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Le cadre général de fixation du prix du médicament au Maroc : Pour une approche plus efficiente de détermination du juste prix

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Morocco: For a more efficient approach to determining the right price

Le cadre général de fixation du prix du médicament au Maroc : Pour une approche plus efficiente de détermination du juste prix

Naoufal LOUATI1, Rachid EL JAOUDI2

1 & 2

Laboratoire de recherche en biotechnologie médicale Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat

Université Mohammed V de Rabat naoufal.louati@um5.ac.ma

r.eljaoudi@um5s.net.ma

ABSTRACT: Access to medicines is a vital factor in the health development of populations, which must be guaranteed by the State. This accessibility remains above all dependent on the final sale price, the determination of which is the responsibility of the Ministry of Health. In Morocco, despite the fact that the regulations in force have contributed to a significant drop in the prices of certain therapeutic segments, accessibility to the drug remains far below consumer expectations. For their part, professionals in the sector, who feel they have been wronged, are awaiting an upward revision of prices. Faced with this situation, the public authorities must reflect on a possible amendment of the regulations relating to the conditions and modalities for fixing the price of medicines making it possible to achieve the desired balance between, on the one hand, the legitimate interests of pharmaceutical industry professionals, distribution companies and community pharmacists, and on the other hand, the overriding interest of society in ensuring citizens access to medicines, on conditions that best combine the right price, availability, and efficiency.

KEYWORDS: Medicine; Pharmacy; Price; Regulation.

RESUME: L’accès au médicament est un facteur vital au développement sanitaire des populations, qui doit être garanti par l’Etat. Cette accessibilité reste avant tout tributaire du prix de vente final dont la détermination relève de la responsabilité du ministère de la santé.

Au Maroc, malgré que la réglementation en vigueur a contribué à une baisse significative des prix de certains segments thérapeutiques, l’accessibilité au médicament reste très en deçà des attentes des consommateurs. De leur part, les professionnels du secteur, qui s’estiment être lésés, restent en attente d’une révision à la hausse des prix. Devant cette situation, les pouvoirs publics doivent réfléchir à un éventuel amendement de la réglementation relative aux conditions et aux modalités de fixation du prix des médicaments permettant de réaliser l’équilibre souhaité entre, d’une part, les intérêts légitimes des professionnels de l’industrie pharmaceutique, des sociétés de distribution et des pharmaciens d’officine, et d’autre part, l’intérêt primordial de la société à assurer aux citoyens l’accès aux médicaments, à des conditions qui conjuguent au mieux le juste prix, la disponibilité et l’efficience.

MOTS-CLEFS: Médicament ; Pharmacie ; Prix ; Réglementation.

Introduction

Le médicament, substance très prisée pour ses qualités curatives ou préventives des maladies, est qualifié en droit marocain comme "tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs

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fonctions organiques"1. Il se présente dans le commerce sous deux types concurrents qui sont le médicament princeps et le médicament générique. La première catégorie, appelée également "Spécialité de référence"2, est le médicament d’origine créé ou mis au point par un laboratoire pharmaceutique. Il est souvent le résultat d’une longue période de recherche et de lourds investissements subséquents ; ce qui justifie la protection de son exploitation par brevet de propriété industrielle3 qui le protège contre toute reproduction ou copie illégale. En revanche, la seconde catégorie, dénommée aussi "Spécialité générique", est la substance ou le médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs et la même forme pharmaceutique que le médicament princeps, dont la bioéquivalence avec ce dernier a été prouvée par des études de biodisponibilité4 et dont la fabrication ne fait pas ou plus l’objet d’une protection commerciale particulière.

Le médicament est un bien qui revêt un caractère vital et une utilité publique pour toute la société, sa circulation et sa consommation ne peuvent être déterminées exclusivement par les seules lois du marché. Il doit faire l’objet d’un encadrement réglementaire en raison des risques attachés à sa mauvaise utilisation par le public ou à son inaccessibilité par les malades démunis. Le droit continue donc d’exiger sa prescription exclusive par des médecins, tandis que sa fabrication5 et sa commercialisation sont assurées par des pharmaciens ou des établissements pharmaceutiques industriels. Le monopole, conféré à la profession pharmaceutique, est encadré par une réglementation visant à contrôler l’exercice de ladite profession ainsi que la qualité et les prix des médicaments.

Dans le processus réglementaire mis en place pour la fixation du prix du médicament, le prix public de vente (PPV) s’établit au terme d’une négociation entre le producteur ou l’importateur et les pouvoirs publics sur la base des justificatifs présentés à l’administration, et ce, en vue d’aboutir à une valeur qui tient compte des coûts réels et de procurer une juste marge de profit. Mais compte tenu du monopole du fabriquant et de la captivité du marché qui représente un chiffre d’affaires (CA) global de plus de 15,5 milliards de dirhams6, les pouvoirs publics n’ont en réalité qu’une faible marge de manœuvre.

Dans ces circonstances, la problématique à laquelle le présent article essaie de répondre est celle de savoir si les efforts des autorités publiques, qui ont pour mission de préserver la santé publique et de garantir l’accès aux produits thérapeutiques, pourraient-ils aboutir à la fixation du juste prix du médicament.

