Thesis
Reference
Désymétrisations énantiosélectives des aziridines et cyclopropanes
"méso" spiroactivés
RIEGERT, David
Abstract
La première partie de ce travail a concerné l'ouverture énantiosélective d'aziridines méso par déprotonation et substitution nucléophile. Pour les déprotonations, l'utilisation de (-)-spartéine comme ligand chiral complexée au s-BuLi a conduit à des amines allyliques ou des sulfonamides bicycliques optiquement actives majoritairement de configuration absolue R, et jusqu'à 75% d'excès énantiomérique. Un examen du mécanisme a permis de déterminer que le réarrangement des N-sulfonylaziridines se fait via une déprotonation alpha. Pour les désymétrisations énantiosélectives de N-sulfonylaziridines par substitution, des complexes chiraux de lanthanides (III) et de TMSCN ont conduit aux composés substitués en position 2 avec une énantiosélectivité de 40%. La seconde partie de ce travail a porté sur la désymétrisation énantiosélective de cyclopropanes méso spiroactivés avec formation d'une nouvelle liaison C-S. La formation d'une paire d'ions chirale avec des dérivés du thiophénol et de beta-hydroxyamines chirales a conduit aux produits d'ouverture avec de bons rendements et une [...]
RIEGERT, David. Désymétrisations énantiosélectives des aziridines et cyclopropanes
"méso" spiroactivés. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2004, no. Sc. 3553
DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:114569 URN : urn:nbn:ch:unige-1145693
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:114569
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UNIVERSITÉ DE GENÈVE FACULTÉ DES SCIENCES Département de chimie organique Professeur P. Müller
Désymétrisations énantiosélectives des aziridines et cyclopropanes mésa spiroact ivés
THÈSE
présentée à la Faculté des sciences de l'Université de Genève pour obtenir le grade de Docteur ès sciences, mention chimique
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par
David RIEGERT
deFrance
Thèse N° 3653
GENÈVE
2004
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UNIVERSITÉ DE GENÈVE FACULTÉ DES SCIENCES Département de chimie organique Professeur P. Müller
Désymétrisations énantiosélectives des aziridines et cyclopropanes méso spiroactivés
THÈSE
présentée à la Faculté des sciences de l'Université de Genève pour obtenir le grade de Docteur ès sciences, mention chimique
par
David RIEGERT
de France
Thèse N° 3553
GENÈVE
2004
La Faculté des sciences, sur le préavis de Messieurs P. MULLER, professeur ordinaire et directeur de thèse (Département de chimie organique), A. ALEXAKIS, professeur ordinaire (Département de chimie organique), et P. O'BRIEN, docteur (University of York- Department of organic Chemistry - York, United Kingdom), autorise l'impression de la présente thèse, sans exprimer d'opinion sur les propositions qui y sont énoncées.
Genève, le 29 septembre 2004
Thèse - 3553 -
Le Doyen, Pierre SPIERER
dlBLIOTHEQUE scœ:NCES Il
Division Chimie 30, quai Ernest-Ansermet
\211 GENEVE 4
2 8 JAll 2005
{,eJO S /
-1'
Cette thèse est dédiée à mon arrière grand-mère Juliette Compain/
REMERCIEMENTS
Cette thèse a été préparée au Département de Chimie Organique de l'université de Genève, sous la direction du Professeur Paul Müller.
Au terme de cette thèse, je voudrais exprimer ma profonde reconnaissance à Monsieur le Professeur Paul Müller pour m'avoir accueilli au sein de son laboratoire. Je le remercie humblement de m'avoir accompagné durant ces quatre années de travail, d'une part grâce à son soutien et sa patience, et d'autre part de m'avoir fait partagé son enthousiasme pour la recherche. La confiance qu'il m'a accordé, ainsi que son expérience et sa constante disponibilité m'ont permis de mener à bien ce travail.
Je remercie vivement Messieurs Peter O'Brien, Professeur à l'université de York (U.K), Alexandre Alexakis, Professeur à l'université de Genève (Suisse), de l'honneur qu'ils m'ont fait en acceptant de juger ce travail et d'être membre de ce jury.
Enfin, je n'oublierai pas dans cette page d'adresser mes plus sincères remerciements à tous mes camarades du laboratoire, aux vétérans qui m'ont laissé cette place et aux plus jeunes à qui je cède la mienne. Je les remercie pour la sympathie et la patience qu'ils ont fait preuve à mon égard, pour l'ambiance imcomparable qu'ils ont su créer, ainsi que pour le fair-play avec lequel ils ont supporté mes incidents de manipulation (odeurs soufrées ... ) et ma période rédactionnelle.
Mes remerciements vont également à ma grand-mère, mon père, ma mère et mes soeurs Lydia et Vanessa pour leur soutien moral.
SOMMAIRE
1. Introduction générale 1
2. Désymétrisation d'aziridines méso 5
2.1 Désymétrisation d'époxydes méso 5
2.1.1 Généralités 5
2.1.2 Ouverture énantiosélective par déprotonation ~ 6
2.1.3 Ouverture énantiosélective par déprotonation a 12
2.1.4 Désymétrisation par substitution énantiosélective 16 . 2.1.4.1 Substitution par des nucléophiles non carbonés 17
2.1.4.1.1 Les thiols 17
2.1.4.1.2 Les nudéophiles azotés 19
2.1.4.1.3 Les nucléophiles oxygénés 22
2.1.4.1.4 Les halogénures 23
2.1.42 Substitution par des nucléophiles carbonés 24
2.2 Désymétrisation d'aziridines méso 27
2.2.1 Généralités 27
2.2.2 Méthodes générales de synthèse des aziridines 29
2.2.3 Réactions des aziridines 30
2.2.3.1 Déprotonation d'aziridines
méso
en présence de superbases fortes 30 2.2.3.2 Procédés de substitution et régiosélectivité 332.2.3.3 Effet d'un acide de Lewis 35
2.2.3.4 Nature du substituant sur l'azote: considérations générales 36 2.2.3.5 Substitution par des nucléophiles non carbonés 38 2.2.3.6 Substitution par des nucléophiles carbonés 39 2.2;3.6.1 Réactifs organocuivreux et carbanions allyliques 40
2.2.3.6.2 Le cyanure 43
2.2.3.7 Substitutions nucléophiles énantioselectives d'aziridines
méso
en présence de catalyseurs chiraux 2.2.3 .7 .1 En présence de la vitamine 812 2.2.3.7.2 Par des nucleophiles non carbonés -2.2.3.7.3 Par des nucléophiles carbonés 2.2.4 Définition des objectifs
2.3 Résultats et Discussion
