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SYSTÈMES DE RECOMMANDATION DE BIENS CULTURELS

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DE BIENS CULTURELS

Vers une production de conformité ?

MARC MÉNARD

Un système de recommandation de biens culturels est un dispositif de médiation technique entre le consommateur et le marchand dont l’objectif est de capter l’attention des internautes en leur proposant des suggestions de biens supposés correspondre à leurs préférences. Cet article examine d’abord les caractéristiques de ces systèmes, afin d’évaluer dans quelle mesure ils peuvent constituer des équipements de marché efficaces pour orienter ou manipuler les choix des consommateurs. Il s’interroge ensuite sur la nature potentiellement réductrice de la caractérisation des biens culturels par une liste d’attributs supposés dévoiler des qualités qui seraient intrinsèques, mesurables et comparables. Enfin, est abordée la question de l’éventuelle réduction de diversité dans la consommation que la généralisation de l’utilisation de tels systèmes pourrait susciter.

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1. Introduction

Depuis quelques années, l’expression Big Data est souvent utilisée dans les médias, le monde des affaires ou en informatique pour qualifier une nouvelle dynamique sociétale qui serait caractérisée non seulement par la production de quantités massives de données, mais surtout par les énormes bénéfices potentiels que recèlerait l’utilisation de nouveaux outils statistiques permettant de les analyser.

En fait, ce qui est véritablement nouveau, ce n’est pas tant la quantité de données disponibles mais deux phénomènes particuliers :

1) la capacité de mettre en relation plusieurs bases de données et, grâce à l’utilisation de méthodes de corrélation avancées, d’identifier des patterns d’information qui demeureraient autrement invisibles (Bollier, 2010) ;

2) la prolifération de données « sociales » (opinions, jugements, valeurs, goûts, préférences, etc.) susceptibles d’être analysées.

Plusieurs estiment ainsi, loi des grands nombres aidant, que ces quantités massives de données « veulent dire quelque chose » : « Oubliez la taxonomie, l’ontologie, la psychologie. Qui sait pourquoi les gens font ce qu’ils font ? La question est qu’ils le font, ce que l’on peut suivre et mesurer avec une fidélité sans précédent. Avec suffisamment de données, les chiffres parlent d’eux-mêmes » (Anderson, 2008)1.

De nombreuses applications de Big Data ont été développées au cours des dernières années. Les systèmes de recommandation, notamment de biens culturels, constituent l’une des plus anciennes de ces applications2. Les industries culturelles forment un domaine où l’incertitude sur la qualité des produits, le risque commercial et la surcharge d’informations (la quantité de biens disponibles et plus encore des informations les concernant) sont omniprésents. Nulle surprise, dès lors, que les marchands en ligne de biens culturels proposent si souvent des systèmes de recommandation (Amazon, Pandora, Netflix, iTunes, Last.fm, TiVO, etc.). L’objectif de tels systèmes, en effet, est de proposer au consommateur

1. Traduction libre de l’auteur.

2. Bien que l’univers des systèmes de recommandation soit vaste, nous nous intéressons, dans ce texte, aux systèmes spécifiquement fondés sur les recommandations d’achat.

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un outil lui permettant de faire des choix : « Piloté par des algorithmes informatiques, les systèmes de recommandation aident les consommateurs à choisir des produits qu’ils vont probablement aimer et qu’ils sont susceptibles d’acheter, en fonction de leur navigation, recherches, achats et préférences » (Konstan et Riedl, 2012)3.

Ces systèmes, en accumulant une très grande quantité de données sur un utilisateur (son comportement d’achat et de navigation, ses caractéristiques) et en les croisant, par traitement algorithmique, avec d’autres données (comportements de consommateurs similaires, attributs des biens), seraient ainsi en mesure de prédire les biens qui seront consommés par cet utilisateur.

En dépit de leur omniprésence, très peu de recherches en sciences humaines et sociales ont été menées sur les systèmes de recommandation, sinon de façon sommaire. Or les prétentions exprimées explicitement ou implicitement par les promoteurs de tels systèmes ou les chercheurs qui les développent, ne sont pas sans soulever plusieurs questions. Il nous apparaît essentiel de s’interroger, en particulier, sur le type de modélisation des consommateurs et des biens qu’ils proposent, ainsi que sur les éventuelles conséquences que pourrait entraîner la généralisation de leur utilisation.

Mais avant de les soumettre à une analyse critique, il convient de mieux comprendre comment ces systèmes fonctionnent, quelles sont leurs hypothèses fondatrices et leurs limites techniques, ce que nous ferons à la deuxième section. Les trois sections suivantes aborderont les principales questions que soulève, à notre avis, l’examen des systèmes de recommandation de biens culturels : leur statut en tant qu’équipement de marché, le type de conceptualisation des biens culturels qu’ils génèrent, et la potentielle réduction de diversité dans la consommation qu’ils pourraient susciter.

2. Comment fonctionnent les systèmes de recommandation

Lorsqu’il est question de systèmes de recommandation, on pense spontanément à Amazon, l’un des sites de commerce électronique les plus

3. Traduction libre de l’auteur.

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connus et les plus anciens4. Pourtant, de tels systèmes furent développés dès le début des années 1990. Les premiers moteurs de recommandation furent Tapestry (un système de filtrage et de partage de l’information) en 1992, GroupLens (un système de recommandation de nouvelles sur Usenet), Ringo (un système de recommandation musicale) en 1994 et Bellcore Video (un système de recommandation cinématographique et télévisuel) en 1995 (Nageswara Rao et Talwar, 2008, 19-21).

La tâche de faire un choix parmi un grand ensemble de biens en évaluant leurs caractéristiques peut rapidement s’avérer fastidieuse et intensive en temps. Le problème du choix n’est certes pas nouveau dans le domaine culturel, caractérisé non seulement par une pléthore de biens qui ne disparaissent pas une fois leur durée de vie commerciale active terminée5, mais dont le stock total s’enrichit toujours plus chaque année.

