• Aucun résultat trouvé

VIE QUOTIDIENNECe que nous devons à laconquête spatiale

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "VIE QUOTIDIENNECe que nous devons à laconquête spatiale"

Copied!
66
0
0

Texte intégral

(1)

ISSN 1422-5220

M a g a z i n e t r i m e s t r i e l d e l ' U n i v e r s i t é d e L a u s a n n e - N ° 4 2 S e p t e m b r e 2 0 0 8 - G r a t u i t M a g a z i n e t r i m e s t r i e l d e l ' U n i v e r s i t é d e L a u s a n n e - N ° 4 2 S e p t e m b r e 2 0 0 8 - G r a t u i t

Economie Faut-il changer ses dollars contre des yuans et partir vivre en Chine?

Animaux

Les lynx suisses se plaisent à l’étranger.

Ils colonisent la France

VIE QUOTIDIENNE Ce que nous devons à la

conquête spatiale

Société C’est l’autre (la vraie?) révolution de 1968. Il y a quarante

ans

la TV couleur débarquait en Suisse et était très vite adoptée par les

foules. Fin d’une époque

(2)
(3)

É D I T O

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 2 SE P T E M B R E 2 0 0 8 1

Collaborateurs : Sonia Arnal, Michel Beuret, Laurent Bonnard, Pierre-Louis Chantre, Elisabeth Gordon

Photographies :Nicole Chuard Infographie :Eric Pitteloud, Unicom Photos de couverture :

Espace : NASA TV : TSR

Lynx : Jocelyn Rochat Shanghai : Michel Hasson /

www.phototheque.net/Chine-China.html

Correcteur :Albert Grun Concept graphique : Richard Salvi, Chessel Publicité :EMENSI publicité, Cp 132, 1000 Lausanne 7 Tél. 078 661 33 99 E-mail : emensi@bluewin.ch Imprimerie IRL

1020 Renens

Editeur responsable : Université de Lausanne Marc de Perrot, secrétaire général Philippe Gagnebin, responsable de la communication, chef de service Francine Zambano, responsable de l'information

Florence Klausfelder, assistante Unicom, service de communication et d'audiovisuel - Université de Lausanne Amphimax - 1015 Lausanne

tél. 021 692 22 80 uniscope@unil.ch Magazine de l’Université

de Lausanne : N° 42, septembre 2008 Tirage 30’000 exemplaires 48’400 lecteurs (Etude M.I.S Trend 1998) http://www.unil.ch/unicom/

page6524.html Rédaction : Rédacteur en chef : Jocelyn Rochat, journaliste au Matin Dimanche

C’

est une petite tragédie vaudoise que nous vous invitons à découvrir dans ce numéro d’«Allez savoir!» La tra- jectoire d’un livre aussi influent que maudit, dont les rares édi- tions n’ont jamais connu le suc- cès populaire qu’elles méritaient.

Et le destin d’un chercheur qui fut exilé à Paris, en 1845, suite à la révolution radi- cale, avant de devenir un inconnu dans ce Pays de Vaud qu’il a pourtant (ré) inventé.

Dans le meilleur des cas, nous savons aujourd’hui que Juste Olivier a donné son nom à une avenue de Lausanne. Des pro- meneurs curieux et observateurs ont encore remarqué sa statue barbue, à l’entrée du parc de Milan, dans la capitale vaudoise.

D’autres vous diront enfin que la commune de Gryon, où il est décédé en 1876, lui a élevé un monument.

C’est bien peu pour saluer la mémoire de l’historien de l’Académie (l’ancêtre de l’UNIL) qui, quelques décennies après le départ des Bernois, a mis toute son éner- gie pour arracher notre passé à l’oubli, pour révéler l’histoire vaudoise à ses compa- triotes, pour offrir une place plus honorable au Major Davel, et, finalement, pour nous rendre nos racines (comme vous le décou- vrirez en pages 8 à 15 de ce numéro).

Car, avant Juste Olivier, il n’y avait plus rien. «Le pays avait été vidé de ses croyances et de sa substance» par l’épisode bernois, rappelait Charles Ferdinand Ra- muz dans l’hommage posthume qu’il a rendu à l’historien en 1938, avant de pré- senter son livre comme «un classique, notre seul classique vaudois».

Pourtant, malgré l’appel vibrant de Ramuz, paru dans la préface à la première

réédition de l’ouvrage, «Le Can- ton de Vaud, sa vie et son his- toire» n’a jamais été lu par le grand public. Mal accueilli dès sa sortie, entre 1837 et 1841, le livre de Juste Olivier s’est tou- jours transmis sous le manteau par de rares fidèles qui se le pro- curaient difficilement et se le prêtaient res- pectueusement. Et les rééditions de 1938 ou de 1978 n’ont pas modifié son statut de livre boudé par les Vaudois auxquels il était destiné.

Aujourd’hui encore, l’ouvrage prend la poussière dans toutes les bibliothèques du canton, et une longue quête n’est pas néces- saire pour en trouver un exemplaire chez un bouquiniste. Moyennant quelques dizai- nes de francs, on ressort de l’échoppe avec les deux tomes illustrés par autant de por- traits de Juste Olivier réalisés par le peintre Charles Gleyre, son ami. 1200 pages qui valent autant pour leur contenu que pour la légende noire qui les accompagne.

Impossible de les feuilleter sans ressen- tir un sentiment d’injustice. Cet insuccès chronique du livre semble d’autant plus immérité au XXIe siècle que l’histoire n’a jamais été aussi populaire. Depuis quelques années, les ouvrages racontant les diverses facettes du passé suisse sortent les uns après les autres et deviennent invariablement des succès en librairie. Une reconnaissance du public que le pionnier lausannois n’a jamais connue. Reste à espérer que cette nouvelle mode sera la chance tardive de Juste Oli- vier d’être enfin dépoussiéré.

Jocelyn Rochat

Jocelyn Rochat Rédacteur en chef

Ce n’est pas Juste,

mais c’était son destin

(4)

Edito . . . .page 1 L'UNIL en livres . . . .page 4 Abonnez-vous,

c’est gratuit!

. . . . page 7

H I S T O I R E

Cet inconnu qui a inventé

le Canton de Vaud

. . . .

page 8

Juste Olivier (1807-1876) est tombé dans l’ou- bli. Il a pourtant publié un livre crucial, «Le Can- ton de Vaud. Sa vie et son histoire». 1200 pages qui ont offert pour la première fois aux Vaudois une vision globale de leur culture. Directeur du Centre de recherches sur les lettres romandes, Daniel Maggetti le remet à sa place de fondateur de l’identité vaudoise.

S C I E N C E S

Tout ce que nous devons

à la conquête spatiale

. . . .

page 16

Dans quelques jours, la NASA, l’agence spatiale américaine, célébrera ses cinquante ans. Un demi- siècle qui nous aura valu, outre des images inou- bliables de la Lune, de bénéficier après coup d’in- nombrables trouvailles scientifiques préparées pour les astronautes. Tour d’horizon de ces béné- fices scientifiques quotidiens avec le chercheur de l’UNIL Claude-Alain Roten.

L’info

En Suisse, on se plaint volontiers de l’invasion des loups «italiens». Et l’on signale volontiers l’arrivée de nombreux animaux «étrangers» dans nos contrées. On pense à la crevette tueuse du Danube, au clam asiatique et au canard tadorne des Balkans qui ont débarqué dans nos lacs, à la cocci- nelle chinoise qui pourrait s’installer dans nos vignes et y donner un mauvais goût au vin, aux écureuils de Corée ou d’Amérique qui se plaisent dans nos parcs et menacent les espèces autochtones, sans oublier les ratons laveurs américains qui sont à nos portes. Et encore, cette liste n’est pas exhaustive.

Ce que l’on ignore, c’est que la Suisse exporte elle aussi des animaux. Pas des vaches, mais des lynx.

