L E G I S L A T I O N
L a Concession hydraulique, donnée en conformité de la Loi d u 16 octobre 1919, est une concession de travaux publics
par P a u l BOUGAULT, avocat1 à la Cour d'appel de Lyon.
D ' u n arrêt qui paraît résoudre une simple difficulté de procédure (question d u tribunal compétent pour apprécier les dommages apportés à une propriété privée par un abatage intempestif des arbres), notre collaborateur Paul Bougault déduit des règles précises : au point de vue des principes juridiques la définition exacte de la concession dite « hydraulique » est importante; elle a des réper- cussions nombreuses sur les décisions à prendre dans la pratique (1).
Faits ayant donné lieu au procès. — L a Société Hydroélec- trique et Métallurgique d u Palais nantie d'un décret e n date d u 2 8 juin 1 9 2 3 (voir Bulletin de la Chambre Syndicale des Forces Hydrauliques, a n n é e 1923, N ° 440), pour la constitution d'une chute sur le Taurion (puissance n o r m a l e disponible 5.500 kilo- watts environ) était d a n s l'obligation d e pénétrer d a n s la pro- priété des é p o u x d e Sigalas, pour faire tous t r a v a u x d'études et d e mensuration. A cette fin, elle obtint u n arrêté d u préfet d e la H a u t e - V i e n n e e n date d u 2 2 août 1923 : tout ce qui est pénétration d a n s les propriétés privées p o u r les travaux d'études, d e mensuration et d e nivellement nécessaires à l'établissement des chutes concédées, était régi à ce m o m e n t p a r le décret d u Président d e la R é p u b l i q u e d u 2 0 janvier 1923 (2) ; il p e r m e t a u d e m a n d e u r e n concession d e procéder chez les tiers à tous t r a v a u x d e nivellement, d'études et d e mensuration, à la condition d'obtenir u n arrêté préfectoral ; le d e m a n d e u r doit seulement exécuter toutes les prescriptions d e l'article premier d e la loi d u 2 9 d é c e m b r e 1892, bien c o n n u e d a n s le m o n d e des entrepre- neurs sous ce titre : « L o i d e l'occupation temporaire ». Il n o u s suffira d'extraire d e cet article premier les phrases suivantes, pour faire connaître les prescriptions auxquelles la Société concessionnaire était tenue d e se conformer : « L'arrêté qui
« autorise la pénétration, doit être affiché à la mairie d e la
« c o m m u n e et présenté à toute réquisition L a pénétration
« des agents n e peut avoir lieu q u e cinq jours après la notification
« d e l'arrêté a u propriétaire o u a u gardien.... Il n e p e u t être
« abattu d'arbres fruitiers, d'ornement o u d e haute futaie a v a n t
« qu'un accord soit intervenu o u qu'il ait été procédé à u n e
« constatation contradictoire destinée à fournir des éléments
« nécessaires p o u r l'évaluation des d o m m a g e s A la fin d e
« l'opération, tout d o m m a g e causé par les études est réglé entre
« le propriétaire et l'Administration dans les formes indiquées
« par la loi du 22 juillet 1SS9. »
Si l'on se rappelle q u e cette dernière loi a organisé la procédure (1) Cet arrêt d u 2 2 juin 1928 a été publié a u 8e cahier de Dalloz 1928, 3e partie, page 48, avec les conclusions de M . Josse, Commissaire d u G o u v e r n e m e n t et u n e note de M . Pépy.
(2) Voir le texte d e ce décret a u Bulletin de la Chambre Syndi- cale des Forces Hydrauliques, année 1923, N ° 396 ; il a été r e m - placé par u n autre décret d u 2 0 décembre 1926 (voir ibidem N ° 767, année 1927).
d e v a n t les Conseils d e Préfecture, o n c o m p r e n d r a facilement q u e l'appréciation d e tous les d o m m a g e s occasionnés o u allégués en raison des travaux exécutés, p o u r études, nivellements, mensurations, soit attribuée à la juridiction administrative.
Il est n o n m o i n s facile d e c o m p r e n d r e ce qui est arrivé dans la suite : c'est l'événement classique ; les propriétaires prétendirent q u e les agents d e la Société saccageaient leurs arbres et q u e l'abatage avait e u lieu sans constat préalable. L e 2 0 octobre 1923, ils faisaient défense à la Société d e continuer ses opéra- tions ; le 21 n o v e m b r e suivant*, ils l'assignaient e n réparation d e v a n t le Conseil d e Préfecture de la H a u t e - V i e n n e ; le 2 6 d é c e m - bre, le Conseil n o m m a i t des experts p o u r évaluer le d o m m a g e , et leur enjoignait d e faire connaître si la défense signifiée par les é p o u x d e Sigalas à la Société lui avait causé u n préjudice e n l'obligeant à suspendre ses travaux. L e rapport des experts conclut à 3.475 francs p o u r d o m m a g e s a u x é p o u x d e Sigalas résultant d e l'abatage des arbres et à 100.000 francs p o u r d o m - m a g e s résultant p o u r la Société de la suspension d e ses opérations.
L e Conseil d e Préfecture rendait le 1 4 avril 1925 u n arrêté défi- nitif allouant a u x propriétaires 3.475 francs d'indemnité à raison des arbres abattus, m a i s les c o n d a m n a n t à 15.000 francs p o u r l'arrêt intempestif d o n t ils étaient la cause (avec d e u x tiers des dépens et les frais d e l'expertise à leur charge). U n appel a u Conseil d'Etat fut i m m é d i a t e m e n t interjeté p a r les é p o u x d e Sigalas.