A cet effet, nous mettrons en exergue les différents aspects de la prépondérance des industriels du secteur pharmaceutique qui impacte significativement la fixation des prix des

1 Article premier de la loi n° 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie, promulguée par le dahir n°

1-06-151 du 30 chaoual 1427 (22 novembre 2006), Bulletin Officiel (B.O.) n° 5480 du 7 décembre 2006.

2 « Spécialité de référence : Le médicament princeps avec lequel le médicament faisant l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché en tant que spécialité générique, est censé être interchangeable dans la pratique clinique. La spécialité de référence sera donc le médicament princeps commercialisé au Maroc ou au niveau international, dont l'efficacité, l'innocuité et la qualité ont été établies ». Article 1er du décret n° 2-12-198 du 21 rejeb 1433 (12 juin 2012) relatif à la bioéquivalence des médicaments génériques, tel qu’il a été modifié et complété. B.O. n° 6062 du 5 juillet 2012.

3 Un brevet (d’invention) est « un titre de propriété industrielle délivré par l'organisme chargé de la propriété industrielle. Ce titre confère à son titulaire ou à ses ayants droit un droit exclusif d'exploitation de l'invention ».

Article 16 de la loi n°17-97 relative à la protection de la propriété industrielle, promulguée par le dahir n° 1-00- 19 du 9 kaada 1420 (15 février 2000). B.O. n° 4778 du 16 mars 2000.

4 Article 2, 6ème alinéa, de la loi n° 17-04.

5 « Fabricant : tout pharmacien ou toute société pharmaceutique propriétaire d’un établissement pharmaceutique industriel se livrant en vue de la vente en gros, à la fabrication des médicaments ». Article 18 de la loi n° 17-04.

6 Association Marocaine de l’Industrie Pharmaceutique (date de consultation : 30 mars 2020). URL : https://www.amip.ma/fr/chiffres-cles/

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médicaments (1ère section), ainsi que la marge de manœuvre des pouvoirs publics quant à la garantie d’un prix juste et équitable (2ème section).

1. Un rôle prépondérant des professionnels du secteur pharmaceutique

L’industrie pharmaceutique nationale connaît une domination notoire des sociétés privées, qui profitent de leur position hégémonique sur le marché (section 1.1) grâce notamment à la protection que leur procure la propriété industrielle (section 1.2) pour déterminer de manière quasi souveraine les prix hors taxe des médicaments.

1.1. La prépondérance de l’industrie pharmaceutique

L’industrie pharmaceutique marocaine s’est développée dans un marché dominé par un nombre limité d’opérateurs privés. Elle est constituée de 49 unités industrielles ou laboratoires7, qui contrôlent toute la chaine de production des médicaments et verrouillent en amont le système de distribution.

Ainsi, ce marché, qui représente un chiffre d’affaires très important, connaît une présence monopolistique des sociétés privées, parmi lesquelles une seule détient plus de 10% des ventes et les trois principales accaparent environ le tiers des parts de marché8. De plus, le circuit de distribution des médicaments contribue à la hausse des prix, puisque ces industriels livrent 80% de leur production aux grossistes répartiteurs qui approvisionnent les pharmaciens d’officine. La fixation des bénéfices au stade de la commercialisation des médicaments en pourcentage du prix de vente ainsi que l’exclusivité des voies d’approvisionnement orientent les intérêts de tout l’appareil en direction de la promotion des médicaments les plus chers et du renforcement du marketing développé par les industriels pour leur utilisation.

De plus, l’existence du nombre précité de laboratoires industriels laisse penser qu’il existe une grande concurrence au niveau de l’offre. Or, cette impression est largement démentie par la concentration des spécialités essentielles entre les mains de quelques laboratoires dominants.

Ces spécialités varient en ce qui concerne la production des médicaments traitant les affections de longue durée (ALD) comme le cancer, le sida, l’hépatite, etc., dont le prix constitue un véritable obstacle à leur utilisation par les patients et un défi pour les pouvoirs publics qui cherchent à concrétiser l’objectif de la santé pour tous. Ceci est dû à la caractéristique d’oligopole ouvert du secteur pharmaceutique national, qui est en effet constitué d’un noyau composé d’un nombre réduit d’industriels à forte influence sur le marché, capitalisant le savoir faire, l’expérience, et les portefeuilles de médicaments très demandés dans certains segments thérapeutiques, et coexistant avec d’autres acteurs à faible poids9.

Cette prépondérance s’entretient par la puissance financière, mais également par la diversification de leur portefeuille qui se compose de plus d’une centaine de marques10, ainsi que par une infrastructure conforme aux normes internationales. Les producteurs principaux visent la demande de traitement des ALD et pathologies lourdes, en fixant le prix de vente hors taxe sans compétition véritable.

Sachant que seule l’administration publique, en l’occurrence le ministère de la santé, peut fixer le prix de vente final des médicaments, cette concentration permet aussi aux opérateurs

7 Association Marocaine de l’Industrie Pharmaceutique (date de consultation : 30 mars 2020). URL : https://www.amip.ma/fr/chiffres-cles/

8 Conseil de la concurrence & S.I.S. Consultants, "Etude sur la concurrentiabilité du secteur de l'industrie pharmaceutique", Rapport de synthèse, 2011, p. 10.

