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Business, violence et conflit

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Volume 94 Sélection française 2012 /3

www.icrc.org/fre/resources/

international-review

Volume 94 Sélection française 2012 /3

Business , violence et conflit

R E V U E

INTERNATIONALE de la Croix-Rouge

R E V U E

INTERNATIONALE de la Croix-Rouge

R E V U E

INTERNATIONALE de la Croix-Rouge

Business, violence et confl it

Éditorial : La mondialisation ne sera un progrès que si elle est responsable

Vincent Bernard, Rédacteur en chef Interview de John G. Ruggie

Professeur Berthold Beitz en droits de l’homme et aff aires internationales à la Harvard Kennedy School, ancien représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.

Les acteurs économiques dans les confl its armés : vers un nouvel agenda humanitaire

Hugo Slim

La réglementation des entreprises de sécurité privées, toujours en retard d’une guerre ?

Sarah Percy

Application des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme dans les zones de confl it : obligations des États et responsabilités des entreprises Rachel Davis

Le rôle des initiatives multipartites dans le développement de la question des entreprises et de droits de l’homme

Scott Jerbi

Faire progresser l’action humanitaire par le dialogue et la coopération avec les acteurs économiques : l’expérience du CICR Claude Voillat

Droit international humanitaire et entreprises Philip Spoerri

Doctrine sur l’approche confi dentielle du Comité international de la Croix- Rouge (CICR)

Moyen spécifi que du CICR pour obtenir des autorités étatiques et non étatiques le respect du droit

Doctrine. Décembre 2012.

Volume 94 Sélection française 2012 /3

Débat humanitaire: droit, politiques, action

Business, violence et conflit

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INTERNATIONALE de la Croix-Rouge

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INTERNATIONALE de la Croix-Rouge

Sélection française

REVUEINTERNATIONALEde la Croix-Rouge

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But et contenu

Créée en 1869, la Revue internationale de la Croix-Rouge est un périodique publié par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui entend favoriser la réflexion sur le droit international humanitaire, la politique et l’action en temps de conflit armé et d’autres situations de violence armée collective. En tant que revue spécialisée en droit humanitaire, elle cherche à promouvoir la connaissance, l’examen critique et le développement de ce droit, et elle con- tribue à la prévention de violations des règles protégeant les valeurs et les droits fondamentaux. La Revue offre une tri- bune pour discuter de l’action humanitaire contemporaine et analyser les causes et les caractéristiques des conflits, afin de favoriser la compréhension des problèmes humanitaires qui en découlent. Enfin, la Revue informe ses lecteurs sur les questions ayant trait au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et, en particulier, sur la doctrine et les activités du CICR.

Comité international de la Croix-Rouge

Organisation impartiale, neutre et indépendante, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a la mission exclusivement humanitaire de protéger la vie et la dignité des victimes de conflits armés et d’autres situations de violence, et de leur porter assistance. Le CICR s’efforce également de prévenir la souffrance par la promotion et le renforcement du droit et des princi- pes humanitaires universels. Créé en 1863, le CICR est à l’origine des Conventions de Genève et du Mouvement international de la Croix-Rouge, dont il dirige et coor- donne les activités internationales dans les conflits armés et les autres situations de violence.

Membres du Comité Président : Peter Maurer Vice-président : Olivier Vodoz

Vice-présidente permanente : Christine Beerli

Rédacteur en chef Vincent Bernard, CICR Comité de rédaction Rashid Hamad Al Anezi, Université de Koweït, Koweït Annette Becker,

Université de Paris-Ouest Nanterre La Défense, France

Françoise Bouchet-Saulnier, Médecins sans Frontières, Paris, France Alain Délétroz,

International Crisis Group, Bruxelles, Belgique

Helen Durham,

Croix-Rouge australienne, Melbourne, Australie

Mykola M. Gnatovskyy,

Université nationale Taras-Shevchenko, Kiev, Ukraine

Bing Bing Jia,

Université de Tsinghua, Pékin, Chine Abdul Aziz Kébé,

Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Elizabeth Salmón,

Université pontificale catholique du Pérou, Lima, Pérou

Marco Sassòli,

Université de Genève, Suisse Yuval Shany,

Université hébraïque de Jérusalem, Israël Hugo Slim,

Université d’Oxford, Royaume Uni Gary D. Solis,

Université de Georgetown, Washington D.C., USA Nandini Sundar,

Université de Delhi, New Delhi, Inde Fiona Terry,

Chercheuse indépendante en action humanitaire, Australie

Peter Walker,

Feinstein International Center, Université de Tufts, Boston, USA

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Présentation des manuscrits

La Revue internationale de la Croix-Rouge solli- cite des articles sur des sujets touchant à la poli- tique, à l’action et au droit international humani- taires. La plupart des numéros sont consacrés à des thèmes particuliers, choisis par le Comité de rédaction, qui peuvent être consultés sur le site web de la Revue dans la rubrique « Futurs thèmes de la Revue internationale de la Croix-Rouge ». Les contributions portant sur ces sujets sont particu- lièrement appréciées.

Les articles peuvent être rédigés en anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe. Les articles choisis sont traduits en anglais, si nécessaire.

Les articles ne doivent pas avoir été publiés, présentés ou acceptés ailleurs. Ils font l’objet d’un examen collégial ; la décision finale de les publier est prise par le rédacteur en chef. La Revue se réserve le droit d’en réviser le texte.

La décision d’accepter, de refuser ou de réviser un article est communiquée à l’auteur dans les quatre semaines suivant la réception du manus- crit. Les manuscrits ne sont pas rendus aux auteurs.

Les articles peuvent être envoyés par courriel à : review@icrc.org

Règles de rédaction

L’article doit compter entre 5 000 et 10 000 mots.

Les textes plus courts peuvent être publiés dans la section « Commentaires et opinions ».

Pour de plus amples informations, veuillez con- sulter les Informations à l’intention des auteurs et les Règles de rédaction, notes de bas de page, citations et questions de typographie sur le site web de la Revue :

www.icrc.org/fre/resources/international-review

La version originale de la Revue internatio- nale de la Croix-Rouge est publiée en anglais quatre fois par an, au printemps, en été, en automne et en hiver.

Une sélection annuelle d’articles est publiée au niveau régional en arabe, chinois, espa- gnol, français et russe.

Les articles publiés dans la Revue sont accessibles gratuitement en ligne sur le site : www.icrc.org/fre/resources/ international-review

Sélection française

Dès 2011, la Revue internationale de la Croix-Rouge publiera deux à quatre sélec- tions françaises thématiques par année. Leurs contenus rassembleront une sélection d’articles parmi ceux figurant dans les qua- tre numéros annuels de la version anglaise de la Revue internationale de la Croix-Rouge (International Review of the Red Cross). Les commandes de Sélection française doivent être faites via le eShop du CICR, à l’adresse suivante:

https://shop.icrc.org/publications/interna- tional-humanitarian-law.html

©cicr

L’autorisation de réimprimer ou de repu- blier un texte paru dans la sélection fran- çaise doit être obtenue auprès du rédacteur en chef. Les demandes sont à adresser à l’équipe éditoriale.