U n e " première question d e procédure se présentait d e v a n t le Conseil qui l'a écartée, puisqu'il n'en a m ê m e p a s parlé : la Société avait-elle réellement fait u n e d e m a n d e (principale o u recQnventionnelle) p o u r obtenir des dommages-intérêts, d a n s cette instance où. elle figurait c o m m e- défenderesse, a y a n t été assignée e n p a i e m e n t d e d o m m a g e s p o u r arbres abattus ? E t le motif d u rejet est très simple : e n supposant la procédure établie avec la plus parfaite régularité, la partie d u procès rela- tive à la d e m a n d e d e la Société, n e pouvait être jugée p a r le Conseil d e Préfecture ; opposer u n obstacle à l'exécution d'une prescription administrative, m ê m e q u a n d cet obstacle est m é - c h a m m e n t et i n d û m e n t organisé, ce n'est p a s faire naître u n débat qui rentre d a n s le cadre des t r a v a u x publics ; il n e faut pas confondre u n fait c o m m i s p a r u n e personne contre u n e autre (acte d o n t l'interprétation et les conséquences seront soumises à la Juridiction judiciaire) avec u n e question relative à l'empla-
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c e m e n l o u à l'entretien d'un ouvrage « public » d o n t le conten- tieux est dévolu à la Juridiction administrative (1).
L a solution donnée par le Conseil d'Etat entraîne la définition de la concession hydraulique. — M a i s la question b e a u c o u p plus grave était la suivante : le Conseil d e Préfecture était-il c o m p é - tent, m ê m e pour juger le différend soulevé par les é p o u x d e Sigalas sur la question d e leurs arbres, et d u d o m m a g e dont ils se plaignaient ?
L e s personnes p e u renseignées sur la rigueur des principes administratifs, s'étonneront peut-être d'une pareille question : le décret d u 2 0 janvier 1923 qui a permis a u Préfet d e prendre u n arrêté d'autorisation, pour faciliter les mesures d e nivellement et d e mensuration, n e renvoie-t-il pas à la loi d u 2 9 d é c e m b r e 1892, laquelle prévoit expressément la c o m p é t e n c e d e la Juri- diction administrative ? C o m m e n t d o n c discuter l'attribution d u litige à cette Juridiction ?
O n n e saurait toutefois perdre d e v u e q u e si u n décret peut statuer sur toutes les formalités à accomplir, il n e peut, sur la question d e compétence, m ê m e e n r e n v o y a n t à u n e loi, troubler l'ordre qui est établi par le principe d e la séparation des p o u - voirs : le Conseil d e Préfecture n e peut connaître q u e des d o m - m a g e s causés p a r les travaux publics ; d'où il ressort q u e la difficulté se synthétise d e la façon suivante : la concession donnée en la forme prévue par la loi du 16 octobre 1919 est-elle une conces- sion de travaux publics ?
Si l'on consulte les travaux, préparatoires, o n voit q u e les rédacteurs d e la loi nouvelle se sont toujours inspirés d e la législation minière ; o n sait q u e pour statuer sur les conflits qui, en matière d e mines, surgissent entre le concessionnaire et les propriétaires dont il occupe les terrains, le tribunal civil est c o m p é - tent ; or, d'après l'article 4 d e la loi d u 16 octobre, la m ê m e juridiction connaîtra des questions d'indemnité entre les pro- priétaires et le concessionnaire, et m ê m e d e la fixation d u prix d'acquisition si l'occupation doit dépasser la durée prévue a u cahier des charges ; et cette disposition rappelle étrangement l'article 4 3 de la loi d u 21 avril 1810, modifié par la loi d u 2 7 juil- let 1880, ainsi conçu : « L e concessionnaire peut être autorisé par arrêté préfectoral pris après q u e les propriétaires auront^ été
« m i s à m ê m e d e présenter leurs observations, à occuper d a n s le
« périmètre d e sa concession, les terrains nécessaires à l'exploita-
(1) Il paraît que les obstacles élevés par les propriétaires à rencontre des occupations temporaires, sont fréquents ; mais la jurisprudence du Conseil d'Etat est constante : il ne veut point que ces obstacles soient jugés par la Conseil de Préfecture : on peut consulter l'arrêt du 26 février 1913 (Recueil du Conseil d'Etat, page 273, affaire Gallard) sur l'obstruction apportée par le propriétaire d'une carrière à l'utilisation de celle-ci par u n entrepreneur chargé de l'empierrement d'une route. E t une d e m a n d e reconventionnelle ne peut pas avoir pour effet de rendre compétente une juridiction qui, à raison m ê m e de la nature des débats, ne peut pas en connaître. Ainsi le Conseil d'Etat, statuant sur une faute de service commise par un agent de l'administration militaire, peut parfaitement statuer à la d e m a n d e d'un particu- lier sur les conséquences de cette faute et admettre une responsa- bilité partagée entre l'agent de l'Etat et le particulier propriétaire d'une automobile qui a été e n d o m m a g é e (affaire Morel ; arrêt du Conseil d'Etat du 12 avril 1924 ; rendu au sujet d'une décision du ministre qui rejetait toute responsabilité de la part de l'Etat ; Recueil du Conseil d'Etat, page 412). Mais, le Conseil d'Etat ne peut pas statuer sur le recours de l'Etat contre un particulier qui a e n d o m m a g é une automobile appartenant à l'Etat : arrêt du 23 jan- vier 1924 (affaire Société L a Providence, Recueil du Conseil
d'Etat, page 80). E n d'autres termes, on ne peut, par la voie de la
« reconvention », demander à u n tribunal de statuer sur u n litige qui, par voie principale, ne saurait lui être soumis, à raison de son incompétence pour le juger.