Dans ce contexte, bien qu’ils soient d’abord conçus pour aider les commerçants à augmenter leurs ventes, les systèmes de recommandation ont également la prétention d’aider les consommateurs en leur faisant des suggestions de biens qu’ils seront susceptibles d’aimer et d’acheter. Ils se trouvent ainsi à jouer un rôle semblable à celui du libraire à qui un client demande conseil.

Un système de recommandation propose des recommandations personnalisées, c’est-à-dire qu’elles sont établies en fonction de l’utilisateur qui en est le bénéficiaire et non pour l’ensemble des utilisateurs (Poirier, 2011). Personnaliser une suggestion consiste à filtrer les contenus afin de ne conserver que les plus pertinents pour un utilisateur donné. La majorité des systèmes de recommandation sont construits sur une base bidimensionnelle comprenant un espace usagers (les utilisateurs) et un espace items (les biens). Chaque élément de l’espace des usagers sera défini par un profil comprenant les caractéristiques des différents usagers (minimalement un numéro d’identification, lequel peut être complété par des informations sur l’âge, le sexe, le revenu, le statut marital, etc.).

L’espace des items sera quant à lui défini par un ensemble d’attributs. Pour

4. Le site d’Amazon fut lancé en 1995 et son premier système de recommandation fut breveté en 1998 (http://www.google.com/patents/US6266649).

5. Phénomène évidemment accentué par la numérisation et la dématérialisation des contenus, lesquelles rendent en grande partie obsolète la notion de titre épuisé.

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un livre, par exemple, on retrouvera le titre, l’auteur, le genre, l’année d’édition, l’éditeur, des mots-clés, etc.

Il s’agit dès lors de prédire l’opinion qu’un utilisateur portera sur les items qu’il ne connaît pas encore. Pour ce faire, les goûts connus des utilisateurs seront caractérisés par une note (aime/n’aime pas ou une valeur sur 5 ou sur 10, par exemple), laquelle peut être explicitement formulée par l’internaute ou inférée de son comportement de navigation ou d’achat. Ces informations seront ensuite regroupées dans une « matrice d’usage ». L’objectif du moteur de recommandation est d’estimer (prédire) les notes pour les connexions utilisateur-contenu manquantes, ce qui revient à remplir les cases vides de la matrice (Poirier, 2011).

Pour en arriver là, trois types d’approches sont utilisées pour produire des recommandations : le filtrage collaboratif, le filtrage basé sur le contenu et le filtrage hybride (Nageswara Rao et Talwar, 2008 ; Adomavicius et Tuzhilin, 2005 ; Poirier, 2011).

2.1. Le filtrage collaboratif

Le filtrage collaboratif est l’approche la plus ancienne et, aujourd’hui encore, la plus couramment utilisée. Elle se base sur les appréciations données par un ensemble d’utilisateurs sur un ensemble d’items. Il s’agit de recommander à un usager donné les items hautement évalués dans le passé par d’autres usagers qui présentent avec lui des similarités de préférences.

Par exemple, pour recommander des livres à un usager x, un système de filtrage collaboratif tentera de trouver, par différentes méthodes de corrélation, des usagers voisins (des pairs) qui ont des préférences similaires, c’est-à-dire qui notent de manière similaire les mêmes livres.

Ensuite, seuls les livres les mieux notés par ses pairs seront recommandés à l’usager x.

On classe par ailleurs souvent les algorithmes de filtrage collaboratif selon la technique utilisée : ceux à base de mémoire ou heuristique (memory-based/heuristic-based) et ceux basés sur les modèles (model-based).

Les algorithmes à base de mémoire font leurs prédictions en se basant sur la totalité des évaluations des usagers qui sont disponibles. Autrement dit, la valeur de la note inconnue est calculée comme un agrégat des notes de certains autres usagers jugés similaires. Quant aux algorithmes à base de

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mais on essaie d’abord de classer les usagers par groupes ou d’apprendre les modèles à partir de leurs données. Une fois les groupes ou les modèles d’usagers trouvés, la prédiction pour un usager donné sera générée automatiquement à partir de son profil. On utilise pour ce faire des méthodes probabilistes (modèles de grappe ou réseaux bayésiens) ou des techniques d’apprentissage machine (réseaux neuronaux artificiels).

Le système de Last.fm, par exemple, repose sur un filtrage collaboratif, puisqu’il compare l’écoute d’utilisateurs similaires6. Le système créé une station de radio personnalisée en observant les groupes/artistes/chansons que l’utilisateur a écouté régulièrement. Puis il les compare avec les comportements d’écoute d’autres utilisateurs. Le système va alors proposer des morceaux fréquemment écoutés par des utilisateurs ayant des goûts similaires.

2.2. Le filtrage basé sur le contenu

Les systèmes de filtrage basés sur le contenu recommandent des items en se basant sur la description ou le contenu des items. Plutôt que d’utiliser une corrélation usager-items, on utilise une corrélation item- item. Le processus doit donc commencer par une collecte d’informations sur les items (par exemple, le titre, genre, auteur, mots-clés, etc., d’un livre). La plupart des systèmes utilisent des techniques d’extraction ou d’indexation automatique de l’information pour colliger les données. Ce type de système va ensuite extraire un certain nombre de caractéristiques propres à un item, afin de pouvoir recommander à l’usager de nouveaux items possédant des propriétés similaires. Ainsi, un tel système va tenter de comprendre les similitudes entre les livres auxquels un usager a octroyé de fortes notes dans le passé (auteurs spécifiques, genre, sujet, etc.). Ensuite, seuls les livres ayant un fort degré de similitude avec les livres précédemment bien notés lui seront recommandés.

De nombreux systèmes basés sur le contenu sont utilisés pour la recommandation d’items de type textuel (documents, articles de journaux, pages web, etc.). Mais rapidement, l’utilisation de profils d’usagers a permis d’améliorer les premières approches, les informations permettant de raffiner les préférences des usagers pouvant être fournies explicitement

6. http://en.wikipedia.org/wiki/Last.fm

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par ceux-ci (par exemple grâce à un questionnaire) ou inférées de leur comportement de navigation ou de leurs activités transactionnelles.

