient contre la pro- priété privée de la terre ; Bayer-Lothe démontre — avec des docu- m e n t s — qu'il ne s'agit en fait que de bandits à cheval qui pillaient

(4) Geschiedenis van de arbeidersbeweging in België (onder de leiding van J. Dhondt) ; Antwerpen, Ontwikkeling, 1960-1968.

(5) BALTHAZAH H. ; Samenvattende bibliografie van de Geschiedenis van de socialistische arbeidersbeweging in België ; (fascicule 20) ; Antwerpen, Ontwik- keling, 1968. — BRACKE A. ; Bibliografische lijst van tverken van Belgische socialisten en over Belgiseh socialisme ; in Mens en Taak, 1960, n° 2, pp. 56-58.

— DE WEERDT D. ; Bibliografie van werken over en van het socialisme en de socialistische arbeidersbeweging, verschenen sedert 1944 ; in Socialistische Standpunten, 1968, n° 6, pp. 37-46, et 1969, n° 1, pp. 318-333. — ROEMANS R. en VAN ASSCHE H. ; Analgstische bibliografie van Julien Kuypers ; Hasselt, Hei- deland, 1968. — SCHOLL S.H. ; De historiografie der arbeidersbeweging in België ; Brussel, Arbeiderspers, 1959 ; et supplément in J}e Gids op maat- schappelijk gebied, 1962, n° 4, pp. 358-371.

(6) J o Y E P. et LEWIN R., L'Eglise et le mouvement ouvrier en Belgique, Bruxelles, Société populaire d'éditions, 1967. — XXX, Socia- lisme en Vlaamse beweging ; Gent, August Vermeylenfonds, 1963. — RENARD CL, La conquête du suffrage universel en Belgique ; Bruxelles, Fondation J. Jacquemotte, 1966. — SPITAELS G., Le mouvement syndical en Belgique ; Bruxelles, Institut de sociologie, 1967. — VANDERMEULEN H., Le Mou-

vement ouvrier socialiste à Verviers ; Verviers, 1960. — XXX, Evolution et structure du mouvement socialiste en Belgique ; Bruxelles, Centrale d'Education ouvrière, 1960. — JACQUES Edm., Le socialisme dans le Luxembourg ; Saint- Mard, 1960. — VAN ISACKER K. ; Afscheid van de havenarbeider 1944-1946 ; Antwerpen, De Nederlandsche Boekhandel, 1967. — Id., De Antwerpse Dokwer- her 1830-1940 (2» éd.) ; Antwerpen, De Nederlandsche Boekhandel, 1966.

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les c h a m p s . Cette m i s e au p o i n t était utile, car 1794 n'est pas l o i n de 1796, année de la Conjuration des Egaux de Babeuf (7).

Qu'on le veuille ou non, 1830 marque un tournant dans l'histoire du m o u v e m e n t ouvrier en Belgique. 11 est connu que certains h o m m e s politiques qui ont participé à la révolution de 1830, ainsi qu'au gou- vernement provisoire, ont été i n f l u e n c é s par les doctrines socialistes françaises.

A. Lehning, spécialiste du babouvisme, rappelle que Ph. Buonarroti a collaboré par ses écrits et par son action à la p r o p a g a n d e démocra- tique en Belgique (8). De m ê m e , J. Kuypers en se basant sur des

d o c u m e n t s d'origine m a ç o n n i q u e ayant vraisemblablement appartenu à Félix Delhasse, étudie de f a ç o n approfondie l'influence du « pa- triarche de la Charbonnerie universelle » sur les h o m m e s politiques issus de la révolution de 1830 (9).

Expulsé de Genève, Buonarroti s'établit à Bruxelles, en 1824, où il publie, quatre ans plus tard, sa célèbre histoire de la Conspiration pour l'égalité, dite de Babeuf. J. Kuypers évoque, d'ailleurs, utilement la part considérable prise par Louis de Potter dans la publication de l'œuvre de Ph. Buonarroti : « 11 en classa les matériaux, relut le manuscrit, corrigea les é p r e u v e s et finança, en partie, l'édition. » (10)

Faut-il rappeler que L u c i e n Jottrand considérait Buonarroti c o m m e son « maître spirituel » (lettre inédite du flls Jottrand à Hector Denis, 15 mars 1910, in Internationaal Instituut voor Sociale Geschiedenis, F o n d s Denis-De Paepe) ?

A Bruxelles, Buonarroti fut e n correspondance avec d'autres émigrés italiens, tels que Ph. D e Meester à Londres ; P. C. Masini a publié

sept lettres inédites é c h a n g é e s entre eux (11).

Les liens entre f r a n c s - m a ç o n s italiens, français, belges et hollan- dais sont étudiés par J. Bartier dans deux études : l'une c o n s a c r é e au m o u v e m e n t démocratique à l'Université libre de Bruxelles d e p u i s sa fondation en 1834 jusqu'au premier congrès international des étu- diants en 1865, l'autre au f r a n c - m a ç o n italien Mazzoneschi qui, réfugié à Bruxelles, causa des soucis au gouvernement du roi Guillaume (12).

(7) BAYER-LOTHE J., « Les grèves des mineurs de Vedrin (Vendémiaire - Floréal an III) », in Namurcum, 1965, pp. 49-56 ; et id., « A propos des

«• cessons communistes », in Namurcum, 1967.

(8) LEHNING A., « Buonarroti et la révolution belge de 1830. Un article inconnu », in Annales historiques de la Révolution française, n" 162,

p p . 5 3 0 - 5 4 3 .

(9) KUYPERS J., Les Egalitaires en Belgique. Buonarroti et ses sociétés secrètes en Belgique (d'après des documents inédits) : 1824-1836 ; Bruxelles, Libraire Encyclopédique, 1960.

( 1 0 ) O.C., p. 3 5 .

(11) MASINI P.C., « Un carteggio inédite : Buonarroti-De Meester (1825- 1928) », in Critica Storica, gennaio 1964, pp. 98-105.

(12) BARTIER J., « Le mouvement démocratique à l'Université libre de Bruxelles au temps de ses fondateurs », in Socialisme, n» 37 et n" 38 ; id., « Francs-maçons italiens et français à Bruxelles à l'époque du roi Guil- laume d'après des documents inédits », extrait de Risorgimento, 1964, n" 1,

p p . 2 4 - 4 8 .

(5)

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B . D A N D O I S

La presse fut une des armes essentielles de la propagande démo- cratique et socialiste, en dehors des meetings populaires m e n é s par u n tribun c o m m e J. Kats. Ce ne fut pas seulement vrai en Belgique, mais dans la plupart des pays européens de l'époque et l'étude de R. D e m o u - lin (13) est p l a c é e dans ce contexte qui voit la naissance des premiers o r g a n e s ouvriers.

D e même, H. Gaus montre c o m m e n t les idées socialistes furent d i f f u s é e s d'abord dans les organes radicaux de t e n d a n c e libérale (14).

A

Jusqu'à présent, les d o c u m e n t s sur l'histoire du m o u v e m e n t ouvrier belge étaient rares et il est tieureux que le Centre inter-universitairs d'histoire c o n t e m p o r a i n e se soit attaqué à l'œuvre difficile et de longue h a l e i n e qu'est la r e c h e r c h e et la publication de ces documents.

L e s trois v o l u m i n e u x recueils publiés par H. Wouters constituent u n e de ces s o u r c e s (15) ; si ces recueils sont une m i n e p r é c i e u s e de r e n s e i g n e m e n t s pour l'historien, il faut c e p e n d a n t dire que les docu- m e n t s ne sont pas toujours publiés avec toutes les notes critiques souhaitables. Le premier volume est c o n s a c r é à l'opposition m e n é e contre le gouvernement issu de la révolution de 1830 jusqu'à la révo- lution de 1848 ; le s e c o n d est consacré aux séquelles de l'échec de la révolution de 1848 et à la surveillance étroite e x e r c é e par les auto- rités judiciaires contre tous les participants ; le troisième contient l'es- sentiel des seize numéros retrouvés du journal Den (ivaren) Volksvriend édité p a r le tribun flamand J. Kats ainsi qu'un utile i n d e x pour les trois volumes.

U n autre recueil de documents est celui de L. Linotte qui étudie les a r c h i v e s policières, les grèves et les m a n i f e s t a t i o n s d a n s la pro- v i n c e de Liège de 1831 à 1914 : l'ampleur du sujet n'a pas p e r m i s la p u b l i c a t i o n des dociunents, mais les r e n s e i g n e m e n t s d o n n é s ainsi que les r e n v o i s aux f o n d s d'archives en font u n instrument de travail utile (16).

