ActuAlité
www.revmed.ch
30 mars 2016
669
et embryons congelés compris.
Dans leur manifeste, les « cent trente » expliquent que le moment est venu de lever l’interdiction qui est aujourd’hui faite à une
« femme célibataire » de bénéficier d’un « don de sperme » – et ce « sans préjuger de son mode relationnel actuel ou futur, homo ou hétérosexuel ». Pourquoi ? Au motif « qu’une femme célibataire est reconnue dans ses droits pour élever ou adopter un enfant ».
C’est là un argumentaire d’une particu- lière faiblesse au regard des enjeux que sous-tend ce qui nécessiterait une modifi- cation majeure de la loi de bioéthique.
Les signataires du manifeste formu lent trois autres revendications. La première concerne le don d’ovocytes. Ils observent, à juste titre, que le système en vigueur en France ne permet pas de répondre à la de- mande (pas assez de donneuses) et de très nombreux couples se tournent alors vers l’étranger. « L’incohérence de la situation est que la Sécurité sociale rembourse, sous certaines conditions, une partie des frais engagés à l’étranger, même s’ils compor- tent une indemnisation de la donneuse, qui n’est pas autorisée dans notre pays, ex- pliquent-ils. Nous souhaitons développer le don d’ovocytes en France dans un cadre
de non-commercialisation des éléments du corps humain, ayant parfaitement cons- cien ce que les nombreuses propositions qui sont faites à l’étranger ont trop souvent un aspect mercantile auquel nos patientes n’ont d’autres choix que de s’y plier. »
La deuxième revendication concerne l’analyse chromosomique de certains em- bryons conçus in vitro.1 La troisième porte sur l’autoconservation des ovocytes par les femmes qui le souhaitent. Elle ne peut être pratiquée en France que si la femme présente une pathologie à risque pour sa fertilité (chimiothérapie pour cancer, voire endométriose) ou si elle souhaite donner une partie de ses ovocytes. En revanche, une autoconservation ovocytaire « pré- ventive » alors que la fertilité est encore satisfaisante, mais sans projet de grossesse immédiat, est interdite. Cette pratique est (moyennant finances) pratiquée en Espa- gne, en Belgique et en Grande-Bretagne.
L’ensemble des professionnels français ne sont pas favorables à ce qu’elle soit auto- risée en France. L’une des questions sou- levée est de savoir si la collectivité doit prendre en charge cette conservation par congélation-vitrification pour des femmes qui ne souffrent pas de stérilité mais qui
souhaitent « différer » leur grossesse sans réduire leur chance de procréer.
Au-delà de ces trois revendications, la volonté (affichée de longue date, mais sans succès, par le Pr Frydman) est de créer un
« Plan contre l’infertilité » comme il existe d’autres plans nationaux français tels que le « Plan cancer », le « Plan Alzheimer » ou le « Plan autisme ». Ce « Plan contre l’in- fertilité » permettrait de développer une prévention de l’infertilité qui fait cruelle- ment défaut. Il viserait à informer sur l’ef- fet inexorable de l’âge mais aussi sur les conséquences qu’ont les comportements alimentaires favorisant le surpoids, les ad- dictions (tabac, alcool, drogue) ou encore l’environnement polluant délétère dont il faut apprendre à se protéger.
C’est là un objectif louable et une en- treprise cohérente. L’erreur aura été, pour se faire mieux entendre, de prendre le risque de ruiner politiquement l’entreprise en voulant la médiatiser avec la question de l’homosexualité et l’effacement de la frontière thérapeutique.
lu pour vous
L’hypertension artérielle (HTA) est un facteur de risque majeur de développement de com
plications cardiovasculaires et les évidences cliniques de l’effet positif des traitements anti
hypertenseurs sur la morbimortalité cardio
vasculaire sont indiscutables, en prévention primaire comme secondaire. Cependant, la cible de valeur de tension artérielle (TA) permettant un effet optimal n’est pas bien déterminée, la tendance des dernières recommandations étant à un relèvement de cette valeur, s’éloignant d’un contrôle intensif. C’est dans ce but que les auteurs de l’étude multicentrique SPRINT, fondée par le NIH aux EtatsUnis, ont inclus plus de 9000 patients hypertendus mais non diabéti
ques de plus de 50 ans, avec un risque cardio
vasculaire élevé, ceux avec antécédent d’AVC étant exclus. Ces patients ont été randomisés en deux groupes, le premier avec une cible de TA systolique de moins de 120 mmHg (contrôle intensif), et le deuxième visant une cible entre 135 et 139 mmHg (contrôle standard). L’issue primaire était composite (infarctus du myocarde, autre syndrome coronarien aigu, AVC, insuffi
sance cardiaque ou décès d’origine cardiovas
culaire), avec une hypothèse de su périorité du traitement intensif. L’étude a été arrêtée préco
cement, car après un suivi de trois ans, l’issue primaire a été significativement plus rare dans le groupe intensif (1,65 % par année vs 2,19 % par année ; p < 0,001), avec un NNT à 61. Mal
gré une augmentation significative des événe
ments indésirables (hypotension, syncope, trouble électrolytique, insuffisance rénale), les auteurs concluent à l’intérêt d’un contrôle intensif de l’HTA, sous surveillance attentive de la tolé
rance au traitement.
commentaire : Comment intégrer les résultats de SPRINT, qui divergent des directives les plus récemment publiées ? La méthodologie de cette étude est peu critiquable, même si son arrêt précoce ou si l’analyse d’une issue primaire composite sont comme toujours discutables.
Le choix d’un thiazide en première intention ne représente probablement pas la pratique la plus répandue actuellement, mais la baisse intensive était essentiellement le résultat d’une augmen
tation du nombre de molécules antihyperten
sives utilisées (2,8 contre 1,8, en moyenne), et non pas du choix d’un traitement spécifique.
Enfin, on peut relever l’augmentation des effets indésirables, qui n’altère cependant pas le bé
néfice du traitement intensif. Il faut donc consi
dérer que la baisse absolue de 0,54 % de l’issue primaire démontrée dans SPRINT est de nature
à influencer la pratique clinique. Dans l’attente de la future adaptation – inévitable – des direc
tives et guidelines, il est raisonnable de tenter un traitement intensif de l’HTA chez les patients à haut risque cardiovasculaire, sauf chez les pa
tients diabétiques (pour lesquels le traitement intensif s’est révélé plutôt délétère) ou avec des antécédents d’AVC (pour lesquels les cibles intensives sont déjà recommandées) : la valeur cible de TA systolique doit alors être de moins de 120 mmHg, tout en restant attentif à la tolé
rance au traitement.
dr Lionel carrel et pr thierry fumeaux Service de médecine, Hôpital de Nyon
sprint research group. a randomized trial of intensive versus standard blood-pressure control. n engl J med 2015; 373:2103-16.
D.R.
quelle cible pour le contrôle de la tension artérielle chez des patients à haut risque cardiovasculaire ?
1 sur ce thème, se reporter à « interdira-t-on longtemps encore le dépistage des aneuploïdies ? » rev med suisse 2016;12:572-3.
44_45.indd 669 29.03.16 12:03