9 Ibid., p. 19.

10 Gaëlle KRIKORIAN, "Evolutions récentes de la législation sur la propriété intellectuelle au Maroc et accès aux médicaments", KEStudies, vol. 1, 2007, p. 38.

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privés d’exercer une pression sur ce dernier afin d’obtenir des prix en leur faveur ; pression qui se manifeste, pour les sociétés multinationales, par une intervention diplomatique, puisqu’il n’est pas rare qu’un ambassadeur du pays où se situe la maison mère d’une multinationale accompagne le dirigeant de la filiale locale à une réunion au ministère de la santé, en vue d’obtenir « un bon prix » ou pour « régler » tout autre problème mettant en jeu les intérêts de la multinationale11. Aussi, dans certaines situations où le prix fixé par les autorités publiques s’avère insuffisant pour assurer la rentabilité du médicament produit, les opérateurs, ayant une grande connaissance des procédures de fixation des prix des médicaments en vigueur et disposant de moyens financiers, matériels et humains conséquents, recourent à d’autres formes de pression pour obtenir un prix meilleur, menaçant de quitter le territoire national et de s’installer ailleurs, ou d’abandonner la fabrication du médicament en question12 ; ce qui est dangereux en cas de monopole de production d’un médicament donné.

Aussi, un rapport de la mission parlementaire d’information sur le prix du médicament au Maroc a relevé certaines pratiques et stratégies des industriels pharmaceutiques en faveur de la promotion des princeps au détriment des génériques. Parmi lesquelles cette mission a relevé le démarchage systématique auprès des médecins en tant que principaux prescripteurs de médicaments, les actions de soutien auprès des associations de santé qui ont un poids non- négligeable auprès des professionnels et des instances publiques de prise de décision, voire à travers des campagnes agressives de publicité qui modèlent le comportement du public.

Cette promotion peut se faire sous différentes formes, notamment, l’organisation de formations, de séminaires et de soirées thématiques en faveur des médecins, dont le coût est supporté par les sociétés pharmaceutiques13. Celles-ci n’hésitaient pas non plus à procéder discrètement au "dénigrement des génériques auprès des médecins et des patients", et à recourir au changement de la forme et de l’emballage des princeps, qui font l’objet de promotions dans le cadre des actions humanitaires14.

Malgré cette situation, l’industrie des génériques, encouragée par les pouvoirs publics, a pu s’imposer face à la réticence des leaders du marché, dont certains, comme on vient de le mentionner, ont élaboré de véritables stratégies afin d’entraver, par tous les moyens, le lancement de ce type de médicaments ou de retarder le développement de leurs ventes au niveau du marché15. Cette évolution pousse des industriels du secteur à créer leurs propres divisions de fabrication des médicaments génériques.

La concurrence qui s’est installée entre princeps et génériques donne lieu à une bataille à chaque échéance de brevet qui assure au médicament princeps le monopole d’exploitation sur le marché et à l’industriel qui en détient la licence une liberté de manœuvre pour déterminer le prix. C’est en effet le coût de cette licence, fixé par le détenteur du brevet et justifié souvent par les investissements nécessaires en amont à la Recherche-développement (R-D), qui affecte essentiellement le prix de vente du médicament que les pouvoirs publics sont acculés à déterminer.

1.2. L’impact de la propriété industrielle sur la détermination du prix du médicament La réglementation marocaine relative à la propriété industrielle ne permettait auparavant de protéger par les brevets d’invention que le processus de fabrication des médicaments et non

11 Conseil de la concurrence & S.I.S. Consultants, op. cit., note 8, p. 32.

12 Ibid.

13 A. BOURKADI, M. ZOUITENE, K. EL HARIRY, M. BOUAIDA & R. BENKHALDOUN, "Rapport de la Mission d’information sur le Prix du Médicament au Maroc", Rabat, 2009, p. 50.

14 Ibid., p. 51.

15 Conseil de la concurrence & S.I.S. Consultants, op. cit., note 8, p. 36.

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pas le médicament entant que tel16. Depuis sa réforme suite à la ratification de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi que sa mise en œuvre dans le cadre des accords de libre échange (ALE), spécialement ceux signés avec les Etats Unis d’Amérique et l’Union Européenne, c’est désormais le produit présenté sous forme de princeps qui bénéficie de la protection de la propriété industrielle pour une durée qui peut être très longue. L’évolution du nombre des brevets délivrés par l’Office marocain de la propriété intellectuelle et commerciale (OMPIC) dans la période qui a suivi la promulgation, par le dahir n° 1-00-19 du 9 kaada 1420 (15 février 2000), de la loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle17 témoigne de cette mutation18.

Source : Gaëlle KRIKORIAN, "Evolutions récentes de la législation sur la propriété intellectuelle au Maroc et accès aux médicaments", KEStudies, vol. 1, 2007.

De prime abord, la nécessité d’une protection de la propriété industrielle des brevets accordés s’avère primordiale au développement de la R-D et par conséquent, à la création de nouvelles molécules nécessaires pour combattre des maladies et améliorer la santé des citoyens. A cet effet, la loi n° 17-97 accorde une protection de vingt ans aux brevets délivrés19, qui est compatible avec les dispositions de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce20. En outre, la même loi permet de prolonger la durée de protection au-delà de la période initiale si le brevet d’invention est délivré après une période de quatre ans courant à compter de la date de dépôt de la demande de brevet d’invention auprès de l’organisme chargé de la propriété industrielle21, notamment l’OMPIC.

