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La répartition sexuée des employé.e.s dans le domaine de l’agroalimentaire : le cas de Migros Genève

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Master

Reference

La répartition sexuée des employé.e.s dans le domaine de l'agroalimentaire : le cas de Migros Genève

ACHOUR, Sabrina, LAMAS, Clara

Abstract

L'objet de ce mémoire vise à étudier la question de la répartition sexuée des individus au sein de la sphère professionnelle, et plus particulièrement dans le domaine de l'agroalimentaire chez Migros Genève. Pourquoi les métiers ont-ils un sexe ? Comment et pourquoi définir un emploi comme étant féminin ou masculin ? Ce travail de recherche tente d'éclaircir ces questionnements par le biais d'une étude exploratoire en se basant sur les trajectoires de vie des personnes se conformant ou transgressant les normes de genre de notre société actuelle. Quelles sont les raisons qui poussent un individu à exercer un métier en conformité avec les normes de genre ou inversement qui le poussent à transgresser ces normes ? Les dix entretiens semi-directifs menés pour ce présent travail sont analysés au travers des approches « genre ». Ce contexte de recherche associe la féminité à l'emploi de caissier.ère et la masculinité au métier de vendeur.euse dans les rayons.

ACHOUR, Sabrina, LAMAS, Clara. La répartition sexuée des employé.e.s dans le domaine de l'agroalimentaire : le cas de Migros Genève. Master : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:124487

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LA RÉPARTITION SEXUÉE DES EMPLOYÉ.E.S DANS LE DOMAINE DE L’AGROALIMENTAIRE :

le cas de Migros Genève

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION, ORIENTATION FORMATION DES ADULTES

PAR

Sabrina ACHOUR Clara LAMAS

DIRECTRICE DU MÉMOIRE Isabelle COLLET

JURY

Giorgia MAGNI Gersende SIMONI

Genève, août 2019

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION SECTION DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION

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RÉSUMÉ

L’objet de ce mémoire vise à étudier la question de la répartition sexuée des individus au sein de la sphère professionnelle, et plus particulièrement dans le domaine de l’agroalimentaire chez Migros Genève. Pourquoi les métiers ont-ils un sexe ? Comment et pourquoi définir un emploi comme étant féminin ou masculin ? Ce travail de recherche tente d’éclaircir ces questionnements par le biais d’une étude exploratoire en se basant sur les trajectoires de vie des personnes se conformant ou transgressant les normes de genre de notre société actuelle. Quelles sont les raisons qui poussent un individu à exercer un métier en conformité avec les normes de genre ou inversement qui le poussent à transgresser ces normes ? Les dix entretiens semi- directifs menés pour ce présent travail sont analysés au travers des approches « genre ». Ce contexte de recherche associe la féminité à l’emploi de caissier.ère et la masculinité au métier de vendeur.euse dans les rayons.

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Déclaration sur l’honneur

Nous déclarons que les conditions de réalisation de ce travail de mémoire respectent la charte d’éthique et de déontologie de l’Université de Genève. Nous sommes bien l’auteures de ce texte et attestons que toute affirmation qu’il contient et qui n’est pas le fruit de notre réflexion personnelle est attribuée à sa source ; tout passage recopié d’une autre source est en outre placé entre guillemets.

Genève, le 28 août 2019

Sabrina ACHOUR et Clara LAMAS

Signatures

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Remerciements

Nous tenions à commencer ce mémoire en adressant nos sincères remerciements…

…À Madame Isabelle Collet, notre directrice de mémoire sans qui nous n’aurions pas pu fournir un travail abouti. Nous la remercions pour ses conseils, ses relectures et ses encouragements qui nous ont permis d’arriver au terme de ce présent travail de recherche,

…Aux jurées de notre soutenance, Mesdames Giorga Magni et Gersende Simoni, pour avoir pris le temps de lire notre travail et d’avoir accepté de prendre part à cette aventure avec nous,

…Aux personnes qui ont gentiment accepté de répondre à nos questions durant nos entretiens. Les échanges ont été d’une extrême richesse et ce mémoire n’aurait pas pu voir le jour sans elles,

…À nos amis et amies qui nous ont soutenu durant cette période d’élaboration, d’avoir su nous rassurer et nous rebooster durant les moments de doute,

…À nos familles, qui ont toujours été là dans le soutien de ce travail, et qui nous ont toujours accompagnées du début à la fin…

Un énorme merci à vous tous, sans qui ce mémoire n’aurait pas pu exister…

(6)

Table des matières

1 Introduction ... 8

1.1 Le sexe et le genre ... 8

1.2 Ancrage théorique de notre projet et présentation de la recherche ... 10

1.3 Justification de notre choix pour cette recherche ... 11

1.4 Déroulement de notre mémoire ... 12

2 Cadre théorique ... 13

2.1 Famille et école, la socialisation sexuée ... 13

2.1.1 L’émergence des différences durant l’enfance ... 14

2.1.2 Les jouets, de puissants différenciateurs... 15

2.1.3 Dans les écoles ... 16

2.1.4 Construction du genre à l’adolescence... 18

2.2 Orientation scolaire : orientations socio-sexuées et le cas des étudiant.e.s transfuges . 20 2.2.1 Evolution de la division sexuée des savoirs ... 20

2.2.2 Des orientations inégalitaires ... 20

2.2.3 L’orientation scolaire : une dimension identitaire ... 22

2.2.4 Le cas des étudiant.e.s transfuges ... 26

2.3 Emploi et genre ... 30

2.3.1 Evolution de la division sexuée du travail ... 30

2.3.2 Femmes, hommes et emploi : situation actuelle ... 32

3 Problématique ... 41

3.1 Problématisation ... 41

3.2 Questions de recherche ... 42

4 Méthodologie de recherche ... 43

4.1 Terrain d’étude : la Migros ... 43

4.1.1 Bref historique ... 43

4.1.2 Migros Genève ... 43

4.2 Posture épistémologique ... 44

4.3 Participant.e.s ... 45

4.3.1 Recrutement des participant.e.s ... 45

4.3.2 Présentation des interviewé.e.s ... 47

4.4 Instrument choisi ... 49

(7)

4.5 Déroulement des entretiens ... 51

4.6 Retranscription des entretiens ... 52

4.7 Résumés des entretiens ... 52

4.7.1 Igor ... 52

4.7.2 Mattéo ... 54

4.7.3 Antoine ... 58

4.7.4 Hillary ... 63

4.7.5 Luna ... 67

4.7.6 Jacques ... 72

4.7.7 Flavie ... 75

4.7.8 Alexandra ... 78

4.7.9 Paul... 81

4.7.10 Claudine ... 83

5 Analyse des entretiens... 85

5.1 Thème 1 : Construction genrée des professions ... 85

5.2 Thème 2 : être caissier.ère, un métier par résignation ... 97

5.3 Thème 3 : Femmes dans les rayons : les freins rencontrés ...106

5.4 Thème 4 : Evolution de carrière ...120

5.5 Thème 5 : Hommes et femmes face aux positions d’autorité ...127

6 Conclusion ... 129

7 Bibliographie et webographie ... 132

8 Annexes ... 140

8.1 Retranscription des entretiens ...140

8.1.1 Igor (Rayon : chef de secteur, 28 ans, temps plein, célibataire) ... 140

8.1.2 Mattéo (Rayon : vendeur, 29 ans, temps plein, célibataire) ... 154

8.1.3 Antoine (Rayon : vendeur, 26 ans, temps plein, célibataire) ... 181

8.1.4 Hillary (Caisse : caissière, 59 ans, temps plein, célibataire)... 208

8.1.5 Luna (Rayon : vendeuse, 22 ans, temps plein, célibataire) ... 237

8.1.6 Claudine (Caisse : caissière, 58 ans, temps plein, mariée) ... 258

8.1.7 Jacques (Caisse : chef de secteur, 49 ans, temps plein, divorcé) ... 281

8.1.8 Paul (Caisse : caissier, 61 ans, 80%, marié) ... 307

8.1.9 Flavie (Rayon : cheffe de secteur, 31 ans, temps plein, célibataire) ... 332

8.1.10 Alexandra (Rayon : cheffe de secteur, 44 ans, temps plein, mariée) ... 369

(8)