Le système de Pandora, par exemple, repose sur un filtrage basé sur le contenu, plus précisément les propriétés d’une chanson (Grossman, 2010 ; Poirier, 2011). Dans un premier temps, les pièces musicales sont analysées par des humains (des musiciens) afin de mettre en évidence leurs attributs7. Puis le système de recommandation compare les attributs des différentes pièces musicales et suggère des pièces à écouter en fonction des similitudes.

L’utilisateur peut également indiquer s’il aime ou non la pièce suggérée, ce qui permet au système d’affiner son filtre en privilégiant certains attributs en fonction de l’information reçue de l’utilisateur.

2.3. Le filtrage hybride

Comme son nom l’indique, le filtrage hybride consiste à combiner les deux méthodes précédentes, de manière à résoudre certains problèmes rencontrés par les systèmes ayant une approche unique. On peut également faire appel à des sources d’informations complémentaires pour tenter de faire des corrélations personne à personne ou classer les usagers en groupes relativement homogènes, en fonction, par exemple, de données démographiques et socio-économiques.

Différentes méthodes d’hybridation peuvent être envisagées afin de combiner les modèles (Adomavicius et Tuzhilin, 2005). On peut :

1) implanter les deux méthodes séparément ;

2) incorporer quelques caractéristiques de la méthode basée sur le contenu dans l’approche collaborative ;

3) incorporer quelques caractéristiques de la méthode collaborative dans l’approche basée sur le contenu ;

4) construire un modèle général unifié qui incorpore les caractéristiques des deux modèles.

7. Chaque pièce musicale analysée dans le cadre de ce que Pandora appelle le

« Music Genome Project » est caractérisée par 450 attributs distincts (http://www.pandora.com/mgp.shtml).

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Ainsi le système d’Amazon est de type hybride et très complexe, puisqu’il repose sur la combinaison de trois approches (Linden, Smith et York, 2003 ; Poirier, 2011). Il se base sur le comportement individuel passé de l’utilisateur (historique de navigation et historique d’achat), mais intègre également des recommandations basées sur le contenu, soit les caractéristiques des items eux-mêmes, ainsi que des recommandations basées sur le filtrage collaboratif, soit le comportement des autres utilisateurs.

Le système de Netflix est également hybride, mais repose sur la combinaison de deux approches (Hosanagar et al., 2012) : le filtrage collaboratif (en comparant les habitudes de visionnement de films d’utilisateurs similaires) et le filtrage basé sur le contenu (en suggérant des films qui partagent des caractéristiques avec des films que l’utilisateur a noté positivement).

2.4. Les hypothèses fondatrices des systèmes de recommandation

Quelles sont, au-delà des aspects techniques de leur fonctionnement, les hypothèses au cœur des systèmes de recommandation ? Sur cette question, en nous inspirant des travaux d’un courant de pensée parfois qualifié

« d’économie de l’attention » (Goldhaber, 1997 ; Davenport et Beck, 2001 ; Kessous, Mellet et Zouinar, 2010 ; Kessous, 2011), il nous est possible d’avancer quatre hypothèses fondatrices.

Les deux premières hypothèses, souvent mentionnées explicitement, d’ailleurs, dans la littérature sur les systèmes de recommandation, justifient en quelque sorte l’existence et la raison d’être de ces systèmes.

Ainsi, la première hypothèse consiste à affirmer que les individus, sur internet, sont confrontés à une surcharge informationnelle. Qu’il existe une grande quantité d’informations disponibles n’est pas une nouveauté, mais la numérisation des contenus et de leurs processus de production et de diffusion, de même que le développement phénoménal des réseaux de communication (internet, web 2.0) au cours des deux dernières décennies, ont certainement poussé le problème à un stade sans précédent. La croissance explosive des contenus accessibles sur internet (par exemple le

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nombre de livres ou de fichiers musicaux8) crée un problème de surcharge informationnelle, définie comme « (…) une perception que l’information disponible est plus grande que ce qui peut être géré efficacement, créant un niveau de stress pour lequel les stratégies d’adaptation sont inefficaces. » (Nageswara Rao et Talwar, 2008, 18)9

La deuxième hypothèse renvoie à un renversement de perspective concernant la notion de rareté. Comme Herbert Simon le mentionnait, l’abondance d’information crée une pauvreté d’attention (Simon, 1971).

Ainsi la rareté, dans un contexte de surcharge informationnelle, ne se situe plus dans l’information disponible, mais dans l’attention dont disposent les individus pour traiter cette information.10

La troisième hypothèse est au cœur des prétentions prédictives des systèmes de recommandation. Elle consiste à postuler que les préférences des individus peuvent être révélées par un ensemble d’informations. Celles- ci peuvent être déclaratives (réponses à un questionnaire, commentaires, avis, notes, etc.), mais aussi être générées par le comportement même des individus. Lorsqu’ils naviguent sur internet, les gens laissent des « traces » (pages fréquentées, temps passé sur chaque page, achats, etc.). Ces « traces d’usage » peuvent dès lors être analysées comme des « dépôts d’attention » qui seraient révélateurs des préférences et caractéristiques des individus (Kessous, 2012).

Enfin, la quatrième hypothèse découle de la précédente et permet d’expliquer comment le repérage des préférences peut se traduire par la création de marchés lucratifs. Les traces d’usage, en effet, peuvent être valorisées (monétisées) de différentes manières par ceux qui sont en mesure de les colliger et de les analyser (Kessous, 2012). On peut les utiliser afin de développer une publicité ciblée, personnalisée ; on peut vendre les données

8. Ainsi sur Amazon.com, la seule catégorie « littérature & fiction » comprenait- elle 2 959 434 titres le 12 décembre 2013, valeur augmentée de 57 902 nouveautés au cours des 30 derniers jours.

9. Traduction libre de l’auteur.

10. Rappelons cependant que Simon cherchait avant tout à développer le concept d’une rationalité limitée, procédurale plutôt que substantive.