Aussi, « la durée de protection d’un brevet d’invention d’un produit pharmaceutique, devant faire l'objet en tant que médicament d'une autorisation de mise sur le marché conformément à la législation et la réglementation en vigueur en la matière, est prolongée sur demande du titulaire du brevet d’invention ou son mandataire, après acquittement des droits exigibles, d’une durée égale au nombre de jours écoulés entre la date d’expiration du délai prévu pour

16 Gaëlle KRIKORIAN, op. cit., note 10, p. 3.

17 B.O. n° 4778 du 16 mars 2000.

18 "Evolution de la délivrance de brevets", Gaëlle KRIKORIAN, op. cit., note 10, p. 37.

19 Article 17 de la loi n°17-97.

20 L’article 33 « Durée de la protection » de l’ADPIC stipule que « La durée de la protection offerte ne prendra pas fin avant l'expiration d'une période de 20 ans à compter de la date du dépôt ». wto.org (date de consultation : 29 mars 2020). URL : https://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/t_agm3c_f.htm

21 Article 17.1 de la loi n°17-97.

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l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché et la date effective de sa délivrance »22, et qui ne peut dépasser deux ans et demi.

Ces dispositions octroient aux médicaments princeps un monopole qui donne aux industriels le pouvoir de déterminer un prix de revient, couvrant largement les dépenses et charges résultant de la fabrication de leurs produits, comprenant une marge bénéficière librement calculée ; ce qui impacte fortement le prix de vente final que supporte le patient, et ce, tant qu’une autre molécule n’est pas commercialisée par un concurrent ou que la durée de protection légale n’est pas échue, ouvrant en conséquence la voie à la fabrication libre de génériques sur une base concurrentielle.

Lorsque des ententes sont conclues entre les fabricants dans un marché peu transparent23 et verrouillé par la réglementation de mise en vente des médicaments, même les prix des génériques se trouve indexés sur ceux des princeps de même composition qualitative et quantitative et de même forme pharmaceutique24.

Comme la multiplication de génériques dans une même famille de médicaments crée une forte dynamique concurrentielle, les industriels, spécialement les entreprises détentrices de brevets, entravent ou du moins retardent l’arrivée des médicaments génériques sur le marché national.

L’impact négatif de cette situation ne se limite pas à une perte commerciale pour certaines sociétés du secteur, il s’étend à la privation des patients d’une alternative thérapeutique, plus accessible, à la restriction apportée indument à la liberté de prescription du médecin25, à la loyauté de la concurrence et à l’efficience du service de santé .

Afin de contourner les impératifs de la protection des droits de propriété industrielle, la solution d’émission des licences obligatoires26 peut s’avérer très utile dans des cas comme la pénurie ou l’indisponibilité de médicaments. Dans ce cadre, notre législation nationale permet le recours à ces licences si « le propriétaire du brevet ou son ayant cause :

a) n’a pas commencé à exploiter ou fait des préparatifs effectifs et sérieux pour exploiter l’invention objet du brevet sur le territoire du Royaume du Maroc ;

b) n’a pas commercialisé le produit objet du brevet en quantité suffisante pour satisfaire aux besoins du marché marocain ; ou

c) lorsque l'exploitation ou la commercialisation du brevet au Maroc a été abandonnée depuis plus de trois ans »27.

De plus, l’octroi de ce genre de licences est tributaire d’une négociation préalable amiable avec le détenteur du brevet dans le but d’approvisionnement du marché national.

Si le marché reste dominé par les princeps de marque, c’est donc parce que l’industrie pharmaceutique parvient à maintenir cette situation et à se développer parallèlement avec l’évolution des pathologies qui font constamment appel aux médicaments les plus innovants28 ; les perspectives d’expansion des génériques demeurent contrariées sur ces segments du marché par l’apparition récente de princeps nouveaux destinés à une protection de longue durée à l’échéance de chaque brevet29.

22 Article 17.2 de la loi n°17-97.

23 Conseil de la concurrence & S.I.S. Consultants, op. cit., note 8, p. 54.

24 Ibid., p. 32.

25 Conseil de la concurrence & S.I.S. Consultants, op. cit., note 8, p. 41.

26 Licence obligatoire : « Compulsory licensing is when a government allows someone else to produce a patented product or process without the consent of the patent owner or plans to use the patent-protected invention itself ».

wto.org (date de consultation : 29 mars 2020). URL :

http://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/public_health_faq_f.htm

27 Article 60 de la loi n°17-97.

28 Conseil de la concurrence & S.I.S. Consultants, op. cit., note 8, p. 42.

29 Ibid.

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Cette situation pousse à s’interroger sur l’effectivité de la durée de protection des droits de la propriété industrielle des médicaments, qui paraît disproportionnée par rapport à l’évolution rapide de la recherche en la matière. Elle constitue clairement une entrave à l’accessibilité économique aux médicaments, qui est la principale préoccupation du système de santé d’un Etat.

