R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
S ULLY L EDERMANN B ERNARD M ETZ
Les accidents du travail et l’alcool
Revue de statistique appliquée, tome 8, n
o4 (1960), p. 97-111
<
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97
LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET L’ALCOOL
par
Sully LEDERMANN
etBernard METZ
La connaissance du
phénomène
alcoolisme en France aeffectué
des
progrès
considérablesdepu i s
la guerre. On sait, parexemple,
d’unefaçon
encore trèsapproximative,
certes, que l’alcoolisation excessive d’unefraction
tropimportante
de lapopulation
a dn cotl-ter en 1958
plus
de 200 milliards à l’économiefrançaise.
Préciser
l’importance
de cettecharge
est l’une destâches
auxquelles se consacre le Haut Comité d’Etude e td’information
surl’alcoolisme,
à la Présidence du Conseil.L’enquête
dont nous ren-dons comp te
au jourd’hui fa i t part i e
des travauxqu’il
Z a su bvent i on- nés dans ce but. Elle est relative aux accidents du travail.Il
s’agit
d’uneenquête pilote
dontl’organisation
et la di- rect ion ont étéconfiés
auProfesseur
Bernard getz, directeur du Centre d’Etudes dephysiologie appliquée
au travail, de la Faculté de médecine deStrasbourg,
M.Sully
L ede rmann de l’Institut Nat i o- nal d’étudesDémographiques
s’est attaché àl’analyse
des données rassemblées. On en trouvera ici lespremiers résultats,
ainsi que la méthode qui a permis de lesobtenir(1).
Il n’est pas aisé d’évaluer
quantitativement
l’influence d’un facteur donnésur la
fréquence
des accidents du travail constatés dans uneentreprise.
Dansla
plupart
des cas, cettefréquence
est en effet la résultante d’influencesmultiples, qui
se manifestent simultanément.On
conçoit
sanspeine
l’intérétqu’il
yaurait à pouvoir
isoler la res-ponsabilité
de tel ou tel facteur et d’avoir un ordre degrandeur
de la ré- duction defréquence
des accidents que l’onpourrait escompter
de la diminu-tion d’un facteur
particulier :
calcul deprimes d’assurances,
etc... La re-cherche de la
responsabilité
du facteur alcool a été une occasion d’aborderce
problème.
Nous enprésentons
une solutionapprochée.
Limite de
l’enquête.
Cette
solution,
ouplutôt l’enquéte
à propos delaquelle
elle a été con-çue, ne
permet
pas d’atteindre la totalité des accidentsimputables
à l’alcoolet
pesant
sur lebudget "accidents
dutravail"
desorganismes
de Sécurité(1)
Une première publication a eu lieu dans la Revue"Population"
1960, n° 2 - de l’Ins- titut National d’EtudesDémographiques.
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
98
Sociale
(13.1
milliards de francs en 1958 pour le seulrégime général).
Cepoint
doit êtresouligné.
En effet :a)
Ont été exclus del’enquête
les accidents survenus sur le tra-jet
du lieu de travail. L’alcool yjoue
un rôle manifestementplus important
que dans les accidents survenus dans les
entreprises (1).
b)
Ontégalement échappé
àl’enquête,
les accidents dus à l’alcoo- lisation d’une autre personne que lavictime, laquelle,
alcoolisée ou non, a été le seulsujet
à subir unprélèvement sanguin.
c)
Il y a lieu dedistinguer
les détériorations dues à une alcooli- sationchronique
et les troubles passagers dus à uneprésence
occasionnelle d’alcool dans lesang, présence
mesurée parl’alcoolémie
.Risque alcoolémique.
Dans
l’enquéte,
lessujets possédaient
un dossier médicalportant
leurdegré
d’alcoolismechronique (1 = léger,
2 = moyen, 3 =marqué).
Nous ap-pellerons,
pourcommodité, alcooliques chroniques
lessujets présentant
aumoins le
de gré
1.Supposons
que cesalcooliques chroniques
seplacent
deux-mêmes ou se trouventplacés
par leurentourage
dans une situation un peu différente de celle dessujets
nonalcooliques.
Cette différence va se traduire par une ex-position
moyenne aux accidents différente de celle des nonchroniques,
à al-coolémie
égale.
Il
appara3t
ainsi unrisque
différentiel"alcoolisme chronique"
mesuréà
jeun,
ouplutôt
à alcoolémieségales.