Nos petits fauves, réintro- duits dans le Jura dans les années 1970, ont de- puis longtemps franchi la frontière française. Ils s’y multiplient depuis lors et progressent avec un bel entrain en direction de la Méditerranée.

Par ailleurs, un individu a été intercepté à 200 mè- tres de la frontière alle- mande, et un autre lynx a franchi la frontière italienne ce printemps.

Ces pionniers seront-ils aussi suivis que les lynx jurassiens? Réponse dans les années qui viennent.

Ce qui est certain, c’est que la Suisse ne se con- tente pas de voir débar- quer la faune étrangère.

Elle participe, elle aussi, mais sans le savoir, à ce mouvement migratoire planétaire.

Voir notre infographie en pages 32-33

Sommaire

Z O O L O G I E

Le lynx et la Suisse :

félin pour l’autre

. . . .

page 26

1. SURPRISE : le lynx, que l’on croyait casanier, est capable de voyages de 100 à 200 kilomètres.

Certains individus ne sont pas arrêtés par les auto- routes et peuvent traverser des fleuves à la nage.

2. STUPEUR : la Suisse est un grand pays expor- tateur de lynx. Nombre de «nos» grands félins sont passés dans le Jura français, et, de là, ils descendent désormais vers la Méditerranée.

3. TREMBLEMENT : le lynx n’a pas peur de l’homme. Il ne fuit pas à notre approche, et c’est ce qui inquiète les promeneurs. Si vous le croi- sez, restez zen: il n’attaque pas les humains.

R E L I G I O N / I N T E R V I E W

Pourquoi nous ne sommes pas encore sortis du 11 septembre

. . . .

page 38

Le jihad a toujours eu deux objectifs. D’une part défendre et étendre le domaine de l’Islam, et d’autre part, à l’intérieur même du monde musul- man, lutter contre les «hypocrites», ceux qui ne tirent pas les conclusions de leur foi. Les expli- cations du spécialiste de l’UNIL Jean-Claude Basset.

«Le Coran est un texte qui a

deux visages»

. . . .

page 42

Quand on traduit ce texte fondamental, comme l’a fait récemment Sami Aldeeb, de l’UNIL, on découvre que les 86 premières sourates s’adres- sent à l’homme et sont pacifiques, alors que les 28 dernières parlent au croyant, avec un accent plus guerrier et des normes juridiques. Explications.

© N. ChuardNASA U.S. Navy / Preston Keres© N. Chuard

(5)

E N A P A R L É !

Allez savoir !

S O C I É T É

C’est l’autre (la vraie?) révolution de 1968.

La TV couleur débarque en Suisse.

Et les masses l’adoptent

. . . .

page 46

C’était le 1eroctobre 1968. La TSR diffusait sa première soirée en couleur. La fin du noir & blanc, la fin d’une époque. Cette même année, le cap du million de ménages helvétiques disposant d’une télévision était franchi. Désormais, la TV allait être pour tous et en couleur. Mais que de résis- tances pour en arriver là...

É C O N O M I E

Faut-il changer ses dollars contre des yuans et partir vivre

en Chine?

. . . .

page 54

Un gourou de la finance a fait le pari de vendre sa propriété américaine pour s’installer en Asie.

Son projet : se rapprocher de Shanghai et Hong- Kong en 2007, pour imiter ceux qui sont venus habiter Londres en 1807 et New York en 1907.

Car l’Orient sera, dit-il, le pôle économique et financier du XXIesiècle. Faut-il le suivre? Les réponses de deux fins connaisseurs de la Chine, liés à l’UNIL.

L A V I E À L’ U N I L

Formation continue . . . .page 62

27’000 exemplaires, 3,8 millions de lecteurs!

DRDR

D

ans la profession, nous appelons cela un marronnier. C’est un sujet d’article qui va réapparaître à intervalles réguliers dans la presse, sous des formes relativement similaires. Tout comme l’arbre marronnier produit invariablement ses fruits tous les ans à la même époque, le marronnier journalistique traitera d’un même sujet quand le moment sera revenu.

Il existe plusieurs sortes de marronniers, notamment celui des pé- riodes creuses, où il faut remplir le journal quand l’actualité se fait rare. Se posent alors les délicates questions du poids des cartables à la rentrée scolaire, ou celle de la terrasse qu’il faut fréquenter les mois d’été.

Mais il y a aussi le marronnier imposé par les lecteurs. Car, c’est régulièrement vérifié, certaines recettes font invariablement entrer les passants dans les kiosques. Il s’agit par exemple de tout sujet sexuel en été, ou de toute couverture de magazine consa-

crée à n’importe quel pharaon d’Egypte.

Vu de l’autre côté de la lorgnette, quand il s’agit de faire rayonner au maximum une institution (le rôle d’«Allez savoir!»), le nirvana consisterait à «lancer» un marron- nier journalistique dont un chercheur de l’UNIL devien- drait la vedette. C’est ce qui s’est produit en avril 2004 (AS N° 29). A l’époque, nous mettions en évidence des travaux de cardiologues du CHUV montrant que, durant une compétition de football importante, le risque de mort subite augmente de 60 % en Suisse, à cause du stress suscité chez les téléspectateurs. L’article, publié juste avant l’Euro 2004, avait été d’emblée largement repris («L’Hebdo», «Blick»).

Mais ce n’était que le début de la récolte. Un an plus tard, la «Sonn- tagsZeitung» sortait sa version du «Attention : le foot à la TV peut vous tuer». Deux ans plus tard, lors de la Coupe du monde de foot- ball en Allemagne, le sujet a refait surface dans «Le Matin» et en Suisse alémanique dans le «Tages-Anzeiger».

Enfin, cet été, avec l’Euro 2008, la récolte des marrons a repris. Les cardiologues du CHUV sont réapparus dans «Le Matin» et dans le

«Tages-Anzeiger», avec deux bonus en Suisse alémanique («Glücks- post» et la «Basellandschaftliche Zeitung»).

L’Euro terminé, c’est le moment de se livrer à un petit calcul en passe de devenir une tradition dans cette rubrique. Si l’on assemble toutes les branches de ce marronnier et que l’on convertit cela en lecteurs potentiels, cela nous donne : deux apparitions dans «Le Matin» (2 x 321’000 lecteurs*), une dans «L’Hebdo» (218’000), une dans «Blick»

(694’000), deux dans le «Tages-Anzeiger» (2 x 534’000), une dans la «SonntagsZeitung» (785’000), une dans «Glückspost» (385’000) et une dans la «Basellandschaftliche Zeitung» (84’338).

Au total, cela nous donne 3,876338 millions de lecteurs et lectrices.

Quand on se souvient qu’en 2004, le tirage d’«Allez savoir!» était de 23’000 exemplaires (28’000 aujourd’hui), ces statistiques laissent rêveur. D’autant plus rêveur que, marronnier oblige, la récolte n’est certainement pas terminée.

Jocelyn Rochat

* selon les chiffres REMP de décembre 2007.

A lire :

www2.unil.ch/unicom/allez_savoir/as29/index.html

ISSN 1422-5220

Téléspectateurs de l'Eurofoot Le risque de mort subite va augmenter de 60% ces prochains jours

Balade Un autre regard sur le Lavaux

Psychologie Comment prévenir les séquelles de la guerre chez les requérants d'asile Histoire Les animaux sorciers sont les vedettes du dernier Harry Potter. Mythe ou réalité?

Magazine gratuit - Paraît 3 fois par année - N°29 Juin 2004

(6)

L’ U N I L e n l i v r e s

Un monument de l’histoire du Pays de Vaud médiéval

«C’est le plait general de Lau- sanne translaté de latyn en fran- çoys». Ainsi s’intitule une traduc- tion anonyme, réalisée à la fin du Moyen Age, du Plaict Général de Lausanne, recueil des droits et coutumes de la ville. Conservés aux Archives communales de Vevey, les seize feuillets sur les- quels sont transcrits les articles du Plaict et leur répertoire avaient été remployés pour renforcer la couverture d’une reliure, dans laquelle ils furent retrouvés en 1942.