Ainsi, face à des industriels qui détiennent les plus grandes parts du marché et qui déterminent leur stratégie à ce niveau pour contrôler des segments entiers de l’offre, la concurrence se trouve limitée. De plus, devant un marché dont le CA global est très attrayant, ils arrivent à s’entendre sur les marges des prix à appliquer, et ce, dans un contexte où l’Etat ne peut pas offrir des services de qualité en la matière, ni répondre à toutes les demandes30.

2. L’étendue limitée de l’action publique

Les limites à la fonction régulatrice du marché du médicament dévolu à l’Etat se vérifient au niveau de la réglementation qui peine à suivre l’évolution des besoins (2.1), ainsi que celui du financement du secteur (2.2).

2.1. Une régulation publique insuffisante

L’accès au médicament se détermine par une réglementation claire, effective et adaptée à la conjoncture et à l’ouverture du marché pharmaceutique. En tant qu’organe chargé de la régulation de l’approvisionnement public en médicaments, le ministère de la santé hérite d’une mission importante visant à équilibrer entre le besoin de la population d’accéder équitablement à tous les médicaments, ainsi que la préservation et le développement de l’offre par rapport aux conditions de sécurité juridique, économique et sanitaire nécessaires.

Cependant, on constate une absence d’une véritable politique en la matière ; ce qui était affirmé par l’ex-ministre de la santé en personne, M. Houcine LOUARDI, en déclarant lors d’une conférence31 tenue à l’Institut Supérieur de l’Administration qu’ « il n’y a aucune politique de médicament au Maroc ».

Depuis cette déclaration, les pouvoirs publics ont fait des efforts considérables pour améliorer le secteur pharmaceutique, et ce, en commençant par abroger la réglementation anachronique régissant la fixation des prix des médicaments, notamment l’arrêté du ministre de la santé publique n° 465-69 du 18 septembre 1969 fixant le mode de calcul des prix médicaments fabriqués localement et celui n° 2365-93 du 01 décembre 1993 fixant le mode de calcul des prix médicaments importés.

En effet, le gouvernement de l’époque avait adopté le décret n° 2-13-852 du 14 safar 1435 (18 décembre 2013) relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés32, qui a abrogé à compter de sa date de publication au Bulletin officiel toutes les dispositions réglementaires antérieures relatives à la fixation du prix du médicament33.

Selon le décret précité, après avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM)34, le prix public de vente (PPV) de tout médicament, fabriqué localement ou importé, est fixé sur la

30 W. MAAZOUZI, N. FIKRI BENBRAHIM, R. ATIF & A. TOUIL, "Système de santé et qualité de vie", Rapport thématique « 50 ans de développement humain & perspective 2025 », 2005, p. 41.

31 Pr. Houcine LOUARDI, Conférence : "Plan de développement du secteur de la santé", I.S.A., Rabat, jeudi 3 mai 2012.

32 B.O. n° 6214 du 19 décembre 2013.

33 Article 24 du décret n° 2-13-852.

34 « Tout médicament fabriqué industriellement, importé ou exporté, même sous forme d'échantillons, doit faire l'objet avant sa commercialisation ou sa distribution à titre gratuit ou onéreux, en gros ou au détail, d'une autorisation délivrée par l'administration dans les formes ci-après :

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base du prix fabricant hors taxe (PFHT) des industriels du secteur, plus les marges de distribution revenant à l’établissement pharmaceutique grossiste répartiteur et au pharmacien d’officine, plus la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans les cas auxquels elle est appliquée35. Cette mesure vise essentiellement, contrairement à la réglementation antérieure, l’harmonisation du mode de calcul du prix de vente des médicaments.

PPV = PFHT + Marge Grossiste + Marge Officine + (éventuellement TVA)

Lors d’une nouvelle mise sur le marché d’un médicament princeps, les fabricants locaux et les importateurs doivent lui définir un prix PFHT des plus bas du même médicament converti en dirhams36, « fixés ou homologués par les instances compétentes dans les pays suivants : Arabie Saoudite, Belgique, Espagne, France, Turquie, Portugal et dans le pays d’origine lorsqu’il est différent de ces derniers »37. Autrement dit, le prix qui sera appliqué au nouveau médicament princeps doit être le prix résultant d’une comparaison à la baisse entre ces différents pays. A défaut, dans le cas où le médicament n’est commercialisé que dans le pays d’origine seulement, hors les pays précités, le PFHT est aligné sur celui dudit pays converti en dirhams38.

En outre, d’autres marges peuvent s’ajouter au PFHT, comme la marge additionnelle de 10%

sur le montant de ce dernier, couvrant la marge importateur, les frais d’approche39 et les droits de douane pour les médicaments importés40, et la marge de 5% dans la limite d’un plafond de 400 Dhs41 pour les médicaments faisant l’objet d’une autorisation spécifique « dans le cas des médicaments prescrits et non enregistrés au Maroc, ou dans le cas d'une utilisation temporaire de certains médicaments destinés à traiter des maladies graves ou rares lorsqu'il n'existe pas de traitement approprié au Maroc »42. Cela nous pousse à se demander si, avec ces marges additionnelles, les industriels du secteur ont plus intérêt à importer des médicaments au lieu de les fabriquer localement ; ce qui pourrait expliquer la baisse que connaît actuellement la couverture de la consommation nationale en médicaments par la fabrication locale, qui est de 60%43, alors qu’elle était de 70%44 avant l’adoption du décret n° 2-13-852 précité.