Photo de couverture : des habitants afghans regardent un robot durant une

opération de déminage.

© Umit Bektas, Reuters Recherche de photos:

Fania Khan Mohammad, CICR

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INTERNATIONALE de la Croix-Rouge

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INTERNATIONALE de la Croix-Rouge INTERNATIONALE de la Croix-Rouge

Christiane Augsburger Paolo Bernasconi François Bugnion Bernard Daniel Paola Ghillani Jürg Kesselring

Claude Le Coultre Yves Sandoz Rolf Soiron Bruno Staffelbach Daniel Thürer André von Moos

Équipe éditoriale

Rédacteur en chef : Vincent Bernard Assistantes de rédaction: Elvina Pothelet, Mariya Nikolova et Gaetane Cornet Conseiller spécial sur Guerre et nou- velles technologies : Raymond Smith Assistante de publication :

Claire Franc Abbas

Revue internationale de la Croix-Rouge Avenue de la Paix 19

CH - 1202 Genève Tél : +41 22 734 60 01 Fax: +41 22 733 20 57 Courriel: review@icrc.org

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Sélection française

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TABLE DES MATIÈRES

Cette publication rassemble une sélection d’articles parus dans la version originale en anglais (International Review of the Red Cross, Vol. 94, N° 887, Autumn 2012).

Business, violence et conflit

591 Éditorial : La mondialisation ne sera un progrès que si elle est responsable

Vincent Bernard, Rédacteur en chef

603 Interview de John G. Ruggie

Professeur Berthold Beitz en droits de l’homme et affaires internationales à la Harvard Kennedy School, ancien Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.

Articles

617 Les acteurs économiques dans les conflits armés : vers un nouvel agenda humanitaire

Hugo Slim

637 La réglementation des entreprises de sécurité privées, toujours en retard d’une guerre ?

Sarah Percy

663 Application des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme dans les zones de conflit : obligations des États et responsabilités des entreprises

Rachel Davis

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685 Le rôle des initiatives multipartites dans le développement de la question des entreprises et de droits de l’homme

Scott Jerbi

709 Faire progresser l’action humanitaire par le dialogue et la coopération avec les acteurs économiques : l’expérience du CICR

Claude Voillat

739 Droit international humanitaire et entreprises Philip Spoerri

Rapports et documents

751 Doctrine sur l’approche confidentielle du Comité international de la Croix- Rouge (CICR)

Moyen spécifique du CICR pour obtenir des autorités étatiques et non éta- tiques le respect du droit

Doctrine. Décembre 2012.

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ÉDITORIAL – LA MONDIALISATION NE SERA UN PROGRÈS QUE SI ELLE EST RESPONSABLE

« Le monde est mon pays ». Cette célèbre citation de Thomas Paine exprime l’idée d’un lien commun à l’humanité qui transcende les distances, les frontières, les nations. La révolution industrielle tout d’abord, puis la mon- dialisation ont donné une substance nouvelle à cet idéal. Nous n’avons jamais été aussi bien connectés les uns aux autres, que ce soit par nos voyages, nos moyens de communication ou nos échanges commerciaux. Cette évolution est largement le fait du secteur privé : l’activité des sociétés nationales ou multina- tionales a créé entre nous un tissu complexe d’interdépendances.

La mondialisation est pour le meilleur quand nous bénéficions mutuel- lement de nos avantages respectifs mais aussi pour le pire, quand il n’y a pas échange mais exploitation. C’est dans les zones de conflits et de violence de la planète que l’ambivalence de ce phénomène se fait sentir de la manière la plus aiguë : les facteurs économiques sont souvent des causes directes de la violence ou du moins ils risquent d’attiser et perpétuer la violence.

À l’image de la soif de richesses qui animait les conquérants du nouveau monde, d’innombrables guerres ont été motivées ou prolongées par des dyna- miques liées à l’acquisition de biens ou de ressources, le contrôle de nouveaux marchés et l’expansion économique. Depuis plusieurs décennies, l’Afrique vit son lot de conflits alimentés, entre autres, par la présence de ressources sur lesquelles les parties opposées souhaitent mettre la main – on pensera en par- ticulier à la Sierra Leone, au Libéria, à la République Démocratique du Congo et ses voisins, au Nigéria, etc. L’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud ne sont pas en reste avec leurs épisodes récurrents de conflits ou troubles sociaux liés aux questions d’accès aux ressources ou de contrôle de voies d’exporta- tion – la Colombie, le Pérou ou le Mexique par exemple viennent à l’esprit.

Si l’on se tourne vers l’Asie, il est aujourd’hui à craindre par exemple qu’avec la prise de conscience récente de son immense potentiel minier, l’Afghanistan voie les rivalités, la violence et la corruption être exacerbées aux dépens d’une transition pacifique après le départ des forces internationales1. L’Afghanistan deviendrait ainsi une nouvelle illustration de ce que l’on appelle parfois

« la malédiction des ressources », ou le paradoxe qui veut que les pays riches en

1 Voir l’article de Graham Bowley, « Potential for a Mining Boom Splits Factions in Afghanistan », dans The New York Times, 8 septembre 2012, disponible sur: http://www.nytimes.com/2012/09/09/

world/asia/afghans-wary-as-efforts-pick-up-to-tap-mineral-riches.html ?_r=3& (toutes les références internet ont été consultées en décembre 2012).

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ressources tendent à être moins développés et à croître moins vite que les pays qui n’en possèdent pas2.

Si, de tous temps, les enjeux économiques ont alimenté les conflits, jamais l’impact des entreprises multinationales dans les relations internatio- nales et les questions de sécurité n’a été aussi important. Ainsi dans certaines zones de conflit armé ou de violence, les autorités publiques n’exercent plus guère de contrôle tandis que des acteurs économiques ont acquis de plus en plus d’influence et assument certaines fonctions traditionnellement dévolues à l’Etat. Il n’est ainsi pas rare de voir des entreprises privées assurer directement la sécurité d’une zone géographique ou encore équiper et se charger de la for- mation complémentaire de forces de sécurité publiques – le tout avec souvent une très faible implication, voire une totale absence des appareils de l’Etat.

Quelles sont les principales facettes de la relation entre acteurs écono- miques et conflits aujourd’hui ? Quelles sont les règles applicables pour enca- drer leurs activités ? Cette édition de la Revue ne traite pas de toutes les rela- tions entre guerre et économie tels le commerce des armes, le marché noir et les trafics ou encore les dimensions économiques de l’aide humanitaire, etc.

La Revue a choisi de mettre l’accent sur les droits et les responsabilités des sociétés opérant dans les zones de conflits armés et autres situations de vio- lence. Après avoir consacré une édition au sujet de la réglementation inter- nationale des compagnies militaires et de sécurité privées en 20063, la Revue revient aussi sur les derniers développements concernant ce sujet.