La traduction française du Plaict Général présente un triple inté- rêt. Sur un plan philologique et

linguistique, elle renseigne sur la langue et le style du traducteur, voire sur ceux du copiste qui a retranscrit cette traduction, et, de manière plus générale, sur la maî- trise de l’ancienne langue fran- çaise, à une époque où, dans notre pays, les actes étaient encore presque toujours rédigés en latin. En outre, cet ouvrage est un des rares témoins lausannois de traduction d’un texte en latin en langue vernaculaire. Enfin, il permet de lever certaines ambi- guïtés de la version latine de cette charte fondamentale pour l’histoire du droit lausannois.

L’édition critique commentée de ce texte souhaite rendre la tra- duction du Plaict Général de Lau- sanne accessible au public qui pourra désormais lire en français un monument de l’histoire du Pays de Vaud médiéval.

«Le Plaict Général de Lausanne de 1368, translaté de latyn en françois», édité par Yann Dahhaoui, commenté par Jean-François Poudret, Cahiers lausannois d’histoire médiévale No 43, 2008.

L’opium et le peuple du Laos

Au Laos, comme dans d’autres pays d’Asie orientale, le dévelop- pement de l’économie de l’opium a eu un impact considérable sur la société. L’introduction de la culture du pavot a bouleversé les systèmes de production des eth- nies montagnardes, modifié les échanges économiques locaux et régionaux, suscité la formulation de nouvelles normes comporte- mentales, généré des conflits, tout en accélérant la diffusion de la consommation de la drogue.

Cet ouvrage, que l’on doit à Ami- Jacques Rapin, maître d’ensei- gnement et de recherches à l’UNIL et à l’EPFL, relate l’histoire de la formation et de l’extension de ce marché, celle de ses acteurs et de leurs interactions. Il envi- sage la drogue comme une sub- stance fondamentalement ambi- valente. Source d’enrichissement pour les uns ou d’appauvrisse- ment pour les autres, de bien-être ou de déchéance, de conflits ou de rapports fructueux, l’opium a

été au cœur de relations com- plexes qui ont contribué à restruc- turer les espaces sociaux du Laos septentrional aux XIXe et XXe siècles.

«Opium et société dans le Laos précolonial et colonial», Ami-Jacques Rapin, Ed. L’Harmattan, Recherches Asiatiques, 2007.

Enquête sur de saints Grecs

A la fin des années 1950, dans la région de Mytilène, chef-lieu de l’île de Lesbos (nord-est de la Grèce), la mise au jour de tombes contenant des squelettes sans identité suscite une série d’évé- nements : rêves de la population environnante, miracles, appari- tions. Des récits circulent, recons- tituant la vie et les conditions du décès de ces inconnus – un mas- sacre remontant aux premières années de l’occupation ottomane – et les instituant comme saints.

Tout d’abord sceptique, l’Eglise locale mène une enquête puis entreprend les démarches qui ont abouti à leur reconnaissance offi- cielle et à la construction d’un monastère les célébrant.

Dans ce livre, Séverine Rey, maître assistante à l’Institut d’anthropologie et de sociologie à l’UNIL, s’est intéressée à ce qui, dans le christianisme ortho- doxe, est considéré comme une

«apparition» de saints. Elle a mis l’accent sur la fabrication de la

sainteté : enjeux de mémoire, enjeux de mise en scène de l’his- toire et du rôle de l’institution ecclésiastique, enjeux écono- miques aussi.

«Des saints nés des rêves», par Séverine Rey, Ed. Antipodes, 2008, 360 p.

Freud et

les narcissismes

Pourquoi les narcissismes? Essen- tiellement pour deux raisons. La première est que le narcissisme possède une pluralité de compo- santes et de formes chez les êtres humains. La seconde se rapporte, sans qu’elle soit nullement l’ex- pression de la première, à la diver- sité des théories du narcissisme qui ont été proposées par les psy- chanalystes postfreudiens.

Jean-Michel Porret, psychana- lyste, privat-docent à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, commence par examiner la place que les plus insignes suc- cesseurs de Freud ont accordée au narcissisme dans leurs écrits.

Du même coup, il en retrace les différentes conceptions dans un esprit critique.

Ensuite et surtout, il retravaille et développe les bases freudiennes du narcissisme en fonction des interrogations émanant des don- nées cliniques actuelles. Globa- lement, cet ouvrage soutient qu’une vision contemporaine de

la question se doit de conserver tous les aspects que Freud en a dégagés. Son statut de concept indispensable à la théorie analy- tique et à la compréhension du psychisme normal et patholo- gique s’en trouve confirmé.

«Les narcissismes, perspectives freudiennes et postfreudiennes», par Jean-Michel Porret, Ed. L’Harmattan, Coll.

Psychanalyse et civilisations, 2008, 268 p.

(7)

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 2 SE P T E M B R E 2 0 0 8 5

L’ U N I L e n l i v r e s

Les deux écologies Le développement durable est devenu l’horizon de l’écologie.

Toutes les forces sociales et politiques, dans une belle unani- mité, s’y reconnaissent et préten- dent vouloir mettre en œuvre ses principes, observe Romain Felli.

Mais le développement durable est aussi une doctrine politique, qui nie la possibilité d’une trans- formation radicale, se repose sur le pouvoir de l’Etat, développe une conception technocratique de l’écologie et qui porte la possi- bilité d’une confiscation du pou- voir par les experts, poursuit ce géographe et politologue, qui enseigne l’histoire des idées poli- tiques à l’UNIL.

Pourtant, il existait au moins une autre manière de mener le com- bat pour l’environnement. Cet ouvrage essaie de dégager, au- delà de l’hégémonie de «l’écolo- gie par en haut» (incarnée au- jourd’hui par le développement durable), la possibilité d’une

«écologie par en bas». Cette der- nière, écologie politique, oppose

au développement durable les valeurs d’autonomie, de trans- formation radicale, de critique de la technique et, surtout, de démo- cratie.

C’est de l’opposition entre les deux «âmes» de l’écologie que traite ce texte d’intervention.

«Les deux âmes de l’écologie, Une critique du développement durable», par Romain Felli, Ed. L’Harmattan, Coll. Biologie, Ecologie, Agronomie, 2008, 102 pages.

Ce que révèle notre rapport au corps

Le corps est un révélateur de notre rapport à la vie, la mort, la santé, la religion, la technique.

Dans cet ouvrage réunissant des théologiens (dont le professeur de l’UNIL Pierre Gisel, éditeur du livre), des anthropologues et des philosophes, le corps est pensé par rapport à ce qui l’excède, ce qui le met en scène, ce qui le reprend, ce qui le transforme.

L’ouvrage propose notamment des éclairages sur le corps à par- tir de ce qui met en question sa vision strictement rationnelle, avec l’évocation du chamanisme ou de la reprise dans les tech- niques de la santé d’éléments considérés comme proches de la superstition.

On y évoque encore les diffé- rentes manières dont la Bible, la philosophie, et la littérature contemporaine mettent en scène les corps. Dans une troisième par- tie, sont abordées des questions plus strictement reliées à la tra- dition chrétienne avec le corps

dans l’histoire et le contexte de l’Eglise catholique, dans ses variations à l’époque du christia- nisme primitif, dans un travail de pastorale africaine et en relation avec la pratique de l’ascèse.

«Le corps, lieu de ce qui nous arrive : Approches anthropologiques, philosophiques, théologiques», par Pierre Gisel (éd.), Labor et Fides, Coll. Lieux théologiques, 2008, 317 p.

Les premières années du christianisme

L’aube du christianisme s’étend jusqu’aux années 90 de notre ère.