J. Bayer-Lothe, dont nous avons déjà cité d e u x articles, s'est i n t é r e s s é au m o u v e m e n t ouvrier dans la p r o v i n c e de N a m u r ; la pre- m i è r e partie de son travail s'arrête à 1848 et ne c o n c e r n e que les

r é a c t i o n s des a n c i e n n e s corporations à l'occupation française. N o u s n'y t r o u v o n s pas de renseignements sur les m i s s i o n s s a i n t - s i m o n i e n n e et

(13) DEMOULIN R., « De la presse radicale aux premiers organes ouvriers (1830-1849) », in La Presse ouvrière : 1819-1850 ,• Paris, 1966.

(14) GAUS H., « Utopisch socialisme en romantiek in de Gentse pers : 1840-1845 », in Handelingen der Maatschappij voor Geschiedenis en Oud- heidkunde te Gent (Nieuwe reeks), XIX, 1965, pp. 135-150.

(15) WOUTERS H. ; Documenten betreffendde de geschiedenis der arbei-

dersbeweging (1831-1853) ; Paris-Louvain, Nauwelaerts, 1963, 3 volumes (Centre interuniversitaire d'histoire contemporaine, Caliiers 27).

(16) LINOTTE L., Les manifestations et les grèves dans la province de Liège de 1831 à 1914 ; Paris-Louvain, Nauwelaerts, 1964 (Centre interuniversitaire d'iiistoire contemporaine, Caliiers 34).

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fouriériste : ces propagandes n'eurent aucun é c h o dans n o s provin- ces (17).

**•

E v o q u o n s à présent le rôle de quelques émigrés allemands en Bel- gique au milieu du x i x ' siècle.

W i l h e l m WolflF (1809-1864), s u r n o m m é Lupus et à qui Marx d é d i a Le Capital, arriva à Bruxelles fin avril 1846 et devint aussitôt membre du Comité de c o r r e s p o n d a n c e c o m m u n i s t e , m e m b r e de la Ligue des Communistes ainsi que secrétaire du Deutsche Arbeiterverein de Bruxel- les. D a n s le dossier n° 667 du Tribunal correctionnel de Bruxelles c o n s e r v é aux Archives générales du B o y a u m e se trouve cette liste des m e m b r e s du D e u t s c h e Arbeiterverein de Bruxelles, liste que J. Kuypers a publié dans la revue Archiv fiir Sozialgeschichte éditée par la Frie-

drich-Ebert Stiftung (18). L'un des émigrés allemands les plus c o n n u s fut certes Karl Marx ; son dossier à la P o l i c e des Etrangers (19) a déjà été utilisé par L. Somerhausen dans son ouvrage très documenté L'humanisme agissant de Karl Marx (Bruxelles 1946).

Cependant, certains points restaient à éclaircir et notamment les liens qui l'unissaient à l'avocat Victor T e d e s c o (1821-1897). Auteur d'un Catéchisme du prolétaire paru à Liège en 1849 et traduit en allemand par les s o i n s de F. Freiligrath, assisté de K. S c h a p p e r et de J. W e y - demeyer, T e d e s c o fut membre de la Ligue des c o m m u n i s t e s : à ce titre, il participa au d e u x i è m e congrès qui se tint à Londres e n novembre 1847 et à l'élaboration du Manifeste communiste ; son n o m figurait sur u n e liste des m e m b r e s du g o u v e r n e m e n t provisoire à créer en Bel- gique au cas où la révolution y réussirait. C'est le degré de participation de T e d e s c o à l'élaboration du Manifeste c o m m u n i s t e qui est discuté par les historiens. P o u r A. Gaspar, Victor T e d e s c o « avait déjà traduit ce Manifeste avant son arrestation le 27 février 1848 » (20) ; tandis que J. Kuypers affirme qu' « il fut non seulement le p r e m i e r traducteur

— m a l c h a n c e u x —• du Manifeste communiste, mais également un col- laborateur de Karl Marx et de F r i e d r i c h Engels d a n s l'élaboration de ce d o c u m e n t d'une portée historique considérable » (21). J. Kuypers insiste sur le fait qu'il est probable que T e d e s c o rédigea également u n avant-projet d'exposé doctrinal sous f o r m e catéchétique ; il en d o n n e pour preuve le fait que T e d e s c o maintint cette f o r m e m ê m e après la parution du Manifeste.

(17) BAYER-LOTHE J.. Documents relatifs an raoavement ouurier dans la province de Namur au xix" siècle, l " partie (1794-1848) ; Paris-Louvain, Nauwelaerts, 1967 (C.I.H.C., Cahiers 45).

(18) KuYPEHS J. ; Wilhelm Wolff und der Deutsche Arbeiterverein (1847-48) in Brûssel ; in Archiv fiir Sozialgeschichte, Band III, pp. 103-107.

(19) Archives Générales du Royaume, Police des Etrangers, Dossier n» 73.946 : Karl Marx.

(20) GASPAR A., « Le Manifeste du Parti communiste et le Catéchisme du Prolétaire de Victor Tedesco », in Socialisme, 1960, n° 41.

(21) KUYPERS J., « La contribution de Victor Tedesco à l'élaboration du Manifeste communiste de 1848 », in Socialisme, 1963, n" 58, pp. 74-82 ; id., « Marx'Belgischer Freundeskreis (1845-1848) », in International Review of Social Historg, VII, 1962, pp. 451-457 ; traduit in Socialisme, 1963, n" 58, pp. 410-421.

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B . D A N D O I S

D a n s c e s études c o n s a c r é e s à l'histoire du Manifeste communiste, il nous faut citer deux articles de l'historien soviétique E.-P. Kandel : dans le premier, il c o m p a r e la brochure Grundsàtze des Kommunismus écrite par F. Engels en 1847 et celle intitulée Om prolétariat och dess befrielse genom den sanna kommunismen (Du prolétariat et de sa libé- ration par le vrai c o m m u n i s m e ) publiée la m ê m e année à Stockholm par le c o m m u n i s t e icarien Fer Gôtrek (1798-1876) ; tandis que dans le s e c o n d article, l'auteur suppose que T e d e s c o avait déjà tracé les grandes lignes de son Catéchisme du prolétaire avant de partir p o u r Londres

en tant que délégué au d e u x i è m e congrès de la Ligue des Commu- nistes (22).

Notre p r o p o s n'est pas d'écrire ici l'histoire de la section belge de la Ligue des c o m m u n i s t e s ; cette histoire reste encore à faire m ê m e si les études et d o c u m e n t s sur cette Ligue deviennent plus nombreux.

A ce propos, il nous faut citer ici les précieux documents inédits publiés par B. Andréas : il a notamment retrouvé dans les archives de Hambourg un rapport (jusqu'ici i n c o n n u ) sur le premier congrès de la Ligue des c o m m u n i s t e s tenu à Londres du 2 au 9 janvier 1847, un projet de sta- tuts de cette Ligue et un projet de programme sous f o r m e de ques- tionnaire (23). Ces d o c u m e n t s n'ont naturellement pu être insérés dans le recueil sur la Ligue des communistes publié à Moscou en 1964 et qui contient, sur 185 documents, 79 inédits (24) : parmi ceux-ci, une intéressante lettre de V. T e d e s c o à Karl Marx de 1847 qui donne des r e n s e i g n e m e n t s sur l'activité de la société ouvrière allemande à Liège (25).

D'autres lettres existent dans les fonds de l'Institut de marxisme-léni- n i s m e à Moscou qui seront, nous l'espérons, éditées dans le recueil de documents sur la Ligue que préparent en collaboration les Instituts du m a r x i s m e - l é n i n i s m e de Berlin et de Moscou (26).

Citons aussi u n e étude parue dans une revue polonaise au sujet de l'activité de l'Association démocratique f o n d é e à Bruxelles en 1847 ; les d o c u m e n t s publiés p r o v i e n n e n t des Acta Clementina (27).