8.2 Courriers et courriels échangés ...393

8.2.1 Courrier à l’attention des Ressources Humaines de la Migros... 393

8.2.2 Echanges de courriels avec les Ressources Humaines de la Migros... 394

8.2.3 Echanges de courriels avec des gérants de magasins Migros ... 396

8.3 Liste des sigles utilisés ...398

(9)

1 Introduction

Il nous semble tout d’abord important de définir deux concepts au cœur de notre recherche : le sexe et le genre ; ceci afin d’avoir un fil conducteur tout au long de ce présent travail. Celui-ci s’ancrant dans le domaine des études genre, il est primordial de donner notre positionnement quant à ces concepts. Ainsi nous nous tiendrons à ces deux déterminations tout au long de notre mémoire.

1.1 Le sexe et le genre

Le terme « sexe » est entendu au sens biologique ; il représente le sexe que l’on acquiert à la naissance ainsi que les rôles et comportements qui lui correspondent.

Le sexe biologique est divisé aujourd’hui en deux catégories : le sexe femelle et le sexe mâle, différents l’un de l’autre. Cette séparation distincte prend principalement appui sur la différence des organes reproducteurs. Malgré un net contraste entre les deux, les médecins et les sciences font face à des éléments anatomiques complexes et incertains en ce qui concerne cette bi- catégorisation.

D’après Le Feuvre (2002), citée par Collet (2014), le genre est défini comme étant « un système social de différenciation et de hiérarchisation qui opère une bi-catégorisation relativement arbitraire dans le continuum des caractéristiques sexuelles des êtres humains » (p. 22) ou encore comme « un rapport social de pouvoir du groupe des hommes sur le groupe des femmes, qui institue des normes de sexe différenciatrices et hiérarchisantes » (Collet & Mosconi, 2010, p.

101).

Contrairement au sexe, le genre n’est pas entendu au sens biologique du terme ; il se rapporte aux différences sociales que nous pouvons observer au sein de notre société. Il est également défini comme les attributs du féminin et du masculin que la socialisation et l’éducation différenciées des individus produisent et reproduisent (Collet et Dayer, 2015). Le genre vu comme un système permet de comprendre la division entre deux catégories hiérarchisées, qui elles émanent du sexe biologique.

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Le concept de genre a été créé pour étudier la manière dont les sociétés appliquent leurs réflexions, échelonnent et arrangent les différences entre les sexes et automatisent le comportement sexuel. Il établit les classifications d’hommes, de femmes, de sexe, de sexualité et les notions de féminin, masculin au sens de concepts socialement construits et non pas en tant qu’éléments naturels inchangeables. Les connaissances acquises, qui ont longtemps reposées sur la notion de nature, sont alors également mises en cause. Comme Parini le souligne, « Les rôles sexués ne découlent pas “naturellement” des différences biologiques, mais sont les résultats de constructions sociales » (Parini, 2006, p. 23). Nous pouvons donc affirmer que les relations entre femmes et homme sont culturellement et socialement construites, et que celles-ci vont bien au-delà d’aspects physiques. Différentes grilles d'analyse mettent en évidence les problèmes de pouvoir liés au sexe, aux identités sexuelles et aux sexualités, liés à d'autres formes d'inégalité et de discrimination. Le sexe biologique et le genre social sont donc deux éléments bien distincts.

L’imbrication entre le sexe et le genre a beaucoup été aidée par les féministes. En effet, il ne s’agit plus de « constater la différence entre des rôles sociaux en fonction du sexe, mais d’en interroger la valorisation différente » (Parini, 2006, p.23). Il est donc tout à fait important de questionner la hiérarchisation des divergences entre les sexes plutôt que de s’immobiliser sur l’aspect biologique. De ce constat un concept « qui désigne plus clairement un ensemble de dispositifs institutionnels et de pratiques sociales assurant la domination des hommes sur les femmes » (Parini, 2006, p. 23) est mis en exergue.

La construction de l’identité sexuée est donc un processus complexe ; et qui se situe à l’interface du social et du psychologique. Elle a des dimensions objectives (le sexe défini dans la culture et le sexe d’assignation) et des aspects subjectifs (le sentiment d’appartenir à un sexe).

Suite à cette clarification conceptuelle, nous allons présenter notre recherche en définissant son ancrage théorique ; nous allons également justifier notre décision quant au sujet de ce présent mémoire et enfin nous terminerons cette introduction en expliquant le déroulement de celui-ci.

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1.2 Ancrage théorique de notre projet et présentation de la recherche

Notre travail de mémoire s’ancre dans le domaine des Sciences de l’éducation et dans les travaux d’études genre. Nous nous intéressons aux trajectoires des personnes ayant une activité professionnelle atypique, c’est-à-dire exerçant un métier majoritairement investi par le sexe opposé.

Nous avons choisi d’utiliser le terrain de la Migros pour notre mémoire, car nous avons pu observer que ce phénomène était également à l’œuvre au sein de l’entreprise, et de manière générale dans toutes les entreprises de la grande distribution agroalimentaire. C’est-à-dire que nous avons d’une part la profession de caissier.ère qui, dans les représentations du grand public, est un métier majoritairement exercé par des femmes ; et d’autre part la profession qui consiste en la gestion des rayons et de la marchandise, nommée vendeur.euse chez Migros ; qui est un métier exercé majoritairement par des hommes. Notre choix s’est porté sur cette entreprise en particulier, tout d’abord car la Migros occupe la place de leadeur du secteur agroalimentaire en Suisse, mais également parce qu’il s’agit d’une entreprise réputée qui offre divers services de formation (AFP, CFC, formations internes, etc.), à différents publics.

Le but de ce mémoire serait de comprendre pourquoi les femmes sont surreprésentées aux caisses et les hommes dans les rayons. Nous nous intéressons également aux raisons qui poussent une faible portion de la population à exercer un métier atypique, et à leur vécu quant à cette expérience.

Pour mener à bien ce projet, nous avons interviewé dix collaborateurs ; cinq personnes qui exercent en caisse et cinq en rayon, en ayant des profils typiques et atypiques. Ne s’agissant pas de faire une étude uniquement sur les femmes investies dans une profession à dominance masculine, mais bien du genre, nous avons volontairement décidé d’interviewer hommes et femmes placés dans une situation identique ou en totale opposition (situation de minorité versus situation de majorité). Cela nous permet effectivement de privilégier une approche relationnelle du sexe, puisque les caractéristiques liées à chacun des sexes sont socialement construites dans une relation d’opposition.

(12)

1.3 Justification de notre choix pour cette recherche

Nous avons choisi d’axer notre mémoire sur les études genre car nous avons, l’une comme l’autre, développé un attrait particulier pour les cours que nous avons pu suivre à ce sujet durant notre cursus universitaire à la faculté des Sciences de l’éducation. La thématique des métiers atypiques nous intéresse tout particulièrement, car il nous semble primordial d’élargir la palette des métiers s’offrant aux hommes et aux femmes, et que tout un chacun puisse se réaliser, en exerçant n’importe quelle profession et cela indépendamment de son appartenance sexuelle.