44 44 44 46 47 49
2.3.1 Préparations d'aziridines méso 2.3.1.1 A partir d'alcènes commerciaux
2.3.1.2 Préparation du cis-cyclononène-23, et synthèse de 81 2.3.2 Déprotonation énantiosélective d'aziridines méso en présence
de bases fortes
2.3.2.1 A partir d'alkyles lithiens et de bases chirales
2.3.2.2 Détermination des configurations absolues par rayons X de ~'
.s.B
et.91
2.3.3 Réarrangement de N-sulfonylaziridines en présence de bases fortes:
49 49 51
52 53
57
aspect mécanistique 61
2.3.3.1 Synthèse dul,6-Dideutério-7-[4-toluènesulfonyl]-7-aza-bicyclo
[4.1.0]heptane ~: marquage isotopique 62
2.3.3.2 Réaction de déprotonation de ,22: élimination a ou ~? 63
2.3.2.3 Utilisation d'autres bases chirales 67
2.3.2.4 Tentatives d'ouverture d'aziridines méso At-substituées
à
partir d'amidures de lithium2.3.3.3 Conclusion
2.3.4 Ouverture de 52 en présence de réactifs organométalliques
69 73
et organocuivreux 74
2.3.4.1 Tentatives d'ouverture de 52 avec des réactifs de Grignard
vinyliques et organocuivreux correspondant 74
2.3.4.2 Autres types de réactifs organométalliques et organocuivreux
testés sur 52 78
2.3.4.3 Ouverture de 52 par des anions allyliques hétérosubstitués 81 2.3.5 Ouverture énantiosélective de S,2 catalysée par des complexes
de lanthanides(III) 88
2.3.6 Discussion des résultats 93
2.3.7 Conclusion 94
3. Désymétrisation de cyclopropanes méso spiroactivés 94
3.1 Désymétrisation de cyclopropanes méso 94
3.1.1 Généralités 94
3.1.2 Substitutions nucléophiles de cyclopropanes 96
3.1.2.1 Par des réactifs organométalliques 97
3.1.2.2 Par des organocuivreux 98
3.1.2.3 Par des thiolates 102 3 .1.3 Substitutions nucléophiles énantioselectives de cyclopropanes spiroactivés 104
3.2 Résultats et Discussion 106
3.2.1 Préparation de cyclopropanes méso spiroactivés 106 3.2.2 Ouverture de cyclopropanes méso spiroactivés avec formation
d'une nouvelle liaison carbone-carbone 108
3.2.2.1 Tentatives d'ouverture de ·cyclopropanes avec des bases fortes 108 3.2.2.2 Tentatives d'ouverture de cyclopropanes avec des organométalliques 110
·3.2.2.3 Tentatives d'ouverture de cyclopropanes avec des organocuivreux 112
3.2.2.4 Conclusion .,. 114
3.2.3 Désymétrisation énantiosélective de
l i
en présence de thiophénol:formation d'une nouvelle liaison carbone-soufre 115
3.2.3.1 Substitution de 163
via
des complexes chiraux de thiophénolatede lithium 115
3.2.3.2 Substitution de
ID viaune
paire d'ions chirale 120 3.2.3.2.1 Réaction avec le thiophénol et des amines chirales 1203.2.3.2.2 Influence du solvant 122
3.2.3.2.3 Influence de substituants sur le thiophénol 123 3.2.3.3 Substitution de 163 avec des acides de Lewis 125
3.2.4 Conclusion 125
4. Conclusion générale 126
5. Partie expérimentale 127
5.1. Généralités 127
5.2. Partie expérimentale rattachée aux aziridines 128
5.2.1 Synthèse d'aziridines méso 128
5.2.2 Synthèse du cis-cyclononène 93 133
5.2.3 Déprotonation énantiosélective d'aziridines méso en présence
de (-)-spartéine (14) 134
5.2.4 Synthèse et déprotonation de 99 139
5.2.5 Synthèses de ligands pour la désymétrisation de la N-sulfonylaziridine SS 142 5.2.6 Ouverture de l'aziridine ~ par des réactifs organométalliques
et organocuivreux 145
5.2.6.1 Substitution nucléophile de 52 par des réactifs de Grignard vinyliques 145
5.2.6.2 Substitution nucléophile c;le 52 par des réactifs de Grignard
vinyliques en présence de catalyseurs de cuivre 146 5.2.6.3 Substitution nucléophile de 52 par le phénylacétylène lithium 147 5.2.6.4 Substitution nucléophile de 52 par le triméthylallylsilane 147 5.2.6.5 Substitution nucléophile de 52 catalysée par YbCl3.6H20 et TMSCN 149 5.2.7 Synthèse des ligands bis(oxazolines) et pyridines bis(oxazolines)
pour l'ouverture de ,51 150
5.3. Partie expérimentale, rattachée aux cyclopropanes 155 5.3.1 Synthèses des cyclopropanes méso 163, 194 et
l l i
1555.3.2 Désymétrisation de 163 158
5.3.2.1 Substitution nucléophile de 163 avec des thiophénolates de lithium 158 5.3.2.2 Substitution nucléophile de 163 avec une paire d'ions chirale 159 5.3.3 Ouverture nucléophile de !§J_catalysée par des acides de Lewis 159 5.3.4 Caractérisation des produits d'ouverture 206, 206a, 206b, 206d 160 5.3.5 Réaction de 206 avec le iodure de N,N-diméthyliminium 164 5.3.6 Synthèse des ligands et des bases chirales pour la
désymétrisation du cyclopropane 1.§a 165
6. Références bibliographiques 169
7.Annexes 180
7.1 Annexe 1: Liste des Acronymes et des Abréviations 180 7 .2 Annexe 2: Structure aux rayons X de
(3R)-N-{Tricyclo[2.2.1.0]hept-3-yl)- 4-toluènesulfonamide (58) 182 7.3 Annexe 3: Structure aux rayons X de
( 15,2R,6.5)-N-(Bicyclo[3. 3. O)octan-2-yl)-4-toluènesulfonamide (.5.§) 186 7.4 Annexe 4: Structure aux rayons X de
(15,2R,6.5)-N-(bicyclo[4.3.0)non-2-yl)-4-toluènesulfonamide (il) 192
Ce travail a donné lieu à la publication suivante:
" Desymmetrization of N-Sulfonated Aziridines by Alkyllithium Reagents in the Presence of Chiral Bases". P. Müller, D. Riegert, G. Bernardinelli, Helv. Chim. Acta. 2004, 87, 227-239.
1. Introduction générale
La chimie organique est un sujet vaste et important. Au sein de la chimie organique, la synthèse organique est une discipline qui occupe une place d'importance spéciale. D'un point de vue fondamental, elle permet la préparation de composés et matériels qui sont devenus essentiels pour la façon dont nous vivons. A un autre extrême, cela fournit l'occassion d'inventer et de synthétiser des nouvelles molécules dans le monde, pouvant posséder des propriétés précieuses.
Les structures tridimensionnelles des molécules organiques sont souvent cruciales dans la détermination de leurs propriétés. A un niveau très basique, une molécule organique peut être vue comme une série d'atomes connectés, liés ensemble par des électrons liants qui présentent au « monde extérieur » une surface de densité d'électrons changeante. Dans cette image simpliste, la molécule organique pourrait être imaginée pour intéragir avec le « monde extérieur » par intéraction de sa surface avec son entourage ou avec d'autres molécules.