Nous a v o n s rappelé plus haut qu'en 1849 parut à Liège le Catéchisme du prolétaire de Victor T e d e s c o . Dans un article surtout descriptif, le v i e u x militant socialiste A l p h o n s e Gaspar rappelle que cette forme de propagande est a n c i e n n e et fut utilisée jusqu'au début de la Première Guerre m o n d i a l e : après en avoir analysé quelques-uns, il énumère ceux

(22) KANDEL J.P., « Neue Fakten zur Geschichte des « Manifests der Kommunistischen Partei », in Beitràge zur Geschichte der Deutsche Arbeiter- bewegung, Berlin, 1961 (traduit de Novaja i novejsaja istorija, 1960, n° 2, pp. 117-126) ; et id., « Sur l'histoire de la diffusion des premiers documents- programmes du communisme scientifique » (en russe), in L'Europe à l'époque moderne et contemporaine (recueil d'articles en hommage à l'académicien N.M. Lukin), Moscou, 1966, pp. 229-252.

(23) ANDBEAS B., Grûndungsdokumente des Bundes der Kommunisten {Juni bis September 1847) ; Hamburg, 1969.

(24) XXX, La Ligue des communistes, précurseur de la 1" Internationale. — Recueil de documents, Moscou, 1964.

(25) O.C., p. 147 ; l'original se trouve à l'I.M.L., Moscou.

(26) I.M.L., Moscou : Fonds 1 / 5 / 133.

(27) HALICZ Em., « L'Association démocratique à Bruxelles, 1847-1848 » (en polonais, documents en langue originale française), in Z Pola WaUà, 1961, n" 3, pp. 100-127.

(8)

que le c h e r c h e u r peut trouver à l'Institut Emile V a n d e r v e l d e à Bruxel- les (28).

***

Le souffle des révolutions européennes de 1848 passa sur la Bel- gique sans m e n a c e r les bases de la m o n a r c h i e constitutionnelle établie en 1830, malgré les réticences que Léopold P ' manifesta alors à accepter une constitution qu'il trouvait trop démocratique.

A l'aide des archives diplomatiques de Bruxelles, de Paris et de Vienne, B.-D. Gooch s'est d e m a n d é pourquoi la Belgique resta paisible dans une Europe tourmentée ; il rappelle entre autre que le roi voulut mettre sa c o u r o n n e à la d i s p o s i t i o n du gouvernement (29).

Par contre, A.-J. V e r m e e r s c h a étudié la presse de l'époque et cons- tate que les « feuilles catholiques sont aux prises avec u n e terreur que les feuilles libérales sont m i e u x préparées à maîtriser « (30).

Mais nous s o m m e s au c œ u r du problème avec les publications de d o c u m e n t s sur le m o u v e m e n t ouvrier. H. Lhoest-OfTerman a rassemblé les documents relatifs à la p r o p a g a n d e socialiste à Bruxelles ; dans sa préface, elle trace les limites de son ouvrage. Nous p o u v o n s de plus regretter que certains d o c u m e n t s soient illisibles et que, la plupart du temps, seule la première page soit reproduite (31). U n e lacune aussi, à notre sens : pourquoi ne pas avoir d o n n é une p h o t o c o p i e de la célèbre b r o c h u r e du militant bruxellois Jean Volders, Le Peuple et le suffrage universel parue en 1890 ? Le fait que la b r o c h u r e ait paru à Gand ne nous semble pas suffisant pour la rejeter : elle fut certai- nement a b o n d a m m e n t diffusée dans les milieux bruxellois.

Lors du colloque tenu à Paris sous l'égide du Centre national de la R e c h e r c h e scientifique, plusieurs historiens ont évoqué le rôle im- portant joué par la section belge au sein de l'Association Internationale des Travailleurs. D'ailleurs, aussi bien le Répertoire international des sources (32) que le recueil de d o c u m e n t s publiés par J. F r e y m o n d (33) et les procès-verbaux du Conseil général de Londres édités à Mos- cou (34) montrent que cette section fut u n e des plus actives et u n e des plus importantes.

(28) GASPAR A., « L'histoire de la propagande par le catéchisme », in Socia- lisme, 1967, n° 79.

(29) GOOCH-BRISON D., Belgium and the Febmarg Révolution ; The Hague, NijhofF, 1963, et consulter aussi à ce sujet VON DER DUNK H., J>er Deutsche Vormârz und Belgien 1830-1848 ; Wiesbaden, Institut fiir Europaïsche Geschi- chte, 1966.

(30) VERMEERSCH A.J., « L'opinion belge devant la Révolution française (1848) », in Revue du Nord, t. XLIX, n" 194, pp. 483-508.

(31) LHOEST-OFFERMAN H., Recueil de documents relatifs à la propagande des mouvements socialistes au xix" siècle à Bruxelles ; Bruxelles, Institut belge de science politique, 1967 (Documents, 1" série, n° 1).

(32) Répertoire international des sources pour l'étude des mouvements sociaux aux xix« et xx« siècles. La Première Internationale. Paris, Libr. A. Colin, 1958-1963 (3 vol.).

(33) La Première Internationale. Recueil de documents (publiés sons la direction de J. Freymond), Genève, Libr. Droz, 1962 (2 vol.).

(34) The General Council of the First International. Minutes ; Moscow, s.d. (5 vol.).

(9)

90 B. DANDOIS

Le rapport présenté par J. Dhondt et G. Oukhow résume bien la situation et d o n n e d'utiles directions de r e c h e r c h e s en indiquant les sources disponibles (35). G. Oukhow a mis en application une partie du p l a n de r e c h e r c h e s dressé à ce Golloque et s'est attelée à la difficile t â c h e de publier des documents de la section belge ; elle a rassemblé en u n volume les d o c u m e n t s publiés dans la presse internationaliste belge de 1865 à 1872 : adresses, règlements, comptes rendus des congrès annuels, e t c . . (36).

De même, K. Van Isacker étudie le rôle de la section anversoise qui eut c o m m e m e m b r e éminent l'ouvrier c o r d o n n i e r P h . Coenen, u n des correspondants de Karl Marx (37).

N o u s avons déjà signalé plus haut le manque d'archives ouvrières en Belgique et G. O u k h o w écrit que « les archives du Conseil général belge et celles des institutions locales ont disparu ». Heureusement, cette assertion n'est vraie qu'en partie et G. Haupt dans son article c o n s a c r é aux archives du B.S.I. paru ici m ê m e en 1963 signalait que D. Riazanov, fondateur de l'Institut Marx-Engels à Moscou, avait em- prunté, avant 1914, une partie de ces archives pour rédiger l'histoire de la première Internationale que lui avait d e m a n d é e la Fondation Anton Menger de V i e n n e (38).

Aujourd'hui la plupart de ces d o c u m e n t s sont c o n s e r v é s à l'I.M.L.

de Moscou où nous avons pu les consulter : il s'agit d'une centaine de lettres sur la section belge de l'A.I.T., ainsi que les procès-verbaux des séances du Gonseil général belge élu le 25 d é c e m b r e 1868. Ainsi donc, les procès-verbaux sont complets puisque l'I.I.S.G. d'Amsterdam p o s s è d e dans les archives Hermann Jung les procès-verbaux de la section bruxelloise de l'A.I.T. de 1865 à 1868.

A

Il ne suffit pas d'étudier l'histoire des institutions ouvrières ou de l ' o p i n i o n à travers la presse, il faut aussi c o m p r e n d r e les démarches qui a m è n e n t un militant à adhérer au mouvement, à s'y donner entiè- rement, à le quitter, mais aussi parfois à le renier. Plusieurs articles sont c o n s a c r é s à étudier le c o m p o r t e m e n t de ces militants en parti- culier. J. D h o n d t tente de prouver que Karel De Booss, militant gantois, né e n 1842, devint un m o u c h a r d et un indicateur de p o l i c e : si le fait est réel — et il paraît vraisemblable — il méritait d'être appuyé par la publication des d o c u m e n t s de p o l i c e sur lesquels l'article s'appuie (39).

(35) DHONDT J. et OUKHOW C, « La première Internationale en Belgique », in La Première Internationale : l'institution, l'implantation, le rayonnement

(Colloque du C.N.R.S, Paris, 16-18 novembre 1964), Paris, Ed. du C.N.R.S.,

1 9 6 8 , p p . 1 5 1 - 1 6 8 .

(36) OUKHOW C, Documents relatifs à l'histoire de la l" Internationale

en Wallonie ; Paris-Louvain, Nauwelaerts, 1967 (Centre interuniversitaire d'his- toire contemporaine. Cahiers 47).

(37) VAN ISACKER K. (S.J.), De Internationale te Antwerpen : 1867-1877 ; Antwerpen, De Nederlandse Boekhandel, 1964.

