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Dialogues de civilisations en Occident musulman

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Academic year: 2022

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Dialogues de civilisations en Occident musulman

Chacune des grandes civilisations humaines a eu sa manière d'être universelle et sa façon propre d'exprimer le progrès intellectuel de l'ensemble de l'humanité. Si la civilisation musulmane a occupé pendant quelques siècles la façade de l'histoire en s'évertuant à prouver son universalité tantôt par les dons et les ouvertures culturelles, tantôt par les confrontations et les grandes synthèses intellectuelles, elle demeure, malgré les images teintées de sensibilité un peu hostile qu'en garde le monde moderne, une civilisation cosmopolite, multiraciale, multicommunautaire et donc en principe une civilisation d'échanges et de dialogues. Rien n'est moins vrai en effet que l'opinion assez courante qui classe le monde musulman du Moyen-Âge dans la catégorie des mondes clos et qui confond entre l'hostilité d'autodéfense inhérente aux chocs et aux rejets des époques coloniales et les grandes ouvertures des époques de liberté.

Sâid Al Andaloussi, historien de la pensée du XIe siècle (mort en 1070) et en quelque sorte ethnologue avant l'heure, affirmait dans son livre Les catégories de nations que chaque civilisation avait des teintes et des particularités culturelles qui relèvent de l'universel, mais que le summum de la culture était la pensée scientifique et philosophique. Aux Chinois, disait-il, appartiennent les arts et les techniques raffinées, aux Hindous la méditation métaphysique, aux Persans l'art et la sagesse politique, aux Romains les capacités administratives et militaires, et enfin la science et la philosophie étaient le lot de deux grandes nations d'après Sâid : les Grecs et les Arabes.

Cette affirmation arrive bien avant l'apparition des grandes familles de savants et philosophes de l'Occident musulman tels les banou Rochd et les banou Zohr, mais déjà plusieurs dizaines de grands intellectuels andalous sont cités par Sâid comme étant des grands maîtres et des précurseurs de, la brillante civilisation de l'Andalousie et du Maghreb.

Que peut-on tirer de cette vision du monde un peu trop simplificatrice des identités culturelles et de l'universel ? Il y a de prime abord à noter le ton de haute estime qui est réservé à chacune des grandes civilisations humaines. Il n 'y a ici ni ethnisme, ni apologétique crispée, ni refus de reconnaître le prochain. Le dualisme Orient-Occident est enfin inexistant. Nous croyons pour ce qui nous concerne que c'est ce dernier point qui constitue le trait le plus saillant du génie propre à l'Occident musulman durant les périodes d'éclat de son histoire.

Une civilisation-carrefour de brassages

En effet, l'Occident musulman est avant tout une aire de civilisation faite de rencontres et de brassages et non de particularismes parcellaires. Méditerranéen au sens non point régional mais au sens de l'attache entre les trois continents, l'Occident musulman était tout à la fois l'Orient par sa religion et son humanisme, l'Afrique par ses potentialités humaines et sa jeunesse, et l'Europe par sa vieille généalogie philosophique de l'hellénisme.

Les brassages des populations de toutes origines ainsi que les inter-influences entre les communautés ont donné ces produits de synthèses sociales entre les raffinements des grandes cités et les mobilités sahariennes, entre les élans passionnés des peuples et l'urbanisation des élites.

L'Andalousie musulmane, le Maghreb, les grandes confréries africaines du sud Sahara sont les produits brillants de cette civilisation de synthèse. On n'y trouve pas les traces de clivage que la projection de nos idées nationalistes et ethnistes du vingtième siècle voudraient retrouver. Arabes, Berbères, Sénégalais, Maliens, Espagnols, Turcs et Slaves ont mêlé leur sang et leurs apports culturels dans une même aire de civilisation.

D'ailleurs tous ces groupements humains sont identifiés en entités culturelles, en termes de mouvements migratoires et non en termes d'ethnies. Ceci était, même dans l'instinct populaire, un principe humaniste de

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l'Islam, dont l'éthique politique a toujours prêché la guerre au racisme.