- Soit sous la forme d'une autorisation de mise sur le marché dont le numéro doit être porté sur le conditionnement secondaire de tout médicament destiné à être commercialisé ;

- Soit sous la forme d'une autorisation spécifique dans le cas d'échantillons pour l'enregistrement des produits, pour essais cliniques, ou dans le cas des médicaments prescrits et non enregistrés au Maroc, ou dans le cas d'une utilisation temporaire de certains médicaments destinés à traiter des maladies graves ou rares lorsqu'il n'existe pas de traitement approprié au Maroc ». Article 7 de la loi n° 17-04.

35 Article 2 de la loi n° 17-04.

36 Le Dirham (Dh) est la monnaie officielle du Royaume du Maroc, abrégée en MAD sur le plan international, institué par le dahir n° 1-59-363 du 14 rebia II 1379 (17 octobre 1959) instituant une nouvelle unité monétaire.

B.O. n° 2451-bis du 19 octobre 1959.

37 Article 3 du décret n° 2-13-852.

38 Aux termes de l’article 3 du décret n° 2-13-852, « La conversion en dirhams s’effectue sur la base du cours vendeur du dirham en vigueur le premier jour ouvrable du mois précédant celui du jour de fixation du PFHT, tel qu’il est fixé par Bank Al-Maghrib ».

39 « Frais d'approche relatifs au transport international de marchandises : tels, les frais de chargement ou de déchargement, les droits et taxes portuaires, les frais d'établissement de connaissement et de certificat d'origine, les frais liés à l'utilisation de conteneurs (traction, empotage, dépotage, etc.), les frais de magasinage dans les ports ou aéroports ». Article 87, 10ème alinéa de l’Instruction Générale des Opérations de Change, 1er janvier 2020. Office des Changes du Royaume du Maroc. URL : https://www.oc.gov.ma/fr/reglementations#wow-book/

40 Article 4 du décret n° 2-13-852.

41 Article 9 du décret n° 2-13-852.

42 Article 7 de la loi n° 17-04.

43 Association marocaine de l’industrie pharmaceutique, op. cit., note 6.

44 Royaume du Maroc, Ministère de la santé, "Stratégie 2008-2012", p. 3.

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D’autre part, concernant le prix du médicament générique, fabriqué localement ou importé, il est établi sur la base du prix maximum de référence qui est calculé « à partir du taux minimum de réduction du PFHT initial d’introduction du médicament princeps concerné »45. A défaut, si le médicament princeps n’est pas commercialisé au Maroc, « le prix maximum de référence est calculé à partir du taux minimum de réduction du PFHT théorique dudit princeps »46. Il est à noter qu’aucun médicament générique ne peut être commercialisé à un prix public de vente supérieur à son princeps47. Toutefois, malgré cette disposition encourageant l’accès au médicament générique, le secteur pharmaceutique connaît une insuffisance en termes de promotion de produits génériques de bonne qualité48.

Quant aux marges bénéficiaires de l’établissement pharmaceutique grossiste et du pharmacien d’officine, qui doivent être appliqué au PFHT, elles diffèrent selon le montant de ce dernier.

Ainsi, pour les médicaments produits localement, la marge grossiste est de 11% quand le PFHT est inférieur ou égal à 588 Dhs et de 2% quand il est inférieur, égal ou supérieur à 1766 Dhs, tandis que la marge officine est très variante ; elle est de 57% quand le PFHT est inférieur ou égal à 166 Dhs, de 47% quand il est inférieur ou égal à 588 Dhs, de 300 Dhs quand le PFHT est inférieur ou égal à 1766 Dhs et de 400 Dhs quand il en est supérieur49.

Tableau 1. Marges appliquées aux médicaments princeps Tranche de PFHT en DH Marge

Officine

Marge Grossiste

Forfait Officine en

DH

Forfait Grossiste

en DH

1 PFHT ≤ 166 57% 11% - -

2 166 < PFHT ≤ 588 47% 11% - -

3 588 < PFHT ≤ 1766 - 2% 300 -

4 PFHT > 1766 - 2% 400 -

Source : Article 4 du décret n° 2-13-852 du 14 safar 1435 (18 décembre 2013) relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés.

Tableau 2. Taux minimum de réduction appliqué aux médicaments génériques par rapport aux princeps

PFHT Princeps (DH)

% Minimum de réduction par rapport au PFHT en

vigueur du princeps

PFHT ≤ 15 0

15 < PFHT ≤ 30 15

30 < PFHT ≤ 70 30

70 < PFHT ≤ 150 35

150 < PFHT ≤ 300 40

PFHT > 300 50

Source : Article 5 du décret n° 2-13-852.