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sur les utilisateurs à des tiers11 ; on peut utiliser ces données pour améliorer la qualité d’un service récurrent (réservations de chambre d’hôtel, demandes de taxi…) ; et, évidemment, on peut susciter la vente directe en recommandant des articles à des fins de consommation, ce qui revient à favoriser un meilleur appariement entre l’offre et la demande.

2.5. Les limites des systèmes de recommandation

En dépit de développements nombreux et continuels, les systèmes de recommandation demeurent confrontés à des limites importantes, ce dont tous les chercheurs dans le domaine sont bien conscients. Cette question est d’ailleurs depuis longtemps documentée (Burke, 2002 ; Adomavicius et Tuzhilin, 2005 ; Nageswara Rao et Talwar, 2008 ; Poirier, 2011).

Ainsi a-t-on rapidement repéré le problème du « démarrage à froid » (cold start), qui apparaît lorsqu’un système n’a pas assez de données pour procéder à un filtrage de qualité. Le problème apparaîtra au lancement d’un nouveau système : s’il possède peu ou pas d’utilisateurs, il ne peut émettre des recommandations. Il apparaît aussi lorsqu’on est confronté à un nouvel utilisateur : celui-ci n’ayant pas accumulé suffisamment d’évaluations, il ne peut y avoir de recommandations pertinentes (ce qui affecte le filtrage collaboratif autant que le filtrage basé sur le contenu). Il en va de même avec un nouvel item : un item doit avoir suffisamment d’évaluations pour qu’il soit pris en considération par un système de filtrage basé sur le contenu.

Un problème de rareté peut également survenir lorsqu’il n’y a pas suffisamment d’évaluations communes entre usagers. Il est impossible, alors, d’établir des corrélations entre ceux-ci. Ce problème affecte particulièrement le filtrage collaboratif.

Des usagers usurpateurs peuvent également « tromper » un système. On fait ici référence à des actions malveillantes visant à influencer la recommandation, donc favoriser ou défavoriser certains articles en créant de faux profils pour noter des items.

11. Par exemple, le service Facebook Connect qui transfère des informations personnelles sur ses utilisateurs à des sites partenaires afin que ceux-ci puissent personnaliser leur service.

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La majorité des systèmes de recommandation fonctionnent, on l’a vu, sur une base bidimensionnelle, soit un espace usagers et un espace items.

Or la réalité est multidimensionnelle. Ainsi, le comportement de consommation d’un utilisateur peut varier dans le temps, selon qu’il est en semaine ou en weekend, en été, en hiver ou durant la période des fêtes, et plus encore lorsque l’on compare des périodes séparées par plusieurs années. Il en va de même de l’espace : le comportement de consommation peut varier si l’on se trouve au bureau, à la maison, en déplacement, etc.

L’intention et la situation comptent également. S’agit-il d’un achat personnel ou d’un cadeau ? Situation qui peut davantage se complexifier lorsque plusieurs usagers utilisent la même adresse IP. Bref, le contexte importe (Boyd et Crawford, 2011). Depuis plusieurs années, des auteurs (voir par exemple Adomavicius et Thuzilin, 2005) proposent de développer des systèmes intégrant des éléments contextuels et des critères multiples. Le problème ne semble donc pas totalement insoluble.

Néanmoins, de telles intégrations nécessitent la plupart du temps une intervention de la part des utilisateurs, c’est-à-dire une rétroaction explicite et une implication significative de leur part. Ce qui peut s’avérer assez intrusif et en rebuter plusieurs, limitant ainsi l’efficacité d’un système.

Les différents problèmes que nous venons d’évoquer sont plutôt d’ordre « technique », c’est-à-dire susceptibles d’être résolus, au moins en partie, par de nouveaux développements algorithmiques. En revanche, les présupposés mêmes des systèmes de recommandation, ce que nous avons appelé leurs hypothèses fondatrices, soulèvent à notre avis trois importantes questions, que nous abordons dans les sections suivantes.

3. Un simple équipement de marché ?

Rappelons que dans un système de recommandation, un utilisateur est caractérisé par un ensemble d’informations, qui peuvent être déclaratives ou liées à son comportement de navigation et d’achat. Ces « dépôts d’attention », correctement analysés, révèleraient les préférences des consommateurs. On prétend ainsi, en se basant sur le comportement passé d’un utilisateur (ses « dépôts d’attention »), révéler ses préférences et prédire (recommander) les biens qui seront consommés dans le futur.

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Une première interrogation, ici, consiste à se demander si les choix (le comportement passé des utilisateurs) représentent vraiment leurs préférences.

L’adéquation entre les choix et les préférences renvoie directement à la théorie des préférences révélées (Samuelson, 1938 ; Little, 1949). Selon cette théorie, les préférences sont considérées comme stables et représentent un classement d’alternatives qui est implicite dans les choix des gens. Ainsi, pour plusieurs économistes, le consommateur étant rationnel, au sens où il organise sa consommation de façon à maximiser son utilité, ses choix correspondent forcément à ses préférences.

La théorie des préférences révélées soulève depuis longtemps de nombreuses critiques12. Deux, en particulier, sont majeures (Hausman, 2012). D’une part, si les préférences sont définies par les choix, cela signifie que lorsqu’il n’y a pas de choix, il n’y a pas de préférences. Cette théorie limite donc les préférences aux alternatives parmi lesquelles les agents font effectivement des choix. Dit autrement, pourquoi devrait-on croire, comme la théorie des préférences révélées l’implique, que les individus préfèrent ce qu’ils choisissent à toute autre alternative qu’ils pourraient, dans un autre contexte, avoir choisie ?

D’autre part, les préférences ne peuvent être révélées par les choix que si on tient compte des croyances des individus. À cet égard, Hausman (2012, 27-28) donne l’exemple de Roméo et Juliette : Roméo, croyant Juliette morte, préfère mourir. Or, si les choix définissaient bien les préférences, on serait forcé de conclure que Roméo préfère mourir plutôt que de rester en vie et s’enfuir avec Juliette. Son choix ne révèle pas sa préférence, parce qu’il perçoit de façon erronée les alternatives auxquelles il est confronté : il ne sait pas que Juliette a pris une potion qui permet de simuler la mort.