Depuis le seizième siècle, la brillante civilisation de l'Andalousie a été rejetée par l'Europe, mais c'est le Grand Maghreb qui l'a recueillie comme on recueille un joyau. Les populations andalouses, elles-mêmes produit de brassage entre peuples d'origines diverses, où l'élément espagnol est important, n'ont pas trouvé d'autre refuge que les cités et les villages d'Afrique du Nord, poussant quelques fois leur exode jusque dans les capitales africaines comme Tombouctou.

Mais ce ne sont pas les seuls Andalous qui ont veillé sur leur propre culture. L'héritage andalou est un fond sur lequel tout l'Occident musulman a veillé. Le grand écrivain algérien du XVIe siècle Al Maqarri chante et étale dans son immense Encyclopédie de l'Andalousie les richesses intellectuelles de ce monde sur lequel l'Islam tout entier a un regard d'amour et de vénération.

Ceci revient à dire que l'Occident musulman, dans sa totalité géographique, historique et intellectuelle, est resté toujours vivant.

Si nous revenons à Saïd Al-Andaloussi, pour analyser sa vision de l'universel, nous ressentirons à nouveau avec lui que le progrès humain est une œuvre de grande synthèse où chaque nation a donné, par sa participation active à l'histoire, des traits de son génie. En affirmant, par ailleurs, que l'esprit philosophique était le propre des Grecs et des Arabes, il éclaire un tronçon de l'histoire intellectuelle de l'Antiquité et du Moyen-Âge. D'autres écrivains l'ont dit avant lui. Al-Birouni (mort en 1047), en découvrant les Indes à peu près à la même époque, s'étonnera de l'inexistence de la philosophie greco-arabe chez les penseurs hindous. Cette philosophie était pourtant universelle d'après lui. “Quand je présentais à mes partenaires de l'Inde mes démonstrations par cheminement logique, disait-il, ils étaient si étonnés de leur rigueur qu'ils me qualifiaient de magicien”. L'Orient autant, que l'Occident musulman, s'affirme une vocation philosophique de lignée hellénistique, allant en Orient jusqu'à prêcher un esprit de cet hellénisme aux Indes. C'est évidemment ce que fera l'Occident musulman en réapprenant la philosophie grecque à l'Occident chrétien à travers la grande école de Cordoue, dont Ibn Rochd fut le plus grand maître.

Mais cette partie de l'histoire intellectuelle est si bien connue et a fait l'objet de d'études presque vulgarisées qu'elle n'a pas besoin d'être reprise. Elle est certes la plus représentative de l'échange entre les civilisations.

Des Grecs aux Arabes et des Arabes à l'Occident par l'intermédiaire de l'Occident musulman, ces idées philosophiques de grande synthèse entre le rationalisme et la spiritualité ont marqué plusieurs siècles de vie intellectuelle commune à tout le monde du Moyen-Âge. Mais il faut pousser l'exploration à des domaines moins connus et jeter l'éclairage sur des productions intellectuelles apparemment secondaires pour découvrir toute la richesse et toute l'importance de cette grande synthèse qui a pour origine les échanges fructueux entre civilisations et cultures en Occident musulman.

A première vue les écoles de théologie orthodoxe constituent le noyau doctrinal le plus compact et le plus agissant pour ce qui est du rejet des produits intellectuels du cosmopolitisme envahissant des grandes cités musulmanes, mais nous retrouverons jusque dans l'austérité de la théologie tardive et acharnement défensif du XVIe siècle des traces du rationalisme d'Ibn Rochd.

Les écoles de droit musulman, connues par leur rigueur traditionaliste au Maghreb, ne se sont d'ailleurs jamais privées de philosophie ni de pensée sociale et politique élaborées avec méthode, où l'on peut voir l'empreinte d'une autre forme de rationalisme qui s'inspire de l'expérience et de l'attention pure aux réalités humaines. Il ne s'y agit jamais de droit pur mais de pensée juridique philosophique.

La spiritualité musulmane, traditionnellement reconnue comme féconde en Orient musulman, a elle aussi ses grands noms et ses grandes époques en Occident, et il n'est pas étonnant qu'elle y ait été elle aussi un produit de synthèse où se retrouvent l'éthique originelle de l'Islam, les influences néo-platoniciennes et la créativité des grands penseurs du Maghreb et de l'Andalousie.