Dans cette phase où tout se met en place, le christianisme n’est pas encore une religion auto- nome, mais le processus est lancé avec des premiers écrits où se fixent les principaux traits de la mémoire chrétienne. Dans cet ouvrage, Daniel Marguerat, pro- fesseur de Nouveau Testament à l’UNIL, présente les étapes majeures de ce processus encore mystérieux : Jésus de Nazareth, Paul, les premiers évangélistes, Marc et Matthieu, et enfin Luc, le premier historien du christia- nisme.

L’auteur éclaire la façon dont les paroles et initiatives de Jésus de Nazareth sont reprises par les premiers chrétiens pour fonder leur vie dans sa mort et sa résur- rection. Il reprend les questions actuelles relatives au Jésus his- torique et à leur articulation à la théologie et à la foi. Il nous livre une approche peu fréquente de

Paul liée à son vécu spirituel, son affectivité et son génie d’innova- tion. Il s’intéresse à la manière dont Marc et Matthieu mettent en intrigue l’événement chrétien afin de se démarquer du monde juif. Ce livre permet ainsi d’appré- hender une période décisive de notre histoire et de nos traditions.

«L’aube du christianisme», par Daniel Marguerat, Ed. Bayard Centurion, Coll. Le monde de la Bible, mai 2008, 534 p.

Un autre regard sur le handicap

Cet ouvrage s’adresse à toute personne qui souhaite s’ouvrir à une réflexion sur le rôle qu’elle- même et la société exercent dans les situations précaires aux- quelles de nombreuses «per- sonnes handicapées» sont encore confrontées à l’heure actuelle. Au fil des textes de nombreux auteurs, édités sous la direction de Jason Borioli, collaborateur à l’Institut de psychologie de l’UNIL, et de Raphaël Laub, le lec- teur est invité à abandonner une conception normative de l’être humain, qui conduit à considérer la «personne handicapée» comme une «anormalité», une «erreur».

Ce faisant, l’ouvrage interroge sur les implications, pratiques et idéologiques, de cette remise en question de la «normalité».

Un court-métrage au format DVD est joint au livre. Intitulé «Une journée en fauteuil roulant», il se structure autour de la question de savoir ce que le fait de se dépla- cer en fauteuil roulant implique

dans son rapport à la ville et aux autres. Il dispose de sous-titres pour les sourds et les malenten- dants.

«Handicap : de la différence à la singularité. Enjeux au quotidien», sous la direction de Jason Borioli et Raphaël Laub, Ed. Médecine & Hygiène, 2007.

(8)

L’ U N I L e n l i v r e s

Recherches sur les biographies

La réflexion sur la biographie a connu un renouvellement impor- tant ces vingt dernières années dans plusieurs disciplines. Floris- sant sur le marché éditorial, ce genre ancien trouve aujourd’hui des formes nouvelles, nourries de la galaxie des sciences humaines contemporaines. Genre fondateur en histoire de l’art, la biographie est pratiquée peu ou prou dans la plupart des disciplines des lettres. Bonne raison pour se pen- cher sur le genre et sa pratique.

La vogue des éloges académiques au XVIIIe siècle et la profusion du discours biographique sur les artistes à l’orée du romantisme ont ouvert la voie à la fameuse

«méthode biographique» de Sainte-Beuve, et à sa reconver- sion dans les programmes d’en- seignement. Inculqué à des géné- rations d’élèves, le couple «la vie et l’œuvre» a été sévèrement reconsidéré, au XXe siècle, par les approches formalistes, struc- turalistes ou sociologiques. Qu’en est-il actuellement? Comment les travaux de littéraires, d’histo- riens, d’historiens de l’art, de phi- losophes envisagent-ils les don- nées biographiques? Un colloque tenu à l’UNIL en 2007 a évoqué ces questions. Les réponses des participants sont désormais accessibles, notamment sur Inter- net.

«La vie et l’œuvre»? Recherches sur le biographique», Actes du colloque… édités par Philippe Kaenel, Jérôme Meizoz, François Rosset & Nelly Valsangiacomo, UNIL, 2008.

Sur Internet à l’adresse :

http://doc.rero.ch/search.py?recid=8828&ln=fr

Lire et écrire sur l’art L’activité de lire et d’écrire n’est peut-être banale que pour ceux qui en font un métier et une pra- tique quotidienne. Les universi- taires et les chercheurs exerçant dans le domaine des «lettres»

sont dans cette situation singu- lière. Ils travaillent très souvent sur des textes et en produisent d’autres.

En avril 2007, deux journées d’études organisées par la For- mation doctorale interdiscipli- naire de la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne ont réuni des jeunes chercheurs autour de ce thème. Les partici- pants représentaient diverses disciplines du monde des lettres : histoire culturelle, littérature française, histoire de l’art, fran- çais médiéval, philosophie, his- toire de la philosophie et sciences de l’antiquité.

Avec la liberté offerte par ce genre de colloque, les partici- pants ont questionné les usages savants de la lecture et de l’écri- ture propres à leur discipline et

adaptés à leurs objets d’étude.

Les actes de ce colloque sont dis- ponibles en ligne, gratuitement.

«Lire & écrire en arts et en philosophie», Actes du colloque..., édités par Catherine König-Pralong, Francesco Gregorio et Jérôme Meizoz, UNIL, 2008.

Sur Internet à l’adresse :

http://doc.rero.ch/search.py?recid=8627&ln=fr

Architectes solennels Alexandre et Henri Perregaux ont joué un rôle exceptionnel pour l’ensemble du patrimoine bâti vaudois. Alexandre, le père, a acquis une large notoriété com- me sculpteur de miniatures sur ivoire, avant de se mettre à la construction. On lui doit notam- ment le bâtiment du Grand Conseil. Son fils Henri l’a suivi sur cette voie, et tous deux ont long- temps joué le rôle d’architectes de l’Etat, sans en avoir jamais le titre.

Principaux bâtisseurs vaudois de la première moitié du XIXe siè- cle, ils ont à leur actif plus de 360 chantiers relatifs à des bâtiments publics ou privés. Leurs églises, hôtels de ville, tribunaux, prisons et casinos, ainsi que leurs de- meures bourgeoises et maisons de campagne frappent par leur néoclassicisme épuré et par l’harmonie de leurs proportions.

Grâce à Paul Bissegger, historien de l’art de l’UNIL et rédacteur de l’inventaire scientifique du patri- moine monumental vaudois, il est

désormais possible de vérifier à quel point ces deux architectes ont marqué leur époque.

«D’ivoire et de marbre. Alexandre et Henri Perregaux ou l’Age d’Or de l’architecture vaudoise 1770-1850», de Paul Bissegger, Bibliothèque Historique Vaudoise, 2007.

In pejus aut in melius?

Oser donner un titre (partielle- ment) en latin à un livre de vul- garisation qui paraît dans une col- lection destinée au grand public, c’était courageux. Le professeur de doit pénal à l’UNIL André Kuhn et les Editions de l’Hèbe ont tenté ce pari avec un petit livre qui per- met de comprendre les récentes adaptations de la procédure pénale suisse.

Après de longues années d’appli- cation du droit pénal fédéral selon des procédures cantonales très variées, la Suisse a fini par unifier sa procédure pénale. Ce petit ouvrage présente, sous la forme de réponses données à 21 questions, les grandes lignes de la procédure pénale suisse. L’au- teur y traite notamment du dérou- lement ordinaire d’une procédure pénale, des procédures spéciales, des grands principes régissant la procédure pénale, des parties au procès, du rôle du ministère public, des différents tribunaux, des voies de recours et des impli- cations de la procédure unifiée

sur les organisations judiciaires cantonales. Il y répond à des questions comme : pourquoi par- le-t-on d’avocat de la première heure ou qui paie les frais de pro- cédure? Pratique, quand on sait que nul n’est censé ignorer la loi.

«Procédure pénale unifiée: reformatio in pejus aut in melius», par André Kuhn, Ed. de L’Hèbe, 2008, 94 p.