Qu’elles soient déjà implantées dans un pays avant un conflit ou qu’elles investissent dans une zone déjà en crise, les entreprises pèseront sur le dérou- lement du conflit, par leurs actions, leur influence ou par leur simple présence.

Comme l’explique Hugo Slim dans son article4, les rôles des acteurs écono- miques sont multiples. Nous n’en retiendrons ici que quelques-uns.

Tout d’abord, les acteurs économiques sont eux-mêmes souvent vic- times d’actes de violence, comme la prise d’assaut et la prise d’otage du site pétrolier d’In Amenas en Algérie l’a encore illustré récemment. Ils s’exposent à des risques directs : pressions, extorsions, pillages, prises d’otage ou attaques.

En second lieu, les acteurs économiques peuvent contribuer à la violence – directement ou indirectement, volontairement ou involontairement.

Ils peuvent représenter une source de revenus pour les parties au conflit voire même leur fournir les moyens de se battre. Dans les cas les plus extrêmes ils peuvent profiter de la guerre, du chaos et de la violence pour se livrer à des acti-

2 Une analyse des pays en développement menée par Jeffrey Sachs et Andrew Warner en 1995 a permis de constater que plus une économie dépend de ressources minérales, plus son taux de croissance est faible.

Voir Jeffrey D. Sachs et Andrew M. Warner, « Natural resource abundance and economic growth », NBER Working Paper Series, Working Paper 5398, Harvard Institute for International Development, 1995.

3 Voir l’édition « Private Military Companies », International Review of the Red Cross, Vol. 85, No. 863, septembre 2006. Une sélection française de ces articles est publiée dans la Revue internationale de la Croix Rouge, Vol. 88, 2006.

4 Voir l’article de Hugo Slim, « Les acteurs économiques dans les conflits armés : vers un nouvel agenda humanitaire », dans ce numéro de la Revue.

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vités criminelles à l’image des entreprises allemandes qui contribuèrent direc- tement à la mise en œuvre des politiques du régime nazi et/ou profitèrent de la main-d’œuvre esclave des camps nazis durant la seconde guerre mondiale.

Finalement, on oublie souvent que les acteurs économiques jouent sur- tout un rôle positif en contribuant à des secours, à la prévention ou à la réduction de la violence. Les investisseurs qui maintiennent leur activité dans les zones de conflit en dépit des risques permettent à leurs employés de maintenir un revenu et peuvent contribuer à garantir une certaine stabilité. Les exemples d’actions humanitaires directes par des sociétés et leurs dirigeants sont nombreux à tra- vers l’histoire. Henry Dunant, à l’origine de la fondation du Mouvement inter- national de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge n’était-il pas lui-même un entrepreneur, qui a découvert par hasard les horreurs de la guerre alors qu’il était en voyage pour ses affaires ? Le cinéma a popularisé l’action de l’entrepre- neur allemand Oskar Schindler en faveur de ses employés juifs persécutés pen- dant la seconde guerre mondiale (La liste de Schindler) ou encore celle de Paul Rusesabagina, qui usa de son influence de directeur d’hôtel pour protéger la vie de centaines de personnes durant le génocide rwandais (Hôtel Rwanda).

Récemment le gouvernement et le secteur privé ont cofinancé la réin- sertion professionnelle d’anciens combattants du conflit en Côte d’Ivoire, fournissant un autre exemple de contribution possible des entreprises privées5. Finalement, les entreprises privées sont aussi des donateurs importants de l’aide humanitaire.

Responsabilité sociale et responsabilité juridique : des activités économiques de mieux en mieux encadrées

A la différence des États, des groupes armés et des individus, les droits et les obligations des entreprises et de leurs agents en temps de conflit armé sont longtemps demeurés flous et les normes applicables lacunaires et fragmentées.

Plusieurs sources juridiques ou sociales et plusieurs mouvements confluents contribuent à une plus grande responsabilisation du secteur privé.

Obligations contraignantes en droit international

Avant de décrire le réseau toujours croissant d’initiatives volontaires visant à réglementer les comportements des acteurs économiques qui peuvent avoir un impact sur les droits de l’homme, il peut être utile de se rappeler qu’il existe déjà un ensemble de normes contraignantes applicables aux comportements des entreprises dans des contextes instables.

5 Voir « In Côte d’Ivoire the Government and Private Companies are Partnering to Create Jobs for Young Men and Women », dans worldbank.org, 27 août 2012, disponible sur : http://www.worldbank.

org/en/news/feature/2012/08/27/in-cote-d-ivoire-the-government-and-private-companies-are- partnering-to-create-jobs-for-young-men-and-women.

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En droit international des droits de l’homme, les États jouent un rôle primordial dans la prévention et la réponse aux violations des droits de l’homme impliquant des entreprises. Afin de remplir leur devoir de protection, les États doivent être capables de réglementer le comportement des acteurs – y compris des entreprises – et de se prononcer sur les violations commises6.

En temps de guerre, le droit international humanitaire (DIH) est le régime juridique qui prévaut. Cette branche du droit contient des dispositions qui protègent les civils et les biens civils, ce qui inclut le personnel et les biens des entreprises qui opèrent dans des situations de conflit armé. Elle impose aussi des obligations aux Etats, aux individus et aux parties non-étatiques au conflit.

Le DIH oblige les États (qu’ils soient l’État d’origine, l’État territorial ou l’État contractant) à « respecter et à faire respecter »7 le DIH, notamment en adoptant une législation nationale adéquate lorsque cela est nécessaire. Les États sont explicitement tenus de criminaliser les infractions graves au DIH dans leur législation nationale, ainsi que d’enquêter sur et juger de telles vio- lations8. Dès lors, les individus, et notamment les cadres ou employés d’entre- prises, peuvent être individuellement tenus responsables de violations du DIH.

Le droit international pénal a lui aussi évolué de façon significative depuis la seconde guerre mondiale et, aujourd’hui, les cadres et employés d’entreprises peuvent être tenus responsables de violations du DIH et d’autres crimes internationaux en vertu d’un système de plus en plus sophistiqué de modes de responsabilité. En parallèle, de plus en plus de pays ont adopté des lois leur permettant de répondre aux crimes internationaux et transnationaux, et établissant une responsabilité pénale et civile pour les entreprises9. Enfin, les entreprises engagent également leur responsabilité civile, une piste qui a été explorée cette dernière décennie, non sans difficulté, pour permettre d’entamer des poursuites au niveau domestique10. La connaissance des règles pertinentes du droit national et, surtout, du droit international des droits de l’homme, du DIH et du droit international pénal est donc cruciale pour les entreprises locales et internationales opérant dans des contextes instables.

Développement des instruments de ‘soft law’

Depuis les années 1990 et la prise de conscience croissante de l’empreinte sociale et environnementale des entreprises dans des contextes instables dans

6 Pour une analyse plus détaillée du devoir de protéger des États, voir l’article de Rachel Davis, « Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme dans les zones de conflit : obligations des États et responsabilités des entreprises », dans ce numéro de la Revue.