Aussi, pour illustrer ces grandes synthèses, il est habituel de s'intéresser à l'itinéraire des grands penseurs dont les noms et les œuvres émergent au-dessus de la commune production intellectuelle pour se classer au rang du génie universel. L'Occident musulman a eu des œuvres de grande envergure comme celles d'Ibn Rochd et d'Ibn Khaldoun, mais nous préférons ici nous intéresser aux écoles plutôt que de nous restreindre à l'étude d'œuvres individuelles, car une œuvre collective, un courant de pensée, révèle mieux que l'œuvre singulière les échanges et les synthèses entre civilisations et cultures. Cela n'exclut cependant pas la découverte de richesse et de

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participation à l'universel que nous donnent les cimes de la pensée particulière de grands maîtres comme Ibn Rochd.

Les écoles de Béjaïa et Tlemcen

Nous proposons comme modèles à étudier deux écoles d'importance apparemment secondaire mais qui révéleront au chercheur le caractère universel et permanent de la vitalité dans la vie intellectuelle de l'Occident musulman. Nous y retrouverons à la fois l'Orient et le Maghreb, l'Andalousie et l'Afrique, la pensée grecque et l'Islam dans sa puissance assimilatrice. La première école est celle de la spiritualité orthodoxe de Bougie au XIIe siècle, la seconde est celle du rationalisme philosophique et théologique du XIVe siècle à Tlemcen.

Qu'est-ce que l'école de spiritualité musulmane de Bougie?

A I'époque de l'apogée de la dynastie des Mouahhidines et au moment même où le prince Abou Youcef Yaqoub réunissait autour de lui les grands maîtres de la philosophie en sa résidence de Marrakech pour recréer le noyau initiateur et donner comme le grand AI Ma'moun en Orient une impulsion nouvelle à la science et à la sagesse, naissait à Bougie une école d'enseignement spirituel et religieux qui compensait en quelque sorte par son aspect populaire les enseignements officiels ou officialisés par les princes.

Le grand maître et l'initiateur de l'école de Bougie fut Abou Madian Chouaïb. Sa vie personnelle est déjà en elle- même une révélation sur le caractère de l'Islam universaliste et synthétisant. Il est Andalou et Sévillan, il fait ses études à Fès, il accède à la vie spirituelle dans cette même localité, il voyage en Orient où, après le pèlerinage, il rencontre de nombreux grands maîtres. Il participe en tant que volontaire à la libération de l'ancienne Palestine des mains des croisés. Il fait des escales au Caire, Alexandrie, Tunis et s'installe à Bougie avec un groupe de disciples qui ira en s'élargissant au point d'inquiéter le prince de Marrakech.

La doctrine théologique des Almohades était à l'époque d'Abou Youcef considérée comme ayant atteint le sommet de la maturité. Elle s'érigeait en doctrine officielle centraliste et relativement rigide au point de ne plus tolérer l'apparition de mouvements culturels qui prendraient le contre-pied de ce qui était l'idéologie de la dynastie, qui était l'asharisme occidental d'Ibn Tumert.

Les succès de l'enseignement d'Abu Mediene inquiètent la cour. Il y est convoqué. Il prend la route de Marrakech accompagné d’un groupe de disciples. Ils ne sont pas autorisés à refuser la convocation du prince qui, suivant la tradition maghrébine, s'octroyait le droit de réunir autour de lui tous les intellectuels de grand renom de l'Occident musulman. Cependant, il souhaite du fond du cœur ne pas se transformer en savant domestiqué à l'instar de nombreux théologiens et juristes de l'époque. Il formule ce vœu clairement devant ses disciples, et meurt en cours de route aux environs de Tlemcen.

L'homme n'a pas laissé une grande œuvre écrite, mais son enseignement s'est perpétué à travers les siècles au point qu'il est devenu l'un des plus grands maîtres de la spiritualité musulmane.