▲ ▲

(9)

Nom : Prénom : Adresse :

Numéro postal / localité : Téléphone :

Date et signature :

Je m’abonne à Allez savoir !

Abonnez-vous, c’est gratuit !

Allez savoir ! et Uniscope sont deux publications éditées et diffusées par Unicom, service de com-

munication et d'audiovisuel de l'UNIL.

Allez savoir ! paraît trois fois par an. Allez savoir ! est le magazine grand public de l’Uni-

versité de Lausanne.

Uniscope est le journal interne de l'UNIL.

C'est un mensuel composé de cahiers thé- matiques, reflets de la vie et de l'activité scientifique et culturelle de l'institution.

Il peut être téléchargé au format PDF à partir du site internet

de l'UNIL. Il en est de même pour Allez savoir ! Depuis la page d'accueil (www.unil.ch), choisir «L'organisation» puis «Les médias».

Pour vous abonner à la version papier de Allez savoir !, il vous suffit de remplir le coupon ci-contre et de l'envoyer par fax au 021 692 20 75, ou par courrier : Université de Lausanne, Unicom, Amphimax, 1015 Lausanne, ou de mani- fester cet intérêt par courrier électro- nique à Uniscope@unil.ch

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 2 SE P T E M B R E 2 0 0 8 7

(10)
(11)

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 2 SE P T E M B R E 2 0 0 8 9

H I S T O I R E

Cet inconnu qui

a inventé le Canton de Vaud

J uste Olivier (1807-1876) est tombé dans l’ou- bli. Il a pourtant publié un livre crucial, «Le Can- ton de Vaud. Sa vie et son histoire». 1200 pages qui ont offert pour la première fois aux Vaudois une vision globale de leur culture. Directeur du Centre de recherches sur les lettres romandes, Daniel Mag- getti le remet à sa place de fondateur de l’identité

vaudoise.

© N. Chuard

Cette statue de Juste Olivier a été élevée à l’entrée du parc de Milan, à Lausanne

(12)

H I S T O I R E

C e t i n c o n n u q u i a i n v e n t é l e C a n t o n d e V a u d

I

l était à la fois poète, écrivain et his- torien. A 21 ans, il gagne un concours de poésie à l’Académie de Lausanne. A 30 ans, il publie une œuvre monumen- tale sur le canton de Vaud. A 35 ans, il donne aux Vaudois leur plus grand héros.

Bref, Juste Olivier, homme de lettres précoce dont la vie recouvre les trois- quarts du XIXe siècle, n’était pas un écrivain comme un autre.

Sans lui, l’histoire vaudoise – celles des Lettres comme l’histoire tout court – ne serait sans doute pas la même. Qui se souvient pourtant de lui dans le Pays de Vaud? Les habitants du village de Gryon, où l’écrivain vécut la dernière partie de son existence, l’ont célébré en 2007 pour le bicentenaire de sa naissance.

Mais sinon, pour la plupart des Vaudois, son nom n’évoque plus guère qu’une

courte avenue de Lausanne qui plonge abruptement vers le lac.

Une nation en quête de références

Professeur de littérature à l’UNIL, directeur du Centre de recherches sur les lettres romandes, Daniel Maggetti re- donne à Juste Olivier son rôle fondateur dans l’identité de sa région. Au début du XIXe siècle – l’écrivain naît en 1807 – la nation vaudoise doit se doter de nou- velles références culturelles.

Après 300 ans d’occupation bernoise, le pays est enfin libre; il est aussi doté d’institutions démocratiques toutes neu- ves. Mais à cette nouvelle organisation po- litique doit répondre un nouveau ciment spirituel. Le pays a une structure, il lui manque encore une conscience de soi.

Il n’est pas seul dans ce cas : après les bouleversements de la Révolution fran- çaise, toutes les nations européennes se cherchent un nouveau socle spirituel. A l’instar de contemporains comme Jules Michelet en France ou Rodolphe Töpf- fer à Genève, Juste Olivier va endosser le rôle de bâtisseur d’identité pour le Pays vaudois. Selon Daniel Maggetti, il aurait même «inventé» le Canton de Vaud.

Un ouvrage d’histoire colossal

«Toute l’œuvre de Juste Olivier est centrée sur la nécessité de donner corps à l’identité culturelle de sa région», dit le professeur de l’UNIL. Au sein d’une production qui comprend beaucoup de poèmes, Daniel Maggetti met cependant l’accent sur un ouvrage d’histoire qui

DR

Juste Olivier a vécu la dernière partie de sa vie dans ce chalet de Gryon.

Il s’y est établi en 1870 et il y a écrit la fameuse chanson de la Mi-été de Taveyanne

(13)

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 2 SE P T E M B R E 2 0 0 8 1 1

incarne l’ambition «olivienne» de façon spectaculaire.

De 1837 à 1841, alors qu’il est pro- fesseur d’histoire à l’Académie de Lau- sanne (l’ancêtre de l’UNIL), Juste Oli- vier publie un ouvrage colossal qu’il décrit lui-même comme «un monument»

érigé à sa patrie. A vrai dire, il suffit de soupeser l’objet pour s’en faire une pre- mière idée : «Le Canton de Vaud. Sa vie et son histoire» compte plus de 1200 pages qui décrivent le pays vaudois avec une foi et une précision de bénédictin.

«Le pays», «Le peuple»,

«L’histoire»

Publié en deux tomes, le livre est structuré en trois parties: «Le pays», «Le peuple», «L’histoire». Juste Olivier com- mence par décrire la géographie du can-

ton, lové entre un Jura prosaïquement industriel et des Alpes poétiquement pas- torales. Il poursuit avec une description minutieuse des mœurs vaudoises, de l’origine entre vallons et forêts du terme

«vaudois» jusqu’à la danse de la coquille,

«espèce de fandango provençal».

Il s’attarde passablement sur le patois vaudois, cette «masse bouillon- nante» mais déjà en déclin. Et il finit – c’est de loin la partie la plus volumi- neuse – par une longue immersion dans l’histoire de la région, du règne bour- guignon de l’an 500 à la Restauration de 1830, en passant par cette année 1813 où Berne menace de reprendre sa domination.

Patriote, pas idéologue

Il ne faut cependant pas se tromper sur la nature de ce vaste traité : «Juste Olivier n’est pas un idéologue, dit Daniel Maggetti. Bien que son projet soit patrio- tique, l’écrivain ne propose pas une bible de l’identité vaudoise : «Le Canton de Vaud» ne met pas en avant une identité toute faite ou une essence vaudoise qui serait immuable. Juste Olivier n’assène aucune certitude et n’utilise ni emphase ni glorification dans ses descriptions. Il ne met pas en doute l’existence d’un peuple vaudois, mais selon lui, l’identité résulte de la superposition de couches successives qui se constituent avec le temps. Son livre est un portrait complet où la légende, la poésie et les connais- sances scientifiques ne sont pas séparées les unes des autres. Mais son objectif est seulement de faire état de tout ce qui constitue le corps vaudois, y compris de ses éléments contradictoires.»

Le Pays comme un tout

Si Juste Olivier «invente» le Pays de Vaud, c’est donc d’abord en offrant pour la première fois à ses concitoyens une vision globale de leur culture : «Avant ce

© N. Chuard

© UNIL/Archives

Daniel Maggetti est professeur de littérature à l’UNIL et directeur du Centre de recherches sur les lettres romandes

Juste Olivier a été professeur d’histoire à l’Académie de Lausanne (l’ancêtre de l’UNIL).

Entre 1837 et 1841, il a publié

«Le Canton de Vaud. Sa vie et son histoire», un «monument» érigé à sa patrie

(14)

H I S T O I R E

C e t i n c o n n u q u i a i n v e n t é l e C a n t o n d e V a u d

livre, les Vaudois ne connaissaient que des aspects épars de leur région. Juste Olivier a effectué un énorme travail de répertoire. Il a rassemblé un grand nom- bre de sources, des traditions orales aux anciennes chroniques latines et aux re- cueils d’histoire suisse de l’époque.»