(38) HAUPT G., « Note sur les archives de la 1" Internationale réunies par le B.S.I. », in Le Mouvement social, 1963, n° 44, pp. 83-91.

(39) DHONDT J., « Un militant gantois de la 1" Internationale, in Contribu- tions à l'histoire économique et sociale, t. II, 1963, pp. 93-141.

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D. Devreese a écrit des articles précis et bien d o c u m e n t é s sur d e u x militants gantois : F r a n c i s c u s Bilen (1819-1881) et Jan Seranne (1842- 1919) (40).

Lors de l'exposition organisée en 1964, à Bruxelles, à l'occasion du centenaire de la Première Internationale, J. Kuypers avait obtenu des p h o t o c o p i e s de lettres du militant bruxellois Alphonse Vandenhouten (1842-1894) au correspondant de la s e c t i o n belge à Londres, Marie Bernard. Ce sont ces d e u x lettres qu'il a publiées dans la revue Socia- lisme (41), en m ê m e temps qu'il retrace la carrière politique de ce mili- tant qui devint conseiller c o m m u n a l du Parti ouvrier Belge (P.O.B.) dans une c o m m u n e de l'agglomération bruxelloise. D'autres lettres sur la section belge ont été publiées par nos s o i n s dans cette revue (42) et fournissent des éléments c o m p l é m e n t a i r e s sur cette section qui c o m m e n c e à être m i e u x c o n n u e .

L'étude des idées et des sources idéologiques de l'Internationale doit également trouver une place dans la r e c h e r c h e historique (43).

Parmi les précurseurs du c o l l e c t i v i s m e en Belgique, il faut citer le baron de Colins (1783-1859) auquel I. Rens, après avoir écrit d e u x articles sur sa doctrine, c o n s a c r e à ouvrage la vie et l'œuvre de ce penseur prolixe (44). L'auteur a eu la c h a n c e de découvrir les manuscrits de Colins : en dépouillant ces manuscrits et en relisant attentivement ses œuvres, I. R e n s a pu très utilément compléter la courte biographie que lui avait consacrée, il y a soixante ans, un de ses disciples, Jules Noël (45). Faut-il s'associer à l'enthousiasme partagé par l'auteur envers son sujet et son p e r s o n n a g e ? Peut-être pas, m a i s l'auteur a m e n é ses recherches jusqu'à Cuba où le baron de Colins devint, à la fin de 1818, agriculteur et propriétaire d'esclaves. Ardent bonapartiste, le baron de Colins intrigua à V i e n n e où il faillit avoir des ennuis, et puis fut arrêté à Paris, on ne sait pas très bien pour quel motif, après les journées de juin 1848.

Sa doctrine collectiviste eut peu d'audience de son vivant ; m ê m e ses d i s c i p l e s les plus proches, tels Louis de Potter et Adolphe Hugen- tobler, se montrèrent un peu réticents à d i f f u s e r ses idées. Mais ce qui

(40) DEVREESE D., « Nog voor de Eerste Internationale : socialist en flamin- gant Franciscus « Kapneus » Bilen (1819-1881) », in Handelingen der Maat- schappij voor Geschiedenis en Oudheidkunde, Gent, 1968 ; id., « Een vergeten Cents arbeidersleider uit de vorige eeuw, Jan Seranne », ibid., 1967.

(41) KUYPERS J., « Alphonse Vandenhouten, correspondant belge de la 1 " I n t e r n a t i o n a l e : 1842-1894 », in Socialisme, 1965, n° 67, pp. 85-95.

(42) DANDOIS B., « Vingt lettres sur l'A.I.T. en Belgique », in Le Mouvement social,, 1968, n" 62, pp. 49-98.

(43) ABS R., « Les origines du socialisme en Belgique », in Socialisme, 1967, n" 83 (extrait) ; XXX, « La marche des hommes, 1885-1960 » - 75» anni- versaire du P.S.B. Bruxelles, Le Peuple, 1960. Institut Emile Vandervelde.

Catalogue I ; Bruxelles, 1969.

(44) RENS I., « Colins, précurseur du collectivisme étatique et du socialisme libéral », in Res Publica (revue de l'Institut Belge de Science politique), t. VII, 1965 / 4, pp. 352-377, et id., « Philosophie colinsienne ou les fondements ratio- nalistes d'un socialisme d'ordre moral », in Res Publica, t. IX, 1967 (n° spé- cial) ; id.. Introduction au socialisme rationnel de Colins, Neuchâtel, La Bâcon- nière, 1968.

( 4 5 ) N o E i , J., Un philosophe belge : Colins, Mons-Paris, La Société Nou- velle, 1909.

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92 B . D A N D O I S

est intéressant, c'est que cette doctrine, qui constitue u n e synthèse entre le libéralisme et le socialisme, eut une vie longue : elle se traduisit par la fondation, en 1875, d'une revue intitulée Revue du socialisme rationnel, revue qui disparut en 1914 seulement. Il existerait encore, s e l o n l'auteur, des groupes de socialistes rationnels en Europe et en Amérique ; en France, Mlle T u f f é r y (établie dans le Var) assure la liaison entre eux.

E s p é r o n s que bientôt paraîtront les deux autres ouvrages que pré- pare I. Rens, à savoir u n e Anthologie colinsienne et une Histoire de

l'Ecole du socialisme rationnel.

U n autre précurseur a laissé des traces vivaces de son séjour en Belgique : c'est Proudhon. Arrivé à Bruxelles en juillet 1858, il y restera quatre ans.

J. Bartier analyse la c o r e s p o n d a n c e et les œ u v r e s de Proudhon, les journaux socialistes, démocratiques et satiriques, étudie les oeuvres p r i n c i p a l e s des socialistes et progressistes et aboutit à la conclusion que l'influence de P r o u d h o n fut p r o f o n d e dans des milieux très divers (46). Ce rôle de P r o u d h o n fut apparent et réel au Congrès inter- national des étudiants à Liège en 1865 ; à l'occasion du c e n t i è m e anni- versaire de ce congrès, L. Halkin publie, en a n n e x e de la première m o n o g r a p h i e c o n s a c r é e à ce congrès qui joua un rôle si important d a n s le rassemblement des républicains de toutes tendances, des docu- m e n t s intéressants extraits du compte rendu o f f i c i e l du congrès, des a r c h i v e s du ministère des Affaires étrangères à Paris, des rapports du préfet de police de Paris Boitelle (dans les papiers du ministre d'Etat E u g è n e Rouher déposés aux Archives nationales) (47).

Le congrès de Liège eut des prolongements qui se matérialisèrent sous la forme d'autres c o n g r è s en 1867 et en 1868. J. Bartier analyse les l i e n s qui ont pu exister entre les étudiants qui participèrent à ces c o n g r è s et les m e m b r e s de l'Internationale, bien qu'il signale à juste titre que ces congrès n'eurent pratiquement pas d'écho au sein du Conseil général de l'A.I.T. à Londres (48).

L'article du profeseur L. Halkin sur la section liégeoise de l'A.I.T.

est m o i n s fouillé que l'article cité ci-dessus et mériterait d'être complété par des renseignements plus précis sur chacun des m e m b r e s impor- tants (49). Signalons entre autre que la c o r r e s p o n d a n c e Marx-Engels fournit des détails sur le point de vue de F. Engels. D è s la c o n f é r e n c e d e Londres en septembre 1871, Alfred H e r m a n se range aux côtés des partisans du Conseil général de Londres. Les lettres de F. Engels à Th. Cuno (1847-1934), militant autrichien résidant à Liège au milieu de l'année 1872, montrent que F. Engels y cherchait un appui pour

(46) BARTIER J., « Proudhon et la Belgique », in L'Actualité de Proudhon, Bruxelles, Institut de Sociologie, 1967, pp. 169-227.

(47) HALKIN L., Le premier congrès international des étudiants à Liège, Liège, 1966 (compte rendu par J. Maitron, in Le Mouvement social, 1967, n" 60, pp. 126 et ss.).

(48) BARTIEH J., « Etudiants et mouvements révolutionnaires au temps de la 1 " Internationale », in Mélanges offerts à G. Jacquemyns, Bruxelles, Institut de Sociologie, 1968, pp. 35-60.

(49) HALKIN L., « Liège, la première Internationale et la Commune », in Revue belge de Philologie et d'Histoire, 1966, pp. 1160-1173.