Nous avons décidé de nous pencher sur un domaine qui a jusqu’alors été très peu traité : le domaine de la distribution agroalimentaire. En effet, il nous a paru d’autant plus intéressant et innovant de nous attarder sur un domaine où la distinction des métiers atypiques n’est de prime à bord pas extrêmement perceptible. En effet, il ne s’agit pas ici d’une séparation nette et bien définie comme certains autres métiers très sexuellement typés tels que les métiers de la construction ou encore les métiers du soin à la personne. Notre volonté était également de mettre en lumière des métiers qui sont socialement peu valorisés, ce qui nous a d’autant plus poussé à utiliser ce terrain.

Notre travail vise à expliquer la construction de la répartition sexuée des collaborateurs exerçant dans la grande distribution. A travers le discours de nos interviewés, nous allons pouvoir accéder à des explications quant à leurs choix professionnels ; nous aurons également accès à leur vécu qui nous permettra d’identifier les différentes barrières ou facilités auxquelles ils ont été / sont confrontés. Cela pourrait permettre d’ouvrir l’accès des deux professions auxquels nous nous intéressons, aux deux sexes. Ainsi, notre travail peut constituer un apport dans la compréhension des mécanismes qui se produisent dans l’exercice d’une profession atypique.

Celui-ci pourrait soutenir les entreprises de l’agroalimentaire dans leurs pratiques, en leur donnant des pistes de compréhension afin de prendre en considération, de la meilleure manière possible, le public qui exerce en son sein. Ce travail pourrait ainsi ouvrir de nouvelles pistes pour la gestion du personnel de la grande distribution.

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1.4 Déroulement de notre mémoire

Notre travail de recherche se déroulera comme suit : dans le premier chapitre, nous ferons un état des lieux de la littérature au travers d’un cadre théorique afin de mettre en exergue les différentes théories qui émanent des études de genre et sur lesquelles nous nous baserons pour établir notre analyse. Nous traiterons ainsi dans ce premier chapitre de la socialisation sexuée, des orientations scolaires et du genre dans le marché de l’emploi.

Le second chapitre concernera la problématisation de notre recherche, ainsi que nos questions de recherche.

Le troisième chapitre présentera le cadre méthodologique dans lequel s’inscrit notre recherche.

Nous commencerons par présenter l’entreprise Migros, qui constitue notre terrain d’étude.

Nous détaillerons ensuite notre posture de chercheuses, notamment, ainsi que des résumés succincts présentant nos interviewés sur la base d’informations factuelles ; nous aborderons ensuite les techniques utilisées pour approcher notre public cible, l’instrument choisi pour la récolte des données (à savoir l’entretien semi-directif), le déroulement des entretiens et finalement, nous commenterons le procédé choisi afin de les analyser.

La quatrième partie de notre mémoire se centrera sur l’analyse des données recueillies, puis nous conclurons notre recherche par une analyse plus globale, une synthèse et discussion du projet. Nous émettrons également certaines pistes en vue d’approfondir la recherche.

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2 Cadre théorique

2.1 Famille et école, la socialisation sexuée

Selon A. Houel (2014), V. Rouyer, S. Croity-Belz et Y. Prêteur (2010), et Duru-Bellat (2017), la socialisation sexuée prend place dès la naissance d’un enfant. Dans un premier temps, le fait que les parents annoncent une préférence quant au sexe de leur futur enfant démontre que ceux- ci projettent des attentes différentes selon le sexe de leur progéniture. En effet, la perception des adultes quant au bébé est dirigée par le sexe de celui-ci et non par le comportement du nourrisson. Les parents ont tendance à décrire leurs enfants par des comportements stéréotypés plutôt que par des comportements observés, et cela pointe le fait qu’il est important pour les parents d’avoir un enfant conforme à son rôle suivant son sexe.

Duru-Bellat (2017) et Le Maner-Idrissi (2013) nous expliquent que les pratiques éducatives des parents diffèrent en fonction du sexe de leur progéniture, de manière inconsciente. En effet,

« Selon son sexe, le bébé est supposé se couler dans un moule, que définissent et délimitent les stéréotypes du masculin et du féminin qui ont cours » (Duru-Bellat, 2017, p. 30). Les filles sont par exemple plus stimulées d’un point de vue communicationnel et les garçons d’un point de vue moteur. Les filles, perçues comme fragiles sont le plus souvent maintenues à proximité de leurs parents, et ces derniers leur viennent systématiquement en aide ; alors que les garçons sont pour leur part encouragés à explorer leur environnement, et à se débrouiller par leurs propres moyens. Ainsi ceux-ci acquièrent un sentiment de puissance personnelle alors que les filles développement un sentiment de dépendance.

Entre les études menées dans les années 50 et les études plus récentes, selon Collet (2014), nous pouvons constater une diminution des comportements stéréotypés de la part des parents.

Cependant les grandes tendances telles que des couleurs différenciées pour la chambre d’un bébé en fonction de son sexe persistent (couleurs vives pour un garçon et pastel pour une fille).

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2.1.1 L’émergence des différences durant l’enfance

Les enfants font preuve d’une grande précocité en ce qui concerne la compréhension de leur appartenance à tel ou tel sexe en se servant de trois indicateurs : les parties intimes, les objets qu’ils utilisent et leurs caractéristiques physiques. Dès leur plus jeune âge, les enfants s’adaptent aux représentations sociales émissent par leurs différents milieux de vie. Ils donnent effectivement une place importante et signifiante aux personnes présentes dans leurs différents environnements de vie, et appréhendent ainsi les codes et les normes de la société au travers de ces agents d’influence, que sont leurs pairs ou leurs adultes référents.

A deux ans, les enfants ont intégré les rôles de sexe. D’après Collet (2014), « ils vont valoriser les comportements appropriés à leur catégorie d’appartenance en même temps qu’ils valorisent leur propre groupe. » (p. 32). Cependant, il existe une asymétrie dans ces rôles ; en effet, il est plus facile pour les filles de ne pas adhérer aux stéréotypes sexués. Si elles choisissent de s’approprier des comportements employés généralement par les garçons, elles auront dans le pire des cas l’étiquette du « garçon manqué ». Celles-ci choisissent donc d’adopter des comportements du groupe dit « dominant ». Contrairement aux filles, les garçons qui adoptent un comportement jugé féminin auront la pression de faire planer le doute sur leur homosexualité. Les garçons voulant jouer avec des jouets destinés aux filles se verront faire interdire leur accès et ceux-ci devront cacher ce désir profond de les utiliser.

D’après M. Tostain (2010), les enfants se préoccupent, à un certain moment de leur développement, de respecter les codes sexués qui émanent de la société. Pour eux, le sexe d’une personne est dans un premier temps défini d’une manière socioculturelle. En effet, nous sommes un garçon ou une fille selon des comportements, attitudes et apparences que la société d’aujourd’hui donne à chaque sexe (longueur de cheveux : court pour un garçon, long pour une fille ; porter une jupe ou un pantalon, etc.). C’est à partir de l’âge d’environ sept ans que les enfants comprennent que le sexe d’une personne est, dans un premier temps, permanent dans le temps et les situations ; et dans un second temps, défini biologiquement par l’appareil génital.

L’importance accordée aux codes sexués est à son maximum ; les transgressions des rôles de sexe sont pour les enfants irrecevables et au moins aussi déplacées que les violations morales.