7 Voir l’article 1 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 (CG).

8 Voir les dispositions des Conventions de Genève relatives aux infractions graves (Arts. 50, 51, 130, 147 des CG I-IV respectivement) et les Articles 11 et 85 du Protocole Additionnel I aux Conventions de Genève.

9 Voir l’exemple de la Norvège, exposé dans la contribution de Simon Mark O’Connor dans ce numéro de la Revue.

10 En ce qui concerne le contentieux civil en particulier, voir le Alien Tort Claims Act (« ATCA ») aux Etats-Unis, qui a ouvert la porte aux poursuites au civil pour les violations du DIH par des entreprises.

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le monde entier, les efforts pour réglementer la conduite des entreprises – que ce soit sous l’égide des Nations Unies (ONU), d’associations sectorielles ou des initiatives de multiples parties prenantes – ont proliféré11. Ces efforts ont géné- ralement été orientés vers le développement de normes non-contraignantes et d’autoréglementation.

Cette tendence peut être expliquée de différentes façons. Les sceptiques suggèrent que de telles approches non-contraignantes dissimulent simplement l’incapacité des États à contraindre les entreprises et servent les intérêts des entreprises en matière de relations publiques. D’autres suggèrent que les instru- ments « soft law » sont simplement une façon plus efficace de créer des normes car ils permettent d’éviter les débats doctrinaux quant à savoir si les entreprises sont de réels sujets de droit international, et parce que les processus formels d’élabo- ration des traités prennent trop de temps pour permettre de réglementer un sec- teur privé à l’évolution rapide. D’autres encore font état d’une véritable recherche de nouvelles formes de gouvernance mondiale, plutôt basées sur une approche volontariste et inclusive pour aborder les problèmes d’envergure mondiale. Les partisans de ces initiatives disent également que les approches entre multiple parties prenantes en particulier tendent à tellement estomper la distinction entre volontaire et obligatoire qu’elles pourraient contribuer à la cristallisation d’un futur droit contraignant. Quelle que soit l’approche adoptée, il est aujourd’hui incontestable qu’un ensemble d’instruments « soft law » va se développer. Tout aussi expansif qu’il puisse être, cet ensemble d’instruments est toujours plus confus, et souvent spécifique à un forum ou à une industrie.

En 2008, dans un élan vers un cadre normatif holistique pour régle- menter le comportement des entreprises qui peut avoir un impact sur les droits de l’homme, l’ONU a établi un cadre de référence générique sur les entreprises et les droits de l’homme, s’adressant aux trois principales parties prenantes : les gouvernements, les entreprises et la société civile. Élaboré par John G. Ruggie, le Représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU pour la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, le cadre de référence « Protéger, Respecter et Réparer » se fonde sur des consultations extensives avec ces trois secteurs. Le document introduit une nouvelle approche de régulation au niveau international. Il rappelle aux États leurs obligations légales, aux entreprises leur responsabilité et leur intérêt à maîtriser les risques de violations des droits de l’homme, et à la société civile sa responsabilité de mieux comprendre et utiliser les recours disponibles en cas de violation.

11 Au niveau intergouvernemental, ils incluent la Déclaration de Principes Tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale du BIT, les Principes directeurs pour les entreprises multinationales de l’OCDE, les normes de performance pour les compagnies établis par la Société Financière Internationale. Parmi les initiatives multi-parties prenantes, nous pouvons mentionner le Pacte Mondial des Nations Unies, les Principes Volontaires sur la Sécurité et les Droits de l’Homme, l’Initiative pour la transparence des industries extractives et le système de certificat du processus de Kimberley. Les Principes Volontaires en particulier sont un exemple d’initiative multiples parties prenantes sur les entreprises et les droits de l’homme qui se réfère spécifiquement au droit international humanitaire.

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Le cadre de référence a été suivi par l’adoption de Principes Directeurs relatifs aux Entreprises et aux Droits de l’Homme, unanimement adoptés par le Conseil des Droits de l’Homme, qui visent à le rendre plus opérationnel.

Aujourd’hui, les Principes Directeurs sont un document clé en matière d’entre- prises et de droits de l’homme. Ils contiennent des recommandations concrètes pour chacune de ces parties prenantes. La prochaine étape consistera à intégrer et internaliser ces principes. Certains progrès peuvent déjà être observés, note Rachel Davis dans son article12.

La réglementation des entreprises militaires et de sécurité privées

Un type particulier d’entreprise qui est, par définition, plus exposé aux conflits armés et autres situations de violence sont les entreprises militaires et de sécu- rité privées (EMSP). Après l’époque récente des « mercenaires » louant leurs services de soldats de fortune dans les conflits africains, les guerres dans les Balkans, en Iraq et en Afghanistan ont vu émerger de nouvelles structures offrant des prestations de type militaire et sécuritaire : les EMSP. Face à une demande croissante, ces dernières se sont multipliées et ont étendu leur offre à de nombreux domaines : sécurité, logistique, maintenance et opération des équipements militaires, intelligence, formation des forces de police et des forces armées, ou activités liées à la détention, par exemple. On peut en fait par- ler d’une véritable industrie militaire et de sécurité privée, offrant une palette toujours évolutive de services, notamment aujourd’hui dans le domaine de la sécurité maritime en réponse au danger de la piraterie (livraison de rançon, négociations, patrouilles en mer, etc.). La nature multiforme et évolutive des services fournis par les EMSP pose d’importants défis au développement d’un cadre juridique cohérent pour régir leurs activités.

En ce qui concerne les obligations juridiques existantes, le document de Montreux de 200813, dont l’initiative a été menée par la Suisse et le Comité international de la Croix Rouge (CICR), rappelle et réaffirme le droit applicable aux activités des EMSP lors de conflits armés. Il recommande également un catalogue de bonnes pratiques pour la mise en œuvre de ces obligations légales existantes. Le document se concentre sur les obligations des États, y compris les obligations des États qui contractent les services des EMSP, ceux sous la juridiction desquels les EMSP sont incorporées ou enregistrées, et les États sur le territoire desquels des EMSP opèrent.

A l’ONU, les efforts sont principalement dirigés vers le suivi de l’im- pact des EMSP sur les droits de l’homme, et vers l’examen de la possibilité d’élaboration d’une convention internationale pour réglementer les activités des EMSP14.

12 Voir Rachel Davis, op. cit., note 6.

13 Aujourd’hui, plus de 45 États et l’Union Européenne ont signé le document de Montreux.

14 Voir le mandat du Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans la résolution

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Il y a également une tendance récente à l’autoréglementation par les entreprises elles-mêmes. La plus récente initiative de ce type, qui est aussi un exemple de procédure de multiples parties prenantes, est le Code de Conduite International des Entreprises de Sécurité Privées (CoCI)15. Facilitée par le gouvernement suisse et le Centre pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées (DCAF), cette initiative établit un code afin de guider les fournisseurs de services de sécurité privée sur la façon d’agir en respectant les standards de DIH et des droits de l’homme. Le code traite en particulier des questions rela- tives à l’usage de la force, la détention, l’exploitation et les abus sexuels, la traite des êtres humains et l’esclavage. Le CoCI se réfère au document de Montreux et offre surtout un mécanisme de surveillance – une caractéristique unique de cette initiative. Il reste à voir comment ce mécanisme fonctionnera à l’avenir.