Inévitablement, cette surface s'étend dans les trois dimensions, et du fait que les molécules d'un composé organique possèdent une structure tridimensionnelle définie, cela amène des conséquences profondes. Cette structure peut inclure le taux de sa réaction, ses propriétés physiques et ses propriétés biologiques comme le goût, l'odeur ou encore son efficacité en tant que produit pharmaceutique. Etant donné l'importance de la structure tridimensionelle des composés organiques, et considérant que tous les composés organiques sont le résultat d'une réaction ou une
séquenc~ de réactions, il n'est pas pour le moins surprenant que le domaine de la chimie qui comprend les réactions organiques et la stéréochimie soit centralisé sur la chimie organique.
Pour les réactions étudiées dans ce travail, nous regarderons· les procédés fondamentaux qui seront utilisés pour la construction de composés organiques. Bien sûr, il y a un ensemble vaste de telles réactions, mais nous nous concentrerons sur des types de réactions les plus communéments rencontrés. Une attention particulière sera accordée aux déprotonations et aux substitutions nucléophiles énantiosélectives
via la formation de liaisons C-C ou C-5.
Les principes qui sont à la base des réactions organiques stéréosélectives et stéréospécifiques, les orbitales et leurs intéractions, les structures des états de transition et les considérations mécanistiques seront traités ensemble.
Ultérieurement ces principes seront appliqués de manière adéquate
à
des types de réactions individuelles.Chacun des deux énantiomères d'une molécule chirale avec une configuration absolue opposée présente des activités biologiques différentes. Cette particularité a entraîné un intérêt croissant pour la synthèse de composés organiques optiquement purs tout au long de ces trentes dernières années. De nombreuses méthodes permettent l'accès
à
des composés énantiomériquement purs. La liste de ces méthodes n'étant pas exhaustive, nous citerons ici la résolutionvia
des dérivés diastéréomériques, la séparation des énantiomères par chromatographie sur support chiral, la résolution enzymatique, la résolution cinétique chimique et la synthèse asymétrique du composé. Cette dernière ~st largement développée et convoîtée par les chimistes organiciens.C'est dans le cadre de cette dernière méthode que nous avons decidé d'exploiter une méthodologie
à
partir de composés méso. En effet, la désymétrisation de composés achiraux ou méso pour conduireà
des produits énantiomériquement enrichis se révèle être un outil synthétique puissant. Ici, notre étude s'est orientée sur la désymétrisation d'aziridines et cyclopropanes méso spiroactivés. Le choix de ces composés correspondà
une étude sur la chimieà
« petit cycle ». Les époxydes, composés très largement étudiés en synthèse organique, ont permis de développer de nouvelles méthodologies de désymétrisation envers une autre catégorie de produits appelés aziridines.Celles-ci, qui sont les N-analogues des époxydes, ont jusqu'à présent suscité un intérêt moins marqué pour les chimistes organiciens que leurs homologues oxygénés. Les aziridines peuvent être des intermédiaires intéressants pour un grand nombre de transformations conduisant
à
des composés azotés chiraux. Les produits optiquement actifs dérivés de l'ouverture d'aziridines achirales sont en principe accessiblesvia
la désymétrisation de celles-ci.En ce qui concerne la chimie des aziridines et l'analogie rencontrée avec les époxydes , nous présenterons tout d'abord les travaux réalisés sur les époxydes. En effet, ces composés sont structurellement très proches (motif
à
trois chaînons) et le grand nombre de réactions déjà connues dans la littérature peuvent être potentiellement applicables aux aziridines.Un grand nombre de recherches démontrent déjà la viabilité de ce concept et son application dans des synthèses de produits naturels afin d'obtenir des composés avec de hauts excès énantiomériques.1
Les aziridines et les cyclopropanes possèdent aussi un motif tendu à trois chaînons. Le motif aziridine, au même titre que le motif cyclopropane, représente un élément labile avec une énergie de tension emmagasinée en tant que force motrice (environ 111 kJ moi-1 pour les aziridines2 et 115 kJ moi-1 pour les cyclopropanes,3 la valeur dépendant significativement du mode de substitution). Ces deux types de composés se présentent alors comme une gamme de substrats intéressants pour réaliser des réactions de déprotonation mais aussi des -réactions d'ouverture nucléophile compte tenu de leur tension de cycle inhérente.
Comme cité précédemment, la synthèse de produits naturels ou composés organiques non naturels sous leur forme optiquement active relève d'un défi en chimie, spécialement en relation avec l'étude de composés biologiquement actifs.
Notre but ici étant de synthétiser des composés optiquement actifs pouvant être ensuite incorporés comme « intermédiaire clé » dans la synthèse de produits naturels.
Un exemple représentatif nous permet d'illustrer l'intérêt de nos travaux : il s'agit de l'approche de la synthèse totale de la ( ± )-brefeldin A sous sa forme racémique, initialement réalisée par Livinghouse4 en 1978
via
une addition homoconjuguée de réactifs de Grignard sur des cyclopropanes spiroactivés (Schéma 1.1). Ici dans la synthèse de la (±)-brefeldin A le contrôle de la relation entre les différents stéréocentres est un élément essentiel et incontournable pour la construction de ce composé sous sa forme biologiquement active.0 : OO
0' "~'>- v ..
,,~Me
( +-)-brefeldin A
BrMg ~~~
+ ~ - -
l
SMe
Schéma 1.1
Il existe plusieurs méthodes pour générer des stéréocentres en une seule opération et de manière sélective: parmi celles-ci nous citerons la
désymétrisation énantiosélective
de composésmésa
(Schéma 1.2). Cette méthode synthétique fera l'objet principal de nos recherches.Nucléophile chiral Nu*
o:::
CHIRALDésymétrisation par substitution énantiosélective
d
MESO X= 0 (époxyde) X= N (aziridine)Schéma 1.2
Base chirale 8*
V XH
CHIRAL
Désymétrisation par déprotonation énantiosélective
2. Désymétrisation d'aziridines
méso
2.1 Désymétrisation d'époxydes méso 2.1.1 Généralités
Etant donné l'accès facile aux époxydes racémiques et mésa à partir d'alcènes simples, une large gamme de ces substrats ont pu être testés dans la littérature.
A partir des époxydes mésa, deux types d'ouverture coexistent. La première est la déprotonation a ou
f3
qui conduità
la formation directe d'alcools allyliques optiquement actifs. Deux protons sont susceptibles de subir l'attaque de la base. Il est bien connu que la réaction des époxydes avec des bases fortes se fait par une abstraction de l'hydrogène en position ~ du cycle époxyde pour fournir des alcools allyliques!