Beaucoup d’enfants font donc extrêmement attention de bien respecter les codes dictés par la société et sont très soucieux du fait que les personnes partageant leur environnement les respectent aussi.

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2.1.2 Les jouets, de puissants différenciateurs

Il existe des différences entre les jouets destinés aux filles et ceux destinés aux garçons. Les enfants manifestent des styles de jeu différents ; et à partir de 18 mois, ils affichent des préférences pour les jouets appropriés à leur sexe d’appartenance avant même qu’ils ne connaissent le genre du jouet. Les stéréotypes à l’œuvre dans la culture adulte entrent rapidement dans les mœurs des enfants.

L’environnement physique dans lequel les filles et les garçons évoluent est différencié avant même que ces derniers puissent choisir une quelconque préférence. En effet, les garçons sont souvent entourés de jouets en lien avec le sport, les moyens de transport et le bricolage, alors que les filles sont pour leur part entourées de poupées, de peluches et de jouets qui encouragent la motricité fine. Pour les garçons, leurs jouets exaltent des valeurs telles que le courage, l’esprit d’aventure, alors que pour les filles ils représentent des domaines considérés comme moindres par la société : la sphère domestique, le soin aux autres et l’apparence. Les adultes faisant parti de l’entourage de l’enfant émettent un renforcement positif lorsque celui-ci joue avec le jouet assigné à son sexe, ce qui va produire chez l’enfant un moteur à reproduire ce même comportement.

En plus d’être différents, selon Duru-Bellat (2017), ces jouets sont inégalement répartis : « par rapport aux jeux offerts aux filles, ceux offerts aux garçons sont à la fois plus nombreux et davantage susceptibles d’activités diversifiées, de possibilités inventives et de manipulation ; ils sont liés au mouvement, à la construction, à l’agression, à l’aventure… A l’inverse, les filles reçoivent des jouets qui encouragent l’imitation, permettent de jouer à proximité des parents, les confinent au domaine maternel ou domestique, et les amènent donc à se situer dans un espace beaucoup plus restreint, tout en les préparant à des tâches qu’elles auront à assumer largement à l’âge adulte » (p. 35).

Selon A. Dafflon-Novelle (2010), les jouets des garçons n’ont pas de filles qui leur sont associés (Batman et Robin), alors que les jouets des filles sont presque toujours associés à une figure masculine (Barbie et Ken). Cela est interprété comme une nécessité, pour que l’univers des filles tienne debout, d’avoir une présence masculine. Ainsi ces jouets mettent en scène des représentations d’hommes très distinctes : forts et héroïques dans un monde sans femmes versus élégance et vie conjugale hétérosexuelle. Depuis l’arrivée de Ken, c’est

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d’ailleurs lui qui réalise les tâches qui incombent au rôle du sexe masculin, et son introduction fait intervenir des situations de polygamie (Collet, 2014). Les jouets généralement attribués aux garçons sont en rapport avec l’aventure, la guerre, l’agressivité etc. De ce fait, les filles, de par la société, associent ces éléments comme étant masculins et dominants (Carnino, 2005).

Baerlocher (2006) nous informe du fait que les enfants, à partir de 20 mois, émettent des préférences quant au choix de jouets. Mais cela n’est pas « inné, l’environnement ou la société en général étant responsables de leur émergence » (Wood et al., 2002 cités par Baerlocher, 2006, p. 271).

Comme nous informe Collet (2014), Dans notre société nous parlons de plus en plus d’égalité des sexes, alors que le marketing induit de plus en plus cette scission entre les deux sexes : il est effectivement compliqué pour une fille de faire don de son vélo rose à son frère, alors que s’il avait été d’une couleur plus neutre (par exemple jaune) le don aurait été facilité. Ainsi, en différenciant les jouets, cela permet à la société d’engendrer davantage de bénéfices, et ce, au détriment d’une construction du genre plus égalitaire chez les enfants.

Finalement, selon Zegaï (2014), la famille, en tant qu’instance de socialisation principale de l’enfant, peut développer ou restreindre le champ des possibles des enfants en termes de construction du genre. Elle les développe en remettant en question les assignations normatives du genre et les contraint en les validant et en les appliquant. Dafflon-Novelle (2006) ajoute que les parents jouent un rôle essentiel dans la création de l’environnement de l’enfant ; en effet, avant même sa naissance, ils choisissent des éléments venant entraver le choix de l’enfant à construire son identité sexuée tels que peindre la chambre des filles en rose, en y ajoutant des poupées versus peindre la chambre des garçons en bleu garnie de petites voitures.

2.1.3 Dans les écoles

Les dynamiques interactionnelles en classe ainsi que les manuels reprennent les modèles traditionnels du masculin et du féminin, ce qui expose les élèves à des conduites et des choix de vie conformes à l’image que la société a de leur sexe. Dans les manuels scolaires, les rôles de sexe sont définis de manière encore plus ferme que dans la réalité ; les hommes y sont surreprésentés, ils sont beaucoup plus nombreux que les femmes à être présentés comme professionnellement actifs et ils occupent des postes élevés dans la hiérarchie sociale.

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Pour ce qui est des interactions, il a été démontré que les enseignants ont des échanges différenciés avec leurs élèves, en fonction du sexe de ces derniers. Selon Duru-Bellat (2017), ils consacreraient effectivement moins de temps aux filles qu’aux garçons (44% versus 56%).

D’après Jarlégan (2011), les garçons sont plus souvent destinataires de questions ouvertes et reçoivent plus souvent des feed-backs, alors que les filles sont plus souvent sollicitées pour répondre à des questions simples ou pour rappeler des savoirs. Les questions ouvertes nécessitant un niveau de conceptualisation plus élevé, les occasions d’apprentissage sont différentes pour les filles et les garçons.

Toujours d’après Jarlégan (2014) et Duru-Bellat (2017), les enseignants perçoivent les élèves du sexe masculin comme plus compétents dans les branches typiquement masculines telles que les maths, et les filles plus compétentes dans des disciplines telles que les langues ou encore la lecture. Cela influence ainsi les représentations que les élèves ont d’eux-mêmes et des disciplines scolaires. « L’idée que les filles sont moins douées que les garçons pour les maths se forge très tôt dans l’esprit des enfants, avant même le début de l’apprentissage des mathématiques à l’école. Ce préjugé s’inscrit dans une réalité sociale et culturelle où perdurent les stéréotypes sur les représentations sexuées des disciplines, des métiers, des rôles sociaux et familiaux des femmes et des hommes » (Sinigaglia-Amadio, 2014, p. 25). Ainsi les élèves développent des catégories au niveau des disciplines, mais également au niveau personnel. Cela peut ainsi impacter leurs performances et leur propre estime. En effet, le fait de simplement penser que les filles possèdent de moins bonnes capacités mathématiques peut « provoquer une menace psychologique, laquelle à son tour va entraver le raisonnement et par conséquent nuire à la performance.» (Dafflon-Novelle, 2006, p. 370).

Les attentes des enseignants sont ainsi différentes en fonction du sexe des élèves (mais également de leur statut social ou d’un éventuel redoublement). Ces inégalités sont dites

« naturelles ». Par exemple, d’après Collet (2014), les filles réussissent mieux à l’école.

L’institution sous-estime cependant leur réussite, puisqu’elle l’attribue au travail, alors que la réussite d’un garçon est expliquée en termes de talent. Cela permet ainsi d’équilibrer les classes, puisque les garçons qui sont légèrement en dessous passeront l’année alors que des filles avec le même résultat redoubleront.

