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Introduction. Corps urbains, mouvement et mise en scène

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70 | 2009 Corps urbains

Introduction

Corps urbains, mouvement et mise en scène

Sylvie Miaux

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/2165 DOI : 10.4000/gc.2165

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 juillet 2009 Pagination : 3-6

ISBN : 978-2-296-10874-5 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Sylvie Miaux, « Introduction », Géographie et cultures [En ligne], 70 | 2009, mis en ligne le 25 avril 2013, consulté le 22 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/gc/2165 ; DOI : https://doi.org/

10.4000/gc.2165

Ce document a été généré automatiquement le 22 septembre 2020.

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Introduction

Corps urbains, mouvement et mise en scène

Sylvie Miaux

1 À l’intérieur des villes, le mouvement est partout ; à chaque coin de rue, voitures, autobus, scooters, piétons, poussettes, cyclistes… se croisent, se frôlent, s’évitent et parfois même s’entrechoquent. La vitesse paraît avoir pris le dessus, à tel point qu’on ne parle plus en termes de distance mais en fonction de la durée du déplacement. La distance n’étant plus considérée comme un obstacle majeur, les relations de l’individu à l’espace ont profondément changé. Les déplacements quotidiens pour le travail et les loisirs se sont multipliés et les distances parcourues ont considérablement augmenté.

La proximité géographique n’est plus un facteur déterminant dans l’organisation des relations de l’individu à l’espace. « Ce n’est pas en général la proximité géographique de résidence qui construit le groupe mais une proximité de goûts, de pratiques communes […] on ne construit pas un groupe simplement avec les gens qui résident à côté », affirme X. Piolle (1991, p. 6). De plus, nous appartenons à l’ère de l’automobile et des transports en commun où la passivité de notre corps nous fait perdre contact avec le monde environnant. À tel point que Paul Virilio parle d’un véritable bouleversement concernant « non seulement la nature de l’environnement humain, de son corps territorial, mais surtout, celle de l’individu et de son corps animal, puisque l’aménagement du territoire par de lourds équipements matériels cède aujourd’hui la place au contrôle d’environnement immatériel ou presque (satellites, câbles à fibre optique) qui aboutit au corps terminal de l’homme, de cet être interactif à la fois émetteur et récepteur » (Virilio, 1995, p. 23).

2 Néanmoins, tous les corps ne sont pas passifs. De nombreuses personnes se déplacent à pied dans un espace qui reste à échelle humaine. Mais la proximité des différents modes de déplacement conduit surtout à la réduction de la place attribuée aux citadins qui choisissent de se déplacer par le biais de leur simple corps. En effet, ceux-ci sont confrontés au manque d’espace, à l’absence, dans certains secteurs de la ville, de trottoirs leur permettant de circuler en toute sécurité. La proximité des véhicules, associée aux discontinuités de l’espace ne facilitent pas le maintien des déplacements doux.

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3 Lorsque l’on se réfère aux corps urbains, c’est l’expérience du mouvement qui nous intéresse. Comme le rappelle François Ascher, « le mouvement est au coeur de la vie » (Ascher, 2004, p. 21). Il est aussi un élément central de la ville dans la mesure où « les éléments qui bougent, en particulier les habitants et leurs activités, ont autant d’importance que les éléments matériels statiques » (Lynch, 1998, p. 2). Raymond Ledrut confirme cette idée en annonçant que « la ville et ses éléments sont matière, forme et mouvement » (Ledrut, 1973, p. 11).

4 Le mouvement fait partie intégrante de la dynamique des villes, que ce soit au niveau des personnes, des biens ou des services. « Se mouvoir, c’est traverser les hiérarchies sociales, c’est consommer symboliquement et factuellement du temps, de l’espace, c’est manifester symptomatiquement ses places : celles que l’on perçoit, celles que l’on occupe comme celles que l’on désire » (Tarrius, 1989, p. 135).

5 Ceci peut paraître paradoxal. En effet, en facilitant et en augmentant la mobilité, le corps devient de plus en plus statique et perd contact avec l’espace parcouru. Le « corps des gens », sous l’influence des idées occidentales, est devenu moins sensible (Berque, 2000, p. 196). On se rend compte aujourd’hui qu’il reste « des corps qui vont et viennent dans les territoires illimités du quotidien urbain, les uns sont pressés, actifs, agités, d’autres semblent au repos » (Paquot, 2002, p. 31). Le corps se fait d’autant plus pénible à assumer à mesure que se restreint la part de ses activités sur l’environnement« . Cet effacement entame la vision du monde de l’homme, limite son champ d’action sur le réel, diminue le sentiment de consistance du moi, affaiblit sa connaissance des choses » (Le Breton, 2000, p. 37). Comme le soulignait Paul Virilio, « l’humanité urbanisée devient une humanité assise » (1976, p. 132). Hormis les quelques pas qu’ils font pour se rendre à leur voiture ou en sortir, aller à leur travail et rentrer, une majorité d’individus demeurent assis à longueur de journée, sans autre mobilisation physique.

C’est pourquoi nous constatons de plus en plus de problèmes de santé liés au manque d’exercice, de mouvement du corps. « Le corps paraît un anachronisme dans le monde où règne l’homme pressé » (Le Breton, 2000, p. 38). Il semble que le corps ait été oublié comme unité de mesure de l’espace des villes.

6 Afin de redonner sa juste place au corps, il est primordial de s’intéresser aux mouvements des corps dans nos villes et à la manière dont ils sont mis en scène. Quelle place pour les corps en mouvement dans un espace urbain qui tend à restreindre le mode premier de déplacement : la marche ? Alors que de nouvelles formes de mouvement apparaissent, de quelle manière l’espace public est-il mis en scène pour accueillir cette diversité d’usages ? Qu’est-ce qui oriente les aménageurs dans la conception de l’espace public ? Quelle place est accordée à la dimension corporelle, sensible du mouvement ?