(Schéma 2. 1; voie A).5 Néanmoins, ceci n'est pas toujours vrai. La réaction d'isomérisation des époxydes peut, dans certains cas, évoluer selon un autre chemin réactionnel. En effet, l'abstraction du H0 par la base peut avoir lieu et générer l'anion oxiranyle2
(Schéma 2. 1; voie B), qui se réarrange en· espèce carbénoïde ~ via une élimination a. Le carbène nouvellement formé permet l'accèsà
des réactions intéressantes et variées telles que l'isomérisation des composés carbonylés ou encore la réaction d'insertion C-H pour fournir des alcools allyliques
!
(Schéma 2. 1).6
~ ~ ~D~:~:tion
a (voie B)0 H~ ---
AH Déprotonation ~ (voie A)
B
\ ~Hcx (H~)
\ ~OH
!
î
Insertion C-H dans la liaison C-H~\ :\o.
Produits d'insertion C-H transannulaires.
Schéma 2. 1
La deuxième voie d'ouverture des époxydes est la substitution énantiosélective par des nucléophiles donnant des alcools substitués en position 2.
La substitution énantiosélective, qui met en jeu un nucléophile et un catalyseur chiral, a été reconnue comme un concept attrayant en synthèse asymétrique. Elle offre la possibilité de générer simultanément deux stéréocentres en une opération à partir d'un substrat méso (Schéma 2. 2).
Plan de symétrie
NuXR
Ho''' R
Achiral Chiral
Schéma 2. 2
La réactivité de !'époxyde est majoritairement due à son cycle tendu.
L'époxyde pouvant joué le rôle de base de Lewis, l'emploi d'un acide de Lewis via la coordination de ce dernier par l'oxygène de !'époxyde peut faciliter ce type de réaction.
2.1.2 Ouverture énantiosélective par déprotonation J3
Les époxydes sont habituellement obtenus facilement
à
partir d'alcènes par oxydation en une seule étape. La tension du cycle époxyde à trois chaînons, coupléeà
la polarisation des liaisons C-0, prédispose le groupe fonctionnel époxydeà
des réactions d'élimination avec des bases.L'isomérisation des époxydes via une a- ou une ~-élimination est tributaire des réactifs employés comme bases. La nature de l'isomérisation impliquée dans la réaction peut dépendre à la fois de la structure de !'époxyde, de la base, mais aussi du solvant et de la température utilisés. En effet, il est connu que l'agrégation et la solvatation affectent fortement à la fois la réactivité et la sélectivité dans les réactions conduites en présence d'amidures de lithium.
La première réaction de déprotonation ~ énantiosélective d'époxydes pour produire des alcools allyliques énantiosélectivement enrichis a été réalisée en 1980 par Whitesell et Felman7 par réaction de !'époxyde du cyclohexène avec un amidure de lithium chiral. Les résultats de cette ébauche fournissent des puretés optiques modestes puisqu'elles n'excèdent pas 36% d'excès énantiomérique (Schéma 2. 3).
V R
OH 65% rdtMe Me 36% ee
Ph
A N A
Ph1
LI
THF, reflux
Oo
H
~ HF,
reflux~N/'-..../
\_c) li
°"OH
Schéma 2. 3
Caractéristiques mécanistiques
76% rdt 21% ee
Des études mécanistiques sur l'isomérisation des époxydes par des bases ont été effectuées lors d'expériences classiques de marquage au deutérium des deux protons du cycle. Par ces expériences, la mise en évidence du proton qui subit l'attaque de la base a été déterminée. La formation d'alcools allyliques,
à
partir d'époxydesméso
en présence d'une base lithiée dans un milieu peu polaire procède par une déprotonation ~· L'étude conduite par Cape et Heeren8 (Schéma 2. 4) sur la déprotonation ducis-
et trans-4,5-époxyoctane deutérés cis-~ et trans-~ conduit exclusivement au produit d'isomérisation.5.,
qui a conservé la totalité de son marquage isotopique. Ceci illustre le fait que la voie principale n'implique pas l'attaque de la base du proton porté par l'oxyrane.ou
trans-~ cis-~
Schéma 2. 4
Des études plus récentes9 ont montré que ce type de procédé était favorisé avec les époxydes qui adoptent, via la coordination de la base
à
l'oxygène de!'époxyde, la conformation du Schéma 2. 5 où les hydrogènes ~ sont accessibles par la base et en position syn par rapport au cycle époxyde: il s'agit d'une élimination sy1rpériplanaire.
R-~- H~°'6 U l Q
Oli Pseudo-axial
Schéma 2. 5
Enantiodiscrimination
Le seul modèle sur la sélectivité dans la littérature jusqu'en 1997 décrit l'énantiosélectivité observée lors de l'emploi de la base § dérivée de la praline. Selon ce modèle, l'énantiodifférenciation est provoquée par une répulsion stérique entre le substituant ~ de !'époxyde positionné en syn avec la pyrrolidine tertiaire dans l'état de transition ET I, favorisant alors un chemin réactionnel via l'état de transition diastéréomérique ET II (Schéma 2. 6).
&;Q
N-u 6 RH: ~
ETI ET II
j
défavoriséj
favoriséSchéma 2. 6
Sélectivité
Une série d'études sur la régiosélectivité dans les réactions de déprotonation d'époxydes a été récemment effectuée.10'11
'12 Ainsi, une explication alternative sur l'énantiosélectivité dans la réaction de ~-étimination a été formulée. Basée sur une étude computationnelle, Ahlberg et coll.13 suggèrent que la différence de solvatation des deux états de transition couplée
à
l'intéraction stérique avec le cycle époxyde et le squelette de l'amidure de lithium sont responsables de l'induction asymétrique.Développements récents
Bien que l'énantiosélectivité était souvent basse lors des premiers essais de Whitesell et Felman,7 ceci a tout de même offert la possibilité de faire avancer la recherche dans ce domaine. Les résultats jusqu'en 1996 ont été reportés14'3
c dans la littérature et les amidures de lithium chiraux (§-.9.) les plus communément utilisés dans ce~ réactions sont présentés ci-dessous (Figure 1. 1).
cco
Li9Li H
Ph~N,Li
Figure 1. 1
' ,Li ~
d
nPh~N
z
r - \
o:
N,Li N \__/ , Li OMe OMePour améliorer l'énantiosélectivité de la réaction de réarrangement des époxydes, un grand nombre de diamines structurellement plus complexes ont été préparées et appliquées avec succès, en combinaison avec différents substrats.
Par exemple, en utilisant la base fi dans le THF avec la DBU comme additif, les dérivés du 4-amino-2-cyclopenténol sont obtenus avec des rendements modérés (59%) et de bonnes sélectivités (83% ee). En 2000, le groupe d'Andersson15 a développé une nouvelle base lithiée chirale (10), synthétisée à partir de l'acide tartrique
via
une réaction d' aza-Diels-Alder (Schéma 2. 7) où la sélectivité atteint 99% avec 10b comme substrat.
cr()=<
R
12
(0;05 éq.) LDA (2 éq.), DBU (5 éq.)THF, 0°C
avec lOa R= H, lOb R= Me
Schéma 2. 7
lOa 91% rdt, 96% ee lOb 95% rdt, 99% ee
Cette réaction est très attractive car elle permet de réaliser les transformations des époxydes avec une quantité catalytique de base chirale. Au départ, l'élimination 13 énantiosélective des époxydes
méso
était uniquement menée avec une quantité stoechiométrique de base. En effet, l'utilisation de catalyseursefficaces pour ce type de tranformation a été délicat. Un cycle catalytique est proposé par Andersson pour l'isomérisation d'époxydes en alcools allyliques avec des amidures de lithium (Schéma 2. 8).