En attendant, il est important de rappeler que l’autorégulation ne remplace pas la responsabilité des États d’assurer le respect du DIH par les EMSP lors de conflits armés, et que les employés et les directeurs d’EMSP restent liés par les règles de DIH lorsqu’ils travaillent dans des situations de conflits armés.

« Business as usual » ou le signe d’un changement dans la gouvernance mondiale ?

Au vu de tous ces développements, l’on pourrait dire qu’un certain progrès a été accompli au niveau international en matière de dialogue entre la société civile, les entreprises et les États sur la question des responsabilités des acteurs écono- miques en vertu du DIH et des droits de l’homme. Un long chemin reste néan- moins à parcourir. Bien que les Principes Directeurs de l’ONU aient été unani- mement adoptés par le Conseil des Droits de l’Homme, et bénéficient donc d’une légitimité sans précédent au niveau international, de nombreuses entreprises n’ont aujourd’hui pas forcément connaissance de leur existence. Elles en savent encore moins sur les façons de mettre en œuvre les Principes dans leurs activités.

En outre, le fait que plusieurs des initiatives actuelles de « soft law » tendent à se concentrer sur la conduite professionnelle ne doit pas faire oublier les responsabilités propres aux États en vertu du droit international. Les gouver- nements devraient aujourd’hui penser de plus en plus activement aux mesures concrètes qu’ils peuvent prendre afin d’empêcher et de réduire le nombre de violations des droits de l’homme impliquant des entreprises.

2005/2 de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies (Doc. ONU E/CN.4/RES/2005/2, 7 avril 2005), étendu par la résolution 7/21 du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (Doc. ONU A/HRC/RES/7/21, 28 avril 2008). Voir aussi la résolution 15/26 du Conseil des Droits de l’Homme qui porte création d’un groupe de travail intergouvernemental à composition non-limitée pour explorer la possibilité d’élaborer une convention internationale sur la réglementation, le suivi et la surveillance des activités des entreprises militaires et de sécurité privées. (UN. Doc. A/HRC/

RES/15/26, 7 octobre 2010).

15 La description du CoCI est disponible en anglais sur le site internet du Centre for the Democratic Control of Armed Forces (DCAF). Voir ‘International Code of Conduct for Private Security Service Providers’, disponible sur : http://www.dcaf.ch/Project/International-Code-of-Conduct-for-Private- Security-Service-Providers.

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Pour l’avenir, il semble nécessaire de réfléchir plus attentivement aux voies de recours disponibles pour ceux qui sont touchés par les violations du DIH et des droits de l’homme. Quels types de mécanismes de doléances devraient et pourraient être mis en place pour sanctionner ou réparer le dom- mage causé aux communautés vulnérables par les opérations des entreprises ? Des mécanismes de réclamation non-judiciaires peuvent-ils répondre de manière efficace aux inquiétudes des communautés concernées par rapport à l’avenir ? Ou y a-t-il un risque que de tels mécanismes soient appliqués de façon inégale, qu’ils ne soient pas suffisamment indépendants, ou qu’ils ne conduisent pas à une sanction effective ? Les efforts devraient-ils à l’avenir être dirigés vers des recours non-judiciaires, ou plutôt vers une meilleure réglemen- tation par les États et un meilleur accès à la justice par le biais des tribunaux nationaux ? Ces questions restent ouvertes, mais il semble que les initiatives visant à assurer un meilleur respect des droits de l’homme par le secteur privé ne puissent avoir de sens concret que si elles incluent des mécanismes effectifs de responsabilité et un recours pour les victimes.

Le rôle de la société civile

La société civile internationale aura également un rôle à jouer dans la sur- veillance de l’activité du secteur privé, la sensibilisation des dirigeants d’en- treprises à leurs responsabilités ou les conseils aux communautés affectées ou aux victimes d’abus. Ainsi, par exemple, l’organisation non gouverne- mentale (ONG) Business & Human Rights Resource Centre met en ligne un

« Corporate Legal Accountability Portal » (Portail de Responsabilité Juridique des Entreprises, une plateforme d’informations en ligne fournissant des res- sources pour les juristes et non-juristes – y compris les victimes, les avocats, les ONG, les gens d’affaires, les avocats assignant des entreprises en justice et des avocats défendant ces entreprises)16. L’Institute for Human Rights and Business entend également être un centre d’excellence et d’expertise concer- nant les relations entre les entreprises et les normes des droits de l’homme17. Plus récemment, Shift, un centre indépendant à but non-lucratif pour le com- merce et les droits de l’homme, a été établi par des experts ayant participé à l’élaboration des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme – dans le but d’aider concrètement les gouvernements, les entreprises et leurs partenaires à mettre en œuvre les Principes18. Aujourd’hui, ce sont souvent les ONG locales, les pays et les régions directement affectés, qui sont à l’origine des initiatives de mise en œuvre des Principes directeurs. Dès lors,

16 Le Corporate Legal Accountability Portal est disponible en ligne sur : www.business-humanrights.

org/LegalPortal/Home/ProjectDescription.

17 Le site internet de IHRB est disponible en ligne sur : www.ihrb.org.

18 Voir la page internet de Shift, disponible sur : http://www.shiftproject.org/.

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au niveau international, l’évolution vers une mise en œuvre complète d’un cadre tel que les Principes Directeurs de l’ONU exigera un alignement au sein des instances mondiales d’élaboration de régulation (ONU, organisations intergouvernementales et régionales) et un effort de renforcement des capacités visant les trois groupes de parties-prenantes susmentionnés (gouvernements, entreprises, société civile).

Entreprises et humanitaires : un dialogue indispensable

Les entreprises sont désormais davantage conscientes de leurs responsabilités sociales – il se pourrait qu’elles sentent la pression de leurs clients, qui pensent de plus en plus comme des citoyens d’un monde plus interdépendant ; il se pourrait aussi qu’elles aient une conscience aiguë des intérêts de leurs propres actionnaires et des coûts, en termes de réputation, de tout acte répréhensible présumé. La mondialisation de la communication à travers les médias ou les réseaux sociaux donne ainsi une plus grande profondeur à l’affirmation de Dostoïevski « Chacun est responsable de tout devant tous ».

Toutefois, si l’économie a toujours été au cœur des préoccupations des acteurs du développement, la prise en compte du rôle des acteurs économiques par les organisations humanitaires est relativement récente et reste souvent peu soutenue. Le développement des initiatives d’autorégulation du secteur privé et la prise de conscience par les acteurs humanitaires de son influence grandis- sante plaident en faveur d’un approfondissement des contacts et de la collabo- ration19. Les acteurs humanitaires et économiques opérant en zone de crise ont d’autant plus de raisons de se parler qu’ils doivent traiter avec les mêmes inter- locuteurs : forces armées et de sécurité, groupes armés, bandes criminelles, et communautés menacées.