Ainsi, d’après Jarlégan (2014), « (…) l’apprentissage du métier d’élève se fait par le biais d’une socialisation scolaire sexuée diffuse au sein de laquelle les jugements et attentes des enseignant-

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e-s, les interactions verbales, les supports pédagogiques jouent un rôle non négligeable » (p.

199).

2.1.4 Construction du genre à l’adolescence

Selon Duru-Bellat (2017), l’enjeu principal des adolescents consiste en se faire accepter par les pairs. Il est attendu pour les garçons de manifester des qualités athlétiques et physiques, une capacité à défier les règlements, une décontraction et une discrétion quant à leur réussite scolaire. Pour les filles, il est attendu d’elles qu’elle soient sociables, et qu’elles prennent soin de leur apparence.

Ces normes se retrouvent dans un milieu scolaire mixte, puisqu’il est attendu des jeunes filles qu’elles laissent de l’espace aux garçons, qu’elles les soutiennent et qu’elles soient bienveillantes envers eux. Les garçons, tentent de maintenir une pression constante afin de garder les filles à leur place, ce qui déclenche de la « violence de genre » dans les établissements d’enseignement, banalisée et perçue comme normale par les enseignants.

Sur le plan scolaire, les filles qui obtiennent de bons résultats développent une crainte du succès, puisque celles-ci entrent en concurrence avec les garçons, au lieu de les soutenir (rôle normalement attendu de leur part). Cette « peur du succès » (Duru-Bellat, 2017), est également présente chez le sexe masculin. Trop bien réussir peut être synonyme de féminité. Pour contrer cela, quelques options s’offrent à eux : ils peuvent soit rejeter l’école en affichant des comportements virils, soit contester, soit ne réussir que dans les branches typées masculines.

« Dès lors que les disciplines scolaires elles-mêmes sont investies de connotations sexuées, les élèves cherchent à se positionner comme garçon ou comme fille, et développent en conséquence un sentiment de compétence plus ou moins fort dans les matières censées leur correspondre » (Duru-Bellat 2017 p. 59). Ainsi, pour éviter de donner l’impression d’entrer en concurrence contre les garçons, les filles se sous-estiment dès qu’elles sont confrontées à des domaines connotés comme masculins.

Les enquêtes PISA (2015) nous renseignent sur les compétences scolaires des filles et des garçons de 15 ans, et nous pouvons voir que celles-ci sont effectivement conformes aux normes dictées par le genre : concernant les compétences à l’écrit, les filles obtiennent un score moyen

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de 505 et les garçons un score moyen de 480. Pour ce qui est des compétences en mathématiques, la tendance s’inverse et les filles perçoivent un score moyen de 515 alors que les garçons atteignent un score de 527. Enfin, pour ce qui est des compétences en sciences, le score moyen des filles s’élève à 502 et celui des garçons à 508. Les filles sont effectivement plus performantes dans les matières en lien avec les langues et la littérature, alors que les garçons sont pour leur part plus compétents pour les matières en lien avec les sciences.

En général, dès qu’un contexte est sexué, les filles et les garçons développent des comportements différenciés, en fonction des comportements qui sont socialement attendus d’eux. « Les stéréotypes pèsent sur les relations entre pairs et avec les enseignants, et au total, la mixité se traduit, pour les filles, en particulier dans certaines matières, par des interactions pédagogiques moins stimulantes, avec comme résultat de moindres progressions intellectuelles, une moindre confiance dans ses possibilités et de manière plus générale une moindre estime de soi, le tout renforcé au jour le jour par la « violence de genre » qui règne dans les espaces scolaires » (Duru-Bella, 2017, p. 61).

La mixité a également des répercussions sur les garçons. Dans les idées de tout un chacun, nous pensons que cela les calme du point de vue de leur conduite, mais en réalité cela les contraint à afficher autant que possible leur virilité, ce qui souvent, entre en contradiction avec les normes du bon élève.

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2.2 Orientation scolaire : orientations socio-sexuées et le cas des étudiant.e.s transfuges

2.2.1 Evolution de la division sexuée des savoirs

Parini (2006, pp. 52-53) montre que le parcours vers un accès égalitaire des femmes à l’éducation est semé d’embuches. Suite aux révolutions politiques (Révolution Française à la fin du 18ème siècle et Révolution industrielle au 19ème siècle), les sociétés occidentales remettent en question le système qui favorise l’accès à l’instruction aux classes dominantes. L’éducation devient ainsi petit à petit un droit pour tout le monde. Cependant, garçons et filles n’auront pas accès aux mêmes droits à l’instruction jusqu’au 20ème siècle : cet état de fait ne sera pas sans conséquences sur l’accès différencié des hommes et des femmes aux métiers et professions et à l’autonomie économique plus généralement. Les femmes trouvent ainsi un accès à l’instruction, mais celle-ci se doit d’être tournée vers l’éducation des enfants et la tenue d’un foyer. Elles restent ainsi reléguées à leur rôle « naturel » de mères, devant occuper le cercle privé du foyer, alors que « le nouveau citoyen : un homme instruit et libre de s’accomplir tant sur le plan politique qu’économique » (Parini, 2006, pp. 52-53) occupe une place dans la sphère publique. Le cursus des garçons et des filles est ainsi séparé, pour permettre ces différentes orientations. De nombreuses luttes se sont poursuivies pendant le 20ème siècle, afin que les filles et les garçons obtiennent réellement un droit égal à l’éducation.

2.2.2 Des orientations inégalitaires

De nos jours, il pourrait sembler de prime abord que les femmes et les hommes aient atteint un niveau égalitaire d’accès à l’éducation et à la formation, puisque ceux-ci peuvent accéder à toutes les filières, et ce, indépendamment de leur sexe. Cependant, lorsque nous analysons la question plus en détail, nous pouvons effectivement voir que les choix d’études ne sont pas les mêmes, en fonction du sexe, et que le niveau de diplômes et leur insertion sociale prioritaire diffèrent également.

Les prémices de la division sexuée du travail se retrouvent dans les choix d’orientation des sujets. Comme nous le verrons, les institutions socialisatrices telles que l’école obligatoire, la formation générale, professionnelle ou universitaire jouent un grand rôle dans la production et la reconfiguration des rapports sociaux entre les sexes. Celles-ci ne sont cependant pas les seules instances responsables de l’orientation sexuée. D’après Vouillot (2010) « l’orientation

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scolaire est sexuée parce que le monde du travail est sexué » (p. 187). Lemarchant (2017) va encore plus loin, annonçant que « La division sexuée du travail influence les représentations que les jeunes se font des métiers, lesquels influent sur les choix d’orientation scolaire, construits en tant que garçon ou fille » (p. 94).

Ainsi, la plupart du temps, les filles se projettent dans un métier dans lequel elles sont attendues, à savoir un métier féminin et les garçons se projettent le plus souvent dans des métiers à dominance masculine. Les données de l’OFS, en Suisse, démontrent que les hommes s’orientent effectivement plus vers des filières techniques telles que l’architecture et la construction, l’ingénierie, l’informatique et la technique ; alors que les femmes se dirigent plus volontiers vers des filières de la santé, de l’enseignement, du travail social ou des sciences humaines ou sociales. Ces dernières filières valorisent effectivement leurs qualités soi-disant

« naturelles ». Chacun des groupes se conforme ainsi aux attentes liées au genre.