(RR')*Nli
(RR')*NH (RR')*NH
= Z
Schéma 2. 8
Selon Andersson, la base 10a a une structure plus rigide que l'amidure de lithium § et mène à un état de transition plus ordonné dans la réaction de déprotonation. Ceci conduit alors
à
une induction asymétrique plus grande résultant d'une meilleure discrimination entre les deux protons énantiotopiques du substrat (cf.Schéma 2. 6). Ce système compte parmi les seuls à pouvoir être conduit en quantité catalytique de base. La diamine (2R,5R)-diméthylpyrrolidine substituée lOb utilisée comme catalyseur, s'est avérée être un meilleur agent chiral que lOa.16 D'autres substrats analogues tels que des époxydes en série aliphatique ou cyclique comme l'oxyde de cyclooctène, de cycloheptène et ou cyclopentène (ce dernier étant difficile
à
réarranger) subissent avec succès la réaction d'isomérisation par déprotonation ~.La présence de la DBU comme additif a un effet significatif sur la réaction car elle améliore considérablement dans certains cas l'énantiosélectivité. Le rôle de cette base de Lewis a été déterminé en 2003 par Andersson17 à l'aide de méthodes computationelles de type Off où figurent également des explications concernant les différences d'énantiosélectivités observées, selon que les ligands soient employés en quantité stoechiométrique ou catalytique. La DBU agit comme un agent suppresseur de la formation des agrégats d'amidures de lithium en solution.
Ces deux dernières années d'autres groupes ont aussi travaillé sur ces transformations organiques avec des amidures de lithium chiraux. Les approches sont somme toute différentes: réactions de déprotonation en utilisant des amidures supportés par des phases solides, 18 développement de nouvelles amines chirales hautement efficaces de symétrie C2 dérivées de la famille d'a pinène, 19 ou encore la résolution cinétique catalytique d'époxydes racémiques en alcools allyliques.20
2.1.3 Ouverture énantiosélective par déprotonation a
Découverte de l'anion oxiranyle
En 1951, Cope21 a mentionné pour la première fois la présence d'un anion oxiranyle (11) en tant qu'intermédiaire dans la réaction de l'oxyde du cyclooctatétraène en présence de diéthylamidure de lithium comme base forte.
Les carbanions issus de composés cycliques
à
trois chaînons contenant un oxygène ou un azote dans leur cycle, tels que les époxydes et les aziridines (Schéma 2. 9) sont les composés les plus répandus en tant qu'intermédiaires synthétiques versatiles.22 Ils comptent parmi les intermédiaires les plus hautement réactifs en synthèse organique. Ils ont fait l'objet d'études innombrables sur leurs propriétés, leur réactivité ainsi que leurs méthodes de génération.2311 X=O Anion oxiranyle 12 X=NR4 Anion aziridinyle
Schéma 2. 9
Des études illustrant la mise en évidence de la déprotonation a des époxydes et la formation d'intermédiaires carbénoïdes ont été décrites par Miokowski.24 En 2003, Collum25 montre que le mécanisme de la déprotonation a ou ~ des époxydes en présence de lithium 2,2,6,6-tétraméthylpipéridide (LiTMP) est influencé par la solvatation et l'aggrégation de LiTMP en solution.
Développements récents
Depuis les travaux de Cape, la chimie des époxydes lithiés a fleuri au coeur d'une nouvelle aire de recherche avec un intérêt majeur
à
travers le monde.26 En 1996, Hodgson et coll.27 communiquent leurs premiers résultats sur ladésymétrisation énantiosélective de l'oxyde de I' exo-norbornène
l i
en nortricyclanol (5)-15 (Schéma 2. 10). Le composé 13 se réarrange en (5)-15 avec 73% de rendement et 52% d'excès énantiomérique. La sélection énantiotopique du Ha contrôlée cinétiquement, se produit via des états de transition diastéréomériques menant majoritairementà
l'espèce (R)-13-Li issue de l'abstraction du protonpro-R
de 13.
s-Buli, (-)-spartéine M pentane/ ~78°C
(R)-13-Li
Schéma 2. 10
(5)-15
/
73% rdt 52% ee
Parallèlement
à
ces travaux, Hodgson28 décrit en 1998 la désymétrisation d'époxydes cycliques de taille moyenne (i.e C71 Cs, C9 et C10) via des insertions C-H transannulaires. Parmi ces époxydes, l'oxyde de cis-cyclooctène 16 est utilisé comme substrat de référence pour ce type de transformation. La combinaison de (-)- spartéine et de f-Prli conduità
la formation de l'alcool bicyclique (2.5)-17 énantiomériquement enrichi. Le composé 17 est obtenu avec un rendement de 86%et un excès énantiomérique de 84% (Schéma 2. 11). Le chemin réactionnel de 16 est identique à celui réalisé avec 13 (Schéma 2. 10) où l'intermédiaire synthétique 16-Li est représenté dans le Schéma 2. 11. Dans les mêmes conditions opératoires, les alcools (2.5)-19 et (2.5)-21 issus du réarrangement de l'oxyde du cyclononène 18 et du cyclodécène 1.Q, sont obtenus également avec des excès énantiomériques respectifs de 83% et 77%. Ces transformations peuvent avoir lieu puisque dans tous les cas la liaison C-H subissant l'insertion est
à
proximité du centre réactif. Notons que la réaction avec l'oxyde de cyclododécène ne conduit pasà
l'adduit bicyclique mais majoritairementà
l'alcool allylique. L'emploi d'organolithiens secondairescomme le s-Buli ou le f-Prli est indispensable pour une bonne discrimination entre les deux protons énantiotopiques. En effet tout comme Beak,29 Hodgson observe que l'emploi d'organolithiens tertiaires (i.e t-Buli) conduit à de faibles énantiosélectivités, voire une absence totale d'induction dans le cas de
!fi.
où le composé bicyclique 17 est obtenu sous sa forme racémique.f-Prli/ (-)-spartéine
Etp/ -98°C
16-Li
f-Prli/ (-)-spartéine
Etp/ -98°C 18
f-Prli/ (-)-spartéine
Et20/ -98°C 20
Schéma 2. 11
SH
(25)-17
clSf
6H(25)-li
cO
6H (25)-1186% rdt 84%ee
77% rdt 83% ee
77% rdt 83% ee
L'emploi de (-)-spartéine 14 comme ligand chiral mène à une lithiation préférentielle sur le stéréocentre pro-R de !'époxyde (à des degrés variés, dépendant de la nature du substrat), générant ainsi les époxydes lithiés décrits selon le modèle de 13-Li et 16-Li. Bien que le ligand 14 ne possède pas réellement une symétrie de type C2, il peut néanmoins être considéré comme un ligand fonctionnant avec une symétrie C2.30 Sur cette base, un modèle général pour l'état de transition préférentiel de la déprotonation a des époxydes a été proposé par Hodgson25 (Figure 2. 1). Cet état de transition, sous contrôle cinétique, résulte de l'attaque de la base du stéréocentre pro-R de !'époxyde, positionné le plus proche dans l'espace de la liaision C-Li.