Sur ce
risque sous-jacent
sedéveloppe
unrisque supplémentaire,
quenous
appellerons risque alcoolémique, qui apparalt
aussi bien chez les alcoo-liques chroniques
que chez les autres etqui
résulte desperturbations qui
ac-compagnent
toute élévationd’alcoolémie.
Ce schéma constitue évidemment une
première approximation,
car ilest fort
possible
que, toutes choseségales d’ailleurs,
uneaugmentation
d’al- coolémie chez unalcoolique chronique
n’ait pas les mêmes effets que chezun non
chronique.
On pourra dans les calculs faire intervenir une interac- tion.En fin de
compte,
ce sont les accidents liés aurisque "alcoolémique"
que
l’enquête,
tellequ’elle
a étémenée,
metprincipalement
enévidence.
Les données
numériques.
Les données
numériques analysées
iciproviennent
d’uneentreprise
mé-tallurgique
de l’Est dont l’effectif est de l’ordre de 3 500 ouvriers.Elles sont relatives seulement aux accidents survenus le matin entre 10 et 12 heures. L’échantillon
disponible
estcomposé
de 231 accidentés et de 432témoins.
Lapériode
d’observation s’est étendue du 15 Novembre 1956au 25 Décembre
1957,
avecquelques
brèvesinterruptions.
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
(1)
Laresponsabilité
de la seule alcoolisation des victimes paraîtengagée
dans 10 à 15 %des accidents du travail et dans 20 à 30 % des accidents de
trajet.
Cf. Ledermann S. - Alcool, Alcoolisme, Alcoolisation
(P.U.F.,
Paris1956).
(2)
Nombre de grammes d’alcool pour 1000 de sang.99
Tous les accidents ont été retenus
(1),
les accidents béninsjusticiables
seulement de soins donnés par les infirmiers de
l’établissement,
aussi bien que les accidentsplus
graves entra3nant une déclaration à la caisse de Sécu- rité Sociale.Les
"accidentés"
ont faitl’objet
d’un doublemicro-dosage d’alcoolémie ;
ainsi que des
"témoins"
choisis au hasard(2)
dans les différents services del’entreprise,
selon toutefois desproportions
voisines de celles de larépar-
tition du total des heures de travail effectuées dans chacun des services.
L’échantillon des témoins
peut
donc être considéré commereprésenta-
tif de la
population
de recrutement desaccidentés,
ensupposant qu’il
y aproportionnalité
entre l’effectif dupersonnel
et le total des heures de travail.Quant
à l’échantillon desaccidentés,
ilreprésente
la totalité des accidentssurvenus
pendant
lapériode
considérée.Chaque
observation a donné lieu à l’ouverture d’une fichecomprenant
l’année de naissance dusujet,
le groupeethnique,
lacatégorie profession- nelle,
le service(transport, laminoir, etc.),
l’ancienneté dansl’usine,
lenombre d’accidents
antérieurs,
ledegré
d’alcoolismechronique,
la résidenceurbaine ou rurale.
Les
renseignements
individuels ainsirecueillis,
de même que les tauxd’alcoolémie,
n’ont été connus que des médecins et des auxiliaires médi- caux, liés au secretprofessionnel.
Principe
d’uneanalyse.
Comment de telles données
peuvent-elles permettre l’estimation
de laproportion
des accidentés dus à l’alcool ?Supposons
que, toutes choseségales d’ailleurs, l’absorption
d’une cer-taine
quantité
d’alcool(vin, eau-de-vie, etc. ) augmente
laprobabilité
d’unaccident
(perturbation
desréflexes,
ducomportement mental, etc. ).
Celasignifie
que si un groupe de 1 000sujets
à alcoolémie nullecompte
un nom- bre p,d’accidents,
un groupe de 1000sujets
ne différant dupremier
que parune alcoolémie donnée non
nulle, enregistrera
un nombre d’accidentsP2
su-périeur
àp .
En d’autres
termes,
si lapopulation
de recrutement desaccidentés, représentée
dansl’enquête
par celle destémoins,
serépartit
enN,
1sujets
à alcoolémie inférieure à
0, 05
g%o
parexemple
etN2 sujets
à alcoolémiesupérieure
à0, 05,
et celle desaccidentés,
enrespectivement
n, et n2 su-jets correspondants,
on doitavoir,
si l’alcoolémie a uneinfluence,
un rap-port
r2 -n2/N2 supérieur (3)
aurapport
r, =n1/N1.
Une
première approximation.
