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LYCÉE
CHATEAUBRIAND – RENNES
Histoire contemporaine tronc commun – Khâgne Lyon Année 2017-2018
Cette année le programme de tronc commun d’histoire de la Banque d’Epreuves Littéraires est intitulé : « Les Etats-Unis et le monde, de la doctrine de Monroe à la création de l’ONU (1823-1945) ».
On trouvera infra le texte de cadrage du programme, fourni par la direction de l’ENS Lyon.
Lectures recommandées
Pour l’histoire tronc commun comme pour les autres disciplines enseignées en khâgne, le rythme de travail est très dense, et certaines lectures sont indispensables. Mieux vaut donc commencer l’année reposé. Les semaines qui précèdent la rentrée sont cependant l’occasion de prendre contact avec la période au programme, afin de la baliser dans ses grandes lignes et d’en mesurer les enjeux. Un ouvrage qui a fait ses preuves est tout indiqué pour une mise en fiches succincte (inutile de se noyer dans les dates et les chiffres, c’est le mouvement de la pensée de l’auteur qui compte) :
NOUAILHAT (Yves-Henri), Les Etats-Unis et le monde de 1898 à nos jours, rééd., Paris, Armand Colin, coll. U, 2015. ISBN 978-2-200-61197- 2. Prix : 33€.
NB : ce livre va être disponible durant le courant de l’été 2017.
Les premières évaluations sur le programme étant prévues assez tôt dans l’année, le contenu de l’ouvrage sera considéré comme connu à la rentrée.
D’autres indications de lecture seront communiquées en septembre.
Bonnes vacances à tous.
Amaury CHAUOU amaury.chauou@gmail.com
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TEXTE DE CADRAGE
Les Etats-Unis et le monde (1823-1945)
De la « doctrine de Monroe » (1823), qui affirme, en contrepartie de la neutralité américaine dans les affaires européennes, le refus de toute intervention européenne sur le continent américain, aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale (1945), l'attitude des États-‐Unis et des Américains à l'égard du monde extérieur est classiquement décrite comme un balancement entre isolationnisme et interventionnisme, ouverture et repli. La nouvelle grande puissance américaine a cependant assumé ses responsabilités dans les deux guerres mondiales et dans la construction d'un ordre mondial, incarné par l'ONU après l'échec de la SDN, tandis que, pendant toute la période, des migrations massives venant d'Europe et d'Asie, et dans une moindre mesure d'Amérique latine, alimentaient la montée en puissance de l'économie américaine et substituaient à la représentation d'une nation fondamentalement anglo-‐saxonne et protestante, la réalité d'une population multiculturelle et multiraciale — héritée pour partie de l'esclavage — mettant à l'épreuve l'image du melting-‐pot.
Au XIXe siècle, l'expansion continentale des États-‐Unis, justifiée par l'idée d'une
« destinée manifeste », se fait au détriment du Mexique, des possessions britanniques et des populations amérindiennes. Dès les années 1840 cependant, l'immigration irlandaise et allemande déclenche des phénomènes de nativisme (Know Nothing) et de rejet des étrangers, qui s'intensifient avec l'arrivée dans les années 1880-‐1910 d'autres ruraux pauvres et peu qualifiés, Italiens, Slaves et Scandinaves fuyant la misère pour trouver du travail dans les métropoles industrielles des États-‐Unis.
Assimilationnistes et nativistes désireux de fermer les frontières (Chinese Exclusion Act, 1882) s'affrontent sur les politiques migratoires. La diffusion des thèses racistes dans la population atteint des sommets autour de la Première Guerre mondiale. La montée d'une vision hiérarchisée des peuples se manifeste aussi à l'extérieur.
L'internationalisme égalitaire de la doctrine de Monroe a perdu du terrain face à des impérialistes américains persuadés de devoir porter le « fardeau de l'homme blanc ».
La guerre de 1898 et la victoire sur l'Espagne marquent le basculement des États-‐Unis dans l'impérialisme, qu'on a aussi pu interpréter comme une conséquence de la fin de la Frontière (1890). C'est en tout cas une rupture avec l'hostilité de principe au colonialisme, aussi dangereux pour les valeurs américaines que moralement condamnable. Le corollaire de Théodore Roosevelt à la doctrine de Monroe affirme la vocation de cette puissance émergente à dominer et contrôler le continent américain.
L'annexion des Philippines les introduit dans le jeu des puissances européennes en
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Chine, au nom de la doctrine de la « porte ouverte », appliquée dès 1854 au Japon, tandis que la mise sous tutelle de Cuba et la prise en charge du canal de Panama symbolisent le poids croissant des États-‐Unis en Amérique centrale. Le développement du tournant des XIXe et XXe siècles fait déjà des États-‐Unis la première économie du monde.