Abstraction du proton pro-R par la base
Figure 2. 1
Comme nous l'avons vu précédemment, la formation d'alcools allyliques optiquement actifs obtenus en présence d'amidures de lithium chiraux est extrêmement répandue et suscite un très grand intérêt de la part de différents groupes de recherche.31 Kissel, Rickborn ainsi que Boeckman ont observé qu'en présence de n-Buli, l'oxyde du cyclohexène 22 conduit au cyclohex-2-én-1-ol sous sa forme racémique (rac-23). Sur l'observation de ces résultats, Hodgson29 publie les premiers résultats de l'isomérisation de 22 en présence de s-Buli/ ligand chiral 14 (Schéma 2. 12).
C);o
Et20, -78°C s-Buli/ 16 à t.a.u
OH +dî
+a.c
OH22 (5)-23 (R)-24 25
24% rdt 33% rdt 13% rdt
20% ee Schéma 2. 12
Le substrat 22 ne subit pas une déprotonation a exclusive menant à (5)-23.
En effet, la série de réarrangements sur des époxydes
à
petits cycles conduità
deux sous-produits de la réaction: le produit d'élimination (R)-24 et le produit 25 issu de l'addition directe de la base sur le cycle époxyde. Plus récemment, selon la même méthodologie, Hodgson a travaillé sur de nombreux autres dérivés avec succès.32Ce type de réaction est très utilisé comme étape clé pour la synthèse totale de produits naturels biologiquement actifs. Parmi ces applications, nous pouvons mentionner la synthèse de la (-)-xia/enon A, préparée via une désymétrisation énantiosélective de 16 substitué en utilisant la combinaison organolithien/ (-)-a- isospartéine.33 Le Schéma 2. 13 ci-dessous montre explicitement l'application de la
désymétrisation énantiosélective par déprotonation a des époxydes et leur réarrangement dans la synthèse de la xia/enon A.
yq ..
0 .,OHHO
~
(-)-xialenon A
H 0
ill"'ÜH
OR
OR~
RO~O
RO~
R
=
t-BuMe2Siw
OR OR
OR
çp
ORt
Etape clé:
réarrangement de !'époxyde via
une a déprotonation énantiosélective
Schéma 2. 13
2.1.4 Désymétrisation par substitution énantiosélective
Dans les exemples précédents, nous avons considéré la désymétrisation d'époxydes achiraux par déprotonation a ou
f3
avec des amines chirales comme source externe de chiralité. Pour accomplir des réactions de désymétrisation énantiosélective en une opération synthétique, il faut créer une différenciation entre deux groupes fonctionnels énantiotopiques. Ainsi, dans une deuxième approche, la substitution nucléophile peut conduire en présence de ligands ou catalyseurs chiraux à des produits énantio-enrichis. De nombreux exemples dans la littérature traitent de l'ouverture de cycle d'époxydes mésp par des nucléophiles carbonés et non carbonés. Parmi les nombreuses références décrites pour ces types de réaction, seuls les exemples où les produits des réactions présentent des unités synthétiques potentiellement utiles ont été sélectionnées.2.1.4.1 Substitution par des nucléophiles non carbonés 2.1.4.1.1 Les thiols
A partir de 1988, les premières substitutions énantiosélectives de nucléophiles non carbonés sur des époxydes mésa ont été décrites par Yamashita.34 Elles font appel
à
des complexes de métaux dérivés du tartrate pour catalyser l'addition de thiols (Schéma 2. 14). Des complexes de Mn(II) sont utilisés mais les meilleurs résultats sont obtenus en présence de Zn(II). Dans ces réactions, les ions métalliques actifs sont le Zn2+ et le Mn2+ qui présentent des électronégativités voisines,35 respectivement 8.0 et 7.5. D'autres ions méta.lliques avec des électronégativités plus basses ou plus hautes que celles mentionnées ne montrent aucune activité catalytique. La substitution du 1,2-époxycyclohexane 22 et du 1,2- époxycyclopentane 26 par le n-BuSH en présence de D-tartrate conduit aux ~hydroxy thioéthers 28 et 27 substitués en position 2 avec de bonnes énantiosélectivités, respectivement 85% et 72%. Parmi les différents thiols testés, leur réactivité diminue avec chaque époxyde dans l'ordre suivant: p-toluènethiol<
phénylméthanethiol< 1-butanethiol. Cet ordre peut être assigné
à
l'ordre inverse des densités d'électrons sur leurs atomes de soufre.(ÇPa
26 n=O 22 n=l
n-BuSH
Zn(II), D-tartrate (10% mol)
Schéma 2. 14
(lR, 2RJ-27 30% rdt, 72% ee (lR, 2RJ-28 82% rdt, 85% ee
En 1998, Jacobsen36 utilise des complexes salen de chrome (III) pour promouvoir l'addition de thiols sur des époxydes mésa. Cependant, l'utilisation de monothiols simples tel que le phénylméthanethiol fournit des produits désymétrisés avec des énantiosélectivités modérées. Pour augmenter l'énantiosélectivité dans ces réactions de substitution, l'utilisation de dithiols comme nucléophiles conduit à de meilleurs résultats. Ainsi, la réaction en présence d'une large gamme d'époxydes méso cycliques et de p-xylène-a,a'-dithiol 29 résulte en la formation de produits d'ouverture avec d'excellents degrés de sélectivité (Schéma 2. 15).
TBME, t.a.
9
SH
~ +
/ /
(R,R)-30 (2% mol)
HS
H 0
1H
_;=(Nc(Nh
'Bu
~o' c1'0-µ--.
isu'Bu isu
(R,R)-J..Q
QH
X rdt
CH2CH2 95
CH2 95
N-Boc 84
0 69
TIPSOD
~s Na/NH3
a
"'s~ OTIPS THFSchéma 2. 15
+
n:n
1.8:1 2.8:1 2.1:1 2.2:1
SH a :OTIPS
OH
31 ee (%)
85 93 89 91
90% rdt 99%ee
Les produits hydroxy-sulfures peuvent être ensuite facilement réduits en hydroxy-thiols protégés
I l
en présence de sodium dans l'ammoniac. Les hauts excès énantiomériques obtenus pour les sulfures.3!
de symétrie C2 sont une conséquence de la formation de quantités importantes de composés mésa 32.Des complexes hétérobimétalliques peuvent également jouer le rôle de catalyseurs dans les réactions de substitutions énantiosélectives d'époxydes méso par des thiols37 (Schéma 2. 16). La réaction du 1,2-époxycyclohexane 22 avec le 2- méthylpropane-2-thiol en présence de 10% molaire du complexe Ga-Li-bis(oxyde de binaphtyle) ~à température ambiante conduit à l'hydroxy-sulfure 35 correspondant avec 80% de rendement et 98% d'excès énantiomérique. La présence de 20%
molaire de tamis moléculaire est nécessaire dans cette réaction pour obtenir de bons rendements en produits d'ouverture.