Si les alcoolémies n’étaient pas
intervenues,
on aurait eu unrapport
(1)
Non comptés quelques accidents d’une exceptionnellegravité,
très peu nombreux, ayantexigé
une évacuation sans délai.(2)
Les témoins n’ont pas été des volontaires. La micro-prise a été effectuée lors de vi- sites médicalessystématiques
du personnel, sur les travailleurs arrivés au service médical entre 10 et 12 heures. Lesjours
demicro-prises
n’ont pas été connus du personnel.(3)
Des études antérieures ont montré que le risque d’accident croissait avec l’alcoolémie d’unefaçon
sensiblement exponentielle, dans la zone habituelle des observations.Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
100
r2 = r1 , donc un nombre d’accidents
n’2 = N2 .
r, =n, N2 /N1
au lieu du nom-bre n2 observé. Dans ces conditions de
simplicité,
le nombre d’accidentsimputables
aux alcoolémiessupérieures
à0,05
g%
pourra être estimé à :Dans
l’enquête,
on a dénombré(1)
sur n = 207 accidents retenus dans lescalculs,
n1 :: 145 accidents avec alcoolémie inférieure à0,05
et n 2 = 62avec une alcoolémie
supérieure,
et sur les N = 390 témoinscorrespondants N 1 ::
300 avec alcoolémie inférieure à0, 05
etN2 -
90 avec alcoolémiesupé-
rieure.Le
rapport
r1 est ici1453300 - 0, 484
et lerapport
r 2 :62/90 = 0, 69 0 .
On aurait ainsi 62 - 90 x
145/300
19 accidents(2)
sur 207(9 %)
dus auxalcoolémies
supérieures
à0, 05,
soit uneaugmentation
des accidents de19/(207 - 19) = 19/188 = 10 %.
Conditions restrictives.
La validité de ce calcul suppose que le facteur alcoolémie soit indé-
pendant
des autres facteurspossibles
intervenant dans lagenèse
des acci- dents.Supposons
en effetqu’il
en soitautrement,
c’est-à-dire que les deux sous-échantillons à alcoolémies nulle et non nulle du groupetémoin,
se ré- vèlent structurés différemment en cequi
concerne larépartition
parâge, l’âge
moyen, parexemple,
étantplus
bas chez les alcoolémies nulles que chez les autres.Imaginons
que lesjeunes
soientplus
facilement mis à despostes exposés
que les ouvriersâgés.
Ils aurontpeut-être
tendance à êtresur-représentés parmi
lesaccidentés,
du fait durisque plus grand
attachéaux
postes
de leurâge.
Mais entra3nant aveceux, chez
lesaccidentés,
des al-coolémies
plus
basses en moyenne, cette sélection à rebours viendra dimi-nuer la
proportion
d’alcoolémies élevées que l’on devrait observer pour les accidentssupplémentaires
dus au facteuralcool,
si le facteur"âge"
n’étaitpas intervenu aussi comme critère de sélection. La seule
comparaison
desproportions
d’alcoolémies élevées dans le groupe des témoins et dans celui des accidentspeut,
dans cesconditions,
conduire à des conclusions erro-nées
quant
à laresponsabilité
de l’alcool dans les accidents survenus.En
principe, donc,
demultiples
influences sont àprendre
en considé-ration. En fait l’effectif des échantillons limite très
rapidement
le nombrede celles que l’on
peut
suivre. Ensupposant,
dans le cas leplus simple , qu’on procède
à des classementsdichotomiques,
uneenquête portant
sur 1 000cas
conduit,
eneffet,
à deux classes de 500 pour la division en témoins etaccidentés ;
unerépartition supplémentaire
en deux classesd’âges,
à desgroupes de
125 ;
une nouvelle en deuxcatégories
d’accidentsantérieurs,
à des groupes de60 ;
une nouvelle en deux classesd’alcoolisme,
à des groupes de 30. Si l’onajoute
trois autrescritères,
le nombre moyen d’observations dans les classes se réduit à 3 ou 4. Il y a donc unéquilibre
à trouver entre le nombre d’influences àanalyser
et lafréquence
de ces cases à effectif nulou très faible dans le tableau du classement final détaillé
(cf
Tableau2 ,
colonnes 9 et10,
parexemple),
et enfin une méthoded’analyse adaptée
à ce(1)
Nord-Africains exclus ; les totaux 207 et 390 correspondent aux données du tableau 1 ,avant élimination des lignes contenant un effectif ni ou N, nul.
(2)
Probabilité 0, 05 seulement d’avoir un tel écart, dans ce sens, par l’effet d’un simple hasard d’échantillonnage.Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
101
genre de données. Ce sont de telles considérations
numériques qui
nous ontconduit au classement suivant.