« lion de sa m i n e , ...Si les travaux entrepris par le concessionnaire
« o u par u n explorateur, m u n i d u permis de recherche n e sont q u e
« passagers, et si le sol o û ils ont e u lieu, peut être m i s e n culture
« a u b o u t d'un a n , c o m m e il l'était auparavant, l'indemnité
« sera réglée à u n e s o m m e double d u produit net d u terrain
« e n d o m m a g é . L o r s q u e l'occupation ainsi faite prive le pro- ie priéfaire d e la jouissance d u sol p e n d a n t plus d'une a n n é e ,
« o u lorsqu'après l'exécution des t r a v a u x les terrains occupés
« n e sont plus propres à la culture, les propriétaires p e u v e n t
« exiger d u concessionnaire o u d e l'explorateur, l'acquisition
« d u sol.. Les contestations relatives aux indemnités réclamées
« par les propriétaires du sol aux concessionnaires de mines, • en
« vertu du présent article, seront soumises aux Tribunaux civils. » O n c o m p r e n d dès lors, c o m b i e n il était tentant p o u r les é p o u x de Sigalas d e soutenir l'incompétence d u Tribunal administratif bien qu'ils l'eussent e u x - m ê m e s saisi, m a i s ils croyaient q u e , p o u r se déclarer incompétente sur la question d u p a i e m e n t auquel ils avaient été personnellement c o n d a m n é s , la juridiction administrative devait préalablement se déclarer incompétente sur la d e m a n d e principale, c'est-à-dire sur leur propre d e m a n d e .
L'arrêt dont o n lira ci-dessous le texte a tranché la question d e la façon suivante :
1° L'article 4 d e la loi d u 16 octobre 1919 qui attribue à la Juridiction civile la c o m p é t e n c e nécessaire p o u r fixer les i n d e m - nités dues a u x propriétaires d o n t les terrains seront grevés des servitudes énoncées à cet article, a u n caractère exception- nel : o n n e doit pas le faire sortir d u cadre p o u r lequel il a été strictement créé.
2° Mais, cette disposition exceptionnelle n ' e m p ê c h e p a s q u e la concession hydraulique soit u n e concession d e t r a v a u x p u - blics, avec toutes les conséquences q u e c o m p o r t e ce principe, d o n t la principale est la suivante : les d o m m a g e s occasionnés par les ouvrages placés par le concessionnaire, seront déférés a u Conseil d e Préfecture.
Il n o u s reste à expliquer d a n s quels principes cette décision a été puisée.
Considérations contenues dans l'arrêt du Conseil d'Etat. -—
L e Conseil réunit e n u n e seule phrase, différents caractères d e ja concession hydraulique d o n n é e e n vertu d e la loi nouvelle.
1° L a loi déclare q u e tous les ouvrages établis par le conces- sionnaire feront retour à l'Etat à l'expiration d e la concession.
E n d'autres termes, les ouvrages dès qu'ils sont placés p a r le concessionnaire appartiennent à l'Etat qui e n aura la jouissance q u a n d la date prévue a u cahier des charges sera arrivée.
2° L a loi crée a u profit et à la charge d u concessionnaire, u n s y s t è m e d e droits et obligations destinés à assurer, d a n s le présent et dans l'avenir, le meilleur emploi d e la richesse natu- relle des cours d'eau d o n t la puissance publique concède l'usage e n v u e d e pourvoir a u x besoins d e la collectivité.
3° L a loi dispose q u e le concessionnaire devra constituer des réserves e n force et e n e a u qui seront tenues par lui à la dispo- sition des services publics, selon les conditions inscrites a u cahier des charges p o u r leur utilisation.
4 ° Elle prévoit e n outre q u e des tarifs m a x i m a seront arrêtés tant p o u r lesdites réserves q u e p o u r les ventes d'énergie a u public, s'il y a lieu.
. E t l'arrêt ajoute : « D e l'ensemble de ces dispositions, il résulte
« q u e les travaux d u concessionnaire ont le caractère d e t r a v a u x
« publics, et que, p a r suite, les actions afférentes a u x d o m m a g e s
« qu'ils peuvent occasionner, n e relèvent e n principe q u e d u
« Conseil d e Préfecture. »
Si toutes les concessions données par décret rentraient dans le cadre défini par ce q u e l'on vient d e lire, en ce qui concerne la question des réserves et d u tarif m a x i m u m , n o u s croyons q u e la décision d e la H a u t e Juridiction n e trouverait q u e des appro- bations. O n peut m ê m e dire q u e ce texte s'applique parfaitement a u x concessions relatives à certaines usines hydrauliques des- tinées à alimenter le public en courant électrique, soit à fournir ce courant à des entreprises d e distribution. Elles ressemblent alors à u n e concession bien antérieure à la loi elle-même, conces- sion d o n n é e par décret d u 2 5 octobre 1914, avec déclaration d'utilité publique à la Société des G r a n d s T r a v a u x d e Marseille et qui avait pour b u t unique d e vendre d e l'énergie a u public (article 15) avec obligation stricte d e fournir le courant qui lui serait d e m a n d é (art. 17).