Ainsi, loin d’être stables, les préférences peuvent être instables, inconsistantes, antisociales, voire manipulées. La psychologie cognitive et l’économie comportementale ont d’ailleurs montré que dans la réalité, les gens ne se comportent pas suivant cette logique d’une préférence révélée par les choix. Certains états mentaux peuvent entraîner des défaillances de rationalité (Schelling, 1996 ; Tomer, 2001), de même que l’aversion à la

12. Voir notamment Sen (1971) et (1973).

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perte ou des effets de cadrage contextuel peuvent être la source de décisions irrationnelles (Kahneman, 2003).

Les préférences sont donc sensibles au contexte et elles sont construites, ou calculées, au moment du choix. Mais elles ne sont pas toujours calculées de la même façon (Warren et al., 2010). Certaines préférences seraient simplement récupérées en se basant sur des attitudes ou des instincts, tandis que d’autres seraient basées sur un calcul intégrant de multiples intrants. L’intensité du calcul dans la formation des préférences serait ainsi influencée par les objectifs, les contraintes cognitives et l’expérience du décideur.

Ce que reconnaît incidemment depuis longtemps la sociologie économique (française, en particulier), laquelle considère le marché comme un espace social dans lequel le prix n’est plus la variable essentielle, mais où, au contraire, ce sont les relations sociales qui construisent le marché (Steiner, 2005). Ainsi, dans les marchés modernes, face à des biens de plus en nombreux et complexes, les consommateurs ont de plus en plus recours à des « équipements de marché » pour les assister dans leur démarche cognitive (Cochoy, 2004). Ces dispositifs sociaux qui équipent le marché, soit les « (…) institutions capables d’apporter aux acteurs des ressources cognitives à partir desquelles ils peuvent s’orienter sur un lieu social opaque » (Steiner, 2005, 52), également qualifiés par Karpik (2007) de

« dispositifs de jugement », sont nombreux dans le domaine culturel.

D’abord, les acteurs de l’offre (éditeurs, producteurs, diffuseurs, distributeurs et marchands) mettent en place des mécanismes de signalisation visant à faire connaître les biens et certaines de leurs caractéristiques susceptibles d’intéresser les consommateurs potentiels (publicité, « packaging »13, étalage des librairies, prévisionnements et échantillons, liste de « coups de cœur », mise en place de clubs de fans, conseils et avis des vendeurs, etc.). Ensuite, les médias (traditionnels ou non, professionnels ou amateurs) mettent également à la disposition des éventuels consommateurs un ensemble d’outils susceptibles d’agir à titre de dispositif de jugement : publication de critiques et commentaires par des prescripteurs reconnus, listes récurrentes des meilleurs vendeurs ou des meilleures recettes aux guichets (la quantité vendue étant alors présentée

13. Sur l’importance de l’emballage comme outil de captation du consommateur,

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comme un indice de qualité), etc. Enfin, le consommateur peut également s’en remettre à des échanges intersubjectifs, soit tenter d’obtenir des suggestions ou recommandations de ses amis ou de ses proches, en face-à- face ou via internet (Facebook, Twitter, groupes de discussion, etc.).

À cet égard, un système de recommandation constitue assurément un équipement de marché, puisqu’il « aide à choisir », dans une relation où le consommateur, en échange d’un gain de temps cognitif, délègue sa rationalité au système (Cochoy, 2004). Mais à ce qu’il nous semble, un système de recommandation diffère des autres équipements de marché, et ce tant en degré qu’en nature.

D’une part, un système de recommandation constitue une médiation technique qui s’affiche comme neutre, c’est-à-dire nullement teintée par des jugements ou des valeurs. D’autre part, il s’affiche comme étant beaucoup plus efficace que tout autre équipement de marché, puisqu’il serait en mesure de traiter toutes les informations disponibles, autant sur le consommateur que sur les biens. Et cela en temps réel, le système ajustant continuellement le profil d’usager en fonction des nouvelles données qui lui parviennent. Grâce à sa capacité à colliger, stocker et analyser des quantités massives de données, un système de recommandation serait donc en mesure de s’attaquer aux désirs changeants, aux identités fluides et à la mobilité spatiale des consommateurs contemporains : « Tandis que le code numérique déconstruit un comportement complexe, idiosyncratique et souvent erratique en des points de données individualisées et individualisantes, l’algorithme reconstruit ces données en une structure normalisée, rationalisée et comparable, ce qui permet aux commerçants d’identifier les « bonnes » et les « mauvaises » cibles pour l’intervention marketing professionnelle » (Pridmore et Zwick 2011, 271)14.

Déléguer à un système de recommandation le processus cognitif du choix revient à lui déléguer la construction de ses préférences, et celles-ci seront calculées à partir de l’univers de ce que le consommateur a déjà apprécié, tel qu’évalué par le système. Son incertitude usuelle concernant la qualité des biens est ainsi réduite, mais les alternatives auxquelles il est désormais confronté le sont également : un système de recommandation ne

14. Traduction libre de l’auteur. Pridmore et Zwick font ici référence à l’ensemble des bases de données consommateur, dont les systèmes de recommandation constituent une application particulière.

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lui proposera qu’un sous-ensemble des biens disponibles (des livres similaires à ceux qu’il a déjà aimés, par exemple), un univers significativement appauvri en possibilités. Ce consommateur dépossédé (volontairement, faut-il le rappeler) de ses capacités cognitives est dès lors confronté à une nouvelle incertitude, « sa capacité à choisir un bien librement et de manière autonome » (Kessous, 2012, 74).