Si les entreprises poursuivent un but lucratif et n’ont pas vocation à faire de l’action humanitaire, c’est sur la base des complémentarités entre ces deux secteurs qu’il faut chercher à établir des coopérations. Le secteur privé pourra contribuer là où les humanitaires indiqueront des besoins qu’ils sont mieux placés pour identifier et évaluer. Plusieurs domaines de dialogue sont à explorer : on peut citer l’analyse conjointe des effets des activités menées par les entreprises sur les communautés ; l’échange d’informations d’ordre non- confidentiel sur les risques en matière économique ou de sécurité ; les transferts de compétences ou de moyens logistiques et de communication, etc.

L’exemple des nouveaux médias et de l’industrie des télécommunica- tions est une illustration de la contribution humanitaire que peut apporter

19 Voir par exemple : « Commercial and Humanitarian Engagement in Crisis Contexts: Current Trends, Future Drivers », dans Humanitarian Futures Programme, King’s College, London, Juillet 2011, disponible sur : http://www.humanitarianfutures.org/publications/commercial-and-humanitarian- engagement-in-crisis-contexts-current-trends-future-drivers/

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le secteur privé en cas de crise et de l’intérêt de renforcer les coopérations.

Ainsi, lors des violences au sud du Kirghizstan en juin 2010, le CICR confronté à des problèmes d’accès aux zones d’affrontements a fait appel aux compagnies nationales de télécommunication qui diffusèrent gratuitement par SMS des appels au respect de l’action humanitaire à l’ensemble de leurs abonnés.

De telles collaborations peuvent exister en cas de crise mais il est évident qu’il serait souhaitable de mettre en place des mécanismes de coordi- nation et de préparation en amont. Au cours de ses 150 ans d’histoire, le CICR n’a entretenu que relativement peu de relations avec le secteur privé. Ce n’est que récemment que l’organisation a développé une stratégie d’engagement du secteur privé dans le but de renforcer sa capacité à porter assistance et protec- tion aux victimes des conflits20.

Cette stratégie part du principe que le commerce peut créer une dyna- mique bénéfique – y compris en situation de conflit armé ou dans des envi- ronnements violents – si tant est que les entreprises mènent leurs activités la plus grande diligence. Cette stratégie a ainsi pour objectif premier d’aider les entreprises à connaître leurs droits et à remplir leurs obligations en vertu du DIH. Pour ce faire, le CICR cherche à établir des relations et mener un dialogue avec les firmes susceptibles d’exercer une influence directe ou indirecte sur le sort des victimes de conflits armés ou de situations de violence.

Dans le cadre d’initiatives dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises, des sociétés ont aussi approché le CICR en vue de soutenir ses activités humanitaires. Le CICR a également contacté plusieurs entreprises pour renforcer ses capacités à agir sur le terrain grâce à des échanges d’exper- tise. En 2005, le CICR et un groupe d’entreprises ont créé le  Corporate Support Group 21, qui réunit des entreprises déterminées à soutenir la mission humani- taire du CICR. Le CICR s’est aussi doté de lignes directrices afin de déterminer le cadre de ses partenariats avec le secteur privé.22

***

Cette édition se veut pratique et utile avant tout pour les acteurs du secteur privé qui pourraient chercher à mieux comprendre et respecter leurs obliga- tions en cas de conflit armé ou d’autre situation de violence. La Revue souhaite aussi contribuer à renforcer la compréhension du rôle et des obligations du secteur privé par les acteurs humanitaires sur le terrain et par les décideurs politiques en charge de développer le droit applicable.

20 Voir l’article de Claude Voillat, « Faire progresser l’action humanitaire par le dialogue et la coopération avec les acteurs économiques : l’expérience du CICR » dans ce numéro de la Revue. Voir également la page ‘Relations avec le secteur privé’ sur le site du CICR, disponible sur : http://www.icrc.org/fre/what- we-do/other-activities/private-sector/overview-private-sector-relations.htm

21 Voir « Le Corporate Support Group du CICR », 1er juillet 2009, disponible sur : http://www.icrc.org/fre/

resources/documents/misc/private-sector-271008.htm

22 Voir « Lignes directrices pour les partenariats entre le CICR et l’économie privée », 22 mai 2002, disponible sur : http://www.icrc.org/fre/resources/documents/misc/ethical-principles-220502.htm

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Les perspectives rassemblées dans cette édition viennent de chercheurs et de praticiens de différents horizons : académiques, spécialistes du secteur privé conseillant les entreprises, membres des ONG à vocation internatio- nale et des agences de l’ONU concernées. La Revue souhaitait aussi donner la parole au professeur John G. Ruggie qui, en tant que Rapporteur spécial du Secrétaire Général de l’ONU, a été à la tête de l’élaboration du cadre de réfé- rence « Protéger, Respecter et Réparer » et des Principes Directeurs des Nations Unies – soit les textes autour desquels se structurent aujourd’hui les débats et initiatives nouvelles dans ce domaine.

« Le monde est mon pays » : cette idée reflète bien désormais la perspective des entreprises qui enjambent les frontières, les structures et les cadres de pensée traditionnels pour profiter de la mondialisation des échanges.

Cette idée est aussi au cœur du geste humanitaire qui reconnaît à chacun sa dignité quelle que soit sa provenance, ses opinions ou croyances. La globa- lisation des échanges est un fait mais elle ne sera un progrès que si elle est responsable.

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Interview de John G. Ruggie*

Professeur Berthold Beitz en droits de l’homme et affaires internationales à la Harvard Kennedy School, ancien Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.

Le comportement des sociétés multinationales, en particulier de celles qui sont actives dans des zones de conflit, fait l’objet d’une surveillance accrue de la part de l’opinion publique. De plus en plus d’entreprises s’engagent à respecter leurs responsabilités en matière de droits de l’homme dans des contextes fragiles. En cas de conflit armé, le droit international humanitaire s’applique également.

Mais le monde des affaires connaît mal cette branche du droit.

En juin 2011, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté à l’unanimité les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, qui décrivent les mesures que les entreprises et les États pourraient prendre pour inciter le secteur des affaires à mieux respect les droits de l’homme dans le monde entier1. La Revue souhaitait entendre la personne qui a lancé cette initiative, le Professeur John G. Ruggie, et avoir son avis sur les bonnes pratiques adoptées par les gouvernements et les sociétés pour appliquer les Principes direc- teurs, sur l’importance des critères de diligence raisonnable et les mécanismes de réclamation, et sur le rôle que peuvent jouer les organisations régionales et la société civile pour promouvoir les Principes.

1 Voir Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies, doc. ONU A/HRC/17/31, 21 mars 2011, adopté à l’unanimité par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 16 juin 2011.

* Cette interview a été réalisée à l’université de Harvard à Boston le 29 mars 2012 par Vincent Bernard, rédacteur en chef de la Revue internationale de la Croix-Rouge et par Mariya Nikolova, assistante de rédaction.