A plus forte raison, les caractères analysés p a r le Conseil d'Etat s'appliquent encore m i e u x à la concession obtenue par- la Société Energie Electrique d u Littoral Méditerranéen, conces- sion dite d e Sainte-Tulle accordée par le décret d u 8 octobre 1 9 2 0 (voir Bulletin de la Chambre Syndicale des Forces Hydrau- liques, N ° 312, 1920). Il est bien évident qu'une Société qui est d a n s toute u n e région, distributrice d e courant électrique, n e le produit p a s p o u r u n e autre raison q u e celle d'en faire la distri- bution. Ainsi q u e le r e m a r q u e M . Josse d a n s ses conclusions, l'arrêt d u Conseil d'Etat d u 8 m a i 1 9 2 4 (qui a i m p o s é à la pa- tente des entrepreneurs d e travaux publics la Société des G r a n d s T r a v a u x d e Marseille pour la construction d u barrage d e B e a u - m o n t - M o n t e u x ) et celui d u 5 août 1925 (qui a déclaré le Conseil de Préfecture c o m p é t e n t p o u r statuer sur l'assèchement des puits d e divers particuliers à la suite d e la construction d u barrage d e Sainte-Tulle) se c o m p r e n n e n t admirablement. (Voir Dalloz 1926.3.69,)
M a i s la concession soumise a u Conseil d'Etat, d o n n é e à U n e société métallurgique était à peine relative à u n e fourniture d e courant ; n o u s trouvons e n effet dans l'article premier d u cahier des charges le texte suivant : « L'entreprise a p o u r objet prin-
« cipal . la fourniture d e l'énergie à des établissements industriels
« (électrochimie et électrométallurgie) exploités p a r le conces-
« sionnaire, principalement d a n s le d é p a r t e m e n t d e la H a u t e - ce V i e n n e ; et éventuellement, d a n s la limite des disponibilités
« laissées par l'industrie sus-visée, la vente d e l'énergie a u p u -
« blic. » L e Commissaire d u G o u v e r n e m e n t a très nettement aperçu la difficulté et la grande complication à laquelle il allait aboutir s'il d e m a n d a i t a u Conseil d'Etat d e considérer c o m m e concessions d e travaux publics, les seules concessions qui seraient données p o u r alimenter des services publics.
E t p o u r arriver à la simplification q u e d o n n e toujours u n e parfaite unification, il se rattache à cette idée q u e l'article 21 d u cahier des charges prévoit, dès l'origine, u n e réserve e n force d e 5 0 0 kilowatts a u profit des services publics et des collec- tivités administratives. Mais, il est regrettable qu'il n e se soit pas m i s résolument en présence d e certaines concessions d a n s lesquelles o n n e trouverait ni conditions imposées pour la vente a u public, ni m ê m e u n e obligation d e maintenir des réserves à la disposition des collectivités. P a r exemple, dans le décret d u 8 m a r s 1928 (Bulletin de la Chambre Syndicale des Forces hydrau- liques, avril 1928, N ° 885), o n lit la concession d'une chute sur l'Ariègc, a u lieu dit d e Luzenac, concédée à la Société des Talcs d e L u z e n a c d a n s laquelle o n chercherait v a i n e m e n t , m ê m e l'éventualité d'une distribution et, à plus forte raison, u n tarif quelconque. L'article Ie r d u cahier des charges stipule seule- m e n t : « L'entreprise a p o u r objet principal l'alimentation e n
« énergie m é c a n i q u e et électrique des établissements industriels
« q u e le concessionnaire exploite dans le département de l'Ariège.»
fît l'on n e difa point q u e c'est u n e erreur de rédaction, p u i s q u e
a u chapitre I V intitulé dans le cahier des charges-type « V e n t e de l'énergie a u public », o n lit u n e note ainsi conçue : « C e chapitre
« n e devra pas figurer d a n s le cahier des charges, s'il est constant
« q u e le concessionnaire n e fera pas d e vente d e l'énergie a u
« public p e n d a n t toute la durée d e la concession. »
Citons m a i n t e n a n t u n e concession d o n n é e par décret d u 17 août 1 9 2 2 (voir Bulletin de la Chambre Syndicale des Forces Hydrauliques, a n n é e 1922, N ° 376) ; il s'agit d e la concession d o n n é e pour la régularisation d u D o u b s par la constitution d'une réserve d'eau d a n s les lacs d e Saint-Point et d e R é m o r a y ; n o u s a v o n s sous les y e u x le texte d u cahier des charges et nous v v o y o n s u n e série d'articles dont la copie, ainsi qu'on v a le voir, n'est pas compliquée ; car si o n lit clans l'article premier : « L a
« concession à laquelle" s'applique le présent cahier des charges
« a pour objet l'établissement et l'exploitation des; ouvrages
« hydrauliques destinés à constituer dans les lacs d e Saint-Point
« et R é m o r a y , u n e réserve d'eau utilisable de 14 millions de mètres
« cubes pour régulariser le débit d u D o u b s et améliorer le régime
« des usines d'aval », on trouve d a n s les autres articles u n e ré- daction uniforme :« article 19 (tarif m a x i m u m ) : néant.— Arti-
« cle 2 0 (obligation d e fournir le courant) : néant. — Article 21
« (réserves en eau) : néant. — Article 2 2 (réserve a u profit des
« services publics : néant. — Article 2 3 (accords intervenus) :
« néant. — Article 2 4 (réserves d'énergie à laisser dans les dépar- te tements riverains) : néant, — Article 2 5 (tarifs applicables a u x
« services publics) : néant. — Article 2 6 (tarifs applicables a u x
« réserves d'énergie à laisser dans les départements riverains) :
« néant, »
Faudra-t-il, p o u r faire entrer d a n s le cadre des concessions de travaux publics, la concession d u 17 août 1922, m u e t t e sur les réserves et sur le tarif m a x i m u m , attendre q u e le cahier des charges soit modifié et qu'à la place d u m o t « néant » si souvent répété, o n lise u n tarif m a x i m u m o u u n e stipulation relative à des fournitures aujourd'hui inexistantes, en faveur des ser- vices publics, o u m ê m e , simplement, d u « public » ?