Certes, le consommateur demeure libre d’utiliser ou non les recommandations. Mais il convient de signaler que ce type de système constitue aussi un dispositif de captation de l’attention potentiellement très efficace. Il importe, à cet égard, de faire la distinction entre le contrôle endogène (attention volontaire) et exogène (attention involontaire ou automatique) (Kahneman, 1973 ; Falkinger, 2005). On parle d’attention volontaire lorsque le sujet s’oriente sur un stimulus parce que celui-ci est pertinent pour la tâche qu’il est en train d’accomplir. Au contraire, l’attention involontaire est reliée au niveau d’excitation qui est en grande partie contrôlée par les propriétés du stimulus auquel il est exposé. Or lorsqu’il navigue sur le site d’Amazon, par exemple, un internaute n’est pas toujours à la recherche d’un titre précis. Il peut être simplement porté par un désir vague (trouver un bon livre, sans trop savoir ce qu’il cherche exactement), ou même un désir encore plus lointain s’il réagit à un courriel envoyé par le même Amazon qui lui propose, sans qu’il l’ait demandé, une recommandation. Il y a de fortes chances pour qu’il se situe alors dans un mode d’attention involontaire, qu’il fonctionne sur un mode pulsionnel de stimuli-réponse et soit mené à consommer sans trop s’en rendre compte, ou du moins à consommer davantage qu’il ne l’aurait fait sans mise en contact avec le système. La recommandation personnalisée vise ainsi, dans un processus qui s’apparente fort à des prophéties autoréalisatrices (il aimera forcément ce qu’il a déjà aimé), à « attacher » le consommateur dans une boucle de consommation immédiate et répétée.

C’est en ce sens qu’un système de recommandation constitue un dispositif de captation potentiellement très efficace pour orienter, voire manipuler les choix.

Il serait certes prématuré de spéculer sur l’état réel de cette potentialité sans mener des recherches empiriques plus approfondies sur la question.

Néanmoins, nous pouvons citer ici quelques données qui, quoique partielles, n’en sont pas moins éclairantes. Ainsi, selon Hosanagar et al.

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Netflix et de 35 % des ventes d’Amazon. Et selon Konstan et Riedl (2012), le rendement sur investissement des entreprises qui mettent en place de tels systèmes serait en hausse de 10 à 30 %. Cela permet à tout le moins de supposer que l’hypothèse que les systèmes de recommandation sont des équipements particulièrement performants pour susciter la consommation lorsque le consommateur est en phase d’attention involontaire n’est pas complètement farfelue.

4. Un bien culturel peut-il vraiment être représenté par une liste d’attributs ?

Dans l’univers des systèmes de recommandation, un bien est caractérisé par des attributs supposés révéler ses qualités intrinsèques. Il y a ainsi prétention à l’objectivité, c’est-à-dire que les choses existent en elles-mêmes et par elles-mêmes.

Cette prétention à l’objectivité est difficile à soutenir, particulièrement lorsqu’il s’agit de biens culturels. À cet égard, il importe de rappeler qu’un bien culturel est non seulement un bien symbolique, c’est-à-dire porteur d’identité, de valeurs et de sens (UNESCO, 2001), mais également un bien d’expérience (Nelson, 1970 ; Caves, 2000) : on ne peut pas connaître la valeur d’un livre, par exemple, avant d’avoir fait l’expérience de sa consommation, de l’avoir lu. Sa valeur est donc fondamentalement indéterminée avant qu’elle soit interprétée. Ce qui crée précisément l’incertitude particulière du consommateur de biens culturels sur leur valeur, puisque son processus d’évaluation est non seulement complexe et susceptible de se différencier selon le contexte, l’espace et le temps, mais il ne peut être complété avant la consommation15. Qui plus est, l’incertitude est symétrique (Caves, 2000 ; Ménard, 2004) : le consommateur ne sait pas avant de l’avoir lu s’il va aimer un livre, mais comme le marchand (tout comme l’auteur et l’éditeur, d’ailleurs) ne maîtrise pas complètement la qualité du bien, il est incapable de le signaler ou de l’étiqueter

15. Notons que Karpik (2007) propose une vision similaire, mais en élargissant le propos à un univers de biens plus large, qu’il qualifie de biens singuliers, soit des produits et services multidimensionnels caractérisés par une forte incertitude sur la qualité. Sur ces marchés, selon lui, la qualité des produits est construite par les dispositifs de jugement.

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correctement, et donc ne sait pas lui non plus si le client va apprécier le livre qu’il lui a vendu.

En considérant que les biens culturels peuvent être caractérisés par un ensemble d’attributs, les systèmes de recommandation utilisent la même logique de modélisation que pour la construction des profils d’usagers.

Ainsi, pour paraphraser Pridmore et Zwick précédemment cités, le code numérique déconstruit un contenu complexe et signifiant dont les interprétations peuvent être multiples et changeantes, en points de données individualisées et individualisantes, que l’algorithme reconstruit ensuite en une structure normalisée, rationalisée et comparable. Le marchand sera alors en mesure d’étiqueter convenablement les qualités des biens, de les comparer et de déterminer ceux qui sont similaires. Le système se trouve ainsi à transformer l’incertitude, par nature non probabilisable, en risque probabilisable. Mais de ce fait il crée et exacerbe une asymétrie d’information entre le consommateur et le marchand, le premier n’ayant accès qu’à ses micro-options, tandis que le second peut accéder aux flux agrégés de ses préférences (Palmås, 2011). Sur cette question, Manzerolle et Smeltzer (2011) affirment même que cette création de nouvelles asymétries d’information sape le principe le plus fondamental du libre marché, soit la souveraineté du consommateur.

Même sans considérer cette question de l’asymétrie de l’information, la prétention à l’objectivation des biens culturels demeure problématique.

D’abord, on peut bien multiplier à l’envi les attributs, comme semble vouloir le faire Pandora, par exemple (voir la note 7), cela ne résout pas le problème que le choix de retenir un attribut et d’en rejeter un autre relève, en soi, de la subjectivité (Boyd et Crawford, 2011).

Ensuite, la capacité évocatrice d’un attribut, quel qu’il soit, demeure singulièrement pauvre, sinon même grossière, par rapport à la complexité et à la variabilité des jugements qu’un être humain peut porter sur un bien culturel. Comparer des livres en se basant sur un ensemble d’attributs ne nous apprendra pas grand-chose sur le style d’un auteur, la musicalité de sa prose, la puissance de ses métaphores, la profondeur de ses références historiques et sociales ou son humour, encore moins sur son style d’humour. Éléments susceptibles, pourtant, au moins implicitement, d’affecter notre jugement sur la valeur que l’on accordera à un livre. Si j’achète plusieurs livres d’Henning Mankel, un système de

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vers le roman policier scandinave aux intrigues tortueuses. Mais comment pourrait-il savoir que ce que j’aime chez cet auteur (et dont je ne suis moi- même peut-être pas tout à fait conscient), c’est l’évocation du caractère particulier du policier Wallander et ses relations compliquées avec les femmes et sa fille ?