Les
risques
moyens.Répartissons
lessujets
en deux groupes : les"moins
de 35ans"
et les"plus
de 35ans".
Toutes choseségales d’ailleurs,
les moins de 35 ans sontexposés
à unrisque
moyen que nousprendrons égal
à 1 et lesplus
de 35 àun
risque
moyen de valeurK,
1 parrapport
aurisque
1 des moins de 35 ans .Considérons ensuite deux
catégories professionnelles,
les manoeuvreset les autres. Soit
1,
lerisque
moyen des ma.noeuvres etK2
celui des autrespar
rapport
auxpremiers,
toutes choseségales
d’ailleurs.Introduisons de la même
façon
desrisques spécifiques
pour d’autres critères : le nombre d’accidents antérieurs(0
ou 1accident,
d’uncôté,
2 etplus
del’autre) ;
l’ancienneté dansl’entreprise (moins
d’un an etplus
d’unan) ;
ledegré d’alcoolisme chronique (degré
0 d’uncôté ; degrés 1,
2 ou 3de
l’autre) ;
les alcoolémies(3
classes : moins de0, 05
g%o ;
de0,05
à0, 25 ;
etplus
de0, 25).
Les notations sont résumées dans le tableau 1.Tableau 1
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
102
Un modèlemultiplicatif
sans interaction.Le modèle
statistique proposé
estmultiplicatif,
dans le sens suivant.Supposons
que les"moins
de 35ans" soient,
en moyenne, du fait de leurâge,
deux foisplus exposés
que les"plus
de 35ans".
Ilsfourniront,
touteschoses
égales d’ailleurs,
et pardéfinition,
deux foisplus
d’accidentés que lesautres, proportionnellement. Supposons
maintenant que le nombre d’acci- dents antérieurs soit une sorte d’indice de maladresse parexemple
et que , toutes choseségales d’ailleurs,
lessujets présentant "deux
accidents anté-rieurs ou
plus" soient,
en moyenne, trois foisplus exposés
à un nouvel ac-cident que ceux
ayant
eu"zéro
ou un accidentantérieur".
Dans ces condi- tions les"moins
de 35ans"
avec"deux
accidents antérieurs ouplus"
four-niront en moyenne trois fois
plus
d’accidentés que lesmoins
de 35ans"
avec
"zéro
ou un accidentantérieur",
deux foisplus
d’accidents que les"plus
de 35
ans"
avec"deux
accidents antérieurs ouplus",
mais 2 x 3 = 6 foisplus
d’accidents que lesIl plus
de 35ans"
avec"zéro
ou un accidentantérieur" ,
en
supposant qu’il n’y
a pas d’interaction.D’une manière
générale,
lerapport ni/Ni
dechaque
sous-groupei,
cons-titué avec les ni accidentés et les Ni témoins
homologues,
sera reconstitué par unproduit multiple
de la forme(H
éta.nt un coefficientgénéral
de propor- tionnalité commun à tous lessous-groupes) :
(1)
En constituant tous les sous-groupes
possibles,
on obtient un nombresurabondant
d’équations
dutype (1), qui permettront,
enpassant
sous la formelogarithmique (2)
et surtout(3),
la détermination des divers coefficients par la méthode des moindres carrés :(2) Désignons
pa.r h et k leslogarithmes
des coefficients H et K. Pour lescalculs,
il est commode ici d’introduire des variables d’état X(dummy
enanglais).
Ellespermettent
de saisir une structurelatente,
enprenant
la va- leur 1 ou0,
selon que tel état existe ou n’existe pas dans le groupe consi- déré. Nous retiendrons ici 7 variables d’état dont le sens est le suivant : si lessujets
ont moins de 35 ans,X, - 1,
siplus
de 35 ans X1 =0;
s’ils sontmanoeuvres
X
2=
0,
s’il ne le sont pasX
2 =1 ;
s’ils ont 0 ou 1 accident an-térieur
X3 - 1,
siplus X3 = 0,
etc... ; si l’alcoolémie est inférieure à0, 05 Xe = 1,
si nonXe
=0 ;
si elle estcomprise
entre0, 05
et0, 25, X7 = 1,
sinon X7 = 0
(cf.
tableau1).
Le modèle final seprésente
sous la forme(sans interaction) :
soit en notations matricielles :
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
avec
et
103
Sont exclus du fait des
logarithmes,
les sous-groupes pourlesquels
l’undes nombres ni ou
NI
est nul.Le tableau 2 fournit les données
numériques
relatives aux accidents du matin. Les critèresnégligés
sont1°)
la résidence urbaine ou ruralequi
s’estrévélée peu
exploitable
et2°)
les services del’entreprise,
dont les différen-ces au
point
de vue structure selon les autres critères ne sont pas apparuessignificatives
pour leseffectifs
en cause.Détermination des
coefficients.