Pour expliquer cette répartition déséquilibrée dans les filières, Parini (2006) avance deux explications : la première est que « la densité des dispositifs de socialisation de genre conditionne les filles dès leur plus jeune âge à suivre des filières dites féminines » (p. 23), elles auraient ainsi intériorisé cette domination. Cette explication est cependant trop déterministe. En effet, malgré le fait que nous intégrions des rôles sociaux genrés à travers les dispositifs de socialisations tels que l’école et la famille, Vouillot (2007) exprime que se cachent « des enjeux personnels et identitaires pour les sujets » (p. 93), derrière leur projet d’orientation. La seconde explication est que les filles « choisissent des filières dans lesquelles elles ont plus de chance de réussir » (p. 53). Il est ici question du concept de l’anticipation raisonnable, d’après lequel les filles intègrent effectivement plus que les garçons, la dimension familiale à leur projet professionnel. Il s’agit donc de la question de l’aménagement des différents temps sociaux.

Les questions de genre ont éveillé un intérêt tout particulier chez de nombreux chercheurs, car en effet, bien que les filles réussissent généralement mieux à l’école que les garçons, et qu’elles empruntent un cursus généralement plus long que ces derniers, leur réussite scolaire ne se convertit pas d’emblée en réussite professionnelle. En effet, selon Collet (2014), « A diplôme équivalent, les hommes rentabilisent mieux leur formation que les femmes, quel que soit le niveau du diplôme, que ce soit en termes de salaire ou de carrière » (p. 59).

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Le sexe n’est cependant pas le seul facteur influençant les choix d’orientation des jeunes. Il est également important de se questionner sur l’origine socio-ethnique de ceux-ci, qui constitue un facteur déterminant quant à leurs choix de parcours scolaires.

2.2.3 L’orientation scolaire : une dimension identitaire

L’adolescence est un moment charnière dans le parcours de vie des jeunes femmes et des jeunes hommes. L’orientation scolaire, qui intervient justement à ce moment, est une étape décisive dans leur vie, puisque celle-ci se doit de guider ces derniers vers l’élaboration d’un projet professionnel et personnel, en leur proposant la formation la plus adéquate. D’après Vouillot (2007), « A travers ses choix d’orientation, la personne montre au regard et au jugement d’autrui l’image qu’elle a d’elle-même. Comme les filières de formation et les professions sont hiérarchisées et sexuées, le projet énoncé situe le niveau d’ambition du sujet, ce qu’il pense valoir, ses goûts, mais aussi son degré de conformité ou d’excentricité vis-à-vis des normes et attentes sociales qui lui sont adressées selon son statut social et son sexe. Il y a donc des enjeux dans le projet : est-ce que ce que je désire pour moi m’assure estime et reconnaissance de la part de mon environnement ? (Vouillot, 2007, pp. 93-94) » (p. 88). Le moment du choix d’orientation est un moment dont les jeunes se saisissent pour affirmer et construire leur identité sexuée et sexuelle, toujours en fonction des attentes de la société. Ces projets d’orientation peuvent donc être considérés comme « instruments du genre », c’est-à- dire une manière pour ces jeunes de prouver leur masculinité ou leur féminité. Il est en effet demandé aux étudiants, dans plusieurs cantons de la Suisse, d’avoir une idée de la filière qu’ils veulent emprunter plus tard, alors qu’ils n’ont que 11 ou 12 ans. Ce choix intervient donc lorsque ces enfants sont en pleine construction identitaire ; et l’anxiété qui en résulte les pousse à faire un choix, le plus souvent, en adéquation avec les stéréotypes des rôles de genre, alors même que ces choix précoces sont irréversibles sans de très durs efforts avec notre système d’orientation. Les filles anticipent bien souvent les difficultés à venir et les attentes sociales à leurs égards, c’est pourquoi elles ont tendance à faire des choix d’orientation qu’on attend d’elles ; et cela leur permet de stabiliser leur identité sexuée et sexuelle.

2.2.3.1 Études post-obligatoires : filière généraliste vs filière professionnelle

Dès le cycle d’orientation, les filles sont souvent engagées dans des filières exigeantes contrairement à leurs homologues masculins. La tendance s’étend ensuite dans les études du post-obligatoires, puisque les filles sont plus nombreuses à se lancer dans des études

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généralistes, alors que les garçons empruntent le plus souvent la voie des études professionnelles, moins exigeante en termes de savoirs, mais leur permettant un accès plus direct au marché de l’emploi. Selon Fassa (2016) cela se confirme effectivement sur le sol helvétique, puisque les filles sont peu nombreuses dans des formations professionnelles initiales (4 filles sur 10), alors qu’elles représentaient 56,2 % des étudiants en maturité et 74 % des étudiants à l’Ecole de Culture Générale, entre 2013 et 2014. L’auteure fait l’hypothèse que ces choix sont motivés de manière différente en fonction du sexe. En effet, les garçons s’orienteraient davantage vers des études professionnelles, car ceux-ci savent que cette voie leur offre des avantages comparativement plus importants que ceux offerts aux filles. Ces dernières opteraient pour des études plus généralistes qui se prolongent souvent dans les temps, afin de compenser les inégalités existantes sur le marché du travail. En effet, les diplômes obtenus par celles-ci exigent souvent la poursuite d’études dans des établissements d’éducation formels. Selon Mosconi (1983), citée par Prisca Kergoat (2015), la poursuite des études pour les filles est ainsi perçue comme un moyen de valoriser leurs certifications scolaires tout en retardant la confrontation au monde du travail.

Dans les filières généralistes, au collège par exemple, les filles optent le plus souvent pour l’option langues modernes, alors que les garçons sont plus souvent enclins à choisir l’option mathématiques. Ils se conforment ainsi aux stéréotypes de genre.

Source des données : OFS

0 5 10 15 20 25 30 35

Options spécifiques des maturités gymnasiales obtenues en 2013 en fonction du sexe

Hommes Femmes

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L’enseignement professionnel est très développé en Suisse. Beaucoup de jeunes optent pour l’apprentissage, qui est très bien reconnu et valorisé. En 2011, la formation professionnelle concernait, selon Lamamra (2014), 64 % des jeunes femmes et 77 % des jeunes hommes qui s’engageaient dans une formation post-obligatoire. La Suisse est le pays parmi l’OCDE où il y a le plus grand nombre d’apprentis. La plupart des jeunes terminent effectivement l’enseignement secondaire supérieur par un programme professionnel. Il existe cependant une grande ségrégation du genre dans cette filière, tout comme dans la filière généraliste. Les filles et les garçons choisissent des orientations très différenciées, et nous pouvons voir apparaître une ségrégation horizontale dès le secondaire post-obligatoire. Dans les filières professionnelles, les filles font effectivement le choix de formations qui sont en lien avec les soins et l’humain, alors que les garçons optent pour des métiers liés à la matière et à sa maîtrise.

Selon Lemarchant (2017), les filles représentaient, entre 2014 et 2015, 10,2 % des étudiants en production et 71,3 % des étudiants dans les domaines du service. Les hommes choisissant le plus souvent des domaines professionnels spécialisés, ils se retrouvent répartis dans de plus nombreux domaines que les femmes.

En 1998, sur les 270 métiers dans lesquels les apprentis étaient investis, 139 parmi eux étaient genrés. Parmi ceux-ci, 37 étaient déterminés comme des métiers féminins, alors que nous pouvions dénombrer 102 métiers masculins. Ainsi les filles choisissent leur apprentissage dans une fourchette beaucoup plus étroite. Selon Lamamra (2014), ce système s’accompagne d’une forte ségrégation de sexe, puisque 60 % des jeunes filles sont concentrées dans seulement 20 filières. Durant ces 20 dernières années, très peu de métiers ont « changé de sexe », spécialement du côté masculin, avec des métiers tels que ceux du bâtiment qui sont jugés comme non praticables par des femmes. Il y a cependant un léger afflux d’hommes dans des métiers féminins tels que la santé, où les hommes se dirigent plus vers des occupations techniques.