45 Article 5 du décret n° 2-13-852.

46 Ibid.

47 Ibid.

48 Organisation Mondiale de la Santé, "Stratégie de coopération OMS-Maroc 2017-2021", Genève, 2016, p. 17.

49 Article 4 du décret n° 2-13-852.

(10)

Par conséquent, depuis l’adoption de la nouvelle réglementation en 2013, plus de 3000 médicaments ont vu leur prix revu à la baisse50. Cette dernière, qui n’a pas eu l’impact souhaité sur la stimulation de la consommation des médicaments par le citoyen marocain51, a causé un recul d’activité de plus de 20% pour les pharmaciens d’officine ; ce qui pourrait inciter ces derniers à promouvoir les médicaments les plus chers ou encore les princeps par rapport aux génériques afin de pallier à leur déficit financier. Tandis que les industriels, jugeant que les prix de certains médicaments essentiels sont trop bas, s’attendent à une nouvelle revalorisation52. A défaut, on ne peut envisager une production à perte par les laboratoires pharmaceutiques, qui pourraient arrêter l’approvisionnement du marché par les médicaments peu ou non rentables.

Tableau 3. Exemple des prix de certains médicaments revus en baisse

Nom du Médicament

Prix Public de Vente en Dirham avant

révision

Prix Public de Vente en Dirham après

révision

Prix Hôpital en Dirham avant

révision

Prix Hôpital en Dirham après

révision

TAHOR 10 mg Comprimé Boîte de 14 82,70 49,00 51,70 30,60

TAHOR 20 mg Comprimé Boîte de 28 224,00 119,00 140,00 74,40

TAHOR 40 mg Comprimé Boîte de 28 272,00 179,00 170,40 111,90

TAHOR 80 mg Comprimé Boîte de 28 313,00 219,00 208,00 136,90

XARELTO 10 mg Comprimé pelliculé

Boîte de 10 402,00 376,00 266,00 250,00

XARELTO 10 mg Comprimé pelliculé

Boîte de 100 2.806,00 2.622,00 2.440,00 2.287,00

XARELTO 15 mg Comprimé pelliculé

Boîte de 14 566,00 529,00 375,00 352,00

XARELTO 15 mg Comprimé pelliculé

Boîte de 42 1.418,00 1.326,00 1.126,00 1.056,00

Source : Annexe de l’arrêté du Ministre de la santé n° 2778-15 du 10 chaoual 1436 (27 juillet 2015) portant révision à la baisse des prix de vente de certains médicaments princeps. B.O. n°

6396 du 3 hija 1436 (17-09-2015).

Par ailleurs, la baisse des prix des médicaments résultait aussi de l’intervention de l’Etat en matière fiscale. Ainsi, les médicaments anticancéreux, antiviraux des hépatites B et C, ceux destinés au traitement du diabète, de l’asthme, des maladies cardio-vasculaires, de la maladie du syndrome immunodéficitaire acquis (SIDA) et de la maladie de la méningite, les vaccins, les médicaments dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé des finances et qui sont destinés au traitement de la fertilité et au traitement de la sclérose en plaques ainsi que les médicaments dont le PFHT dépasse 588 Dhs sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) avec bénéfice du droit à déduction53 et à l’importation54. Tandis qu’un taux de TVA de 7% avec droit à déduction est appliqué aux

50 pharmacie.ma (date de consultation : 3 avril 2020). URL : https://pharmacie.ma/article/6402/le_bon_sens_na_point_de_prix__

51 Conseil Régional des Pharmaciens d’officine du Sud (CRPS), "Etat des lieux des prix des médicaments et leur évolution entre 2014 et 2018, au Maroc", Etude réalisée par Med Info Sarl pour le compte du CRPS, p. 9.

52 lematin.ma (date de consultation : 3 avril 2020). URL : https://lematin.ma/journal/2017/comment-le-ministere- de-la-sante-fixe-les-prix-des-medicaments/275555.html

53 Article 92 du Code général des impôts, institué par l’article 5 de la loi de finances n° 43-06 pour l’année budgétaire 2007, promulguée par le dahir n° 1-06-232 du 10 Hija 1427 (31 décembre 2006), tel qu’il a été modifié et complété (Edition 2020).

54 Article 123 du Code général des impôts.

(11)

ventes et aux livraisons portant sur les produits pharmaceutiques, les matières premières et les produits entrant intégralement ou pour une partie de leurs éléments dans la composition desdits produits, ainsi que leurs emballages non récupérables et les produits et matières entrant dans leur fabrication55.

2.2. Un financement réduit du secteur

Le faible accès aux médicaments s’explique non seulement par leurs prix, mais aussi par l’exclusion financière d’une grande partie de la population de la couverture par l’assurance maladie et l’absence d’une prise en charge effective des patients indigents, et ce, en raison de la part insignifiante du budget attribué au secteur de la santé. L’Etat est appelé par conséquent à intervenir pour pallier aux carences financières qui bloquent le développement de ce secteur et l’accès aux soins de santé pour un grand nombre de citoyens.

La loi cadre n° 34-09 relative au système de santé et à l’offre de soins, promulguée par le dahir n° 1-11-83 du 29 rejeb 1432 (2 juillet 2011)56, engage l’Etat à garantir la disponibilité, la qualité et l’accès aux médicaments57. Alors que, le secteur de santé souffre d’un sous financement manifeste, la part du budget général de l’Etat qui lui est affectée est de 4,8%58, loin du plafond des recommandations de l’OMS qui l’établit à 15%59. Ramenée au niveau du Produit intérieur brut (PIB), elle représente 1,4% seulement60. Cette situation fait supporter à la population 63,3% des dépenses totales de la santé61, contre 39% en Tunisie62, 9% en France, 17% en Turquie, 18% en Belgique, 24% en Espagne, 28% en Portugal et 35% en Grèce63 ; ce qui affecte grandement les plus démunis et rend l’accès aux soins de santé très difficile pour un nombre important de citoyens à faible revenu.