En objectivant les biens culturels, c’est-à-dire en les caractérisant par un ensemble de données, on leur retire en quelque sorte leur valeur symbolique. On les transforme en données numériques « désymbolisées » qui ont perdu leur sens et leur valeur première : elles sont désormais

« insignifiantes », ni bonnes ni mauvaises en soi, puisque toutes placées sur le même plan. Données qui seront ensuite affectées d’une nouvelle valeur, économique celle-là, laquelle prendra son sens symbolique dans l’échange marchand, la valeur se concrétisant alors par la recommandation de la

« bonne » marchandise au « bon » consommateur.

De ce point de vue, qui resterait à développer davantage, cette transformation d’un bien symbolique porteur de sens et de valeurs potentiellement multiples et changeants en marchandise caractérisée par des attributs pouvant être nommés, calculés et comparés objectivement, constituerait une opération fortement réductrice en ce qui concerne la production de sens résultant de la mise en contact d’un individu avec un bien culturel.16 Certes, une telle critique pourrait s’adresser à tout effort de caractérisation et de catégorisation des biens, ce qui mènerait à rejeter toute forme de comparaison. Mais ce n’est pas la volonté de comparaison qui nous semble poser problème avec les systèmes de comparaison, mais bien leur prétention à l’objectivité, c’est-à-dire d’être en mesure de repérer des qualités qui seraient intrinsèques aux biens, de trouver en quelque sorte leur essence immuable. Ce qui revient à nier la nature complexe et changeante de l’interaction des individus avec les biens à portée symbolique.

16. Encore une fois, on peut élargir le propos pour y inclure des biens qui, sans être culturels sont « singuliers » (Karpik, 2007). On peut également considérer que de nombreux biens (voitures, vêtements griffés, bijoux, etc.) sont porteurs d’une valeur symbolique. Il n’en demeure pas moins que la portée et la profondeur symbolique d’un bien culturel sont sans commune mesure avec celles de la plupart des autres biens, considérant la complexité du processus de décodage, la nécessaire mise à distance et l’apprentissage que leur consommation nécessite (Ménard, 2004).

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5. Une plus grande, ou une moindre diversité dans la consommation ? Les marchés de biens culturels sont depuis toujours caractérisés par une forte concentration des ventes sur un nombre réduit de biens et, en bout de ligne, de créateurs. Bien que diversement qualifié – effet « superstar » (Rosen, 1981 ; Adler, 1985), marchés « winner-take-all » (Frank et Cook, 1995) ou distribution de Pareto (loi dite du 20/80, où 20 % des titres génèrent 80 % des ventes) –, cet effet de concentration est difficilement contestable. Mais avec l’arrivée d’internet, et plus encore le développement de dispositifs de recherche et de recommandation, est apparu l’espoir d’une plus grande diversité de la consommation, laquelle pourrait désormais prendre la forme d’une « longue traîne » (Anderson, 2004).

Malheureusement, si un assez grand nombre d’études ont été consacrées aux impacts des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la distribution des ventes17, très peu ont examiné spécifiquement les effets générés par l’utilisation de systèmes de recommandation. La relative opacité de ces systèmes (qui constituent pour la plupart des secrets industriels) et leur constante modification ne facilitent certes pas les choses, mais il n’en demeure pas moins que les rares études sur le sujet adoptent non seulement des méthodologies différentes et difficilement comparables, mais affichent des résultats contradictoires.

Oestreicher-Singer et Sundararajan (2006), par exemple, montrent que par sa nature de réseau de contenus reliés par hyperliens, le système d’Amazon peut produire des ventes distribuées plus également. Au contraire, Hosanagar et al. (2012), sur la base de simulations à partir d’un système de recommandation musicale, concluent qu’un tel système peut altérer à la hausse le volume d’achat, mais aussi altérer le mix des biens achetés en créant un effet d’homogénéisation.

Qui plus est, aucune étude à notre connaissance ne fait la distinction entre la diversité globale (diversité de l’ensemble des titres vendus par Amazon, par exemple) et la diversité individuelle (diversité des titres achetés par un individu). Ainsi, un système de recommandation pourrait fort bien favoriser, en offrant un très vaste assortiment de produits de niche, une plus grande diversité globale de la consommation, allongeant ainsi la « longue traîne », tout en réduisant simultanément la diversité de la

17. Voir Brynjolfsson et al. (2010) pour une revue de littérature.

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consommation sur un plan individuel. En effet, d’un point de vue purement technique (Burke, 2002 ; Adomavicius et Thuzilin, 2005 ; Nageswara Rao et Talwar, 2008 ; Poirier, 2011), les éléments hautement évalués dans un profil d’utilisateur représentent ce qu’il connaît déjà ; on lui recommandera donc des articles très semblables à ce qu’il a déjà bien évalué, d’où un effet de « surspécialisation » ou d’« entonnoir ». Cette dynamique du « encore plus du même » pourrait donc bien se traduire par une moindre diversité individuelle.

La question n’est certes pas simple, mais on peut l’éclairer en reprenant la proposition de Sterling (1998) et Benhamou (2010) de considérer trois dimensions à la diversité, soit la variété, la disparité et l’équilibre. La variété augmente en fonction du nombre de biens différents ou du nombre de catégories différentes dans un ensemble donné. La disparité décrit le degré de standardisation des produits : plus ils seront différents les uns des autres, plus la disparité sera grande. L’équilibre, quant à lui, mesure la fréquence relative des biens, par exemple la quantité de biens dans chaque catégorie.