Et pour pouvoir décrire l’ensemble du territoire et de ses habitants, il a écumé le canton sur toute sa surface. «Nous avons compté et recompté les montagnes, les bois, les prés, les champs, tout jus- qu’aux buissons et aux pierres. Point de fleur, point d’oiseau que nous n’ayons regardés, admirés et chéris!», dit l’épi- logue du tome II.

L’évocation poétique au pouvoir

Mais la valeur fondatrice de l’œuvre réside autant dans ses qualités littéraires que dans son contenu. «Dans «Le Can-

ton de Vaud», Juste Olivier ne mise pas seulement sur la connaissance objective, mais aussi et surtout sur les pouvoirs de l’évocation poétique», relève Daniel Maggetti. Et comme l’histoire vaudoise offre peu de grands événements fédéra- teurs, «il utilise la moindre trace d’acti- vité humaine pour mettre en récit des anecdotes ou des curiosités qui peuvent déclencher la rêverie».

Les restes d’une tour, quelques vieilles pierres, la découverte d’un mot ancien lancent l’écrivain dans des digressions où le recours au «je» n’est pas rare. Il suf- fit même parfois «d’une fleur blanche ou du passage de la brise sur le lac» pour plonger dans le passé. Ce procédé litté- raire typiquement romantique, où faits et états d’âme se mêlent inextricable- ment, où le paysage conduit à l’histoire, exprime le Pays vaudois comme un ensemble dont les éléments sont indisso-

lublement liés. Il signifie aussi, dit Daniel Maggetti, «que l’identité est une affaire de regard. En cela, Juste Olivier a un caractère très moderne.»

Juste Olivier est exhumé et défendu par Ramuz

Au moment de sa publication, «Le Canton de Vaud» n’a pas connu le suc- cès espéré par son auteur – et de loin.

Ecrit pour les étudiants de l’Académie de Lausanne, le livre est très peu lu au- delà de ce cercle. «Il a été très mal reçu, dit Daniel Maggetti. Il ne correspondait pas assez à l’idée qu’on se faisait de l’his- toire à l’époque. Il était trop nuancé.»

Renvoyé de l’Académie en 1845 par la révolution radicale, exilé ensuite à Paris, Juste Olivier entre dans une longue période d’oubli dont son œuvre et lui ne ressortent que bien après sa mort. En 1898, pour le centenaire de

A sa publication, le livre de Juste Olivier est mal reçu

par le public qui le trouve trop nuancé. Quelques années plus tard, l’historien est encore renvoyé de l’Académie de Lausanne et doit s’exiler à Paris

(15)

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 2 SE P T E M B R E 2 0 0 8 1 3

l’indépendance vaudoise, on met l’écri- vain à l’honneur.

En 1938, la section locale de Zofingue réédite «Le Canton de Vaud» avec une lettre de Ramuz en guise de préface – sans doute, le plus grand moment de gloire d’Olivier à ce jour.

Après avoir fustigé le manque de reconnaissance des Vaudois, l’auteur de

«Derborence», alors au sommet de sa célébrité, hisse son prédécesseur au pan- théon des lettres romandes en disant de lui : «C’est notre classique vaudois, notre seul classique vaudois.» En dépit de cette réhabilitation flamboyante, Juste Olivier retombe dans l’ombre pendant le reste du XXe siècle et jusqu’à récem- ment, où, grâce à Daniel Maggetti, un rai de lumière éclaire à nouveau son visage fervent.

Pierre-Louis Chantre

BCU, Lausanne

Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne. PhotoMCBA, Jean-Claude Ducret

En 1938, Ramuz (photo) tente de réhabiliter le livre de Juste Olivier. «C’est notre seul classique», écrit-il.

Mais cet hommage ne suffit pas à tirer l’historien de l’oubli

«Les Romains passant sous le joug»

par Charles Gleyre, 1858.

Huile sur toile, 240 x 192 cm.

Pour la préparation de cette toile magnifiant le chef gaulois Divico, le peintre Charles Gleyre a demandé une large documentation historique à son ami Juste Olivier

(16)

H I S T O I R E

C e t i n c o n n u q u i a i n v e n t é l e C a n t o n d e V a u d

U

n cerveau dérangé : voilà l’image dont jouit Jean Daniel Abraham Davel en 1840 dans l’esprit de la plupart des notables vaudois. Plus de cent ans après son exécution pour rébellion contre l’occupant bernois, le Major est loin de faire l’unanimité parmi ses compatriotes.

Beaucoup ne voient en lui qu’une figure secondaire, voire surfaite, de l’histoire vaudoise.

Et puis un jour de 1842, Juste Oli- vier publie un portrait du personnage, 150 pages dédiées à l’officier vaudois, à son entrée à Lausanne en 1723 avec 500 hommes, à son procès et à son discours sur l’échafaud. A peine publié, le texte transfigure le personnage. En quelques

années, Davel devient un mythe. On le chante, on le peint, on le met en scène.

La peinture qu’en fait Charles Gleyre en 1850 déplace les foules et bientôt, il n’y aura plus d’autre héros dans le cœur des Vaudois.

Les Bernois ont cherché à étouffer l’affaire Davel

Comment l’historien et poète a-t-il réussi ce tour de force? Directeur des Archives cantonales vaudoises, Gilbert Coutaz a minutieusement étudié la lon- gue marche du Major vers la réhabilita- tion. «En 1723, les Bernois ont tout de suite cherché à étouffer l’affaire Davel.

Au cours de son procès, ils l’ont présenté

comme un simple illuminé. Ils ont ensuite fait couper les trois feuillets du Registre du Conseil de Lausanne dans lequel avait été consigné le manifeste de Davel, soit le cahier de doléances qu’il avait rédigé pour stigmatiser le régime bernois. Il est clair qu’ils craignaient l’émergence et la circulation d’idées défavorables à leur domination.»

Le récit de l’entreprise du Major se répand tout de même très vite dans la population. Bouche à oreille et lettres transmettent l’image d’un homme très digne face à la mort. Mais parmi les notables, personne ne l’évoque. Un silen- ce officiel qui dure jusqu’au départ des Bernois en 1798.

Trop tôt pour réhabiliter Davel

Cette année-là, une porte s’ouvre.

L’Assemblée provisoire du Canton du Léman, qui doit établir les bases de la nouvelle organisation du Pays de Vaud, se cherche des figures de référence. Prin- cipal instigateur de l’indépendance vau- doise, Frédéric-César de La Harpe essaie de hisser Davel au rang de héros : «Le moment n’est cependant pas encore le bon, dit Gilbert Coutaz. Davel suscite encore trop d’indifférence. On évoque son nom, mais il ne s’impose pas comme une figure emblématique. On lui préfère d’autres personnalités proches de la fin des événements du XVIIIe siècle, tels que le général Amédée de La Harpe, le pasteur Jean-Rodolphe Martin ou en- core l’assesseur baillival Fernand- Antoine Rosset.»

Une source inédite

Il faut donc attendre cette période de construction identitaire, qui marque la première moitié du XIXe siècle vaudois,

Comment «l’illuminé» Major Davel est devenu un héros

Si le Major Davel est devenu le plus grand homme vaudois, c’est grâce à Juste Olivier. Direc- teur des Archives cantonales, Gilbert Coutaz montre comment l’écrivain a sorti le rebelle d’un profond purgatoire.

© N. Chuard

Directeur des Archives cantonales vaudoises, Gilbert Coutaz enseigne également l’archivistique à l’UNIL

(17)

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 2 SE P T E M B R E 2 0 0 8 1 5

pour que le climat devienne enfin favo- rable à la célébration du Major. Dans les années 1830, sous l’action des idées libé- rales et des sociétés d’histoire, on com- mence à publier de nombreux documents d’archives.