N o u s n e le pensons pas, et n o u s croyons q u e l'orientation d u Conseil d'Etat est si nette dans le sens d'une unification complète, qu'il jugerait, pour u n e concession en la f o r m e d e celle d o n n é e à la Société des lacs d e Saint=-Point et d e R é m o r a y , ce qu'il a jugé p o u r la concession d o n n é e à la Société Electrometallurgique d u Palais.
Il lui suffira d e retenir c o m m e déterminants a u point de v u e d e la c o m p é t e n c e administrative, n o n point l'ensemble des quatre caractères q u e n o u s a v o n s reproduits ci-dessus, en les puisant dans le texte m ê m e d e l'arrêt, m a i s ces deux seuls élé- m e n t s , savoir :
1° D a n s toute concession d o n n é e e n la f o r m e d e la loi d u 16 octobre 1919, il est spécifié q u e les ouvrages destinés à la production d e l'énergie et le bâtiment qui les abrite, font rdour à l'Etat.
2° L a mise en valeur d e l'énergie q u e représente le cours d e nos rivières, est faite « d a n s l'intérêt gênéred ».
A v e c la tendance qui pousse, le Conseil d'Etat depuis quelque t e m p s , à faire dépendre l'idée, de « travail public » n o n pas d e
« l'utilité publique », m a i s de « l'intérêt général » auquel te travail sera consacré, n o u s croyons q u e la réunion d e ces d e u x cléments constituera p o u r lui u n e condition nécessaire m a i s suffisante, pour la thèse qu'il veut généraliser.
Sans doute, à elle seule, la première condition « construction
« par u n e Administration o u son concessionnaire d'un ouvrage
« devant appartenir o u faire retour à cette Administration » m suffirait pas à entraîner le classement dudit ouvrage dans le
c o m p a r t i m e n t des travaux publics. Il arrive c o n s t a m m e n t q u e l'Etat o u u n e Ville exécutent o u font exécuter des travaux p o u r leur c o m p t e sans q u e ceux-ci se distinguent d'un travail qu'ac- complirait u n particulier. A u c u n service public n'est intéressé à cette construction ; a u c u n intérêt vraiment général n'y est attaché. C'est, à notre avis, p o u r cette considération, q u e le Conseil d'Etat, dans u n arrêt très c o n n u d u 7 avril 1916 (affaire Astruc ; Recueil d u Conseil d'Etat, p a g e 164) n'a pas voulu confier a u contentieux administratif, l'examen d'une convention signée par la ville d e Paris p o u r la construction d'un théâtre a u x Champs-Elysées, bien q u e l'édifice d u t être remis à la ville à l'expiration d'un certain n o m b r e d'années convenues ; ce n o u - v e a u théâtre n e pouvait é v i d e m m e n t p a s rentrer dans u n ser- vice public ; d'autre part, il est difficile d e dire, si attrayants q u e soient p o u r certaines personnes, les théâtres des C h a m p s - Elysées, qu'ils sont empreints d'un caractère d'intérêt général
M a i s si ce « caractère d'intérêt général » peut être attribué à des ouvrages établis par u n e personne publique, il sera suffi- sant, d'après l'orientation d e la jurisprudence actuelle, pour leur donner la consécration officielle d e travaux publics et, par consé- quent, e n attribuer le contentieux a u x T r i b u n a u x administra- tifs. Il n'est plus nécessaire q u e l'on y trouve u n caractère d'utilité publique, cette expression étant singulièrement plus étroite q u e
« l'intérêt général ».
L'utilité publique é v o q u e e n notre esprit l'idée d'un service public : e n effet, si l'Administration crée u n service dans l'idée d e donner d e grandes facilités a u « public » (chemins d e fer, distributions d'eau o u d e gaz,... e t c . ) , il est tout naturel d e dire q u e « l'ouvrage qui fera partie intégrante d e ce. service, sera
« d'utilité publique ». L'intérêt général évoque, a u contraire, dans notre esprit, u n e idée m o i n s bien définie, m a i s essentielle- m e n t plus vaste. Ces m o t s s'appliquent à tout ouvrage suscep- tible d'être utilisé par u n e collectivité très étendue o u d e faire sentir ses effets bienfaisants sur u n e foule d e personnes, "alors m ê m e qu'il n o u s serait impossible d e dire quels sont les individus qui s'en serviront.