De plus, les médicaments et biens médicaux ne bénéficient qu’à hauteur de 26,2% des dépenses du système national de santé64, ce qui expliquerait les pénuries que connaissent les hôpitaux publics dans leur approvisionnement interne en médicaments. Cette situation est particulièrement grave dans les centres de soins qui se situent en dehors des agglomérations bien dotées en officines.

L’accessibilité aux médicaments ne doit pas être seulement financière mais aussi géographique ; les hôpitaux publics dans les milieux ruraux souffrent d’une disponibilité insuffisante des médicaments comparés aux hôpitaux des grandes villes. L’existence d’une distribution inégale de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire et d’une inadéquation entre cette offre et la demande de soins pour certaines maladies comme le diabète, le cancer, l’insuffisance rénal et les maladies cardiovasculaires, contribuent aux difficultés d’accès aux soins de santé.

En outre, l’approvisionnement de ces hôpitaux constitue un véritable défi pour les pouvoirs publics, car il implique un changement important au niveau de la politique nationale qui s’est

55 Article 99 du Code général des impôts.

56 B.O. n° 5962 du 21 juillet 2011.

57 Article 6 de la loi cadre n° 34-09.

58 Ministère de la santé, "Comptes nationaux de santé", Rapport 2015, p. 37.

59 Organisation Mondiale de la Santé, "Rapport sur la santé dans le monde 2010 - Le financement des systèmes de santé : le chemin vers une couverture universelle", Genève, 2010, p. xiii.

60 Ministère de la santé, op. cit., note 58.

61 Ministère de la santé, op. cit., note 58, p. 31.

62 latunisiemedicale.com (date de consultation : 29 mars 2020). URL : https://www.latunisiemedicale.com/m/article-medicale-tunisie_3467_fr

63 oecd-ilibrary.org (date de consultation : 31 mars 2020). URL :

https://www.oecd-ilibrary.org//sites/4dd50c09-en/1/2/7/4/index.html?itemId=/content/publication/4dd50c09- en&_csp_=82587932df7c06a6a3f9dab95304095d&itemIGO=oecd&itemContentType=book#figure-d1e418

64 Ministère de la santé, op. cit., note 58, p. 28.

(12)

axée depuis les années quatre-vingt, époque de mise en place d’un plan d’ajustement structurel du secteur de la santé, sur la promotion du secteur privé, la substitution aux importations pour les médicaments produits localement et la diminution des dépenses publiques. Le besoin de ce changement s’est grandement ressenti face à la crise liée à la pandémie du Coronavirus (COVID-19) qui a frappée le pays ; ce qui doit inciter les autorités marocaines à réfléchir à la solution la plus optimale pour une meilleure revalorisation du secteur.

Conclusion

Le cadre général de fixation du prix du médicament au Maroc, tel qu’il a été présenté dans le présent article, connaît un réel déséquilibre entre les besoins de la santé publique, l’accès des citoyens au médicament et les intérêts légitimes des professionnels du secteur pharmaceutique.

Malgré les mesures prisent par les pouvoirs publics en matière réglementaire pour fixer un prix juste et accessible des médicaments, elles restent loin des attentes des professionnels du secteur et des citoyens, spécialement ceux qui ne bénéficient pas d’une couverture médicale ou d’assurance maladie ; ce qui les oblige à fournir plus d’efforts dans ce sens et initier le débat sur la refonte de la politique nationale de santé.

D’autre part, un amendement de la réglementation en vigueur est indispensable vu les conséquences négatives engendrées au niveau de la rentabilité et l’accessibilité des médicaments. Dans ce cadre, il est recommandé de ne pas se fonder sur le prix dans le pays d’origine pour fixer le prix du médicament princeps fabriqué localement, que le benchmark soit élargi à d’autres pays où les prix sont les moins chers, ainsi que revoir à la baisse la durée de révision du prix public de vente qui est actuellement de cinq ans65.

Enfin, il est nécessaire de pallier aux éventuels abus et de recadrer l’hégémonie des industriels du secteur pharmaceutique national. L’Etat doit exercer un contrôle en amont sur toutes les étapes de l’élaboration du prix fabricant hors taxe du médicament, en vue de garantir plus de transparence dans ce secteur.

Références bibliographiques

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https://www.kestudies.org/evolutions-recentes-de-la-legislation-sur-la-propriete- intellectuelle-au-maroc-et-acces-aux-medicaments/

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https://pharmacie.ma/uploads/pdfs/concurentiabilite(1).pdf

65 Article 14 du décret n° 2-13-852 précité.

(13)

- Conseil Régional des Pharmaciens d’officine du Sud (CRPS), "Etat des lieux des prix des médicaments et leur évolution entre 2014 et 2018, au Maroc", Etude réalisée par Med Info Sarl pour le compte du CRPS.

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- Ministère de la Santé, "Comptes nationaux de santé", Rapport 2015.

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