L'intervention tardive dans la Première Guerre mondiale confère aux États-‐Unis un rôle nouveau de puissance d'autant plus dominante que l'Europe est diminuée et endettée. Le grand remplacement des capitaux britanniques par des capitaux américains en Amérique latine ouvre un siècle de domination du sous-‐continent par son puissant voisin du Nord. Les propositions du Président Wilson inspirent le règlement de la paix et font émerger une première forme d'ordre international, mais l'intervention dans la guerre civile russe marque aussi un premier pas vers le statut de gendarme du monde, garant de l'ordre capitaliste. Le désastre de la Première Guerre mondiale a cependant provoqué une méfiance profonde à l'égard de tout engagement extérieur, en particulier avec l'Europe, et l'aventure tourne court. Les États-‐Unis prospères des années 1920 s'engagent tout de même dans le règlement de la question financière (dettes alliées, réparations allemandes), poursuivent une diplomatie du désarmement et de la paix (Pacte Briand-‐Kellog) et étendent leur influence culturelle (Hollywood et le début du soft power), ce qui nuance l'idée d'un repli isolationniste, illustré par le rejet de la SDN et par la politique des quotas contre les immigrants jugés inassimilables, qu'ils soient asiatiques, catholiques ou communistes. Les intrusions dans le pré carré latino-‐américain se multiplient, particulièrement au Mexique et en Amérique centrale, et les États-‐Unis manifestent un intérêt grandissant pour la Chine et la zone Pacifique. L'expansionnisme économique se développe, à travers l'action des grandes compagnies américaines en Amérique latine et au Moyen-‐Orient, et aussi le prestige nouveau des « experts » américains, tayloristes et fordistes. Enfin, la montée en puissance de Hollywood marque le début de l'expansion culturelle et du soft power.
L'isolationnisme politique se prolonge en apparence à l'époque de la Grande Dépression et du New Deal, mais l'échec évident du modèle américain des années 1920 suscite un intérêt nouveau pour les expériences politiques et sociales européennes de la part des hommes de Roosevelt (tentatives planistes ou corporatistes). L'isolationnisme, encore majoritaire dans la population (Comité Nye), s'effrite avec la montée des périls en Europe qui conduit à vendre des armes à la Grande-‐Bretagne et à la France, puis, après Pearl Harbor, laisse place à l'aide économique et matérielle aux alliés anglais et russes et à l'engagement militaire. La guerre apporte une révolution dans la mentalité américaine face au monde. Des millions de soldats sont venus au contact de sociétés étrangères sur quatre continents, et l'idée d'un nécessaire leadership mondial américain s'impose après-‐guerre. Le rejet des immigrants reste réel, mais les nécessités de la mobilisation l'emportent, induisant
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pour la première fois des flux d'immigration importants en provenance d'Amérique latine. C'est aussi pendant la guerre que le souci, latent depuis les années 1920, de combattre la subversion communiste prend un caractère international. Enfin, la guerre induit des phénomènes de rejet et de repli (internement des Japonais), mais aussi d'ouverture (internationalisation des Universités, solidarité avec les pays alliés) qui porte à un point de perfection industrielle la production culturelle de propagande, et annonce l'usage systématique du soft power après 1945. Dans l'immédiat après-‐
guerre, l'Amérique porte la création de l'Organisation des Nations Unies, et met son écrasante domination économique au service de la reconstruction. Mais 1945 est la dernière année du rêve d'un condominium pacifique États-‐Unis-‐URSS, avec une Europe libre de l'influence allemande (plan Morgenthau). Le triomphe de 1945 et l'emploi de la bombe atomique marquent également la fin du complexe d'infériorité culturel et scientifique des élites américaines à l'égard de l'Europe, et l'affirmation de la suprématie économique mondiale du pays.
On s'attachera à cerner et interroger les catégories — isolationnisme et interventionnisme, mais aussi nativisme et américanisation, subversion étrangère et melting pot, égalitarisme anticolonialiste et white supremacy — et à examiner les expériences historiques à travers lesquelles les Américains ont construit leur perception de la spécificité de leur nation et de son rapport au monde, à en inventorier les fondements culturels et les usages politiques, et à en pointer les ambiguïtés, les limites et les évolutions. On mettra l'accent sur le cadre politique, démographique et économique de la question, sur les orientations de la diplomatie, sur les dimensions économiques, financières et culturelles de la puissance américaine, sur les objectifs, les moyens et les limites des politiques migratoires, ainsi que sur les questions stratégiques, mais on n'entrera pas dans le détail des opérations de guerre ni dans celui de la vie politique intérieure.