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d’ailleurs me verrais-je dans cette pénombre ? Mais l’envie me démange cependant. À quoi ressemblerais-je, moi qui ai toujours tenu à bien

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Academic year: 2022

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J’ai subitement envie de me regarder, de me voir. Je ne trouverai pas de miroir ici. Comment d’ailleurs me verrais-je dans cette pénombre ? Mais l’envie me démange cependant. À quoi ressemblerais-je, moi qui ai toujours tenu à bien paraître ? Et puis un visage c’est quelqu’un, une personnalité, un cœur, des yeux, ne pas se voir, c’est plonger dans le rien, c’est rentrer dans le vide, mon visage c’est moi, c’est ce qui me dis- tingue, c’est mes cheveux tordus, le bouton que j’ai sous le menton, la courte barbe que j’arbore déjà. Ces gens-là ne veulent pas de visages, ils veulent le tout fondu dans un glauque rictus qui menacerait de mort les francs rires des gens.

Selma passait des heures à se regarder dans un miroir, à se farder, à s’adorer aussi, c’est vrai qu’elle a un joli minois, mais aujourd’hui je préférerais, c’est sûr, le visage calme, apaisant, de Nezha.

Nezha ne viendra plus. Inutile d’y penser.

Ce n’est pas à cette heure-ci qu’elle traversera la ville pour me rejoindre. Mais, peut-être, est-ce parce que je suis là qu’elle ne veut pas rentrer.

Elle a dû mal supporter notre proximité, elle a dû se sentir gênée de partager avec moi ce local

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ou plutôt aujourd’hui. Parce que j’entends déjà les grésillements d’un haut-parleur qui prépare l’appel à la prière de l’aube.

Une envie soudaine de prier me prend. Je sens monter en moi une piété dont je n’ai pas l’habitude. Est-ce la peur qui m’invite à Dieu ? Les temps difficiles ont toujours été temps de piété. Mon aïeul Nacereddine n’a-t-il pas été suivi par des milliers de gens en une période de grande misère ? L’aurais-je suivi si j’étais de ce temps ? Peut-être bien que j’aurais choisi la voie qu’empruntent les miens. Sans beaucoup d’enthousiasme. On ne peut pas rester en dehors des siens. Le poète Yacoubi l’avait bien com- pris. Il aimait les femmes et la bonne chère, il était poète et chanteur, il haïssait l’ennui et les sermons, il n’allait pas aux mosquées et ne fré- quentait guère les oulémas. Mais il était fils de notre tribu et il était allé combattre avec son clan. On ne choisit pas les siens.

Les gens de notre tribu avaient pourtant lou- voyé avant de choisir la voie des armes, ils ont prétendu vouloir voir appliqués les préceptes divins, chez eux, uniquement chez eux. C’est ce qu’ils ont dit aux Mghaffra, ces tribus guerrières qui gouvernaient par la force et qui n’avaient, aux yeux de Nacereddine, aucune religion.

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« — Que ne nous laissez-vous vivifier la Sonna, redresser les limites fixées par Dieu, servir la science divine et adorer le Seigneur ?... Nous peuplerions pour vous ce pays, nous vous y apporterions les bienfaits de l’équité  ; nous nous garderions de toute atteinte contre vous, contre vos Zenaga*, vos richesses et vos immeubles ; nous éviterions, en somme, tout acte de nature à appeler des repré- sailles contre nous. Or nous avons élu un Imam qui dirigera nos intérêts spirituels et nos intérêts matériels. »

Bien sûr les Mghaffra n’y ont pas cru et ont appelé à la guerre contre Nacereddine et ses émules, une guerre dont mon aïeul sera la pre- mière des victimes. Mais quel enthousiasme anima les miens ! Il est difficile d’imaginer ar- dents guerriers les gens de ma tribu, aujourd’hui si pacifiques. C’est la foi qui les anima alors.

Et elle leur servit non seulement comme ému- lation au combat mais comme arme pour se libérer de la pesanteur et de l’oppression de ces tribus « étrangères » qui manquaient de ri- gueur religieuse.

Et moi, peut-être que la prière va me libérer.

Mais je ne sais vers où me diriger pour prier, j’ai perdu le sens des directions, et je ne sens remuer en moi que la peur, une peur refoulée jusqu’ici

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et qui m’assaille soudain, non, il faut que je me retienne, je ferme les yeux, je respire fort pour me contrôler, mais tout mon corps crie et se révulse devant l’image que je vois, moi, aux mains de ces fêlés, moi, écartelé, moi, sanguinolent.

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