Le traitement des données
peut
être abordé de deuxfaçons,
soit ensupposant
les diversrapports
Yt =ni/Ni comparables
sur leplan précision,
soit en considérant
qu’on
nepeut
accorder le mêmepoids
à deux valeurs de Y telles que Y =log 30/20
et Y =log 3/2,
parexemple.
Lapremière
va-leur a
mobilisé,
eneffet,
30 + 20 = 50 observations et la seconde 3 + 2 = 5 seulement.Dans le
premier
cas, les coefficients sont les solutions dusystème
li-néaire,
en notations matricielles :X’XH = X’Y
(5)
Dans le second cas, une valeur
approché
despoids
w, est fournie par la méthodesuivante,
sous certaines réserves que nous verrons.Posons
(6) a,=n,/n
et(7) Ni IN
avec N et n effectifs totaux des témoins et des accidentés. On a alors
(en logarithmes décimaux) :
En utilisant
l’approximation
différentielle(avec
M =0,43429
module dusystème logarithmique
de base 10 dans la basee),
on a :avec
d’où finalement
et
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
Tableau 2 - MATIN. REPARTITION DES ACCIDENTES Valeurs de n, N, et
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
S TEMOINS SELON LES COMBINAISONS DE CRITERES riables d’état X*
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
106
Les
poids
w, ifigurent
dans la colonne(12)
du tableau 2. Lesystème
linéaire donnant les coefficients h et k a pourforme,
en notations matri- cielles :X’WXH = X’WY
(13)
avec la matrice
diagonale :
Voyons
maintenant les réserves. La valeur de var Yi donnée par la formule(9) peut
être considérée commeapprochée
seulement si ocou p
n’estpas
trop petit.
Ce n’est pas le cas pour nosdonnées,
où les valeurs de l’or- dre degrandeur 1/100
sont enmajorité.
Dans ce dernier cas, var(La )
estinfinie à cause des éventualités ni
= 0 figurant
dans la distribution d’échan-tillonnage
pour une valeur moyenne npetite.
Employer
la formule(9)
revient donc indirectement àremplacer
la va-leur
d’échantillonnage
zéro par une valeurfictive.
Elle se trouve ici être de l’ordre de0,007
pour une valeur moyenne n = 1.En
fait,
la décision àprendre
est celle depondérer
ou de ne pas pon- dérer les Y. Si l’on veutpondérer,
il faut éliminer non seulement toutes les valeurs i pourlesquelles
l’un des n i ou Ni estnul,
mais encore toutes les valeurs ai ouPi
suffisammentpetites
pour que leur distribution d’échantil-lonnage
contienne des valeurspossibles nulles,
c’est-à-dire dont la variance dulogarithme
serait infinie. Il faut donc ou biennégliger
cettepartie
desinformations,
ou bien ne paspondérer.
La solutionretenue, qui
en est unetroisième,
nous a paruplus avantageuse,
car elle conserve le maximum des donnéesrecueillies,
tout en établissant une hiérarchie sensible entre les di-verses valeurs Yi observées.
Valeur des
risques
relatifs.Les données
numériques correspondantes figurent
dans le tableau 3.Les solutions h et
kj
dusystème
sont leslogarithmes
des divers coef- ficients H etKj
du modèle(1).
Leur valeurnumérique figure
dans le ta-bleau
3,celles
de H et desKj
dans les tableaux 1 et 3.La valeur H =
1, 578 n’appelle
aucun commentaireparticulier.
La valeur
K1 = 1,790 indique
que, toutes choseségales d’ailleurs,
dansl’entreprise considérée,
lerisque
d’accidents des"moins
de 35ans"
est enmoyenne de
1, 79
si l’onprend égal
à 1 lerisque
d’accidents des"plus
de35
ans",
c’est-à-dire 80% plus
élevé.La valeur
K 2 = 0, 953
n’estprobablement
passignificativement
diffé-rente de 1 : les manoeuvres et les non-manoeuvres, toutes choses
égales
d’ail-leurs, n’apparaissent guère plus exposés
les uns que lesautres,
en moyenne . Cetterépartition apparaît trop large
pourapporter
uneinformation.