On lance aussi de nombreuses recherches historiques : «L’année 1837 voit naître la Société d’histoire de la Suisse romande et le premier poste d’ar- chiviste cantonal», relève Gilbert Cou- taz. Dans ce contexte, Juste Olivier uti- lise les instruments susceptibles de donner du poids à son travail. Au mo- ment où il écrit son portrait de Davel, l’histoire du Major a déjà été racontée dans plusieurs périodiques et opuscules;

mais l’écrivain est le premier à se baser sur les actes du procès : «Ce document est resté à Berne pendant très longtemps, dit Gilbert Coutaz. Mais sans que nous en connaissions la date exacte de resti- tution, les autorités bernoises ont fini par le remettre aux Archives cantonales vau- doises. Grâce à cette source inédite, Juste Olivier a pu écrire un texte extrê- mement bien documenté.»

Le héros idéal

L’énorme et soudain succès populaire de Davel tient cependant aussi à d’autres facteurs. D’une part, en continuant de défendre la place du Major jusqu’à la fin de sa vie, Frédéric-César de La Harpe a bien préparé le terrain. D’autre part, dans le portrait de son personnage, Juste Olivier a eu l’intelligence de lui laisser une dimension raisonnable – vaudoise, en quelque sorte : «Il n’en a pas fait un superhéros, dit Gilbert Coutaz. Il en a fait quelqu’un d’ici. Dans la vision de Juste Olivier, Davel est un héros à la dimension de son terroir.»

Le directeur des Archives cantonales note aussi que le Major appartient à une catégorie de personnalités idéalement configurées pour devenir populaires :

«On sait très peu de choses sur le Major Davel; on a conservé de lui quelques traces de son activité de notaire et cinq documents de son initiative de 1723, mais

on ne sait pas véritablement ce qu’il pen- sait. On ne connaît pas non plus son visage : sa tête a été volée après son exé- cution et n’a jamais été retrouvée.»

Avec Juste Olivier, Davel devient un martyr de la liberté

Ce flou rend le personnage propre à toutes les appropriations. Dans son texte, Juste Olivier érige Davel en martyr de la liberté et de la patrie. Charles Gleyre l’a peint en Christ vaudois prêchant la foule. Plus tard, d’autres artistes le repré- sentent en vigneron ou en soldat. Cha- cun peut investir son Davel de qualités idéales.

Que serait cependant tout cela sans la flamme et le style de l’écrivain? Juste Olivier a nourri une passion particuliè- rement forte pour le Major Davel. «Il a

prêté ses traits à la peinture de Charles Gleyre, raconte Gilbert Coutaz. Il a même appelé l’un de ses fils Edouard Davel.»

Et puis il a chanté l’aventure du re- belle avec une verve qui a marqué les mémoires : «Le culte de Davel a connu son apogée en 1923, lors du bicentenaire de sa mort. Ramuz a rédigé un «Hom- mage au Major», et, depuis, on a publié sur le personnage beaucoup de nouvelles études qui dépassent le travail historique de Juste Olivier. Mais son style reste exceptionnel. Certaines de ses phrases sont extraordinaires et de ce point de vue, son travail n’a toujours pas d’égal.»

PLCh.

«Le Major Davel» par Charles Gleyre, 1850. Huile sur toile, 300 x 270 cm.

Oeuvre presqu’entièrement détruite en 1980.

Sur ce tableau, le peintre a donné au Major Davel les traits de son ami Juste Olivier

Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne. PhotoMCBA, Jean-Claude Ducret

(18)

S C I E N C E S

Tout ce que nous

devons à la conquête spatiale

D ans quelques jours, la NASA, l’agence spatiale américaine, célébrera ses cinquante ans. Un demi-siècle qui nous aura valu, outre des images inou- bliables de la Lune, de bénéficier après coup d’innombrables trouvailles scien- tifiques préparées pour les astronautes.

Tour d’horizon de ces bénéfices scienti- fiques quotidiens avec le chercheur de l’UNIL Claude-Alain Roten.

(19)

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 2 SE P T E M B R E 2 0 0 8 1 7

NASA

(20)

S C I E N C E S

T o u t c e q u e n o u s d e v o n s à l a c o n q u ê t e s p a t i a l e

C’

était il y a cinquante ans. Le 1er octobre 1958, la NASA dé- butait ses activités, quelques mois après la signature du National Aeronautics and Space Act. Avec ce texte, le prési- dent américain Eisenhower ordonnait la mise en place de l’agence spatiale états-unienne, et répondait au fameux

«bip-bip» envoyé un an plus tôt par Spoutnik-1.

Ce petit signal avait alors fait grand bruit sur la Terre, en démontrant que les Soviétiques venaient, les premiers, de mettre en orbite un satellite. Une perfor- mance qui lançait la course à l’espace et déclenchait une compétition nimbée de prestige et de stratégie, où, outre les Soviétiques et les Américains, les Euro- péens ont participé dès 1962, bientôt sui- vis par les Japonais, les Chinois et les Indiens.

Des leçons de management

Qu’y a-t-on appris en cinquante ans?

On entend souvent dire que l’aventure spatiale est très onéreuse et qu’elle ne rapporte pas grand-chose. Certes, lan- cer des fusées ou des navettes, mettre en orbite des stations spatiales ou envoyer des astronautes sur la Lune a un prix.

Mais l’ESA (l’Agence spatiale euro- péenne) a coutume de rétorquer que, pour un franc dépensé dans l’espace, trois francs retournent aux industriels du sec- teur et, par là, à l’économie terrestre.

Sans compter les nombreuses retom- bées de l’espace qui sont difficilement chiffrables. L’une des plus importantes, selon Claude-Alain Roten, qui sait de quoi il parle puisqu’il est chef de projet de recherche à l’UNIL et au CHUV, est justement «la démarche de management

de projet». En clair, on se fixe un objec- tif clair et précis, un laps de temps et un certain budget pour le mener à bien; et l’on fonce.

«C’est vraiment un modèle de créati- vité qui est maintenant utilisé par des grandes entreprises.» Un modèle de com- munication aussi, précise le microbiolo- giste, qui rappelle qu’avant de partir sur la Lune, les astronautes des missions Apollo «s’étaient donné pour consigne d’aller serrer la main de tous les employés travaillant sur le site de la NASA, afin de s’assurer que tous allaient donner le meilleur d’eux-mêmes pour préparer les missions».

Sur le plan organisationnel, les acci- dents ont d’ailleurs, eux aussi, eu un cer- tain impact. L’explosion de la navette Challenger a ainsi donné naissance à

«toute une réflexion sur le risque, mais aussi sur la manière de stocker et de dif- fuser l’information en cas de problème».

Sans fusées, pas de téflon ni de titane

Mais, au-delà, la conquête spatiale a toujours été un formidable moteur pour le développement technologique. Dans son livre «A la conquête de l’espace. De Spoutnik à l’homme sur Mars», Jacques Villain souligne que «plus de 100 tech- nologies développées pour la navette spa- tiale ont trouvé des applications civiles».

Et encore le spécialiste français ne men- tionne-t-il que la navette.

Certaines de ces innovations font au- jourd’hui partie de notre quotidien. Tel est notamment le cas du téflon dont on recouvre les poêles; un matériau qui, au départ, «a été conçu pour permettre à des pièces de glisser l’une sur l’autre, sans huile», précise Claude-Alain Roten.

Quant au titane, il était connu de longue date, mais peu utilisé en raison de son coût élevé. Son emploi par l’industrie spatiale a favorisé son essor et il est aujourd’hui fréquemment employé pour fabriquer des alliages légers et résistants.