Se lancer dans une formation tel que l’apprentissage ne relève pas de la même expérience en fonction du sexe. En effet, les métiers majoritairement choisis par des garçons offrent davantage de possibilités de promotion, alors que les métiers majoritairement empreints de femmes sont des domaines professionnels largement féminisés, qui offrent de moindres rémunérations et perspectives d’évolution. La filière professionnelle propose des formations à durées variables (2, 3 ou 4 ans) en fonction de la spécialisation choisie. Il est important de savoir que, selon

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Weber (2001), seulement 10 % des filles choisissent de faire un apprentissage qualifiant, soit en 4 ans, alors qu’un homme sur deux opte pour ce cursus.

Les entreprises professionnelles, fortement impliquées dans l’organisation de la formation, font que le système dual se démarque avec un lien direct avec le marché du travail. Il agit selon les mêmes principes, notamment pour ce qui concerne la ségrégation, les filières sexuées ou les discriminations. La formation professionnelle se situant entre l’emploi et les apports théoriques, elle met en exergue les mécanismes d’apprentissage des normes de genre au travail, de la division sexuelle du travail (Kergoat, 2000) et de la place qu’occupe chaque personne dans les rapports sociaux de sexe. La formation professionnelle est rarement, voire pas du tout mixte.

Nous pouvons voir que celle-ci fonctionne comme étant un lieu de socialisation secondaire dans lequel des collectifs de travail sont très sexués. C’est à l’intérieur de ceux-ci que nous pouvons observer les phénomènes de ségrégation professionnelle et la division sexuée du travail.

Lorsque les jeunes personnes sont baignées dans cet environnement, elles comprennent ce que sont les savoirs professionnels mais comprennent également ce qu’être un.e professionnel.lle dans un secteur de travail sexué. Ces enseignements sont très intéressants à observer en situation atypique, c’est-à-dire dans un environnement dans lequel les jeunes femmes ou les jeunes hommes sont très minoritairement représentés. En effet, dans les contextes masculins, il y a tout d’abord un grand désaccord quant au fait de l’entrée de personnes du sexe minoritaire dans le domaine, mais plus encore, une affirmation extrêmement élevée du caractère sexué de l’activité (Marry, 2007, citée par Lamamra, 2015). De ce fait, que nous nous trouvions en situation d’insertion traditionnelle ou atypique, l’apprentissage en formation professionnelle est à prendre en compte comme étant un moment de socialisation au métier, mais aussi, et surtout, à la division sociale et sexuelle du travail.

2.2.3.2 Études de niveau tertiaire : des filières ségréguées

Le nombre d’hommes et de femmes à être diplômé.es dans le niveau tertiaire n’a fait qu’augmenter au fil des années. Les hommes sont cependant moins nombreux que les femmes à s’y investir, ces dernières étant environ 50 % plus nombreuses que leurs homologues masculins. De plus, ils ne valorisent pas leurs diplômes de la même manière. Les femmes utilisent effectivement plus souvent que les hommes leur maturité afin de poursuivre leurs études dans une HEP ou une HES, alors que ces instances de formation offrent des perspectives salariales moins attractives que l’université ou l’EPFL par exemple.

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Les études supérieures ont ainsi également suivi cette féminisation des filières, mais tout comme pour l’enseignement post-obligatoire, cette féminisation suit les mêmes lignes de partage, et reste très hétérogène. D’après Natacha Bourakis (2015), les choix des femmes restent très sexués, puisque dans les HES ou dans les Hautes Ecoles Universitaires, leurs choix se portent généralement sur des métiers liés aux personnes, aux sciences sociales et historiques.

L’OFS nous renseigne que les femmes représentaient les 86,2 % des étudiants en santé en 2002 et 86,9 % en 2011 ; alors que pour les mêmes années, dans le domaine technique et technologies de l’information, elles ne sont que 4,5 % et 7,8 %. C’est à ce point des carrières de formation que nous pouvons voir se déployer les conséquences des choix faits durant la scolarité post- obligatoire.

La ségrégation horizontale dans l’enseignement supérieur, que nous venons d’énoncer, a un lien direct avec la ségrégation verticale, qui limite les perspectives carriéristes chez les femmes.

Ces dernières sont en effet souvent confrontées à un « plafond de verre » (que nous définirons dans le prochain chapitre) qui leur limite l’accès à des postes à responsabilités. Nous retrouvons ce lien très clairement dans les carrières académiques et la poursuite des études au niveau doctoral.

2.2.4 Le cas des étudiant.e.s transfuges

Nous l’avons vu dans les chapitres précédents, nous sommes aujourd’hui toujours dans une vision patriarcale traditionnelle, que Gianettoni, Simon-Vermot & Gauthier (2010) définissent de la manière suivante : les hommes sont associés à la sphère publique et au monde du travail salarié, alors que les femmes sont associées à la sphère privée et au travail domestique. Ainsi, les hommes qui prétendent fournir les revenus nécessaires pour subvenir aux besoins de leur famille, se conforment aux normes de genre ; tout comme les femmes qui se dirigent volontiers vers des métiers typiquement féminins, ou qui préfèrent se consacrer à la vie familiale. Ce conformisme aux normes de genre permet une bonne intégration dans la société, et si le genre auquel on se conforme est socialement valorisé, cela permet un accès à une bonne estime de soi et à une identité sociale positive.

Inversement, lorsqu’une personne remet en question ces rôles sociaux prédéterminés, elle est dans une démarche de transgression des normes de genre. Du point de vue du genre, une

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orientation atypique est considérée comme « la volonté déclarée, de la part d’une jeune femme ou d’un jeune homme, d’exercer un métier très majoritairement pratiqué par des personnes du sexe opposé » (Gianettoni, Simon-Vermot & Gauthier, 2010, p. 42). Les identités sexuées suivant une hiérarchie, la masculinité et la féminité ne sont pas comparables en termes de ressources identitaires. Lorsqu’un garçon se conforme à une norme comme la virilité, cela lui donne accès à une image positive de lui-même. À contrario lorsqu’une jeune fille se conforme aux normes de féminité, cela ne lui permet en aucun cas d’avoir accès à une meilleure estime de soi. Le choix d’un métier atypique est donc plus coûteux pour les hommes, sur le plan identitaire. De plus, considérant que les professions féminines ont souvent comme points communs une faible rémunération, de faibles qualifications, une position de subalterne dans la hiérarchie et que ces professions sont souvent le prolongement des compétences exercées dans la sphère domestique, les hommes atypiques suivent une logique de déclassement (Connell, 1995, cité par Charrier, 2010).

Bien qu’il soit plus aisé pour les filles de s’investir dans des métiers « masculins », d’un point de vue identitaire, il n’en va pas de même lorsque nous prenons en considération les difficultés d’ordre psychologique. A l’issue d’une recherche menée en Normandie, Lemarchant (2017) a pu observer que « Partant d’une situation commune initiale, l’engagement dans une formation atypique en termes de genre, bien des différences apparaissent entre filles et garçons uniques en leur genre lorsque sont mises en miroir les expériences des unes et des autres » (p. 110). En effet, les expériences vécues par les garçons et les filles ne sont pas du même ordre. Les garçons se disent chouchoutés et bien accueillis alors que les filles se disent testées, persécutées, et elles expliquent devoir faire preuve de caractère, recourir à de la violence verbale et parfois physique pour pouvoir se faire respecter au sein de la classe. D’après Beaud et Pialoux (2002, cités par Lemarchant, 2017), cette résistance des hommes à l’encontre des femmes minoritaires pourrait être l’expression de signes avant-coureurs de la concurrence au sein des entreprises entre les sexes. Les hommes n’ont en effet pas intérêt à voir arriver des femmes dans leur domaine, puisque dans leurs représentations, cela pourrait impliquer une diminution de leurs salaires.