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
107
Tableau 3Données
numériques
dusystème d’équations
et valeursnumériques
des divers coefficients de
risque (modèle
sansinteraction)
La valeur
K 3 =0,648 indique
que, toutes choseségales d’ailleurs,
lessujets ayant
eu antérieurement deux accidents ouplus
sontplus exposés
à unnouvel accident que les
sujets n’ayant
eu antérieurement que 0 ou 1 accident.Le
rapport
desrisques
est de0, 648
à1,
soit encore de 1 à1, 54.
La valeur
K4 = 0, 763
montre que, toutes choseségales d’ailleurs;
lessujets ayant
moins d’un an d’ancienneté dansl’entreprise
sont un peuplus exposés,
en moyenne, que lessujets
travaillant dansl’entreprise depuis plus
d’un an
(1/0,763 = 1,31).
Risque "alcoolisme chronique" et risque "alcoolémique".
Nous entrons maintenant dans le domaine de l’alcool. La valeur
Kg= 1, 259 indique
que lessujets présentant
lesdegrés 1,
2 ou 3 d’alcoolismechronique sont moins exposés,
en moyenne, que lessujets
noté audegré
zéro(1).
Lerapport
est de 1 à1, 259,
soit 21%
en moins. Ce résultat n’estparadoxal qu’en
apparence. D’unepart,
eneffet, les..alcooliques
gravesfigurant
dansce groupe ne sont
guère
laissés à despostes présentant
desrisques
mani-festes d’accidents
et,
d’autrepart,
lesalcooliques chroniques
ontpeut-être
tendance à
adopter
uncomportement,
que l’onpourrait appeler,
de sécurité .Les valeurs
Kg
=0, 339
etK 7 = 0,358, qui
ne diffèrentpeut-être
passignificativement
montrent que, toutes choseségales d’ailleurs, signes
d’al-coolisation
chronique, âge,
nombre d’accidentsantérieurs, etc. ,
si les su-jets
dont l’alcoolémie est inférieure à0, 05
courent unrisque
moyenégal
à1,
ceux dont l’alcoolémie estcomprise
entre0, 05
et0, 25
courent unrisque
moyen
égal
à1, 06
et ceux dont l’alcoolémie estsupérieure
à0, 25
unrisque
(1) Degré zéro 68,5 % des témoins ;
degré
un 18,9 % ;degrés
deux et trois 12, 6 %.Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
108
moyen de
2,95 (progression 0,339 - 0,358 - 1).
En d’autres termes làoù,
à effectifs
égaux
et toutes choseségales d’ailleurs,
lepremier
groupe délé- guera 100accidentés,
le second endéléguera
106 et le troisième à peuprès
300.Ajoutons
que lerisque "alcoolémique" 2, 95 correspond
à l’alcoolémie moyenne de la classe d’alcoolémies"0, 25
etplus", lequel
dansl’enquête
sesitue à
0, 75 %o (0, 755
pour les témoins et0, 744
pour lesaccidentés).
Test de
l’adéquation
du modèle.Si l’on
applique
les coefficients derisque
trouvés on aboutit à des va-leurs Y estimées différentes de celles observées. Il faut donc comparer l’im-
portance
de ces écarts à celle des erreurs aveclaquelle
sont connues les données Y. Si ces écarts sontsupérieurs
à la marged’erreur,
c’est que le modèleproposé
eststatistiquement inadéquat.
Chaque
valeur Y, estaccompagnée
d’une estimation de sonerreur-type
03C3i,égale
à la racine carrée de var Y donnée par la formule(9). L’ajuste-
ment du modèle
(3)
s’est effectué enpondérant
par despoids :
avec
les écarts dont la somme
Q
des carrés était à minimiser.La difficulté introduite par les
poids peut
être tournée en substituant à la variable Y de varianceinégale
une variable Z de varianceconstante,
dé- finie par :Y, -
Z, 03C3i(17)
ou encore
la variance de Z étant ainsi
égale
à l’unité.Le modèle auxiliaire a pour forme :
en
posant
kX, = k1X1i + ... + k7x7i (20)
Pondérer revient à introduire le
poids
c comme variablesupplémen-
taire et à substituer à la variable
X,
la variable. :U. =c.X. (21)
La variance résiduelle est à p - 8
degrés
deliberté,
et son numérateur est la valeurQo
de la sommeQ
minimisée au début :Le modèle
(3)
ne sera pas en désaccord avec lesobservations,
si cettevariance résiduelle est de l’ordre de l’unité. On trouve ici
Q/(47-8)=33,08/39 =
=
0, 85.