© Nations Unies

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Ayant une formation en sciences politiques, Professeur Ruggie a activement par- ticipé à l’étude des relations internationales, se concentrant sur l’impact qu’a la mondialisation, économique ou autre, sur l’élaboration de règles au niveau mon- dial et l’apparition de nouveaux régulateurs. En plus de ses activités universi- taires, Professeur Ruggie s’est engagé longtemps dans la pratique politique. Entre 1997 et 2001, il a été sous-Secrétaire général pour la planification stratégique à l’ONU, aidant le Secrétaire général à mettre en place et à surveiller le Pacte mon- dial ; il a également proposé les Objectifs du millénaire pour le développement à l’Assemblée générale et obtenu son accord. En 2005, John G. Ruggie a été nommé représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises. Sur une période de six ans, après avoir effectué des recherches, des consultations et un travail approfondi sur des projets pilotes, Professeur Ruggie a élaboré les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Actuellement, il préside le conseil de deux organisations à but non lucratif : Institute for Human Rights and Business et Shift, Putting Principles into Practice. Il est aussi consul- tant principal dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises pour le cabinet d’avocats Foley Hoag LLP.

: : : : : : :

Pouvez-vous résumer la tâche à laquelle vous vous êtes attelé en tant que représentant spécial pour la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales ? Quels sont les problèmes que l’on rencontre actuellement lorsqu’on parle des entreprises et des droits de l’homme, surtout dans les zones de conflit ?

Le problème principal, c’était le manque de normes et de principes reconnus pour informer les États et les entreprises de leurs obligations respectives dans le domaine des entreprises et des droits de l’homme. Les exigences légales applicables au niveau national varient selon les pays. En matière de droits de l’homme, il n’y a pas de règles juridiques universellement reconnues qui s’ap- pliqueraient au comportement des entreprises à l’étranger. Dans certains pays, il est possible de déposer plainte contre certaines sociétés pour leur comporte- ment à l’extérieur du territoire ; dans d’autres, c’est plus difficile, voire impos- sible. On a assisté à une prolifération d’initiatives volontaires, mais aucune ne s’est imposée. Donc, personne ne savait clairement comment les États étaient censés réglementer le domaine des affaires et comment les entreprises devaient assumer leurs propres responsabilités, quelles que soient les règles locales. C’est le problème général que je devais essayer de résoudre dans le cadre de mon mandat aux Nations Unies.

Ce problème se manifeste différemment dans différentes branches d’activité et dans différentes régions du monde. Par exemple, dans l’industrie légère, il s’agit généralement de normes de travail non ou insuffisamment res-

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pectées. Dans l’industrie extractive, les difficultés proviennent des relations avec la population, des consultations et compensations insuffisantes pour le terrain, et de la sécurité physique des personnes. Il y a eu de nombreux inci- dents où des agents de sécurité – de l’État ou privés – ont blessé ou même tué des personnes qui manifestaient devant une mine, une installation pétrolière ou une plantation. Dans le domaine des techniques de l’information et de la communication, les questions principales sont le droit à la vie privée et à la liberté d’expression, les entreprises violant directement ces droits par leurs pratiques commerciales, ou étant complices des gouvernements en envahissant le domaine privé ou en limitant la liberté d’expression par la censure.

Les zones de conflit sont particulièrement problématiques, car per- sonne ne peut prétendre que le régime des droits de l’homme, tel qu’il est conçu, puisse fonctionner alors que l’État hôte est en proie à la violence. Même si celui-ci a techniquement l’obligation d’être le premier défenseur des droits de l’homme, en temps de conflit armé, soit il ne fonctionne pas, soit il ne contrôle pas tout son territoire, ou alors il commet lui-même des violations des droits de l’homme.

Bref, les manifestations spécifiques sont variables, mais le problème général est l’absence de règles universellement reconnues faisant autorité pour régir ce genre de situations. Les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme commencent à combler cette lacune.

Vous avez mené de vastes recherches et de nombreuses consultations avant de soumettre les Principes directeurs au Conseil des droits de l’homme. A votre avis, à quelles difficultés va se heurter leur mise en œuvre ?

Oui, nous avons organisé près de 50 consultations internationales au cours de mon mandat, et à un certain moment, quelque 25 cabinets d’avocats et de nom- breux autres volontaires du monde entier faisaient des recherches bénévolement pour nous. Le groupe de travail de l’ONU2 – et tous ceux qui œuvrent dans ce domaine – peuvent puiser dans ces données. Le matériel est mis sur le site internet du Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme3.

Le mandat du groupe de travail de l’ONU a pour but de promouvoir la mise en œuvre et la diffusion des Principes directeurs, d’aider à créer des capacités dans les petites et moyennes entreprises ainsi que dans les petits pays, de faire des visites sur place pour mieux se rendre compte de la façon dont cela fonctionne sur le terrain, et finalement de convoquer une réunion annuelle à

2 Note du rédacteur : La résolution du Conseil des droits de l’homme de l’ONU approuvant les Principes directeurs (doc. ONU A/HRD/RES/17/4 du 6 juillet 2011) a également créé un groupe de travail sur les entreprises et les droits de l’homme, dont le mandat principal consiste à promouvoir une diffusion et une mise en œuvre efficaces et totales des Principes directeurs.

3 Voir Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme : http:// www.business- humanrights.org/SpecialRepPortal/Home (tous les liens de cet article ont été consultés pour la dernière fois en juin 2012).

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Genève pour rassembler toutes les parties prenantes et discuter des progrès accomplis. Son mandat permet également au groupe de travail de faire des recommandations au Conseil des droits de l’homme.

Estimez-vous que votre mission a été accomplie ?

Tout à fait. J’ai terminé. Je me suis engagé pour deux ans et, finalement, j’ai travaillé six ans, car les gouvernements ne cessaient de prolonger et d’étendre mon mandat. Lorsque j’ai commencé, j’étais censé, pour l’essentiel, recenser et préciser les normes et les pratiques exemplaires existantes. Il n’y avait aucun volet normatif à mon mandat. Après ces deux ans, on m’a demandé d’élaborer des recommandations. Donc, la troisième année, j’ai présenté le cadre de réfé- rence « protéger, respecter et réparer ». Le Conseil des droits de l’homme l’a accepté à l’unanimité4. Il m’a également demandé de consacrer encore trois ans à la rédaction de conseils plus opérationnels sur la façon d’appliquer le cadre de référence. C’est ainsi que les Principes directeurs ont vu le jour.

Toutefois, lorsque j’ai présenté les Principes directeurs au Conseil en juin 2011, j’ai dit que je ne me faisais aucune illusion et que je ne pensais pas que cela allait résoudre définitivement tous les problèmes relatifs aux entre- prises et aux droits de l’homme. J’ai déclaré : ce n’est pas la fin, c’est la fin du début. Je voulais dire par là que nous avons maintenant, pour la première fois, un cadre commun et un ensemble de normes relatives aux entreprises et aux droits de l’homme qui ont été adoptés à l’unanimité par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. C’est-à-dire pas seulement les pays occidentaux, mais aussi le Brésil, la Chine, l’Inde, le Nigéria, la Russie et tous les autres pays représentés au Conseil, au total 47.