Ainsi, un système qui aurait déduit du comportement d’un usager qu’il est un fan de littérature policière pourrait lui suggérer de nouveaux romans policiers. Ces livres seront différents de ce qu’il a déjà consommé ou noté, même s’il s’agit du même auteur. La composante variété dans la diversité de sa consommation pourrait donc s’accroître s’il suit les recommandations. En revanche, la diversité, tant dans sa dimension disparité (les biens suggérés sont similaires) que dans sa dimension équilibre (il y a aura surpondération d’une même catégorie de biens), se trouverait réduite.

Les systèmes de recommandation sont donc susceptibles d’enfermer leur utilisateur dans un couloir de « déjà vu », dans un univers spécialisé qu’il connaît et apprécie déjà. Fini les surprises, l’inattendu et les agréables découvertes qui vous surprennent vous-même, les coups de cœur qui vous sortent de votre zone de confort. « Si les livres qu’on me propose (…) ne sont que l’expression de l’anticipation de ce que je pourrais être, à partir de ce j’ai été, est-ce que je ne me retrouve pas coupé de l’altérité, du hasard, et même de la liberté en tant qu’invention, bref de tout ce qui ne me correspond pas et ce à quoi je ne pourrais pas m’attendre ? N’y aurait-il pas une réduction du possible dans ce qu’il a de libre et de créateur à un espace de probabilités dans ce qu’elles ont de calculables ? » (Collomb, 2013, 3).

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Même s’ils pourraient potentiellement favoriser une plus grande diversité de la consommation globale, on peut donc poser l’hypothèse que les systèmes de recommandation pourraient simultanément susciter une

« réduction du possible », se trouvant ainsi à produire de la conformité sur le plan individuel.

6. Conclusion

Un système de recommandation est un dispositif de médiation technique entre le consommateur et le marchand. L’objectif d’un tel équipement de marché est de capter l’attention des internautes en leur offrant des suggestions de biens supposés correspondre à leurs préférences.

Ces préférences sont « révélées » par les informations qu’ils laissent, volontairement ou involontairement, derrière eux. Ces « dépôts d’attention » sont saisis et analysés par l’algorithme de corrélation du système qui, à la suite d’un filtrage collaboratif et/ou basé sur le contenu, sera en mesure de déterminer des profils d’usagers et/ou de biens similaires qui lui permettront de faire des suggestions d’achat. On utilise ainsi le comportement passé du consommateur pour anticiper son comportement futur.

Nous avons tenté de montrer que l’organisation logique et le type de modélisation des consommateurs et des biens qu’utilisent ces systèmes soulèvent un certain nombre de questions, particulièrement lorsqu’ils sont utilisés pour recommander des biens culturels ou à haute teneur symbolique.

D’abord, parce qu’il s’agit d’un équipement de marché qui s’affiche comme étant neutre, capable de traiter en temps réel toutes les données disponibles sur les consommateurs et les biens, en plus de constituer un dispositif de captation de l’attention susceptible de rejoindre efficacement le consommateur lorsqu’il se trouve en mode d’attention involontaire/pulsionnel, ces systèmes pourraient fort bien s’avérer particulièrement performants pour manipuler les choix des consommateurs et accroître leurs achats.

Ensuite, parce qu’ils modélisent les biens sous la forme d’un ensemble de données, caractéristiques ou attributs, supposées dévoiler des qualités intrinsèques, mesurables et comparables, un système de recommandation

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symbolique, cela revient à le « désymboliser ». Transformation qui serait grandement réductrice en ce qui concerne le processus de production de sens associé à la mise en contact d’un individu avec un bien culturel.

Enfin, un système de recommandation serait susceptible, selon certains chercheurs, de diversifier les ventes de biens culturels – traditionnellement caractérisées par une forte concentration sur un nombre réduit de biens – et donc de favoriser une plus grande diversité de la consommation.

Néanmoins, la logique interne de ces systèmes serait plutôt susceptible d’enfermer le consommateur, d’un point de vue individuel, dans une boucle de « déjà vu ». Ainsi, la composante variété de la diversité pourrait s’accroître, mais aux dépens de ses composantes disparité et équilibre. Un tel système pourrait ainsi fort bien s’avérer producteur de conformité sur le plan individuel.

Où est le problème, pourrait-on demander, si après tout le consommateur est satisfait ? Tout indique bien, en effet, que celui-ci est satisfait, puisque nombreux sont les gens qui utilisent les recommandations et, lorsque c’est le cas, achètent davantage.

Mais encore faudrait-il que le consommateur soit conscient des procédés qui s’appliquent à son égard et ce qui en découle. Mais de la même façon qu’un grand nombre d’individus révèlent spontanément et sans s’en inquiéter de larges pans de leur vie privée sur Facebook, nombreux également sont ceux qui s’empressent de livrer informations, avis et commentaires sur différents biens et services marchands, sans être vraiment conscients que tout ceci, en bout de ligne, sera utilisé pour les intégrer plus étroitement encore au système marchand.

Les trois hypothèses que nous avons posées concernant les conséquences éventuelles d’une généralisation de l’utilisation de systèmes de recommandation posent clairement, à notre avis, la nécessité pour les chercheurs en sciences humaines et sociales d’investir ce champ de recherche encore relativement en friche et principalement occupé, à l’heure actuelle, par les informaticiens, ingénieurs informatiques et professionnels de la gestion et du marketing. Elles tracent aussi, croyons- nous, une première esquisse de ce qui pourrait s’avérer un programme de recherche particulièrement fructueux, cela d’autant plus que la logique inhérente aux systèmes de recommandation est loin de ne pouvoir être appliquée qu’à l’univers culturel. Nous y sommes en effet de plus en plus

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souvent confrontés, que l’on recherche un hôtel, un restaurant, une destination de voyage, des amis sur Facebook ou l’âme sœur sur un site de rencontre.

Si, comme l’affirme Grossman (2010), le principe de la recommandation est quasiment généralisable à l’infini, il serait temps d’examiner plus précisément et de manière critique les conséquences qui pourraient découler de leur généralisation. Et cela même si, ou peut-être surtout, les méthodologies, mesures ou modèles permettant d’analyser les systèmes de recommandation sont encore en grande partie à développer.

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