© N. Chuard

Claude-Alain Roten est microbiologiste à l’UNIL et au CHUV. Il est encore le président fondateur

de la section suisse de la Mars Society

(21)

C'est le président Eisenhower

qui a donné naissance à la NASA en 1958, mais c'est J.F. Kennedy (ici à droite, avec le sulfureux Wernher von Braun, au centre)

qui a contribué à sa légende en prononçant en 1962 le fameux «We choose to go to the Moon»

NASA

NASA

NASA

Le 11 octobre 1968, une fusée Saturne emportant la mission Apollo VII décollait. C'était la première mission

spatiale habitée du programme. Ce sera aussi le troisième anniversaire célébré cet automne

par la NASA

Le 29 septembre prochain,

la NASA célébrera les 20 ans du lancement de la première navette spatiale Discovery.

Le premier des trois anniversaires de cette fin d’année

(22)

S C I E N C E S

T o u t c e q u e n o u s d e v o n s à l a c o n q u ê t e s p a t i a l e

Nous leur devons la démocratisation des couches-culottes

Plus surprenant encore : si la NASA n’a pas à proprement parler inventé les couches-culottes jetables, elle a large- ment contribué à leur amélioration et à leur démocratisation. Tout a sans doute commencé avec Alan Shepard, le premier Américain envoyé dans l’espace dans le cadre du programme Mercury.

La mission ne devait durer qu’une quinzaine de minutes, mais des pro- blèmes techniques ont retardé son lan- cement et l’astronaute a été pris d’un besoin pressant. Ses collègues lui ont conseillé de se soulager dans son sca- phandre, mais ils ont dû couper le cou- rant pour éviter les risques de court-cir- cuit, ce qui a retardé encore le départ.

«A l’époque, il n’y avait pas de facili- tés à bord», commente le microbiologiste de l’UNIL. Aujourd’hui, les navettes en sont pourvues, ce qui n’empêche pas la NASA de mettre des couches-culottes à la disposition de ses astronautes qui, par- fois, sont trop occupés ou dans des situa- tions telles qu’ils ne peuvent pas se rendre aux toilettes.

Miniaturisation et jeux électroniques

Dans de nombreux domaines, l’espace est «un superbe banc d’essai», souligne Claude-Alain Roten. Toutefois, contrai- rement à ce que l’on pourrait croire, la conception des processeurs n’en a pas vraiment bénéficié. Dans l’espace en effet, les conditions sont hostiles, notam- ment du fait des bouffées de rayonne- ment solaire qui mettent le matériel à rude épreuve, alors même qu’il est très difficile de réparer une pièce endomma- gée. «On préfère donc utiliser des com- posants plutôt désuets, mais dont la robustesse a été éprouvée.»

En revanche, la nécessaire miniaturi- sation de tout le matériel embarqué a

bénéficié à l’informatique grand public.

«Quand les astronautes de la mission Apollo se sont posés sur la Lune, l’ordi- nateur qui gérait la descente du module lunaire ressemblait aux toutes premières calculatrices programmables, qui sont arrivées dans le commerce quelques années plus tard», raconte Claude-Alain Roten. D’ailleurs, «l’un des tout premiers jeux électroniques à programmer manu- ellement disponibles sur les premières calculatrices Hewlett-Packard était ins- piré de la descente lunaire : il fallait injec- ter, à un moment précis, du carburant pour se poser virtuellement en douceur».

Electrocardiogrammes et scanners

Lorsque les stations américaine Sky- lab, soviétique MIR et internationale ISS

furent construites, les agences spatiales promettaient l’installation de véritables usines en orbite qui, tirant parti de l’ape- santeur, fabriqueraient des produits ré- volutionnaires. Cela ne s’est en fait jamais réalisé, «car il est toujours beaucoup plus simple et plus rentable de produire sur la Terre», souligne Claude-Alain Roten.

Autant dire que nul médicament miracle n’a été concocté dans l’espace.

Cela ne signifie pas pour autant que la médecine n’a pas tiré quelques béné- fices de la conquête spatiale. Ainsi le Hol- ter, cet appareil développé par la NASA pour enregistrer en continu l’électrocar- diogramme des astronautes, équipe au- jourd’hui de nombreux cabinets et ser- vices hospitaliers de cardiologie. Des scanners portables pour évaluer la qua- lité osseuse des spationautes durant les

NASA

L'astronaute Alan Shepard, en 1959, dans son costume prévu pour

les missions Mercury. Le besoin pressant qu'il a ressenti dans cette tenue a probablement accéléré le développement des couches-culottes!

(23)

On a marché sur la Lune.

Une image qui remonte à 1969, durant la mission Apollo XI

NASA

(24)

missions de longue durée (en apesanteur, les os se décalcifient, à moins de faire des exercices réguliers), servent maintenant sur la Terre pour suivre la déminéralisa- tion des os.

L’émergence de la télémédecine

Ce ne sont là que quelques exemples parmi bien d’autres. Toutefois, pour le microbiologiste du CHUV, la retombée la plus importante de l’exploration spa- tiale dans ce domaine concerne la télé- médecine. Les technologies ont été déve- loppées afin de pouvoir pratiquer des diagnostics et offrir de l’assistance et des

traitements à distance aux astronautes durant leurs missions.

Elles se sont avérées «très utiles sur la Terre, par exemple lorsque des explo- rateurs sont isolés en Antarctique». La télémédecine est en plein essor; son em- ploi devrait se généraliser et profiter à tous ceux qui se trouvent dans des endroits isolés.

Espions en orbite

Qui dit espace dit bien évidemment satellites. A commencer par les engins militaires. Les grandes puissances dispo- sent de toute une flottille de satellites – de reconnaissance, d’alerte, d’intercep-

tion ou d’écoute – qui sont de véritables espions en orbite.

Ce n’est en fait qu’un juste retour des choses, puisque la première vraie fusée balistique, la V2 mise au point par l’in- génieur allemand Wernher von Braun pendant la Deuxième Guerre mondiale, a servi de base à la conception des fusées modernes.

Ce sont d’ailleurs aussi des motifs géostratégiques qui ont, au départ, servi de moteur à la course à l’espace. «Der- rière les programmes lunaires, il y avait une énorme compétition militaire, rap- pelle Claude-Alain Roten. Les Améri- cains craignaient que les Soviétiques ins-

S C I E N C E S

T o u t c e q u e n o u s d e v o n s à l a c o n q u ê t e s p a t i a l e

NASA

La NASA a construit deux satellites Echo (ici ECHO 2)

dans le cadre de la première expérimentation de satellites de communication.

Chaque engin était un satellite ballon passif, dont la surface était métallisée pour permettre la réflexion des ondes hertziennes

Références

Documents relatifs

Ce que nous vivons en cette période est l'occasion de faire le point sur notre maturation dans l'humanité, une invitation à accepter notre limite personnelle jusqu’à

Pouvait-on mettre sur la place publique le colloque singulier (c’est comme cela que parlent les médecins) en diffusant ce film sur Arte ? Certains médecins sont morts pendant la

- écoute, conseil et aide concrète aux ressortissants ou leurs aidants pour bien vieillir à domicile (de la mise en place de service à la personne à la recherche

Voici une sélection de documentaires, de magazines, d’émissions de télévision, de radio et d’articles de presse utiles à l’éducation au développement durable et à

'«WDLOVGHVDJUªVEDODQ©RLUH WUDSª]HSODWHIRUPHVHQERLV (hauteur 1,20 m et 0,90 m) avec JDUGHFRUSVHQERLVWRERJJDQ FPYHQGXV«SDU«PHQWYHUWRX bleu avec 220 cm de glisse, 1 mur d’escalade,

Néanmoins, si vous souhaitez découvrir la ville au-delà de son centre historique tout suivant une narration amène de l’histoire de Cordoue, nous vous conseillons de monter à bord

Proposer un protocole pour déterminer sous quelle forme on trouve le principe actif dans le sachet?. Faire l’expérience après accord

Le preneur devra être inscrit au Registre du Commerce et des Sociétés (extrait K bis) ; il devra être en règle avec la législation en vigueur, notamment avoir satisfait à