A l'origine, Abu Mediene a été initié à la vie spirituelle par des hommes d'une étonnante simplicité et particulièrement par un ascète de la région de Fès qui se nommait Abu Yaaza. Ses professeurs orientaux sont très peu connus. Mais comment cette école de spiritualité musulmane est-elle devenue un lieu d'échanges et d'influences culturelles universelles? Elle est tout d'abord par sa chaîne généalogique rattachée à l'orient et cela par l'intermédiaire de Junaid, qui lui-même se retrouve dans la lignée de Hassan Al Basri, disciple en matière d'ascétisme du grand compagnon du prophète Ali Ibn Abu Tâlib. Elle est ensuite réexpédiée en orient par les disciples de Abu Al Hassane Chadhili, qui sont Abu Al Abbas de Murcie et Ibn Atallah d'Alexandrie.

Ibn El Arabi et le perfection intellectuelle

A cette étape, elle acquiert sa force et sa profondeur de spiritualité universelle à travers les sentences sur l’amour divin d’Ibn Atallah. Elle est a nouveau réexpédiée en Occident musulman deux siècles plus tard en une néo-chadhiliya enrichie par les apports des grands directeurs de spiritualité comme l'écrivain Ibn Abbad de Ronda, Elle connaît en orient une diffusion universelle à travers l'œuvre mystique d'une inégalable transcendance qui est celle du grand Mahieddine Ibn Arabi, un autre enfant de Murcie qui ira mourir à Damas.

Avec Ibn Arabi l'école a atteint le summum de sa perfection intellectuelle. Elle est d'ailleurs acceptée dans tout le monde musulman. Chiites et sunnites s'y retrouvent à des étapes culturelles différentes, allant de I'

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enseignement clair aux enseignements ésotériques. Les néo-platoniciens autant que les ascètes de l'orthodoxie musulmane s'y retrouvent. Seule la salafiya d'Ibn Taymiyya la rejette comme hétérodoxe aventurienne et synchrétisante. Cependant, la chadhiliya de l'Occident musulman arrive à l'orthodoxer et à l'intégrer dans ses enseignements à travers les mystiques du XIVe siècle.

Par ailleurs, toutes les écoles de spiritualité qui ont foisonné à partir du XVIe siècle se rattachent à cette généalogie. Les écoles africaines, et particulièrement la tidjanïa, originaire du petit village algérien de Aïn Madhi, qui regroupe en son sein un nombre impressionnant d'initiés au Sénégal, au Mali, au Niger, en Guinée, en Gambie et partout ailleurs dans l'Occident africain, ont pour origine cette néo-chadhiliya où une puissante synthèse a pu s'opérer. On y retrouve toutes les sagesses de l'Orient, tout le courant illuministe d'un certain néo-platonicisme assimilé par l'Islam, toute la rigueur de l'ascétisme maghrébin, tout le goût et le raffinement de la délicate civilisation andalouse.

Le maître de Bougie et ses disciples étaient-ils conscients de l'extraordinaire essor qu'allait prendre leur école, à travers tous les courants d'idées et toutes les contrées qu'elle a parcourues, fécondant et se faisant féconder, donnant et recevant, véhiculant et se faisant véhiculer par une infinité de cultures, allant et venant sans cesse de l'Orient à l'Occident, de l'Andalousie à l'Afrique sud-saharienne, pour arriver enfin à cette puissante synthèse de civilisations ? Pour répondre, nous dirons que les fondateurs de l'école n'ont fait que jeter les semences, et que ce sont enfin les peuples formant la communauté musulmane qui ont été la nourriture terrestre et le fruit fécondant de ce grand courant spirituel. Mais il faut constater, à partir de pareils phénomènes généralement inconnus du lecteur moyen, combien la sociologie de l'Islam, et particulièrement sa sociologie culturelle, a besoin d’être fouillée et réexaminée pour que les recherches superficielles de nos contemporains ne puissent plus parler de parcellisation, d'ethnismes et de sociétés fermées dans le grand Occident musulman.

Le second exemple à méditer est celui de l'école rationaliste de Tlemcen, dont le maître et le guide intellectuel a été Al-Abili.