+
98% ee
10 mol% (R)-34 t-BuSH
4 Â MS (20% mol), Toluène, t.a.
a OH
,, ,, S-tBu 91% ee
(R)-34
r("'y- OH
!(_).,,,,
5-iBu950/oee
Schéma 2. 16
96%ee R
=
Sit-Bu(Ph)iLe procédé est applicable
à
un grand nombre de substrats mais reste limiter quant au choix du nucléophile car seul le 2-méthylpropane-2-thiol permet une substitution efficace. Une hypothèse mécanistique a été formulée par Shibasaki:37 le centre gallium agità
la fois comme un acide de Lewis pour l'activation de !'époxyde combiné avec le dérivé lithié du binaphtyle qui joue le rôle de base de Lewis et d'activateur du thiol. L'utilité synthétique du système de Shibasaki a trouvé une application directe dans la synthèse de précurseurs de prostaglandines.372.1.4.1.2 Les nucléophiles azotés
Les premiers exemples d'ouverture énantiosélective d'époxydes achiraux avec des nucléophiles azotés ont été reportés par Yamashita35'38
en 1987. Il utilise l'azoture de triméthylsilyle comme nucléophile non basique en combinaison avec des complexes de Zn(II) et Cu(II)
à
base de tartrate pour donner des alcools de stéréochimietrans
substitués en position 2 par un azoture avec des sélectivités modérées (Schéma 2. 17).Zn(II) (2R,3R)-tartrate (0.1 éq.) Benzène, t.a., 14 jours
Schéma 2. 17
(YOSIMe3
v '''N 3
96% rdt 42% ee
L'époxyde 22 peut également conduire au trans-2-azidocyclohexanol en utilisant du Ti(Oi-Pr)4 en présence de diols chiraux ou aminoalcools,39 ou encore du TiCl2(0f-Pr)4 avec du di-te!Fbutyl-tartrate~40 Les premières sélectivités appréciables ont été obtenues par Nugent41 en 1992 avec un catalyseur de zirconium à base du ligand tridentate l§ (Schéma 2. 18). Le système utilisant le complexe chiral de zirconium(IV) de symétrie C3 comme catalyseur aboutit
à
une sélectivité optimale lors de l'utilisation de l'azoture de diméthylisopropylsilyle comme nudéophile. La réaction peut s'étendre de l'oxyde du cyclohexane 22 à d'autres époxydes cycliques et acycliques, avec un exemple notable lors de l'emploi de l'oxyde du but-2-ène qui conduit au produit d'ouverture désiré avec une induction asymétrique remarquable de 87%.):o
R
93 % ee
(~-Zr-OH)i-t-BuOH i-PrMe2SiN3, TMS-TFA
Ho'"~
MeQH
N : (~Me Me).'''OH3.§, LH3
o:OH
N3
89 % ee
Schéma 2. 18
):OH
N3 87 % ee
Afin de mieux comprendre le mécanisme de la réaction et le rôle exact tenu par le catalyseur, des recherches concernant le mécanisme ont été faites.42 Les
complexes actifs forment des aggrégats sous forme de dimères. Il est également proposé que l'activité catalytique nécessite l'intervention de deux centres zirconium :
!'époxyde est lié au premier centre tandis que le deuxième centre métallique libère l'azoture pour ouvrir !'époxyde comme indiqué sur le Schéma 2. 19.
N 3 ,
OO
\
('\./L *Zr ZrL *(OR)
\._,/
Schéma 2. 19
NK 3/'\
I(RO)L*Zr ZrL *
v
Jacobsen et coll.43 ont développé un système hautement sélectif pour l'addition d'azotures sur des époxydes méso. Dans ce cas de figure, 2% molaire du complexe de salen chrome (III) (R,R)-ll, de symétrie C2, catalyse efficacement l'addition de TMSN3 sur les époxydes méso
à
température ambiante (Schéma 2. 20).La réaction peut également être réalisée sans solvant avec aucune modification significative sur la sélectivité du procédé.
TMSN3
1) (R,/(J-37 (2% mol)
Et20, ta
2) CSA, MeOH
H Q .•H
riN, _,Nh
t-Bu~o'~~'o--p-t-Bu
t-Bu t-Bu (R,/{)-37
O:N' aN, o :XN'
TFA-N8:N' M e xN
3OH OH OH OH Me OH
88 % ee 94 % ee 98 % ee 95 % ee 81 % ee
Schéma 2. 20
Des études cinétiques concernant le déroulement de la réaction ont été menées par Jacobsen.44 Il démontre que la réaction est de deuxième ordre par rapport au catalyseur, ce qui indique que le complexe de [Cr(salen)]-37 intervient au niveau de l'activation de !'époxyde en tant qu'acide de Lewis mais également comme nucléophile (Schéma 2. 21).
R
odJ '---_Nu
1 X
-==l_
--X~X) * ~X )*
Activation (acide de Lewis)
Transfert du nucléophile Schéma 2. 21
Les alcools chiraux substitués en position 13 par un groupe azoture et produits au cours de ces réactions d'ouverture de cycles sont des accès faciles à la fabrication de synthons optiquement actifs pouvant servir comme intermédiaires clés dans la synthèse totale de la Balanol,45 de prostaglandines46 ou encore de la Carbovir.47
En 2003, Zhu et Pan48•49 présentent la première réaction énantiosélective d'isocyanosilylation obtenue par l'ouverture asymétrique d'époxydes
méso
en utilisant de nouveaux complexes organogallium et indium chiraux comme catalyseurs. De hautes sélectivités (95% ee) sont obtenues dans le cas de l'utilisation de 22 comme substrat de départ.2.1.4.1.3 Les nucléophiles oxygénés
Le complexe [Co(II)(salen)]-~ est un catalyseur efficace pour la substitution énantiosélective de différents époxydes
méso
avec l'acide benzoïque. Dans tous les cas, les adduits issus de cette ouverture sont obtenus sous la forme de benzoates de trans-2-hydroxycycloalcane 39 avec de bonnes énantiosélectivités et des rendements quasi-quantitatifs (Schéma 2. 22).50 Le complexe Co(II)-38 agit comme précatalyseur et les espèces Co(III) sont décrites comme catalyseurs actifs de la réaction.PhC02H , i..Pr2NEt (S,.5)-38 (2.5-5% mol)
(S,.5)-~
o:OCOPh CXOCOPh MexOCOPh PhxOCOPh
gxOOOPh
'OH OH Me ''OH Ph ''OH OH
~
770/oee 55% ee 73% ee 95% ee 93% ee
Schéma 2. 22
2.1.4.1.4 Les halogénures
En 1988, Yamamoto51 et Brown52 réalisent l'ouverture d'époxydes méso
à
l'aide de complexes d'aluminium et de bore pour générer des halohydrines avec de bons excès énantiomériques. Les meilleurs résultats en terme de sélectivité et de rendement sont obtenus lors de l'utilisation de l'iodure comme nucléophile.