L e s Offices publics d'habitations à b o n m a r c h é institués par- la loi d u 2 3 d é c e m b r e 1912, et créés avec la personnalité morale n e constituent p a s des « services publics », m a i s des sociétés qui, d a n s certaines conditions, s'administrent elles-mêmes ; m a i s ils ont p o u r objet exclusif, l'aménagement, la construction et la gestion d'immeubles salubres, ainsi q u e l'assainissement d e maisons existantes et la création d e cités jardins o u d e jardins ouvriers. Ils o n t donc u n b u t d'intérêt général; et le seul fait d'avoir passé u n m a r c h é d'entreprise avec u n Office d e cette nature, o u avec l'entrepreneur choisi par lui, fait t o m b e r sous le c o u p d e la « patente des entrepreneurs d e travaux publics » le sous-traitant qui a contracté ; c'est ce q u e n o u s enseigne l'arrêt d u 3 0 d é c e m b r e 1927 (affaire Tallet, Recueil H e b d o m a d a i r e d e Dalloz, 1928, N ° 9, p a g e 140) : u n Office de cette nature, n o u s dit cet arrêt, constitue u n établissement public auquel sont assignées p o u r objet exclusif, la construction et la gestion d'immeubles salubres ; les travaux q u e fait effectuer cet Office (personne morale administrative) ont u n b u t « d'intérêt général » : ils sont des travaux publics. Il n o u s serait cependant impossible d'indi- quer m ê m e d'une m a n i è r e approximative quelles personnes e n profitent ; elles appartiennent toutes à cette grande collectivité des ouvriers et employés qui n e p e u v e n t s'offrir u n a p p a r t e m e n t luxueux.
M a i s , l'arrêt le plus précieux à consulter est bien certainement celui d u 1 0 juin 1921 rendu dans l'affaire des é p o u x L a l a n n e ët d e l'enfant Brousse contre la c o m m u n e d e M o n s é g u r (Dalloz 1921.3.27) sur les remarquables conclusions d e M . le C o m m i s -
saire d u G o u v e r n e m e n t Corneille ; les circonstances étaient les suivantes : postérieurement à la dernière des lois sur la sépara- tion d e l'Eglise et d e l'Etat, e n juin 1908, u n groupe d'enfants pénètre, dans l'église d e M o n s é g u r ; ils se suspendent, pour faire des exercices d'acrobatie, a u bénitier qui, élevé sur u n e colonne, bascule et se brise en c o u p a n t la j a m b e d e l'enfant Brousse.
Il n'est plus possible d e dire que, depuis la séparation, il y a u n « service public d u culte » ; la c o m m u n e est par l'article 5 d e la loi d u 2 janvier 1907, s i m p l e m e n t propriétaire d e l'église qui reste à la disposition d e la c o m m u n a u t é des fidèles. Cela suffit a u Conseil d'Etat p o u r dire q u e « les travaux exécutés d a n s u n e
« église p o u r le c o m p t e d'une personne publique d a n s u n b u t
« d'utilité générale, conservent le caractère d e travaux publics,
« et q u e les actions dirigées contre les c o m m u n e s à raison des
« d o m m a g e s provenant d u défaut d'entretien des églises ren-
« trent dans la c o m p é t e n c e d u Conseil d e Préfecture c o m m e se
« rattachant à l'exécution o u à l'inexécution d'un travail p u -
« blic. » Il retient la c o m p é t e n c e d e la juridiction administrative et, c o m m e juge d u second degré, il exonère la c o m m u n e de toutes les c o n d a m n a t i o n s prononcées contre elle, p o u r ce motif q u e les bénitiers n e sont-pas faits p o u r servir d e trapèze a u x enfants.
C o m m e il est toujours intéressant d e connaître les tendances d u Tribunal judiciaire à côté d e celles d u Tribunal administratif, o n peut aussi se reporter à u n arrêt d e la C o u r d e Cassation d u 4 m a i 1 9 2 6 (Dalloz 1927.1.126 ; affaire M u t i n contre ville d e D i n a n et autres) dans lequel la C h a m b r e civile a déclaré q u e si u n e c o m m u n e propriétaire d'une église, est assignée pour le p a i e m e n t des travaux d e réparations à u n orgue c o m m a n d é s par le curé a v a n t la séparation d e l'Eglise et d e l'Etat, il appar- tient a u Conseil d e Préfecture seul d e connaître d e la difficulté.
Observations en ce qui concerne les travaux des mines. — Si l'intérêt général qui s'attache à u n ouvrage et ce fait q u e l'Etat doit devenir, à l'expiration d'un certain délai, propriétaire d e cet ouvrage, suffisent p o u r faire rentrer ce dernier d a n s le cadre d'un travail public, q u e devra-t-on décider a u sujet des « m i n e s » ? Personne n'est indifférent à la production d u c h a r b o n ; d o n c , l'intérêt général qui s'attache à u n e m i n e n e saurait se discuter ; d'autre part, depuis la loi d u 9 s e p t e m b r e 1919, les m i n e s n o u - vellement concédées (et celles-là seulement, à l'exclusion des concessions antérieures) sont exploitées p e n d a n t 5 0 o u 99'ans, par le concessionnaire, et le retour gratuit à l'Etat e n fin d e concession, c o m p o r t e n o n seulement le gisement minier, m a i s les bâtiments, ouvrages, machines, appareils et engins d e toute nature compris dans les dépendances immobilières d e la conces- sion.