Arrivé à une époque où la philosophie ne pouvait être enseignée qu'à des groupes très restreints de disciples, Al-Abili a usé d'une méthode rigoureuse pour diffuser ses idées rationalistes.

Le XIVe siècle est une époque de grandeur politique et intellectuelle de l'Occident musulman, qui est comme la dernière flamme précédant la décadence.

Cependant, Al-Abili, dans sa ténacité d'initiateur, a su comment enseigner la sagesse aussi bien aux juristes et aux théologiens qu'aux hommes de lettres et aux mathématiciens. A Tunis, à Fès et surtout à Tlemcen, son école regroupera des intellectuels de disciplines diverses. lbn Khaldoun, qui fut son disciple le plus prestigieux, nous révèle presque à demi-mot comment il apprit avec lui la plupart des grandes œuvres d'Ibn Rochd et comment il reçut l'empreinte rationaliste qui va prédominer dans tous ses travaux. Le grand esprit de synthèse n'est évidemment pas discutable quand il s'agit d'Ibn Khaldoun, mais il y a à chercher et à prouver comment, chez les juristes et chez les théologiens maghrébins et algériens en particulier, se retrouvent tous les profils d'un rationalisme rochdiste grâce aux enseignements d'Al-Abili.

A l'école des juristes de Tlemcen appartiennent des figures de renom tels Ibn Merzouq, Saïd Al-Oqbani, Mohamed Al-Maqarri et surtout Abu Abdallah Al-Aloui. Tous ont été des disciples d'Al-Abili, mais Abu Abdallah fut un grand maître dans la philosophie du droit à cause de sa rigueur de pensée et son sens de la méthode.

Son rationalisme juridique prédominera chez tous ses successeurs jusqu'au XVIe siècle.

Comme dans l'école de spiritualité de Bougie, le grand maître du rationalisme que fut Al-Abili ne laisse aucune œuvre écrite, mais il laissera à travers deux siècles d'activités intellectuelles des disciples de renom.

La dernière école qui se rattache à lui fut celle de la théologie sunnite qui apparut dans la

même ville de Tlemcen aux XVe et XVIe siècles. Elle regroupe des maîtres tels Al-Haoudi, Ibn Zekri, Al-Maghili et Sanoussi. Ces deux derniers plus spécialement vont dominer tous les siècles à venir par l'effort de rigoureuse rationalité qu'ils vont imprimer à l'enseignement de la théologie. Leurs œuvres se diffuseront dans tout le monde musulman, et plus particulièrement en Afrique.

Al-Abili, comme Abu Madian Choaïb, d'origine andalouse, ayant étudié et enseigné dans toutes les capitales maghrébines, ayant fait son voyage d'études et de contacts en Orient et ayant assimilé l'héritage philosophique de l'Andalousie et de l'hellénisme aristotélicien, réalise déjà par sa propre vie de maître toute la synthèse et toute l'aventure culturelle de l'Occident musulman. De la philosophie pure au droit philosophé, et de la

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théologie au sens de l'histoire qui va donner jour à la sociologie chez son disciple direct, on sent chez Al-Abili une puissance de brassage intellectuel qui a pour origine de nombreux drains culturels. Là aussi se retrouve l'empreinte musulmane d'ouverture et d'échange, où les frontières ethniques et les clivages entre continents sont dépassés.

Ainsi, nous voyons à travers ces deux écoles peu connues du grand public comment l'universalité musulmane se retrouve jusque dans les moindres recoins de l'activité culturelle.

Comment un jeune élève de l'école algérienne précoloniale pouvait-il savoir, en étudiant un petit traité de théologie écrit par Sanoussi, qu'il y avait de très forts éléments de logique dans son cours ? Comment l'homme du peuple affilié à une zaouïa de jihad néo-chadhiliya pouvait-il se sentir participer à un humanisme universel ? Pour répondre à ces questions il y a là aussi à connaître la nature même du climat spirituel et intellectuel de l'Islam, qui prêche que la science est une, la sagesse humaine est une, la race adamique est une et que les barrières dressées entre les hommes ne sont toujours qu'artifices politiques que les échanges et les dialogues sincères doivent dépasser.

NB : les intertitres sont de la rédaction

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