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combattre les tendances a n a r c h i s t e s très v i v a c e s dans les sections du bassin de la Vesdre. D è s d é c e m b r e 1871, Alfred Herman redoute la s c i s s i o n qui surviendra au c i n q u i è m e congrès à La Haye en septem- bre 1872, et marque déjà s o n a c c o r d avec le Conseil général de Londres (50).

L'affirmation du professeur J. D h o n d t selon laquelle « l'étude du t h é o r i c i e n du socialisme s'efface devant l'étude des militants » (51) est vraie pour la plupart des militants et D. Devreese essaie de définir la notion de militant à partir de treize cas concrets. Cette étude est très intéressante, mais il serait peut-être utile que les chercheurs puissent poursuivre leurs investigations à l'échelle nationale, notamment à pro- p o s des 213 membres de la s e c t i o n belge que l'on retrouve dans les procès-verbaux de la section b r u x e l l o i s e (52).

Cette affirmation ne peut c e p e n d a n t s'appliquer à un des p r i n c i p a u x militants de l'A.LT. en Belgique, César de Paepe (1841-1890). Malgré les articles et notices qui lui ont été consacrés, ce militant mériterait u n e étude plus a p p r o f o n d i e basée n o t a m m e n t sur sa nombreuse correspon- d a n c e et sur les procès-verbaux de la section belge, ainsi que sur les multiples écrits parus dans la presse socialiste de l'époque (53). Cette étude permettrait entre autres d'éclaircir un problème important : celui des sources idéologiques de sa p e n s é e .

Certes, César de Paepe fut i n f l u e n c é par le précurseur du collecti- v i s m e en Belgique, le baron d e Colins. Les lettres qu'il a écrites à Agathon de Potter donnent u n e idée des éléments qu'il a repris, lors d e ses nombreuses lectures, à la d o c t r i n e de ce collectiviste (54). Il faut ajouter à ces sources sa lettre à Jules Brouez du 2 février 1865, repro- duite dans la Revue du socialisme rationnel (27' année, 1901-1902, pp. 429-430) ainsi que sa lettre à Benoît Malon du 9 janvier 1878 dans laquelle il critique l'Histoire du Socialisme par B. Malon, parue d a n s le n° 1 du Socialisme progressif. (55)

M. O u k h o w retrace dans s e s grandes lignes l'évolution politique de César de Paepe (56), qui adhéra, d è s 1859, à la société Vlamingen,

vooruit ! (Flamands, en avant !) ainsi qu'à la société de libre p e n s é e . Les Affranchis ; le mérite de cette courte étude est de signaler les points obscurs de cette é v o l u t i o n politique, notamment ses liens avec la p e n s é e du baron de Colins, celle de P r o u d h o n et celle de Marx.

D'autre part, J. Kuypers a traduit en néerlandais un article de César de P a e p e paru dans le Socialisme progressif du 30 novembre 1878, au

(50) Lettre inédite d'Alfred Herman à Eugène Hins, 15 décembre 1871 : I.M.L., Moscou.

(51) DHONDT J., « Les femmes et l'Internationale », in Mélanges offerts à G. Jacquemyns, Bruxelles, Institut de Sociologie, 1968, p. 240.

(52) DBVHEESE D., « Militanten rond de Eerste Internationale in België », overdruk uit Bulletin van het O.S.G.G. ; 1969, n" 19, pp. 26-45.

(53) Nous préparons l'édition de la correspondance de César de Paepe avec Benoît Malon ; la plupart des lettres sont conservées dans les archives Eugène Fournière à l'Institut français d'Histoire sociale.

(54) VERVAECK S., « Brieven van César de Paepe aan Agathon de Potter », in Socialistische Standpunten, 1969, n" 2 et n» 3, pp. 116-120 et pp. 184-189.

(55) I.F.H.S., Fonds Eugène Fournière.

(56) OUKHOW M., « César de Paepe en de grœi van het sociale bewustzijn in België », in Socialistische Standpunten, 1962, n" 1, pp. 76-90.

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94 B . D A N D O I S

sujet d u m o u v e m e n t flamand (57). Il n o u s s e m b l e c e p e n d a n t q u e l'affir- m a t i o n de J. K u y p e r s , s e l o n laquelle « v e r s 1880, César de P a e p e répan- dit d a n s les s p h è r e s m a ç o n n i q u e s la t h è s e que, p o u r être u n b o n m a ç o n , il fallait être s o c i a l i s t e et que, p o u r être u n b o n socialiste, il fallait être m a ç o n » est sujette à c a u t i o n (58). N o u s n ' a v o n s trouvé a u c u n e t r a c e de cette a p p a r t e n a n c e d a n s la n o m b r e u s e c o r r e s p o n d a n c e que n o u s a v o n s d é p o u i l l é e . Le seul fait c e r t a i n , c'est q u e César de P a e p e fut u n libre p e n s e u r actif et c o l l a b o r a en 1884-1885 à De Dageraad, o r g a n e des libres p e n s e u r s et f r a n c s - m a ç o n s d ' A m s t e r d a m .

Il est vrai aussi, à c e p r o p o s , q u e libre p e n s é e et s o c i a l i s m e f u r e n t l o n g t e m p s très l i é s ; c'est c e rôle d e l ' a n t i c l é r i c a l i s m e qu'a étudié l ' h i s t o r i e n a m é r i c a i n Allan H. Kittel (59), et J. Bartier d o n n e d'utiles p r é c i s i o n s d ' o r i e n t a t i o n b i b l i o g r a p h i q u e sur u n sujet e n c o r e mal c o n n u (60). R a p p e l o n s aussi q u e les p r o c è s - v e r b a u x d e la s o c i é t é de l i b r e p e n s é e L'Affranchissement ont été r é c e m m e n t r e t r o u v é s et é d i t é s p a r H. W o u t e r s (61).

La c r i s e de l ' I n t e r n a t i o n a l e a p r è s le c o n g r è s de La H a y e e n 1872 a fait l'objet d'une t h è s e d e d o c t o r a t qui mériterait d'être traduite en f r a n ç a i s o u d i f f u s é e d a n s u n p u b l i c plus large q u e c e l u i d e s cher- c h e u r s . D. D e W e e r d t a n a l y s e p a t i e m m e n t cette c r i s e qui aboutit m a l g r é tout e n 1879 (lors d e la f o n d a t i o n d u parti s o c i a l i s t e belge issu de la f u s i o n du parti s o c i a l i s t e f l a m a n d et d u parti s o c i a l i s t e braban- ç o n ) à l ' a d o p t i o n des p r i n c i p e s c o n c e r n a n t l'action p o l i t i q u e d e la c l a s s e o u v r i è r e rejetés q u e l q u e s a n n é e s plus tôt par le C o n s e i l g é n é r a l b e l g e (62).

Q u e l q u e s a n n é e s plus tard, en avril 1885, la f o n d a t i o n d u Parti O u v r i e r Belge (P.O.B.) m a r q u e l ' u n i o n de toutes les s o c i é t é s o u v r i è r e s a u t o u r d'un p r o g r a m m e p o l i t i q u e c o m m u n . D a n s u n article d e s y n t h è s e , M. S z t e j n b e r g r a p p e l l e q u e l s f u r e n t les o b s t a c l e s qu'il fallut s u r m o n t e r , n o t a m m e n t du c ô t é s y n d i c a l (63). L e s statuts du P.O.B. f u r e n t a d o p t é s au c o n g r è s du m o i s d'août 1885 à A n v e r s ; R. Abs e x a m i n e les d i f f é -

(57) KuYPEHS J., « César de Paepe of de nederlandse gezindheid van een internationalist », in Nieuw Vlaams Tijdschrift, XVII, 1965, pp. 150-180.

(58) In La Première Internationale : l'institution, l'implantation, le rayon- nement, O.C., p. 167.

(59) KITTEL A.H., « Socialist versus Catholic in Belgium : the rôle of anti- clericalism in the development of the Belgian left •», in The Historian, XXIII, n" 4, pp. 418-435 ; traduction en français in Socialisme.

(60) BARTIER J., « Anticléricalisme, laïcité et rationalisme en Belgique au xix° siècle », in Colloque : Sources de l'histoire religieuse de la Belgique, Paris- Louvaln, Nauwelaerts, 1968 (Centre interuniversitaire d'histoire contemporaine.

Cahiers 54).

(61) In W o u T E n s H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeiders- beweging (1853-1865) ; Paris-Louvain, Nauwelaerts, 1966 (Centre interuniver- sitaire d'histoire contemporaine. Cahiers 40), pp. 224-317.