Si l'on fait dépendre d e l'existence d'un tarif m a x i m u m et d e l'obligation d e constituer des réserves, le caractère d e travail public d'une chute concédée, la distinction entre la chute d'eau et la m i n e (qui n e connaît ni la sujétion à des tarifs, ni l'obliga- tion à la constitution d e réserves) est très facile : plus délicate, a u contraire, sera-t-elle, si l'on définit c o m m e n o u s v e n o n s d e le faire, le caractère d e travail public d e la chute concédée, p a r
« la simple coexistence d e l'intérêt général et d u retour à l'Etat. » O n peut toutefois r e m a r q u e r certaines différences. L e cahier des charges d'une concession hydraulique spécifie nettement les t r a v a u x q u e devra effectuer le concessionnaire, et o n sent q u e l'Etat intervient d'une manière p e r m a n e n t e d a n s ces travaux, p o u r les é n u m é r e r (article 6 d u cahier des charges), e n approuver le projet (article 8), leur imposer des délais d'exécution et en faire la réception (article 9), e n exiger le b o r n a g e (article 11). O n n e trouve rien d e semblable d a n s le d o m a i n e des mines, et il est évident q u e le concessionnaire minier travaille chez lui et pour lui, e n supportant s i m p l e m e n t la participation d e l'Etat et d u
personnel a u x bénéfices d e la m i n e . Si l'abandon à la fin d e la concession nouvelle s'impose, il faut y voir u n e satisfaction d o n n é e par le législateur a u x idées m o d e r n e s , plus qu'un boule- v e r s e m e n t d a n s la législation déjà si ancienne des mines. E t si le Conseil d'Etat a statué dernièrement entre le concessionnaire d'une m i n e et le Ministère des T r a v a u x publics (arrêt d u 9 n o - v e m b r e 1 9 2 7 ; C o m p a g n i e des C h a r b o n n a g e s d e L y o n , R e v u e des Concessions a n n é e 1928, p a g e 143) a u sujet d e la redevance qui est d u e à l'Etat, le Commissaire d u G o u v e r n e m e n t a e u soin d e faire r e m a r q u e r q u e le Conseil statuait directement, sans inter- vention d u Conseil d e Préfecture, s i m p l e m e n t sur le conflit élevé entre le concessionnaire et le Ministre p o u r u n c o m p t e litigieux a u sujet « d'un traité passé par l'Etat ». C'est ainsi q u e le C o m m i s s a i r e d u G o u v e r n e m e n t a désigné l'acte d e concession.
Conséquences pratiques de la décision rendue. — Si l'on a d m e t q u e , d'une m a n i è r e définitive, les concessions hydrauliques ren- trent d a n s le d o m a i n e des concessions d e travaux publics, il faudra retenir q u e les T r i b u n a u x administratifs auront pleine c o m p é t e n c e p o u r juger les difficultés qui se produiront entre l'Administration et son concessionnaire, c o n f o r m é m e n t d'ailleurs à ce qui est écrit d a n s l'article 5 9 d u cahier des charges qui de- vient inattaquable et est ainsi conçu : « L e s contestations qui
« s'élèveront entre le concessionnaire et l'Administration, a u
« sujet d e l'exécution et d e l'interprétation d u présent cahier des
« charges, seront jugées par le Conseil d e Préfecture d u dépar- ée t e m e n t d u siège de l'usine. »
M a i s des conflits pourront, entre le concessionnaire et des particuliers, être soumis à la Juridiction administrative. Il en sera ainsi e n matière d'accidents (voir arrêt d e la C o u r d e Cas- sation d u 2 6 d é c e m b r e 1927, affaire Buguet-Billard ; c o m m u n i c a - tion d u contentieux d e la C h a m b r e Syndicale des Forces H y d r a u - liques, N ° 541, a n n é e 1928, p a g e 121) à m o i n s toutefois q u e la victime allègue u n e i m p r u d e n c e susceptible d e constituer u n
délit d e la part d u concessionnaire ( m ê m e c o m m u n i c a t i o n , arrêt C a s a n o v a d e la C h a m b r e des R e q u ê t e s d u 2 m a i 1927).
L e s d o m m a g e s à la propriété seront justiciables d u Conseil d e Préfecture, n o t a m m e n t les assèchements des puits d u voisinage d e la dérivation (arrêt d u Conseil d'Etat d u 5 août 1925 ; Energie Electrique d u Littoral Méditerranéen, Dalloz 1926.3.69). L e s entrepreneurs d e la construction seront soumis à la patente d'entrepreneurs d e travaux publics (Conseil d'Etat, 8 m a i 1 9 2 4 ; Société des G r a n d s T r a v a u x d e Marseille, Dalloz 1926.3.65).
L'enregistrement des concessions aurait été soumis a u tarif des concessions d e travaux publics, si la loi d u 11 juillet 1 9 2 8 n'avait p a s o r d o n n é l'application d u seul tarif d u droit fixe (22 fr. 50). L e texte d e ladite loi a été reproduit dans le Recueil des Lois nouvelles, a n n é e 1928, N ° 14, p a g e 629.
Arrêt du Conseil d'Etat du 22 juin 1928. — V u la loi d u 2 8 Plu- viôse a n 8. — V u la loi d u 2 9 déc. 1892. — V u la loi d u 16 oct.
