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Le carbone dans le brouillard Michel Husson,

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Le carbone dans le brouillard

Michel Husson, Regards, octobre 2009

Le rapport Rocard (*) s’était calé sur les objectifs européens (-14 % d’émissions en 2020 par rapport à 2005) et avait fixé le prix du carbone à 32 euros la tonne. Sarkozy a tranché en choisissant un prix de 17 euros la tonne (la moitié + 1). C’est moins que le prix, déjà très bas, et stagnant, du prix du carbone sur le marché des permis d’émissions. Calcul de coin de table : à 17 euros, les objectifs ne seront donc réalisés qu’à 53 % (17/32). Telle est la vraie question, celle de l’adéquation des politiques menées et des outils utilisés à l’objectif fixé par le GIEC d’une division par 4 des émissions à l’horizon 2050.

En 2006, les émissions gaz à effet de serre ont été en France de 541,3 mTec (millions de tonnes équivalent carbone) soit un peu moins (4 %) que la moyenne des années 90. Pour les diviser par 4, il faudrait les faire baisser à 135 mTec en 2050. Mais d’ici là, le Pib aura augmenté de 50 %, même avec une croissance faible de 1% par an, et de 125 % si cette croissance revenait à 2 %. L’intensité d’émission de gaz à effet de serre devrait baisser de 0,343 Tec pour 1000 euros de Pib en 2006 à 0,056 en 2050, soit une division par 6 (et par presque 9 pour une croissance de 2 %). Cela équivaut à une baisse de 5 % chaque année à partir de 2020, alors qu’on est aujourd’hui sur un rythme de 2%. Or, il est logique de penser que les réduction d’émissions seront plus difficiles à mesure que l’on s’éloignera de leur niveau actuel.

Peut-on y arriver en jouant sur le prix du carbone ? C’est ce que postulent les modèles utilisés par les rapports Quinet et Rocard : ils calculent le prix du carbone permettant d’atteindre un objectif donné de volume d’émission. L’idée de base est la suivante : l’augmentation du prix du carbone conduit les agents économiques à modifier leurs comportements de manière à réduire le poids de cette taxe. Par exemple, une entreprise soumise à la taxe carbone (ou à des quotas d’émission) va être incitée à adopter des processus de production moins polluants qui vont lui permettre d’alléger sa facture fiscale en en réduisant l’assiette. Les ménages utiliseront moins leur voiture, procéderont à des travaux d’isolation des logements, choisiront des équipements ménagers moins voraces, etc. Tout repose ici sur un postulat de « substituabilité » à peu près illimitée : pour tout objectif de réduction des émissions, il existe toujours un procédé alternatif permettant de l’atteindre. Il suffit d’émettre le bon « signal prix ».

Certes, la substitution fonctionne : ainsi, la France a émis en 2006 un peu moins qu’en 1990, pour un Pib supérieur d’un tiers. Mais au-delà d’un certain seuil, on passe du domaine de la « substituabilité » à celui de la « complémentarité ». Concrètement cela veut dire que les économies d’énergie atteignent une limite : on ne sait pas produire une tonne d’aluminium ou une automobile avec quatre fois moins d’énergie qu’aujourd’hui, et il est probable qu’on ne saura jamais le faire. A moins de supposer que de nouvelles sources d’énergie encore inconnues seront découvertes, on ne peut donc compter sur un effet prix illimité. Il arrive un moment où le prix du carbone peut être aussi élevé qu’on veut, sans que les agents disposent réellement d’alternatives. La taxe ne peut plus alors jouer son rôle d’incitation et va seulement faire monter les prix des activités les plus coûteuses en énergie. Cela peut avoir à son tour un effet sur la demande, mais là aussi on se heurte à des limites.

Bref, les objectifs fixés par le GIEC sont hors d’atteinte, sans un véritable bouleversement des modes de production et de consommation qui ne peut être obtenu seulement par un guidage fiscal. Il suppose une planification écologique et une réorientation de l’activité vers une société du temps libre donnant la priorité à une satisfaction non marchande des besoins sociaux. Mais c’est une logique que le capitalisme ne peut faire sienne. Pour ne prendre qu’un exemple, des biens d’équipement à longue durée de vie, modulaires et réparables, conduiraient à un ralentissement drastique de la rotation du capital et donc à une réduction du taux de profit. Conclusion : les programmes écologiques fondés sur des mécanismes marchands sont sous- dimensionnés par rapport à l’ampleur du défi climatique. Leur véritable objectif est au fond de faire garantir par l’Etat la rentabilité de secteurs capitalistes sur lesquels on compte pour relancer la machine, quitte à introduire de nouvelles sources d’inégalités.

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(*) bibliographie :http://hussonet.free.fr/enereco.htm

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