Iln’y
a donc pas désaccord.Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
109
Si la variance individuelle avait été
supérieure
à l’unité etqu’on
dé-sire tester la
différence,
onpourrait
considérer que laquantité Qo/a2
estapproximativement
distribuée commeun ~2 à 39 ddl,
c’est-à-dire ici la quan- titéQ0, puisque (03C32 =
1.Pour être
rigoureux,
ce test demande que les observations Z soient ex-traites d’une
population
normale et queQ soit
bienégal
à 1. Ce n’est pas le casici,
mais la différencepratique
n’est pas telle que l’indication donnée par laquantité X 2soit
sans intérêt.Nombre d’accidents
imputable
aurisque "alcoolémique."
La valeur des coefficients
Kg
e etK, permet
d’estimer le nombre d’ac- cidents dus aux alcoolémiessupérieures
à0,05
g%.,toutes
choseségales
d’ailleurs.
Les 207 accidents survenus dans la
population
considérée serépartis-
sent en 146 accidents avec alcoolémie inférieure à
0,05 ;
32 avec alcoolémieallant de
0, 05
à0, 25 ;
29 avec une alcoolémiesupérieure
à0,
25.Si toutes les alcoolémies avaient été inférieures à
0, 05,
on aurait ob-servé non pas 32 accidents pour le deuxième groupe, mais
32/1,06 =
30 acci-dents,
soit 2 accidents enmoins,
et pour le troisième groupe, non pas 29accidents,
mais29/2, 95 =
10accidents,
soit 19 en moins.Le nombre d’accidents
imputables
aux alcoolémiessupérieures
à0,05
est donc de 2 + 19 =
21,
soit21/207 = 10, 1 %
d’accidentsenregistrés.
End’autres
termes,
laproportion dont,
dans cetteentreprise,
le nombre d’ac- cidents a étéaugmenté
du fait des alcoolémiessupérieures
à0,05
est de21/(207 - 21) = 21/186 = 11,3 %.
On retrouvepratiquement
les résultats de lapremière
estimation.Introduction d’une interaction.
A la suite des calculs
précédents,
un modèle a étéessayé
avec une in-teraction entre le caractère
"alcoolisation chronique"
et le caractère"alcoo- lémie".
La forme(3)
est devenue :Pour modifier au minimum les
calculs,
la variableX2
relative à lacatégorie professionnelle
etqui
n’avait conduit à aucunrésultat,
a été rem-placée
par une variable d’étatXI 2 d’interaction, prenant
la valeur 1 pour lessujets présentant,
à lafois,
ledegré 1,
2 ou 3 d’alcoolismechronique (X5 = 0)
et une alcoolémie
supérieure
à0, 25 (X 6 = X7 = 0). X2 =
0 pour les autrescas.
Bien
qu’il
y ait eu très peu desujets
relevant deX; = 1,
le calcul aété toutefois effectué et a conduit aux valeurs suivantes des coefficients mul-
tiplicatifs :
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
110
Tableau 4Comparaison
desrisques relatifs,
selon l’alcoolémie et le nombre de
signes
d’alcoolismechronique :
calcul avec et sans interactionLe résultat des diverses combinaisons de
risques relatifs,
sans et avecinteraction,
est donné dans le tableau 4 pour l’association"degré
d’alcoo-lisme
chronique"
et"alcoolémie".
Les coefficientsK1, Kg, K4
étant peu dif-férents dans les deux cas, les diverses combinaisons entre
Kg, Ke , K7
ontété
multipliées
par le coefficientgénéral
H pour avoir des résultats compa- rables.Le coefficient
2, 32,
trouvé pour l’interaction donnerait à penser que lerisque
d’accident estbeaucoup plus grand qu’attendu
chez lesalcooliques
chro-niques présentant
des alcoolémiessupérieures
à0, 25.
Enfait,
on ne sauraitconclure,
car l’alcoolémie moyenne de l’ensemble dessujets (accidents
+ té-moins) ayant
une alcoolémiesupérieure
à0, 25
est de0,75,
les deux grou- pescomposant
cetensemble,
lepremier,
celui dessujets
dedegré zéro,
aune alcoolémie moyenne de
75, 20/106 = 0, 709
et lesecond,
celui dessujets
de
degré 1,
2 ou 3signes,
une alcoolémie moyenne de31,35/35 = 0, 871.
Ladifférence n’est pas
grande,
mais comme c’est lelogarithme
durisque
rela-tif
qui
estproportionnel
àl’alcoolémie,
le coefficient d’interaction obtenupeut
fort bienrefléter,
pour une bonnepart,
lasimple
différence cachée d’alcoo- lémies. Nous en resteronslà,
les effectifs étant insuffisants pour une ana-lyse plus
raffinée.Conclusion.