1919. — V a le décret d u 2 0 janvier 1923.
Sur la c o m p é t e n c e d u Conseil d e Préfecture p o u r connaître d e la d e m a n d e d'indemnité des é p o u x d e Sigalas : Considérant q u e les ouvrages établis p a r le concessionnaire d'une usine hydraulique sous le régime d e la loi d u 16 octobre 1919 doivent faire retour à l'Etat à l'expiration d e la concession ; q u e la loi crée a u profit et à la charge d u concessionnaire u n système d e droits et d'obligations destinés à assurer dans le présent et dans l'avenir le meilleur emploi d e la richesse naturelle des cours d'eau dont la puissance publique concède l'usage e n v u e d e pour- voir a u x besoins d e la collectivité ; que, n o t a m m e n t , la loi dispose
q u e le concessionnaire devra constituer des réserves e n force et en e a u qui seront tenues p a r lui à la disposition des services publics selon les conditions inscrites a u cahier des charges, et en v u e desquelles il devra effectuer les travaux nécessaires pour leur utilisation ; qu'elle prévoit, e n outre, q u e des tarifs m a x i m a seront arrêtés tant p o u r lesdites réserves q u e pour les ventes d'énergie a u public, s'il y a lieu.
Considérant q u e d e l'ensemble d e ces dispositions, il résulte q u e les travaux d u concessionnaire ont le caractère d e travaux
publics et que, par suite, les actions afférentes a u x d o m m a g e s qu'ils peuvent occasionner n e relèvent, en principe, q u e d u Conseil d e Préfecture ;
Considérant, il est vrai, q u e l'article 4 prévoit q u e pour les servitudes qu'il envisage la c o m p é t e n c e sera celle des tribunaux judiciaires ; m a i s q u e cette compétence, toute exceptionnelle,
doit être limitée strictement a u x cas é n u m é r é s par ledit article ; que, dans toutes les autres circonstances, les d e m a n d e s d'indem- nité p o u r d o m m a g e s causés par les travaux d u concessionnaire doivent être portées devant le Conseil de préfecture.
Considérant q u e les d o m m a g e s causés par l'occupation d e terrains pour travaux d'études préliminaires n e sont p a s visés a u dit article 4 ; q u e , d a n s ces conditions, le règlement d'admi- nistration publique d u 2 0 janvier 1923, pris pour l'application d e l'art. 2 8 d e la loi d u 16 octobre 1919, a p u légalement recon- naître la c o m p é t e n c e d u Conseil d e Préfecture pour statuer sur les d e m a n d e s d'indemnités formées à raison des opérations d e nivellement et d e mensuration qu'exécute le d e m a n d e u r e n concession, auquel le concessionnaire doit être assimilé, en v u e de déterminer l'emplacement des ouvrages définitifs ;
Considérant que, par arrêté d u préfet d e la H a u t e - V i e n n e d u 2 2 août 1923 la Société Hydroélectrique d u Palais a été autorisée à occuper la propriété des é p o u x d e Sigalas e n v u e d e procéder a u x études nécessaires p o u r délimiter et borner le périmètre des terrains qui devaient être achetés par elle, c o n f o r m é m e n t à l'acte d e concession ; q u e ces opérations rentraient p a r m i celles pré- v u e s à l'article 2 8 d e la loi d u 16 octobre 1919 ; que, par suite, le Conseil d e Préfecture était c o m p é t e n t p o u r connaître d e la d e m a n d e d'indemnité formée par les é p o u x d e Sigalas ;
E n ce qui concerne la c o n d a m n a t i o n prononcée contre les é p o u x de Sigalas a u profit de la Société d u Palais. — Considérant q u e si la Société d u Palais estimait q u e les é p o u x d e Sigalas avaient usé d e procédés abusifs et vexatoires p o u r l'empêcher d'occuper la propriété d o n t s'agit, et de jouir ainsi des droits q u e lui conférait l'arrêté préfectoral, c'est d e v a n t l'autorité judi- ciaire, seule c o m p é t e n t e p o u r en connaître, qu'elle devait porter sa réclamation ; qu'il y a lieu par suite d'annuler l'arrêté attaqué en tant qu'il a c o n d a m n é les é p o u x d e Sigalas à payer u n e i n d e m - nité à la Société d u Palais et d e mettre la totalité des dépens, y compris les frais d'expertise à la charge d e ladite Société :
A R T . 1e r. — L e s é p o u x d e Sigalas sont déchargés des c o n d a m - nations prononcées contre e u x par l'arrêté d u Conseil d e Préfec- ture d e la H a u t e - V i e n n e e n date d u 1 4 avril 1 9 2 5 ;
A R T . 2. — L e s dépens d e première instance, y compris les frais d'expertise, sont m i s à la charge d e la Société d u Palais ;
A R T . 3. — L'arrêté sus-visé d u Conseil d e Préfecture d u dépar- t e m e n t d e la H a u t e - V i e n n e d u 1 4 avril 1 9 2 5 est réformé e n ce qu'il a d e contraire à la présente décision ;
A R T . 4. — L e surplus des conclusions d e la requête des é p o u x d e Sigalas est rejeté.
M M . Seligman, rapp. ; Josse, concl. ; d e L a v e r g n e et Boivin- C h a m p e a u x , av.