(62) DE WEERDT D., Het ontstaan uan de Belgische Socialistische Partij (1872-1879) uit de krisis van de Internationale ; thèse de doctorat, Université de Gand, année académique 1967-1968.

(63) SZTEJNBERG M., « La fondation du P.O.B. et le ralliement de la classe ouvrière à l'action politique : 1882-1886 », in International Review of Social His- tory, vol. VIII, 1963, part 2, pp. 198-215.

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rences entre ces statuts et la déclaration adoptée à Quaregnon e n 1894 (64).

U n e des p r é o c c u p a t i o n s majeures du P.O.B. fut de pouvoir o p p o s e r aux forces catholiques et libérales traditionnelles représentées au Par- lement, les représentants de la classe ouvrière. Le P.O.B. essaya aussi, à la faveur de la réforme électorale de 1883, d'entrer dans les c o n s e i l s c o m m u n a u x ; le fait qu'au niveau c o m m u n a l des conquêtes ont pu être arrachées permit à certains dirigeants d'ériger ces pratiques quoti- diennes en doctrine appelée s o c i a l i s m e communal. J. Puissant analyse cette politique dans trois c o m m u n e s de l'agglomération bruxelloise et définit l'objet de ces luttes ; par exemple, le m i n i m u m de salaire, la suppression des impôts i n d i r e c t s et la création d'un impôt proportionnel sur les revenus (65).

Cependant, la politique du P.O.B. ne fut pas acceptée par tous les cercles ouvriers ; ce fut n o t a m m e n t le cas lors de la crise de 1886.

Par exemple, dans la région de Sprimont, les ouvriers carriers se ralliè- rent autour d'un a n c i e n patron carrier ruiné, devenu simple tailleur de pierres, Joseph-Hubert Pahaut (1835-1914). Il est aujourd'hui c o n n u sous le n o m de « roi Pahaut » et G. Laport lui a dédié une n o t i c e biogra-

phique pieuse et bien d o c u m e n t é e (66).

Il faut aussi citer p a r m i c e u x qui s'opposèrent à la politique générale du P.O.B., le fondateur, en 1887, du parti socialiste républicain : Alfred Defuisseaux. La m ê m e année était f o n d é e la branche belge de la Cheva- lerie du Travail, société ouvrière à caractère maçonnique. M. Dommanget, dans son livre sur la Chevalerie du Travail française (67) a laissé u n e place pour évoquer le rôle des Belges Albert Delwart et Jean Caluwaert (1846-1918). En fait, l'auteur reprend les précieux renseignements consi- gnés dans des brochures aujourd'hui pratiquement introuvables écri- tes par Jules des Essarts en 1887, et par L. Watillon en 1923 (68).

Dans le cadre de l'amélioration de la situation de la classe ouvrière, le P.O.B. lutta également pour l'élaboration d'une législation sociale.

C. Delstanche constate qu'en 1894 la classe ouvrière constitue l'aspect essentiel de la question sociale (69). A ce moment, la question est d'ac- tualité car cette année-là, les p r e m i e r s députés socialistes font leur entrée au Parlement ; l'auteur rappelle aussi que les libéraux progres-

(64) ABS R., « Les statuts du P.O.B. de 1885 à 1914 », in Socialisme, 1969,

n" 9 4 , p p . 4 6 5 - 4 7 2 .

(65) PUISSANT J., « La politique municipaliste dans trois communes bruxel- loises (Bruxelles, Molenbeek, Schaerbeek) 1884-1895 », in Contributions à l'his- toire économique et sociale, vol. IV, 1966-1967, pp. 92-112.

(66) LAPORT G., « Le « roi » Pahaut », in La Vie wallone, t. 37, septembre

1 9 6 3 , 5 5 p.

(67) DOMMANGET M., La Chevalerie du Travail française : 1893-1911, Lau- sanne, Rencontre, 1967, pp. 37-50.

(68) DES ESSARTS J., « L'organisation ouvrière. Les Chevaliers du Travail >

(conférence donnée le 18 septembre 1887 à l'occasion de l'inauguration de la boulangerie ecopérative de la société des verriers à vitres « Eurelia ») ; Char- leroi, Imp. Veuve Bufquin des Essarts, 1887 ; WATILLON L., Les Chevaliers du Travail en Belgique, Bruxelles, 1923.

(69) DELSTANCHE C, « Vue d'ensemble de la question sociale en Belgique en 1894 », in Contributions à l'histoire économique et sociale, vol. IV, 1966-1967,

p p . 1 1 - 4 7 .

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sistes, c o m m e Paul Janson par exemple, attachèrent plus d'importance aux p r o b l è m e s politiques qu'aux problèmes sociaux.

Grâce à la création de l'Université nouvelle en 1894, le P.O.B.

r a y o n n a aussi en direction des intellectuels et des artistes. D a n s un article publié dans cette revue, l'historienne américaine E. Herbert signale la part prise par des écrivains c o m m e C. Lemonnier, G. Eekhoud, E. Verhaeren ou par le sculpteur C. Meunier dans l'action culturelle

en faveur des ouvriers ; il est vrai qu'ils étaient plus p r o c h e s de l'anar- c h i e que du socialisme (70). Il faut citer aussi le littérateur Célestin D e m b l o n (1859-1924) : instituteur liégeois, il fut parmi ces 28 députés s o c i a l i s t e s qui forcèrent les portes du Parlement en 1894. Son beau-fils a r é d i g é n o n seulement la notice qui a paru dans la Biographie Na- tionale m a i s aussi une biographie un p e u littéraire qui est heureusement c o m p l é t é e par la publication des lettres qu'il échangea avec le dirigeant socialiste bruxellois Jean Volders (1855-1896), qu'il rencontra pour la p r e m i è r e fois en 1883 (71). Gustave Defnet, autre élu socialiste de 1894, a également eu droit à une notice dans la Biographie natio- nale (72).

Les quelques notes qu'Emile Gryson avait rédigées, avant 1958, ont r a p i d e m e n t été rassemblées dans u n e courte plaquette illustrée re- traçant la fondation du m o u v e m e n t ouvrier dans la petite ville fron- talière de Comines (73).

La lutte du P.O.B. pour l'obtention du suffrage universel a été retracée dans l'ouvrage de Cl. Renard qui en tire des leçons politiques p o u r l'actualité (74) ; cette lutte fut marquée par trois grandes grèves générales : en 1893, en 1902 et en 1913.

A chaque fois, il y eut un désaccord p r o f o n d entre les d é c i s i o n s prises par le Conseil général du P.O.B. et les résolutions votées par les mandataires des fédérations lors des c o n g r è s ; c e d é s a c c o r d per- m a n e n t méritait d'être étudié.

D a n s cette revue, M. Liebman a publié une partie de sa thèse de doctorat c o n s a c r é e aux origines de la s c i s s i o n c o m m u n i s t e de 1921 au sein du P.O.B. (75) ; il résume fort b i e n les tergiversations et hési- tations p e r m a n e n t e s du P.O.B. balloté entre les libéraux progressistes et u n e classe ouvrière qui c h e r c h e difficilement à se faire entendre.

De m ê m e , R. Cirulnik, l'auteur des chapitres consacrés au P.O.B.

d a n s l'histoire de la s e c o n d e Internationale rédigée par l'Institut d'his-

(70) HEHBEHT E., The artist and social reform : France and Belgium 1885-1898 ; Yale University Press, 1961. Id., « Les artistes et l'anarchie », in Le Mouvement social, 1961, n" 36, pp. 2-19.

(71) K u N E L M., Un tribun... Célestin Demblon, Bruxelles, Fondation J. Jac- quemotte, 1964 (compte rendu par M. Rébérloux, in Le Mouvement social, 1968, n" 62, p. 123). Id., Biographie de C. Demblon, in Biographie nationale, t. 34, 1967, colonnes 205-209.

(72) FiCHEFET J., Biographie de Gustave Defnet, in Biographie nationale, t. 33, colonnes 224-228.

(73) GRYSON Em., Les premières manifestations du socialisme et la fonda- tion de la section locale du P.O B. à Comines (édition des notes d'Emile Gryson par J.-M. Duvosquel), Comines, Ed. du Foyer Culturel, 1967.

(74) RENARD Cl., La conquête du suffrage universel, o.c.

(75) LIEBMAN M., « La pratique de la grève générale dans le P.O.B. jusqu'en 1914 », in Le Mouvement social, 1967, n" 58, pp. 41-62.