L’adoption des Principes directeurs a été exceptionnelle. C’était la pre- mière fois que le Conseil des droits de l’homme ou son prédécesseur utilisait le mot « adopter » pour un texte normatif qui n’avait pas été négocié par les gou- vernements eux-mêmes. De plus, la composante relative à la responsabilité des sociétés en matière de droits de l’homme a été incorporée dans les nouveaux Principes directeurs pour les entreprises multinationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)5, qui comprennent un mécanisme de réclamation. Il est cité en référence par l’International Finance Corporation qui exerce une influence sur l’accès aux capitaux. L’Organisation internationale de normalisation (ISO) résume ses points principaux dans ISO

4 Note du rédacteur : le cadre de référence « protéger, respecter et réparer » figure dans le doc. ONU A/

HRC/8/5, le 7 avril 2008 et est analysé en détail par Rachel Davis dans un article de cette édition.

5 Les Principes directeurs de l’OCDE peuvent être consultés sur le site : http://www.

oecd.org/daf/internationalinvestment/guidelinesformultinationalenterprises/

oecdguidelinesformultinationalenterprises.htm.

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26000, et toute une série de consultants sont prêts à aider les entreprises à obte- nir une certification reconnaissant qu’elles agissent d’une manière socialement responsable. Les Principes directeurs font également partie de la nouvelle stra- tégie de l’Union européenne (UE) sur la responsabilité sociale des entreprises.

Les Principes directeurs sont ainsi devenus la norme mondiale jouissant de la plus grande autorité en matière d’entreprises et de droits de l’homme.

Je devrais également indiquer que lorsque l’UE et les États-Unis ont levé leurs sanctions économiques contre la Birmanie, ils ont fait des Principes directeurs de l’ONU une référence pour les investisseurs – les États-Unis dans le cadre des comptes rendus que doivent présenter les particuliers et les sociétés investissant plus de 500 000 dollars en Birmanie. Ainsi, les Principes direc- teurs donnent des conseils à court terme, mais induisent aussi un processus à plus long terme.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples du travail de suivi réalisé directement avec des entreprises depuis l’adoption des Principes directeurs ? J’ai déjà mentionné plusieurs cas importants. Il y en a bien d’autres. Par exemple, l’association des grandes compagnies pétrolières IPIECA a lancé un projet pilote sur deux ans pour mettre en œuvre les exigences de diligence rai- sonnable et les mécanismes de réclamation figurant dans les Principes direc- teurs. L’industrie minière est aussi active. La Commission européenne a lancé un projet visant à rédiger des instructions spécifiques à chaque secteur pour les sociétés actives dans le placement et le recrutement, les techniques de l’infor- mation et de la communication, pour les industries pétrolières et gazières, ainsi que pour les petites et moyennes entreprises.

Lorsque le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a examiné les Principes directeurs, plusieurs entreprises y ont souscrit sur Internet, notam- ment une société exploitant l’huile de palme en Malaisie, Coca-Cola, General Electric et Sakhalin Energy en Russie. Des entreprises très diverses se sont ralliées à ces Principes et progressent dans leur application. En même temps, plusieurs gouvernements ont organisé des audiences publiques ou des réu- nions inter-administrations pour élaborer des stratégies nationales de mise en œuvre. Donc le processus a démarré. Mais ce genre de travail prend du temps : les Principes directeurs n’ont été adoptés qu’en juin 2011.

Comment la société civile a-t-elle réagi, ou utilisé, les Principes directeurs jusqu’à présent ?

Au départ, plusieurs groupes de la société civile ont interprété mon mandat de manière traditionnelle, disant que je devrais plaider pour un seul traité international global relatif aux entreprises et aux droits de l’homme, que je devrais recevoir les plaintes des victimes, etc. J’ai pris soin d’expliquer en détail pourquoi ces approches n’étaient pas le moyen le plus efficace de réduire rapi-

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dement le nombre d’atteintes aux droits de l’homme commises par les entre- prises, et pourquoi une action judiciaire, nécessaire pour obtenir réparation en cas d’abus, devait être complétée par des moyens non-judiciaires permettant de traiter rapidement et équitablement de nombreuses doléances avant qu’elles ne s’aggravent. Mais ces divergences de vues appartiennent au passé. Maintenant, la société civile utilise les Principes directeurs comme outil de promotion et comme base pour élaborer d’autres initiatives, mieux ciblées6. Les organisa- tions de travailleurs nous ont fortement soutenus pendant tout le mandat. Et elles aussi utilisent les Principes directeurs comme critères pour évaluer les entreprises et les gouvernements et pour demander une amélioration des poli- tiques et des pratiques7.

Comment voyez-vous le rôle d’une institution telle que le CICR dans ce mouvement mondial qui vise à donner un cadre commun aux entreprises actives dans des situations de conflit ou de violence ?

Parallèlement aux Principes directeurs, j’ai soumis un rapport qui traite spécifi- quement des situations de conflit8. Je suis convaincu que les situations de conflit justifient des mesures spéciales de la part des gouvernements – du pays hôte et du pays de l’entreprise – et particulièrement de ce dernier lorsque le gouvernement du pays hôte ne contrôle pas une partie de son territoire où se déroule un conflit. Ce genre de situations exige aussi une plus grande diligence de la part des entreprises.

Le pays d’origine de l’entreprise et les pays voisins se voient attribuer un plus grand rôle afin d’éviter que les zones de conflit ne deviennent des zones de non-droit. Mon rapport sur les zones de conflit présente quelques mesures que ces pays devraient prendre dans ce but. Je pense aussi que c’est un domaine dans lequel il serait justifié d’adopter d’autres mesures juridiques au niveau international, car, comme je l’ai déjà dit, les dispositions relatives aux droits de l’homme ne peuvent pas s’appliquer comme prévu dans une situation de violence extrême ou de conflit manifeste. Le CICR a été longtemps actif dans ce domaine et il est bien placé pour participer au développement d’initia- tives, juridiques ou autres, portant sur ces circonstances exceptionnelles.

6 Par exemple, voir http://accountabilityroundtable.org/campaigns/human-rights-due-diligence; et SOMO, CEDHA, Cividep, « How to use the UN Guiding Principles for Business and Human Rights in company research and advocacy », publié en 2012.

7 Par exemple, voir Confédération syndicale internationale « Cadre des Nations Unies "Protéger, respecter et réparer" , cadre pour les entreprises et les droits de l’homme et Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : note d’information à l’intention des syndicalistes », mai 2012, disponible sur : http://www.ituc-csi.org/IMG/pdf/12-04-21_ruggie_

briefing_note_mk_3_-_fr.pdf, ou : http://www.ituc-csi.org/the-united-nations-protect-respect,11734.

html.

8 Business and Human Rights in Conflict-Affected Regions : Challenges and Options for State Responses, doc. ONU A/HRC/17/32, 27 mai 2012.

Références

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