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Tocqueville, reviens !

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Tocqueville, reviens !

MAURON, Alex

Abstract

Le libéralisme classique défendait les libertés politiques et les valeurs des Lumières. Il y fallait alors un vrai courage. Aujourd'hui, qu'il s'agisse de fumer dans les lieux publics, d'héberger des molosses sanguinaires ou de parader en 4x4 en ville, le libéralisme vulgaire glorifie surtout le droit imprescriptible d'emmerder son prochain. Chaque siècle se donne des idéaux à sa mesure.

MAURON, Alex. Tocqueville, reviens ! Revue médicale suisse , 2006, vol. 48, p. 173

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:84258

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... actualité, info

En France, l'accès au psychiatre passera W

désormais par le médecin traitant

'est une nouveauté française.

Est-ce pour autant un progrès?

Les personnes âgées de plus de 26 ans doivent dorénavant passer par leur médecin traitant avant de con­

sulter un psychiatre. Telle est la conclu­

sion pratique d'un accord qui vient d'être obtenu entre plusieurs syndicats de mé­

decins et les responsables de l'assuran­

ce maladie. La question posée était de savoir si, dans le cadre du «parcours de soins coordonné» organisé autour du médecin traitant instauré en juillet der­

nier, les assurés sociaux pouvaient ou non consulter directement un psychia­

tre (ou un neuropsychiatre), comme c'est le cas pour certaines autres spécialités médicales, ou s'ils devaient au contraire passer par la case «médecin traitant»

pour être remboursés par les caisses d'assurance maladie.

Après plusieurs mois de discussions, l'Union des caisses d'assurance mala­

die et trois syndicats médicaux français {la CSMF, le SML et Alliance) ont défini­

tivement tranché en faveur du second

••• CARTE BLANCHE Tocqueville, reviens!

«Fumer n'est pas un péché! (Expliquez comment la fumée est devenue une question de moralité et pourquoi il s'agit d'une tendance dangereuse, en la pla­

çant dans son contexte plus large et en mentionnant d'autres exemples de "com­

portement peccamineux") ».

«Vivre tue! (Expliquez comment les sty­

les de vie diffèrent, l'importance de la liberté et de la diversité des styles de vie)».

«La tolérance de styles de vie/habitu­

des humaines appartient-elle au passé?

(Expliquez comment la nouvelle "religion de la santé/de l'environnement" suscite l'intolérance envers ceux dont le style de vie ou les opinions sont différents ou politiquement incorrects)».

«La minorité cachée. Qui de ces per­

sonnes est le plus souvent discriminée?

(Défendez l'argument selon lequel les

Pr Alex Mauron Institut de bioéthique CMU, 1211 Genève4 Alexandre.Mauron@

medecine.unige.ch

scénario. Toutefois, les assurés âgés de moins de 26 ans pourront consulter di­

rectement un spécialiste de psychiatrie.

Les partenaires conventionnels ont en partie suivi les conclusions d'un rap­

port de deux professeurs en psychiatrie, Marie-Christine Hardy-Baylé et Laurent Schmitt. Pour nombre de psychiatres, l'accès direct à leur spécialité doit être considéré «comme une garantie d'ac­

cès aux soins psychiques», notamment les plus démunis. Visiblement inquiet de la remise en cause de l'accès direct à sa spécialité, le Syndicat national des psychiatres privés (SNPP) avait fait va­

loir, fin septembre, que «le libre accès au psychiatre sans pénalité financière est un préalable indispensable pour que les patients s'engagent dans une démarche de soins, quelle que soit leur pathologie».

Et pourtant en dépit de telles réti­

cences, les auteurs du rapport affirment que le parcours coordonné de soins doit être «la règle» en matière de psychiatrie.

On estime en France entre 15 et 40%

fumeurs sont couramment discriminés dans de nombreux pays ( ... )).

Visuel: un fumeur, un toxicomane, une race minoritaire, un homosexuel, une femme».

«Ne sommes-nous PAS LIBRES? Un monde non bipolaire où les opinions et les vues opposées ne peuvent être dé­

battues mène à de nouvelles menaces pour la liberté (tandis que les murs entre l'Est et l'Ouest s'écroulent, apparaissent des menaces nouvelles et subtiles pour notre liberté. Sur de nombreux enjeux so­

ciaux, économiques, politiques et scien­

tifiques, le libre débat d'idées est écrasé par des "causes justes" et le politique­

ment correct. Cette nouvelle menace pour notre liberté vient du dedans et elle est bien plus envahissante et diffi­

cile à contrôler que la nation soviétique en armes. Développez ces arguments en vous concentrant sur la fumée et d'autres exemples qui démontrent qu'il ne suffit pas "d'avoir raison" pour se faire entendre) "·

Ces quelques extraits sont tirés d'un atelier d'écriture organisé par des «créa­

tifs» de Philip Morris en 1993 en vue d'une annonce à paraître dans un jour­

nal européen.1 On y trouve tous les pon­

cifs agités par le pseudo-libéralisme con­

temporain, censé lever l'étendard de la révolte contre le zèle hygiéniste et la ty-

la proportion des patients vus par les généralistes qui présentent un trouble psychique, et que 75% des prescriptions d'antidépresseurs et d'anxiolytiques sont effectuées par le médecin traitant. Ce rapport observait encore que «le mé­

decin généraliste est le premier recours en psychiatrie pour le plus grand nom­

bre de patients», et ce dans un contexte

«où la possibilité de recours au spécia­

liste reste insuffisante».

«Ainsi, le médecin généraliste est un professionnel de tout premier ordre non seulement de premier recours mais éga­

lement dans le suivi des patients psy­

chiatriques», affirmaient les deux ex­

perts. Le rapport dressait aussi une liste des situations qui, en pratique, devraient amener les médecins géné­

ralistes à adresser leurs patients à un psychiatre. Par exemple: menace sui­

cidaire, suspicion d'un trouble mental grave, refus de l'adhésion aux soins, suivi de thérapeutiques au long cours à base de psychotropes.

Jean-Yves Nau

rannie du politiquement correct. On le voit, il n'y a rien de nouveau dans le dis­

cours ombrageux de certains champions autoproclamés des libertés individuel­

les, aucun lieu commun qui n'ait été déjà inventé par les industriels du tabac et les «think tanks» de droite américains.

Décidément, il suffit de bien peu de chose, sur la scène publique amnési­

que qui est la nôtre, pour s'afficher com­

me un esprit original et intrépide. D'ail­

leurs, n'est-il pas cocasse que l'idéolo­

gue conservateur se pose volontiers en victime d'une dictature bien-pensante, adoptant à son tour la posture doloris­

te qu'il reproche volontiers à l'intellec­

tuel de gauche?

Le libéralisme classique défendait les libertés politiques et les valeurs des Lumières. Il y fallait alors un vrai coura­

ge. Aujourd'hui, qu'il s'agisse de fumer dans les lieux publics, d'héberger des molosses sanguinaires ou de parader en 4x4 en ville, le libéralisme vulgaire glorifie surtout le droit imprescriptible d'emmerder son prochain. Chaque siè­

cle se donne des idéaux à sa mesure.

A.M.

1 Baies no. 2501342788-93 On sait qu'en 1998, les tri­

bunaux américains ont condamné les cigarettiers à ren·

dre accessibles sur Internet leurs archives secrètes

••

Revue Médicale Suisse. www.revmed.ch. 11 janvier 2006 173

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