7 C’est à partir de l’analyse de différentes figures du corps en mouvement dans la ville : le promeneur, le flâneur, le piéton, le touriste, la femme enceinte et le traceur, que nous avons choisi de nous interroger sur la mise en scène de l’espace public. Suite à une journée d’étude organisée autour de la thématique des figures du corps en mouvement au coeur de l’espace urbain1, nous avons constaté l’importance de la mise en scène de l’espace public dans l’organisation du mouvement des corps. C’est pourquoi nous avons choisi de compléter notre questionnement sur les corps urbains en mouvement par une réflexion sur la production de l’espace public à travers l’analogie de l’espace public comme décor. Dans ce cadre, nous nous interrogerons également sur le rôle de la production d’espace, sachant que celle-ci donne au lieu des formes qui définissent des

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ambiances. Puis, dans la mesure où les individus sont influencés par la forme des espaces publics, nous nous demanderons si la mise en scène de l’espace public a pour objectif de susciter des pratiques attendues, programmées, mais aussi des compositions, des mises en scènes, d’où ressortent ce que l’on peut appeler des

« chorégraphies urbaines ». Au regard de ce questionnement, sept articles ont été retenus pour la mise en place de ce numéro spécial. Ainsi les corps urbains vont-ils prendre tout d’abord la forme du flâneur, à travers le texte de G. Nuvolati. Après avoir retracé l’origine du flâneur et ses particularités, l’auteur nous donne à lire cette figure en la comparant à d’autres « corps urbains » (piéton, touriste, etc.) et insiste sur le rôle actuel du flâneur (à la fois utilisateur et narrateur) au coeur de l’espace public. Dans une lecture croisée de l’aménagement des quais de la ville de Bordeaux et de l’itinéraire du guide touristique Le piéton de… Bordeaux, B. Fricau et D. Laplace s’intéressent aux pédagogies du déplacement, à travers les mises en scènes proposées par l’urbaniste et l’auteur du guide. Ceux-ci donnent une place importante aux corps urbains en mouvement ; la dimension sensible de la marche y est privilégiée. Dans la même idée, L.

Liégeois analyse les pratiques urbanistiques à partir de l’exemple du Quartier des spectacles à Montréal. Elle insiste sur les contraintes que certaines de ces pratiques exercent sur le mouvement des corps dans l’espace public, laissant peu de place à l’appropriation. O. Germon poursuit cette réflexion collective sur l’espace public en nous livrant une lecture des chorégraphies urbaines des piétons parisiens. Elle révèle la complexité des interactions, des chemins suivis à l’échelle des micro-espaces ordinaires, en s’interrogeant sur la dimension corporelle de la conception urbaine.

Dans une même perspective, A. Fournand étudie le corps de la femme enceinte puis celui de la jeune mère et de son bébé au coeur de l’espace public. Elle montre ainsi la complexité du mouvement de ces corps, qui s’insèrent dans des espaces peu, voire non appropriés et non-aménagés pour eux, et leurs besoins. L’article de S. Miaux présente une nouvelle pratique, le « parkour ». Celle-ci remet en question la relation au corps dans l’espace urbain, en recherchant la liberté de mouvement. Le traceur (pratiquant du « parkour ») s’affranchit des espaces contraignants pour créer son propre chemin.

Un dernier article vient en contrepoint des analyses précédentes et nous emmène sur d’autres sentiers, hors de la ville occidentale. À partir d’une multiplicité d’exemples, A.

Gaugue porte une réflexion sur la construction identitaire et touristique, en Bretagne et en pays dogon. Elle montre comment le savoir ethnologique a pu participer à la construction de l’altérité et à la formation d’un regard particulier sur l’Autre, sur son corps, sur ses pratiques. Pour finir, la note de L. Turcot retracera, dans une perspective historique, les évolutions du corps du promeneur dans la ville et les transformations du statut de la promenade dans la société.

BIBLIOGRAPHIE

ASCHER, François, 2004, « Introduction », dans Sylvain Allemand, François Ascher et Jacques Lévy (dir.), Les sens du mouvement. Modernité et mobilités dans les sociétés urbaines contemporaines, Colloque de Cerisy, Paris, Belin, 336 p.

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BERQUE, Augustin, 2000, Ecoumène, introduction à l’étude des milieux humains. Paris, Belin, 271 p.

LE BRETON, David, 2000, Éloge de la marche, Paris, Éditions Métailié, 176 p.

LEDRUT, Raymond, 1973, Les images de la ville, Paris, Anthropos, 388 p.

LYNCH, Kevin, 1998, L’image de la cité, Paris, Dunod, 221 p.

PAQUOT, Thierry, 2002, « Redonner de l’espace au corps », Urbanisme, juillet-août 2002, n° 325, p. 31-38.

PIOLLE, Xavier, 1991, « Proximité géographique et lien social, de nouvelles formes de territorialité ? », L’espace géographique, vol. 19-20, n° 4, p. 349-358.

TARRIUS, Alain, 1989, Anthropologie du mouvement, Caen, Éd. Paradigme, 185 p.

VIRILIO, Paul, 1976, Essai sur l’insécurité du territoire, Paris, Stock, 283 p.

VIRILIO, Paul, 1995, La vitesse de libération : essai, Paris, Galilée, 175 p.

NOTES

1. Journée d’étude organisée le 25 octobre 2007 à l’INRS UCS de Montréal, avec le soutien de VRM ("Ville, Région, Monde") et en collaboration avec Amélie Dubé.

AUTEUR

SYLVIE MIAUX

Université du Québec à Trois-Rivières Sylvie.Miaux@uqtr.ca

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