Les exemples de catalyse pour l'ouverture du cycle impliquent principalement une activation de !'époxyde par un acide de Lewis. Néanmoins le système récemment développé par Denmark53 fait appel
à
l'addition énantiosélective de l'ion chlorure catalysée par une base de Lewis formelle. La réaction du tétrachlorure de silicium avec un époxyde méso en présence de 10% molaire de phosphoramidite chiral 40 conduità
des chlorohydrines 41 avec des énantiosélectivités variant de modéréesà
bonnes selon la nature du substrat (Schéma 2. 23) où les plus hauts niveaux de sélectivité proviennent d'époxydes en série acyclique.
52% ee
SiCl4, 40 (10% mol)
/Me N'- /.0
/p~o
N\ N Me 40 Cl OBn OBn OH
H
710/oee Schéma 2. 23
2.1.4.2 Substitution par des nucléophiles carbonés
ÇI PhAyPh
OH 87% ee
La formation de liaison carbone-carbone par l'addition d'un nucléophile carboné est possible. Davies et Wollwitz54 réalisent en 1980 l'ouverture de l'oxyde de cyclohexène 22 avec des méthylcuprates et des réactifs de Grignard en présence de ligands chiraux tels que la (-)-éphédrine pour donner le trans-2-méthylcyclohexanol
~ avec une sélectivité médiocre de 4% et un rendement de 39% (Schéma 2. 24).
Synthétiquement ce premier résultat est intéressant car il a montré que l'ouverture des époxydes
via
la complexation d'une base chirale liée de façon covalenteà
un organocuivreux était possible.Ligand
MeM/ CuLi (M=Li ou MgBr)
Schéma 2. 24
CX
OH MeLa substitution du Meli par le MeMgBr pour générer le cuprate a permis d'améliorer le rendement de la réaction jusqu'à 60%. Dans ces conditions la sélectivité de la réaction ne subit pas de variation significative. A partir de 1996,
Tomioka55•56 développe une stratégie efficace
à
partir d'organolithiens par complexation de diéthers et polyéthers chiraux avec un acide de Lewis. Ainsi!'époxyde 22 conduit au 2-phénylcyclohexan-1-ol 43 avec des excès énantiomériques pouvant atteindre 47% (Schéma 2. 25,
entrée
1).En 1998, toujours selon le même axe de recherche Oguni57 montre la possibilité que le phényllithium peut former un système catalytique stable et efficace en présence de 5% molaire d'une base de Schiff chirale 44 dérivée du tert-leucinol.
Son système est performant: !'époxyde ne nécessite pas d'activation par un acide de Lewis et ici le catalyseur actif est décrit comme étant l'alcoolate de lithium. L'adduit
~ est alors formé quantitativement avec un excès énantiomérique de 90% (Schéma 2. 25,
entrée
2). Parallèlement, Alexakis58 réalise une activation de !'époxyde par coordination sur l'atome d'oxygène avec un acide de Lewis dur (BF3.Et20) et la (-)- spartéine 14 en quantité stoechiométrique (ligand connu comme beaucoup plus efficace pour l'ouverture d'époxydes avec des organolithiens). En absence d'acide de Lewis, il est déjà connu que l'ouverture nucléophile d'époxydes est une réaction très lente.59 Dans le cas du naphtalène de lithium employé comme nucléophile, de BF3.Et20 et de spartéine, une haute sélectivité est obtenue (87% ee) avec le toluène comme solvant dans la réaction de désymétrisation de 22 en 45 (Schéma 2. 25,entrée
3). Même si les ligands sont considérés comme de fortes bqses de Lewis, un bon rendement de 87 % est obtenu.Ph Ph Ph Ph Ph
H
ouHr-<
MeO
Oo
+ Ph li-~
Oo
+ Ph li22
Oo
+ 1-NaphliOMe MeO 0
BF3.0Bu2 Toluène, -78°C
~
t-But-Bu.,'(N OH
~ OH
5 mol %44 Hexane, t.a.
d5P
H -(-)-spartéine .M:
BF3.0Et2
Etp, -78°C
OMe
Schéma 2. 25
ex
PhOH
CX
'OH Na ph90-99% rdt 470/oee
100% rdt 900/oee
87% rdt 87% ee
(1)
(2)
(3)
Enfin les derniers exemples qui concernent la création énantiosélective de liaisons C-C à travers l'ouverture d'époxydes
méso
est accessiblevia
l'addition du groupe cyanure du TMSCN. Parmi les derniers exemples publiés, Jacobsen et Schaus60 ont montré que des lanthanides (III) (i.e Yb(Cl)3) complexésà
des pyridines bis(oxazolines) tels que 46, peuvent catalyser efficacement l'ouverture énantiosélective des époxydesméso
par TMSCN avec des excès énantiomériques atteignant 92% selon le substrat engagé dans la réaction (Schéma 2. 26).CXOTMS
CN
91 % ee
Pybox-46, YbCl3 (5% mol.)
TMSCN -45 °C / CHCl3
o A a
~N N-2
Ph . 46 Ph
92 % ee
Schéma 2. 26
87 % ee 90 % ee
La construction de carbones tertiaires chiraux dans les réactions d'ouverture énantiosélective a connu une plus grande expansion à partir d'hétéroatomes comme nucléophiles qu'a paritr de nucléophiles carbonés. A notre connaissance, les méthodes qui offrent l'accès à la formation directe de liaisons carbone-carbone sont encore limitées. Le choix du nucléophile est plus complexe car il doit être suffisamment réactif pour permettre l'ouverture de cycle mais également être adéquat avec le catalyseur employé.
2.2 Désymétrisation d'aziridines méso 2.1.1 Généralités
Du fait que les aziridines soient souvent décrites comme les analogues azotés des époxydes, elles ont suscité l'intérêt des chimistes organiciens. Comme il a été illustré au paragraphe 2.1, les époxydes ont donné lieu à une multiplicité de réactions mais nous verrons au travers de cette section que l'intérêt qui a été dédié aux aziridines est moins marqué que celui de leurs analogues oxygénés. Cependant, à cause de l'intérêt émergeant sur les composés organiques contenant l'azote et l'utilité potentielle de la chimie d'ouverture de cycle aziridine, on trouve dans la littérature en terme de revues sur les aziridines environ 23 publications depuis 2000.
Des revues antérieures relatant leurs propriétés physiques,61 la synthèse (asymétrique62 et autres63), les réactions64 et leur utilité étaient déjà référencées.