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toire de l'Académie des s c i e n c e s de l'U.R.S.S., a eu l'attention attirée par la grève générale d'avril 1902 (76). Il signale les d e u x courants qui partagèrent depuis 1886 le P.O.B., au sujet de la grève générale.

Certains ( c o m m e César de Paepe, Jean Volders, Edouard Anseele ou Louis Bertrand) d e m a n d a i e n t de lui conserver un caractère pacifique, de la préparer minutieusement et de ne pas outrepasser les possibilités constitutionnelles ; d'autres, c o m m e Alfred Defuisseaux, par exemple, désiraient et exigeaient que le Conseil général du P.O.B. suive de plus près les s e n t i m e n t s et les aspirations des ouvriers en grève : ce fut là une des raisons de la fondation par A. D e f u i s s e a u x du parti socia- liste républicain en 1887. Cette étude en russe a aussi l'avantage de signaler au c h e r c h e u r quelques titres d'ouvrages écrits par des socia- listes belges et traduits en russe avant 1917 : il y a eu là peut-être des contacts a v e c certains courants de la social-démocratie russe qu'il serait intéressant d'approfondir.

U n autre problème souleva d'amples d i s c u s s i o n s au sein du Conseil général et au s e i n du groupe parlementaire socialiste : ce fut, à partir de 1907, la question coloniale. M. Rébérioux et M. Steinberg sont tous d e u x arrivés — en lisant les articles parus dans Le Peuple — aux m ê m e s c o n c l u s i o n s (77). M. T e r w a g n e , député d'Anvers, dirige l'aile a n n e x i o n n i s t e , tandis que Louis de Brouckère (alors directeur politique du journal Le Peuplé) se montre un adversaire résolu de la coloni-

sation et Emile Vandervelde représente la t e n d a n c e « humanitaire » favorable à la parlementarisation du Congo. Ces âpres discussions pré- figurent les positions que prendra plus tard le s o c i a l i s m e belge en face du problème de l ' i n d é p e n d a n c e du Congo (78).

D e 1909 à 1911, des d i s c u s s i o n s agitèrent à nouveau les délibé- rations du Cxjnseil général, cette fois au sujet d'une éventuelle parti- c i p a t i o n ministérielle au gouvernement ; la plus forte opposition vint de Louis de Brouckère et d'Henri de Man qui regroupèrent, dès avril 1911, leurs partisans autour d'un organe intitulé La lutte des classes.

Souhaitons que M. Steinberg qui s'est chargé de la présentation des textes p u b l i é s en mars 1911 par Die Neue Zeit, p u i s s e m e n e r à bien s o n travail sur la gauche du s o c i a l i s m e belge en 1909-1911 (79).

(76) CmuLNiK R., « La grève générale de 1902 en Belgique et le P.O.B. », in L'Europe à l'époque moderne et contemporaine (recueil d'articles en hom- mage à l'académicien N. Lukin), Moscou, 1966, pp. 466-490. Nikolaï M. Lukin (1885-1937) : né dans une famille d'instituteurs, il fit ses études à l'Université de Moscou où il présenta en 1909 une thèse sur les Girondins ; dès 1915, il fut chargé de cours à l'Université de Moscou et fut surtout connu par ses travaux sur la Révolution française et sur la Commune de Paris. Il fut victime, en 1937, des purges staliniennes.

(77) RéBéRIOUX M., « Les conflits de tendances dans le P.O.B. au moment de la « reprise » du Congo », in Le Mouvement social, 1963, n° 45, pp. 110-119, et STEINBERG M, « La crise congolaise dans le P.O.B. (1907-1908) », in La Deu- xième Internationale et l'Orient, Paris, Cujas, 1968, pp. 105-135.

(78) Congo 1885-1960. Positions socialistes, Bruxelles, Fondation Louis de Brouckère, Institut Emile Vandervelde, s.d.

(79) DE MAN H. et DE BROUCKèRE L., Un aspect de la lutte des tendances socialistes. Le mouvement ouvrier en Belgique (1911), traduit par R. Deprez et présenté par M. Steinberg ; Bruxelles, Fondation J. Jacquemotte, 1965, et STEINBERG M., « L'interprétation belge des décisions de l'Internationale sur le ministérialisme : 1909-1911 », in International Review of Social History, vol. X, 1965, part 2. pp. 246-267.

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98

B . D A N D O I S

Comme nous l'avons signalé pour les militants de la section belge de l'Association internationale des travailleurs, l'historien devrait dis- p o s e r de biographies détaillées des principaux militants du mouvement socialiste en Belgique.

N o u s ne d i s p o s o n s pour le moment que d'ouvrages très fragmen- taires sur un socialiste c o m m e Camille Huysmans (1871-1968) (80) ; les textes publiés par G. Haupt montrent l'activité qu'il déploya, dès 1905, c o m m e secrétaire du Bureau socialiste international (81).

Il en va de m ê m e pour Henri de Man (1885-1953) qui est e n c o r e l'objet de vives d i s c u s s i o n s au sein du socialisme belge et même inter- national ; malgré les articles qui lui ont été consacrés, de nombreux aspects de sa vie et de s o n action restent obscurs. E n 1958, P. Dodge publia u n article sur s o n idéologie et, quelques a n n é e s plus tard, le m ê m e auteur publia u n e biographie plus détaillée m a i s qui n'expliquait pas suffisamment les m o t i f s de son adhésion à l'idéologie national- socialiste (82). La publication, en 1960, d'une lettre à Mussolini, qui paraît anodine, soulève un problème important : à partir de quel m o m e n t , Henri de Man accepta-t-il cette idéologie totalitaire ? (83)

Rappelons qu'en 1917 il partagea les vues des dirigeants socia- listes alliés qui allèrent encourager les troupes russes à m e n e r la lutte militaire jusqu'à la v i c t o i r e et la lettre du 4 juillet 1917 à Karl Kaustsky, publiée par J. Kuypers (84) souligne par contre s o n opposition aux d é m a r c h e s faites par C. H u y s m a n s pour convoquer la c o n f é r e n c e de Stockholm. Souhaitons d o n c que le travail en cours d'élaboration par E. H a n s e n permette — à l'aide des archives de l'I.I.S.G. d'Amsterdam — d'éclaircir ces points laissés obscurs (85).

La crise qui traversa les partis socialistes e u r o p é e n s en août 1914 n'épargna par le P.O.B. M. Liebman a étudié patiemment les effets et les c o n s é q u e n c e s de cette crise qui amena en 1921 la création d'un parti c o m m u n i s t e en Belgique (86). Cette thèse de doctorat a le mérite

(80) SMEKENS F., Camille Huysmans (26 mei 1871 - 25 februari 1968) ;

Antwerpen, Stichting Ivio, 1968. PICARD L., BINNEMANS R. et OUKHOW M., Camille Huysmans negentig - Herinneringsalbum ; Antwerpen, 1961. ROEMANS R. et VAN ASSCHE H., Camille Huysmans, Hasselt, 1961.

(81) Correspondance entre Lénine et Camille Huysmans : 1905-1914, éditée par G. Haupt, Paris-La Haye, Mouton, 1963. Bureau socialiste international - vol. I : 1900-1907. — Comptes rendus des réunions. — Manifestes et circulaires ; documents recueillis et présentés par G. Haupt ; Paris, Mouton, 1969.

(82) DODGE P., « Voluntaristic socialism : an examination of the implica- tion of de Man's ideology », in International Review of Social History, vol. III, 1958, pp. 385-417. Id., Beyond Marxism ; the Faith and works of Hendrik de Man, the Hague, M. Nijhoff, 1966.

(83) Lettres de Mussolini à Henri de Man, in Ecrits de Paris, 1960, juillet- août, pp. 79-96. Mens en Taak, a" spécial, 1964 / 1, Anvers.

(84) KUYPERS J., « Hendrik de Man an Karl Kautsky. Ein unverôffentlicher Brief aus dem Jahre 1917 », in Archiv fiir Sozialgeschichte, vol. 5, pp. 433-441.

(85) HANSEN E., « Hendrik de Man and the crisis in European socialism 1926-1936 » (Dissertation - New York), in Internationale Wissenschaftliche Korrespondenz, n° 6, sub Nr 755.

(86) LIEBMAN M., Origine et signification de la scission communiste dans le Parti ouvrier belge (1921). Etude dans un contexte international, Bruxelles, Université libre. Faculté des sciences sociales et politiques. Année académique 1962-1963 (3 parties).