Une
enquête
a été menée pour estimerl’augmentation
de lafréquence
des accidents liée au
risque "alcoolémique"
dans uneentreprise métallurgique
de l’Est de la France.
En dehors du fait que seule la tranche horaire 10 à 12 heures a été étu- diée ici - ce
qui
conduitprobablement
à uneproportion
minimale - les ré- sultats obtenus ne couvrent pas la totalité des accidents du travailimputables
Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4
111
au facteur alcool.
L’enquête
a laissé de côté en effet les accidents causés par un facteuralcoolisé,
mais doht les victimes n’étaientpas
alcoolisées.Elle a
également
laissé de côté les accidents survenus sur letrajet
de tra-vail,
où le facteur alcool intervientdavantage qu’à
l’intérieur d’une entre-prise.
Le résultat obtenu est doncpartiel
et relatif aurisque "alcoolémique"
à l’intérieur de
l’entreprise,
telqu’il
a été défini au début.Un
premier
calculreposant
sur lasimple comparaison
desproportions
des alcoolémies
supérieures
à0, 05
gparmi
les accidentés et dans un groupetémoin,
conduit à estimer à 10% l’augmentation
des accidents.Un second calcul dont la
technique
a étéprésentée
ici(rapports
d’ef-fectifs mis en
régression pondérée
sur variablesd’état)
conduit à une aug- mentation de 11%.
Cette seconde estimation tientcompte
des influences pos- sibles de certains autresfacteurs,
influencesayant
pu s’exercer simultané- ment dans lagenèse
desaccidents,
d’unefaçon
nonindépendante
de celle du facteur alcoolémie.La similitude des
pourcentages
obtenus montre que les influences des autres facteurs sur la distribution des alcoolémies dans les deux groupes étudiés se sont sensiblement annulées pourl’enquête considérée,
et que lanégligence
de ces autres facteurs n’a pas introduit de biais dans l’estimation dupourcentage
effectuéed’après
la seule considération desproportions
d’al-coolémies
(1).
Mais ilpeut
ne pas en êtretoujours
ainsi et la méthode indi-quée
pour la. deuxième estimation doit conduire à unpourcentage plus approché.
Les
premiers
résultatsd’enquête analogues
menées dans d’autres entre-prises paraissent
donner despourcentages d’augmentation plutôt supérieurs
à 11
%.
Les différences de résultatpeuvent provenir
d’une différence entre l’alcoolisation moyenne dupersonnel, laquelle peut
varier selon larégion
no-tamment,
et aussi desrisques
moyens encourus par cepersonnel,
variablesd’une
entreprise
à l’autre. Pour aboutir à une estimationgénérale
pour l’en- semble du pays, cesenquêtes
doivent donc êtremultipliées.
Cette
multiplication
sejustifie
par le nombre élevé d’accidents du tra.- vail déclarés(2)
2 230 000 en 1957(3),
et par lesdépenses correspondantes :
pour le seul
régime général
de la SécuritéSociale,
111 milliards de francs pour 1957 et 131 pour 1958. Même en faisant lapart
de frais vraiment fi- xes,qui resteraient,
pardéfinition, inchangés
lors d’une réduction du nom-bre des
accidents,
l’incidence de l’alcoolisation excessive d’une fractiontrop grande
de lapopulation
sur le nombre des accidents et sur lebudget
de laSécurité Sociale ne semble pas
négligeable
dans uncompte économique
na- tional.(1) Indiquons
sans plus de détail qu’un facteurnégligé
ici pourrait fausser complètementles estimations, c’est l’heure du prélèvement
sanguin.
Les alcoolémies diminuent eneffet, de 0, 15 g en moyenne par heure écoulée. La distribution des heures doit donc être sensiblement la même dans le groupe témoin et dans le groupe des accidentés.
S’il n’en est pas ainsi, une correction peut et doit être portée.
(2) L’enquête
analysée icicomprend
tous les accidents survenus, ayant ou non donné lieu à déclaration. Le calcul devra être repris pour les seuls accidents déclarés à la Sé- curité Sociale, au cas où le pourcentage serait différent pour cette fraction des acci- dents.(3) "Rapport
surl’application
de lalégislation
de la Sécurité Sociale"(Statistiques
du1er Janvier 1956 au 31 Décembre
1958) -
J.O. du 24-12-1959, p. 140.Revue de Statistique Appliquée. 1960 - Vol. VIII - N 4