Une des seules difficultés énoncées par les garçons quant à leur intégration dans une formation atypique, relève de l’étiquetage d’ « homosexuel » dont ils sont parfois victimes : « Certains remarquent et trouvent difficile à vivre les formes d’étiquetage (Becker, 1985) et de catégorisation dont ils sont l’objet : leur orientation scolaire atypique suscite des questionnements sur leur orientation sexuelle. Ils doivent faire face au soupçon d’homosexualité qui parfois pèse sur eux, quelle que soit la réalité de leur orientation sexuelle »

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(p. 149). D’après Lemarchant (2017), les filles sont ainsi confrontées à de petites difficultés lorsqu’elles se lancent dans une formation atypique, alors que les garçons, pour leur part, sont le plus fréquemment confrontés à de petites facilités.

D’après cette même auteure, les garçons et les filles ne perçoivent pas non plus de la même manière leur situation atypique dans le monde professionnel. La moitié des jeunes pensent que le sexe influence l’insertion sur le marché du travail, et il y a une nette différence d’avis entre les filles et les garçons atypiques : 18,5 % des filles et 36,2 % des garçons pensent que c’est un avantage ; et 31,5 % des filles et 3,4 % des garçons pensent que ce sera un inconvénient. Les garçons sont effectivement confiants en leur avenir, dû à leur situation d’exception. La concurrence leur est de fait favorable, car ils pensent trouver un travail plus facilement que les filles à formation identique. Il y a ainsi une différence de perception de la société en fonction du sexe des sujets atypiques. La société allant « dans le sens » des garçons, ceux-ci ne se préoccupent pas de leur avenir. Ils savent le privilège duquel ils bénéficient, contrairement aux filles qui possèdent un statut moins élevé que la gente masculine dans l’espace social. Ils perçoivent effectivement les futurs avantages financiers et relationnels, puisqu’ils ont connaissance des réalités économiques et sociales en fonction du sexe sur le marché de l’emploi. Ils savent pertinemment qu’ils pourront gravir plus rapidement les échelons dans la hiérarchie. Pour expliquer ce phénomène, Williams (1992) emploie la métaphore de glass escalator (escalator de verre) pour montrer que les hommes dans des activités féminines tirent plus de bénéfices de leur situation que les femmes dans des professions masculines. Il s’agit pour les hommes d’intégrer une profession féminine pour s’y bâtir une place de choix. À contrario, avoir un titre de rareté pour une fille, à bas niveau d’études (apprentissage), leur oblige à faire leurs preuves car les à priori à leur égard ne sont pas à leur avantage. Cependant, selon Prisca Kergoat, citée par Lamamra, Fassa et Chaponnière (2014), filles comme garçons n’ont pas intérêt à transgresser les normes de genre en apprentissage, s’ils veulent une bonne insertion dans le marché de l’emploi.

Gianettoni, Simon-Vermot & Gauthier (2010) soulignent qu’il existe une asymétrie des parcours atypiques en fonction du sexe. Ce type de parcours correspond le plus souvent pour les garçons à une réorientation qui intervient plus tardivement dans le parcours de ces derniers.

À contrario, les filles sont très souvent motivées à l’idée d’exercer un métier atypique, bien que ces dernières soient finalement peu nombreuses à exercer dans des champs professionnels en adéquation avec leur formation, et bien que leur intégration sur le marché de l’emploi soit plus

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compliquée que pour les hommes. Selon Lemarchant (2017), de nombreux garçons envisageraient une réorientation plus traditionnelle après une formation initiale atypique. Ils suivent cette dernière car ils n’ont pas pu accéder à la filière souhaitée pour de multiples raisons, et ont ainsi opté pour une filière professionnelle, tout en espérant reprendre leur choix initial de formation par la suite. Ils sont à peu près 15,5 % à opter pour ces ralentissements, avec pour désir de se rapprocher plus tard des univers « masculins ». Leur formation atypique n’est ainsi qu’une étape, à la suite de laquelle ils reconstruisent leur trajectoire de manière plus conventionnelle en termes de genre. Les auteurs ont ainsi démontré que les femmes intègrent une formation atypique car « la valorisation des carrières masculines et du statut auquel elles permettent d’accéder attire de plus en plus de filles (…) alors que les garçons s’orientent plus volontiers vers des professions conformes à leur genre, qui leur confèrent une position privilégiée sur le marché du travail » (p. 47).

Ce chapitre nous a permis de mettre en lumière une forme de ségrégation à l’œuvre dans les institutions de formation, à savoir la ségrégation horizontale, puisque quel que soit le niveau d’études, filles et garçons s’orientent vers des domaines distincts, en accord avec les attentes de la société, ce qui vise au maintien des rôles très sexués dans la société. Cette ségrégation émergerait du monde du travail qui représente un environnement fortement sexué. Nous avons également pu définir ce qu’est une orientation atypique du point de vue du genre, et nous avons pu déterminer que celle-ci n’était pas vécue de la même manière, en fonction du sexe du sujet.

Suite à cet état des lieux quant aux relations entre le genre et l’orientation, nous allons, dans le prochain chapitre, nous intéresser à l’influence du genre sur l’emploi.

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2.3 Emploi et genre

Ce présent chapitre aborde la question du genre au sein de l’emploi. Nous commencerons par détailler l’historique du sujet afin de mieux comprendre la situation actuelle que nous discuterons par la suite.

2.3.1 Evolution de la division sexuée du travail

L’idée que les hommes occupent la sphère de production et les femmes celles de reproduction, pendant le 18ème siècle, débouche sur une dévalorisation du travail des femmes dans la sphère privée. On ne considère comme travail que ce qui peut être produit ou échangé. L’activité domestique n’est donc pas considérée comme un travail.

La ségrégation homme/femme dans le monde professionnel ne découle pas uniquement de ce qui se passe dans la formation ou dans la sphère privée. Elle se construit également dans le monde du travail. Le travail des femmes y est disqualifié et dévalorisé. Madeleine Guilbert (1966, présentée par Maruani, 2003, p. 44) a étudié la négation de la qualification des femmes dans le marché du travail, à travers une étude réalisée dans les années 60 ; il en est ressorti que les tâches et les activités sont réparties différemment en fonction du sexe, et que les employeurs utilisent fréquemment chez les femmes, des compétences acquises à travers le travail domestique réalisé dans la sphère privée. Les femmes réalisent peu à peu les mêmes tâches que les hommes, mais le travail des femmes reste très peu valorisé (temps et rythmes de travail soutenus, salaires moins élevés). Ces différences de traitement sont une nouvelle fois le fruit d’une construction sociale.

Dans les années 1980, un double constat a été établi ; d’une part, il existe beaucoup de difficultés à recruter de la main-d’œuvre qualifiée masculine pour le secteur de l’industrie, et d’autre part il existe un chômage persistant chez les femmes, notamment celles qui n’ont aucune qualification. Ce constat amène à une hausse de l’embauche pour les femmes. Cependant, ces actions ont été arrêtées lorsqu’une meilleure conjoncture a pris place. Cela n’a donc pas permis le développement de la mixité professionnelle.

Les métiers s’ouvrent progressivement à la mixité depuis une trentaine d’années. Ce processus prend cependant un rythme irrégulier en fonction des professions et des secteurs concernés. En

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