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incontestable de situer le p r o b l è m e dans un contexte international, m a i s elle nous semble partir d'une p r é m i s s e fausse. En effet, parler d'un P.O.B. qui trahit son passé r é v o l u t i o n n a i r e n'est pas à l'image de la réalité. Les études citées plus h a u t d é m o n t r e n t assez que les tendances révolutionnaires spontanées ont m a i n t e s fois été freinées par le Conseil général qui déployait plus d'efforts à réaliser un accord électoral avec les libéraux progressistes qu'à traduire les aspirations des travailleurs.

U n regret aussi, M. Liebman n'a pu utiliser les archives c o m m u n i s t e s qu'a largement utilisées, par contre, Cl. Renard dans un ouvrage retra- çant les é c h o s de la révolution de 1917 en Belgique (87) ; l'auteur s'est notamment servi des rapports présentés par les deux délégations belges au IIP congrès de l'Internationale communiste : l'un de c e s rapports — celui présenté par J. Jacquemotte et R. Poulet au n o m de l'aile gauche du P.O.B. — a été reproduit dans les Cahiers mar- xistes (88). Les articles et interpellations parlementaires de Joseph Jac- quemotte ont été rassemblés d a n s un recueil intéressant, certes, m a i s o ù les notices e x p l i c a t i v e s auraient p u être plus explicites pour un lecteur qui ne connaît pas c e s é v é n e m e n t s (89). De même, aurait-il fallu indiquer les coupures ( m ê m e a n o d i n e s ) et insérer dans ce recueil les discours que Jacquemotte p r o n o n ç a sur la question coloniale lors du s i x i è m e congrès de l'Internationale c o m m u n i s t e en aoiit 1928 (90).

D a n s le m ê m e ordre d'idées, la thèse de doctorat de M. Claeys Van H a e g e n d o r e n sur l'évolution de l'attitude du P.O.B. entre 1914 et 1940 o f f r e le m ê m e défaut. Il s e m b l e qu'elle parte d'un préjugé contre la politique du P.O.B. ; il était p o s s i b l e de démontrer les m ê m e s faits e n confrontant de façon plus p r é c i s e les sources à la disposition du chercheur. Nous savons, par e x p é r i e n c e , que ces sources sont parti- culièrement pauvres ou peu a c c e s s i b l e s pour cette période de l'histoire de notre m o u v e m e n t ouvrier, m a i s il était possible d'adopter une mé- t h o d e plus critique (91).

A propos des sources sur l'histoire du mouvement ouvrier, n o u s avons cité plus haut les p u b l i c a t i o n s du Centre inter-universitaire d'his- toire c o n t e m p o r a i n e ; il nous faut m e n t i o n n e r aussi les recherches entamées depuis quelques a n n é e s par l'Institut belge de s c i e n c e poli-

(87) RENAHD Cl., Octobre 1917 et le mouvement ouvrier belge ; Bruxelles, Fondation Joseph .Jacquemotte, 1967.

(88) Rapport présenté par les délégués de l'aile gauche du P.O.B. au Comité exécutif de l'Internationale communiste, in Cahiers Marxistes, 1969, n" 2, pp. 43-47. Ce rapport fut remis à G. Zinoviev, président du Comité exécutif de l'I.C, le 13 juin 1921 : original à I.M.L., Moscou, photocopie Fondation J. Jacquemotte.

(89) XXX, Une grande figure du mouvement ouvrier belge : Joseph Jacque- motte. Articles et interpellations parlementaires 1912-1936 ; Bruxelles, Fonda- lion J. Jacquemotte, 1961 ; traduction néerlandaise abrégée en 1963.

(90) J. Jacquemotte fut élu membre de la Commission pour les Noirs, créée le 6 aoiît 1928, lors du sixième congrès de l'I.C. ; il y présenta un rapport sur la colonisation belge au Congo (Correspondance internationale, 18 octobre 1928, n° 124, pp. 1344 et ss.).

(91) CLAEYS-VAN HAEGENDOHBN M., 25 Jaar Belgische socialisme — Evolutie van de verhouding van de BWP tôt de parlementaire demokratie van 1914

tôt 1940 ; Leuven, Standaard, 1967 ; id., « De Antwerpse socialistische fede- ratie van 1914 tôt 1921 ; de evolutie van haar positie in een verhouding tôt de B W P », in Res Publica, v o l . IX, 1967, n° 1, pp. 29-85.

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100

B . D A N D O I S

t i q u e : il a pour but de recueillir des d o c u m e n t s sur la théorie et la pratique des partis politiques.

Certaines de ces recherches ont abouti et c'est ainsi que J. Puissant a p u recueillir les archives de la Fédération socialiste républicaine du Borinage. Dans un article où il ne se contente pas de décrire ces a r c h i v e s qui couvrent la période 1919 à 1939, l'auteur brosse aussi u n tableau de la situation sociale et politique de cette région indus- trielle de notre pays. En annexe, il publie une lettre inédite écrite e n 1936 par Léon Trotsky à Waltère Dauge, militant trotskyste de la r é g i o n , assassiné en 1940 dans des c i r c o n s t a n c e s restées mystérieu- ses (92).

Il nous faut maintenant parler d'un genre qui, dans l'histoire du m o u v e m e n t ouvrier, est mineur et qui, malheureusement, semble le rester : les m é m o i r e s politiques et les biographies de militants.

Il est curieux de constater la pauvreté des notes prises par Emile V a n d e r v e l d e durant des années aussi cruciales que celles allant de 1931 à 1938. Est-ce tout ce qui a pu être sauvé des archives d'un h o m m e qui fut parmi les premiers députés socialistes en 1894, président du c o m i t é exécutif permanent du B.S.I., plusieurs fois ministre, président du P.O.B. ? Ce ne sont là que quelques-unes des f o n c t i o n s qu'il a oc- c u p é e s , mais elles montrent que l'on pouvait s'attendre à mieux en lisant ses Carnets (93). N o u s s o m m e s e n c o r e une fois déçus par le Cata- l o g u e d e s lettres, d o c u m e n t s et m a n u s c r i t s d'Emile Vandervelde publié p a r les s o i n s de R. Abs, bibliothécaire à l'Institut Emile Vandervelde.

N o u s s o m m e s déçus par la pauvreté des archives, et n o n par la pré- sentation. En effet, l'auteur ne s'est pas limité à publier un inventaire ; il a aussi ajouté des notices biographiques sur les scripteurs, et parfois aussi nous a d o n n é le texte de certaines lettres (94). Parmi ces

lettres, certaines complètent utilement les m é m o i r e s que P. H. Spaak a b i e n voulu céder à son p u b l i c ; nous y retrouvons certes les brillants m o r c e a u x de son art oratoire qui lui permit de c o n v a i n c r e les foules les plus hostiles à la politique de neutralité de la Belgique (95) qu'il p r é c o n i s a i t , en m ê m e temps qu'Henri de Man. Le silence est quasi c o m p l e t sur les premières a n n é e s de sa v i e politique ; ses m é m o i r e s c o m m e n c e n t en 1936, alors qu'il adhéra — selon ses dires -— dès 1920 au P.O.B. Ajoutons aussi qu'il fut rédacteur du journal L'Action socia- liste en 1933, qu'il fut le d é f e n s e u r des objecteurs de c o n s c i e n c e Léo C a m p i o n et Marcel Dieu (dit H e m Day) (96) en 1933 également. Tous c e s épisodes, qui ne furent pas tellement anodins, s'effacent devant la carrière d'homme politique c o m m e n c é e en 1936 par son entrée au g o u v e r n e m e n t et qui se termina — ou presque — lorsqu'il prit ses

(92) PUISSANT J., « La Fédération socialiste républicaine du Borinage, 1919-1939. Etude d'arcliives » ; in Res Publica, 1968, n° 4, pp. 607-679.

(93) VANDERVELDE Em., Carnets 1934-1938 ; Paris, Ed. Internationales, 1966.

(94) Institut Emile Vandervelde. Catalogue : lettres, documents, manus- crits, e t c . , II ; Bruxelles, 1969.

(95) SPAAK P.-H. ; Combats inachevés. I : De l'indépendance à l'alliance.

II : De l'espoir aux déceptions ; Paris, Fayard, 1969 (2 vol.).

(96) Le dernier cahier de Pensée et Action (n" 37-38, septembre-novembre 1968), publié par Hem Day, reprend les pièces essentielles de ce procès.

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